Corte europea dei diritti dell’uomo
(Sezione II), 20 gennaio 2009
(requête no 75909/01 )
AFFAIRE SUD FONDI SRL ET AUTRES c. ITALIE
DÉFINITIF
20/04/2009
Cet
arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Sud Fondi srl et autres
c. Italie,
La Cour européenne des droits de
l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Françoise Tulkens,
présidente,
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 décembre 2008,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de
l’affaire se trouve une requête (no 75909/01) dirigée contre la
République italienne et dont trois sociétés basées dans cet Etat, Sud Fondi srl, MABAR srl et IEMA srl (« les
requérantes »), ont saisi la Cour le 25 septembre 2001 en vertu de l’article
34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (« la Convention »). Il ressort du dossier que la
première requérante est en liquidation.
2. Les requérantes sont
représentés par Me A. Giardina, Me Francesca Pietrangeli
et Me Pasquale Medina, avocats à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté
par son agent, Mme E. Spatafora, et par son coagent adjoint, M. N. Lettieri.
3. Les requérantes alléguaient en particulier que la
confiscation dont elles ont fait l’objet est incompatible avec l’article 7 de
la Convention et l’article 1 du Protocole no1.
4. Par une décision du
23 septembre 2004, la Cour a déclaré la requête partiellement irrecevable. Le
30 août 2007, la Cour a déclaré recevable le restant de la requête.
5. Tant les requérantes que le Gouvernement ont déposé des
observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du
règlement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Les requérantes, trois sociétés ayant leur siège à Bari,
étaient propriétaires des constructions et terrains objets de la requête.
A. L’adoption des conventions de lotissement
7. La société Sud Fondi srl (infra « la première
requérante ») était propriétaire d’un terrain sis à Bari, sur la côte de
Punta Perotti,
classé comme constructible par le plan général d’urbanisme (piano regolatore
generale), et destiné à être utilisé dans le secteur tertiaire par les
dispositions techniques du plan général d’urbanisme.
8. Par l’arrêté no
1042 du 11 mai 1992, le Conseil municipal de Bari approuva le projet de
lotissement (piano di lottizzazione) présenté par cette société
relativement à une partie de son terrain, dont la surface globale était de
58 410 mètres carrés. Ce projet – qui avait été pré-adopté le 20 mars 1990
- prévoyait la construction d’un complexe multifonctionnel, à savoir
d’habitations, bureaux et magasins.
9. Le 3 novembre 1993,
la première requérante et la Mairie de Bari conclurent une convention de
lotissement ayant pour objet la construction d’un complexe de 199 327
mètres cubes ; en contrepartie la requérante céderait à la municipalité
36 571 mètres carrés dudit terrain.
10. Le 19 octobre 1995,
l’administration municipale de Bari délivra le permis de construire.
11. Le 14 février 1996,
la première requérante entama les travaux de construction, qui furent en grande
partie terminés avant le 17 mars 1997.
12. Par l’arrêté no
1034 du 11 mai 1992, le Conseil municipal de Bari approuva un projet de
lotissement (qui avait été pré-adopté le 20 mars 1990) concernant la
construction d’un complexe multifonctionnel à réaliser sur un terrain de 41 885
mètres carrés classé comme constructible par le plan général d’urbanisme et
limitrophe à celui de propriété de la société Sud Fondi srl. Les sociétés MABAR srl et IMCAR srl étaient
propriétaires, respectivement, de 13 095 mètres carrés et 2 726
mètres carrés de ce terrain.
13. Le 1er décembre 1993, la société MABAR srl (infra
« la deuxième requérante ») conclut avec l’administration municipale
de Bari une convention de lotissement prévoyant la construction d’habitations
et bureaux pour 45 610 mètres cubes ; elle céderait à la municipalité
6 539 mètres carrés de terrain.
14. Le 3 octobre 1995,
la Mairie de Bari délivra le permis de construire.
15. La deuxième
requérante entama les travaux de construction ; il ressort du dossier
qu’au 17 mars 1997, seules les fondations des bâtiments avaient été réalisées.
16. Le 21 juin 1993, la
société IMCAR srl conclut avec l’administration municipale de Bari une
convention de lotissement prévoyant la construction d’un complexe de 9 150
mètres cubes, ainsi que la cession à la municipalité de 1 319 mètres carrés de
terrain. Le 28 mars 1994, la société IMCAR srl vendit son terrain à la société
IEMA srl.
17. Le 14 juillet 1995,
la Mairie de Bari délivra à la société IEMA srl (infra « la
troisième requérante ») un permis de construire des habitations, des
bureaux et un hôtel.
18. La troisième
requérante entama les travaux de construction. Il ressort du dossier qu’au 17
mars 1997, une partie du complexe avait été terminée.
19. Entre-temps, le 10
février 1997, l’autorité nationale pour la protection du paysage (Sovrintendenza
per i beni culturali e ambientali) s’était plainte auprès du maire de Bari
de ce que les zones côtières soumises à une contrainte de paysage, telles
qu’elles ressortaient des documents annexés au plan urbain de mise en œuvre, ne
coïncidaient pas avec les zones marquées en rouge sur la planimétrie qui avait
été transmise en 1984.
20. Il ressort du
dossier qu’au moment de l’approbation des projets de lotissement litigieux,
aucun plan urbain de mise en œuvre (piano di attuazione) du plan général
d’urbanisme de Bari n’était en vigueur. En effet, le plan de mise en œuvre du 9 septembre 1986, en vigueur au
moment de la pré-adoption des projets, avait expiré le 9 septembre 1991. Antérieurement, la
ville de Bari avait élaboré un autre plan urbain de mise en œuvre, en vigueur
du 29 décembre 1980 au 29 décembre 1985.
B. La procédure pénale
21. A la suite de la
publication d’un article de presse concernant les travaux de construction
effectués à proximité de la mer à « Punta Perotti », le
27 avril 1996, le procureur de la République de Bari ouvrit une
enquête pénale.
22. Le 17 mars 1997, le
procureur de la République ordonna la saisie conservatoire de l’ensemble des
constructions litigieuses. Par ailleurs, il inscrivit dans le registre des
personnes faisant l’objet de poursuites pénales les noms de Michele Matarrese
Senior, Domenico Andidero et Antonio Quiselli, en tant que représentants
respectifs des sociétés Sud Fondi srl, MABAR srl et IEMA srl, ainsi
que les noms de trois autres personnes, en tant que directeurs et responsables
des travaux de construction. Le procureur de la République estimait que la
localité dénommée « Punta Perotti » était un site naturel protégé et que, par
conséquent, l’édification du complexe était illégale.
23. Les requérantes
attaquèrent la mesure de saisie conservatoire devant la Cour de cassation.
24. Par une décision du
17 novembre 1997, la Cour de cassation annula cette mesure et ordonna la
restitution de l’ensemble des constructions aux propriétaires, au motif que le
site n’était frappé d’aucune interdiction de bâtir par le plan d’urbanisme.
25. Par un jugement du
10 février 1999, le tribunal de Bari reconnut le caractère illégal des
immeubles à « Punta Perotti » puisque non conformes à la loi no 431 de
1985 (« loi Galasso »), qui interdisait de délivrer des permis de
construire relatifs aux sites d’intérêt naturel, parmi lesquelles figurent les
zones côtières. Toutefois, vu qu’en l’espèce l’administration locale avait bien
délivré les permis de construire, et vu la difficulté de coordination entre la
loi no 431 de 1985 et la législation régionale, qui présentait des
lacunes, le tribunal estima qu’il ne pouvait être reproché aux accusés ni faute
ni intention. Par conséquent, le tribunal acquitta tous les accusés à défaut
d’élément moral (« perché il fatto non costituisce reato »).
26. Dans ce même
jugement, estimant que les projets de lotissement étaient matériellement
contraires à la loi no 47 de 1985 et de nature illégale, le tribunal
de Bari ordonna, aux termes de l’article 19 de cette loi, la confiscation de
l’ensemble des terrains lotis à « Punta Perotti », ainsi que des
immeubles y construits, et leur acquisition au patrimoine de la Mairie de Bari.
27. Par un arrêté du 30
juin 1999, le Ministre du Patrimoine (« Ministro dei beni culturali »)
décréta une interdiction de construire dans la zone côtière près de la ville de
Bari, y compris « Punta Perotti », au motif qu’il s’agissait d’un site de haut
intérêt naturel. Cette mesure fut annulée par le tribunal administratif
régional l’année suivante.
28. Le Procureur de la
République interjeta appel du jugement du tribunal de Bari, demandant la
condamnation des accusés.
29. Par un arrêt du 5
juin 2000, la cour d’appel réforma la décision de première instance. Elle
estima que la délivrance des permis de construire était légale, en l’absence
d’interdictions de bâtir à « Punta Perotti » et vu l’absence
d’apparente illégalité dans la procédure d’adoption et approbation des
conventions de lotissement.
30. Par conséquent, la
cour d’appel acquitta les accusés au motif que l’élément matériel de
l’infraction faisait défaut (« perché il fatto non sussiste ») et
révoqua la mesure de confiscation de l’ensemble des constructions et terrains.
31. Le 27 octobre 2000,
le Procureur de la République se pourvut en cassation.
32. Par un arrêt du 29
janvier 2001, déposé au greffe le 26 mars 2001, la Cour de cassation cassa sans
renvoi la décision de la cour d’appel. Elle reconnut l’illégalité matérielle
des projets de lotissement, au motif que les terrains concernés était
frappés d’une interdiction absolue de construire et d’une contrainte de
paysage, imposées par la loi. A cet égard, la
cour releva qu’au moment de l’adoption des projets de lotissement (le 20 mars
1990), la loi régionale no 30 de 1990 en matière de protection du
paysage n’était pas encore en vigueur. Par conséquent, les dispositions
applicables en l’espèce étaient celles de la loi régionale no 56 de
1980 (en matière d’urbanisme) et la loi nationale no 431 de 1985 (en
matière de protection du paysage).
33. Or, la loi no 56 de 1980 imposait une
interdiction de construire au sens de l’article 51 F), à laquelle les
circonstances de l’espèce ne permettaient pas de déroger. En effet, les projets
de lotissement concernaient des terrains non situés dans l’agglomération
urbaine. En outre, au moment de l’adoption des conventions de lotissement, les
terrains concernés étaient inclus dans un plan urbain de mise en œuvre du plan
général d’urbanisme qui était postérieur à l’entrée en vigueur de la loi régionale
no 56 de 1980.
34. Enfin, la Cour de cassation releva qu’en mars 1992, soit
au moment de l’approbation des projets de lotissement, aucun programme urbain
de mise en œuvre n’était en vigueur. A cet égard la Cour rappela sa
jurisprudence selon laquelle il fallait qu’un plan urbain de mise en œuvre soit
en vigueur au moment de l’approbation des projets de lotissement (Cour de
cassation Section 3, 21.197, Volpe ; 9.6.97, Varvara ;
24.3.98, Lucifero). Ceci puisque – toujours selon la jurisprudence – une
fois un plan urbain de mise en œuvre expiré, l’interdiction de construire à
laquelle le programme avait mis fin redéployait ses effets. Par conséquent, il
fallait retenir l’existence de l’interdiction de construire sur les terrains en
cause, au moment de l’approbation des projets de lotissement.
35. La Cour de cassation retint également l’existence d’une
contrainte de paysage au sens de l’article 1 de la loi nationale no
431 de 1985. En l’espèce, l’avis de conformité avec la protection du paysage de
la part des autorités compétentes faisait défaut (à savoir il n’y avait ni le nulla
osta délivré par les autorités nationales et attestant de la conformité
avec la protection du paysage - au sens de l’article 28 de la loi no
1150/1942 - ni l’avis préalable des autorités régionales selon les articles 21
et 27 de la loi no 1150/1942 ou l’avis du comité régional pour
l’urbanisme prévu aux articles 21 et 27 de la loi régionale no
56/1980).
36. Enfin, la Cour de cassation releva que les projets de
lotissement ne concernaient que 41 885 mètres carrés, alors que, selon les
dispositions techniques du plan général d’urbanisme de la ville de Bari, la
surface minimale était fixée à 50 000 mètres carrés.
37. A la lumière de ces considérations, la Cour de cassation
retint donc le caractère illégal des projets de lotissement et des permis de
construire délivrés. Elle acquitta les accusés au motif qu’il ne pouvait leur
être reproché ni faute ni intention de commettre les faits délictueux et qu’ils
avaient commis une « erreur inévitable et excusable » dans
l’interprétation de dispositions régionales « obscures et mal
formulées » et qui interféraient avec la loi nationale. La Cour de
cassation prit également en compte le comportement des autorités
administratives, et notamment le fait que, à l’obtention des permis de
construire, les requérantes avaient été rassurés par le directeur du bureau
communal compétent ; que les interdictions visant la protection des sites
contre lesquelles le projet de construction se heurtait ne figuraient pas dans
le plan d’urbanisme ; que l’administration nationale compétente n’était
pas intervenue. Enfin, la Cour de cassation affirma qu’en l’absence d’une
enquête portant sur les raisons des comportements tenus par les organes
publics, il n’était pas permis de faire des suppositions.
38. Par le même arrêt, la Cour de cassation ordonna la
confiscation de l’ensemble des constructions et des terrains, au motif que,
conformément à sa jurisprudence, l’application de l’article 19 de la loi no
47 de 1985 était obligatoire en cas de lotissement illégal, même en l’absence
d’une condamnation pénale des constructeurs.
C. Les développements postérieurs à l’issue de la procédure
pénale
39. Le 23 avril 2001, l’administration municipale communiqua
aux requérantes qu’à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier
2001, la propriété des terrains dédites sociétés sis à « Punta Perotti »
avait été transférée à la municipalité.
40. Le 27 juin 2001,
l’administration municipale de Bari procéda à l’occupation matérielle des
terrains.
41. Des tiers dont les terrains étaient concernés par le
projet de lotissement se virent également privés des terrains par l’effet de la
confiscation.
42. Les requérantes, ainsi que des tiers qui n’avaient jamais
fait l’objet de poursuite pénale, introduisirent un recours en opposition pour
tenter de bloquer l’exécution de l’arrêt de la Cour de cassation pénale, qui
avait ordonné la confiscation. Le recours des requérantes fut rejeté par le
tribunal de Bari et puis par la Cour de cassation le 27 janvier 2005. L’État
introduisit également un recours en opposition pour éviter que des biens lui
appartenant ne soient confisqués au bénéfice de la ville de Bari. Par une
décision du 9 mai 2005, la Cour de cassation rejeta le recours, au motif que la
confiscation devait frapper toute la zone concernée par le projet de
lotissement, y compris les lots non construits et les lots qui n’avaient pas
encore été vendus, étant donné que tous ces terrains avaient perdu leur
vocation et destination d’origine à cause du projet de lotissement litigieux.
43. En avril 2006 les immeubles érigés par les requérantes
furent démolis.
44. Entre-temps, le 28
janvier 2006, Sud Fondi avait saisi le tribunal civil de Bari d’une demande en
dommages-intérêts dirigée contre le Ministère des biens culturels, la région
des Pouilles et la ville de Bari, autorités auxquelles elle reprochait pour
l’essentiel d’avoir accordé des permis de construire sans la diligence requise
et d’avoir garanti que tout le dossier était conforme à la loi. La requérante
demandait 150 000 000 EUR correspondant à la valeur actuelle du
terrain confisqué, plus 134 530 910,69 EUR pour dommage ultérieur,
152 332 517,44 EUR pour manque à gagner et 25 822 844,95 EUR
pour dommage immatériel. En outre, ses associés
(Matarrese) demandaient un dédommagement pour atteinte à leur réputation.
45. Les parties ont indiqué que MABAR a intenté une procédure
séparée pour demander les dommages à l’égard des mêmes autorités, et que IEMA
n’a pas saisi les tribunaux nationaux, elle s’est bornée à envoyer un courrier
aux autorités concernés.
46. Les 28 mars, 7 avril et 7 juin 2006, les requérantes ont
déposé des articles de presse portant sur la démolition des bâtiments et
mentionnant une procédure en dommages-intérêts intentée par la famille
Matarrese. En particulier, un article paru le 26 avril 2006 dans La Stampa
informait les lecteurs qu’une demande en dommages-intérêts à concurrence de 570
millions d’euros avait été adressée à la ville de Bari et que celle-ci avait répliqué
en demandant en dédommagement à concurrence de 105 millions d’euros pour
atteinte à l’image de la ville.
47. Le 10 mars 2008, le
Gouvernement a transmis un article de presse, paru à une date non précisée,
duquel il ressort qu’après la décision sur la recevabilité, la Cour a invité
les parties à trouver un accord amiable ou à lui soumettre une demande en
dommages-intérêts. L’article indique que « si Matarrese (Sud Fondi)
semble avoir l’intention de réclamer quelques centaines de millions d’euros, le
Gouvernement n’entend même pas faire une proposition (......). L’article
indique ensuite : « Nous ne donnerons aucun euro et nous n’adhérons pas
à la proposition » et puis : La défense du Gouvernement à
Strasbourg (c’est un magistrat) se plaint de ne pas avoir reçu toute la
documentation sur l’affaire (...). En particulier, la nouvelle qu’une procédure
en dommages-intérêts au plan national avait été intentée ne lui serait pas
parvenue. Autrement, cette nouvelle aurait pu amener la Cour à décider
autrement sur la recevabilité de la requête.
48. Le 9 avril 2008,
dans le cadre d’un procès pénal ne concernant pas les requérantes, la cour
d’appel de Bari – ayant pris bonne note de ce que la présente requête avait été
déclarée recevable par la Cour – a saisi la Cour constitutionnelle pour que
celle-ci se prononce sur la légalité de la confiscation infligée
automatiquement même dans le cas ou aucune responsabilité pénale n’a été
constatée.
II. LE DROIT ET LA
PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Les dispositions
permettant d’apprécier le caractère abusif du lotissement
La loi no 1497 de 1939
49. La protection des
lieux pouvant être considérés comme sites naturels remarquables (bellezze
naturali) est réglementée par la loi no 1497 du
29 juin 1939, qui prévoit le droit de l’Etat d’imposer une
« contrainte de paysage » (vincolo paesaggistico) sur les
sites à protéger.
Le Décret du Président de la
République no 616 de 1977
50. Par le Décret du Président de la République, DPR no
616 du 1977, l’Etat a délégué aux Régions les fonctions administratives en
matière de protection des sites naturels remarquables.
La loi no 431 de 8 août 1985 (Dispositions urgentes en matière des sites
présentant un grand intérêt pour l’environnement).
51. L’article 1 de cette loi soumet à des
« limitations visant à protéger le paysage et l’environnement au sens de
la loi no 1497 de 1939 (vincolo paesaggistico ed ambientale),
entre autres, les zones côtières situées à moins de 300 mètres de la ligne de brisement
des vagues, même pour les terrains surplombant la mer. »
Il en découle l’obligation de demander aux autorités compétentes un avis
de conformité avec la protection du paysage de tout projet de modification des
lieux.
« Ces limitations ne s’appliquent pas aux terrains inclus dans les
« zones urbaines A et B ». Pour les terrains inclus dans d’autres
zones, ces limitations ne s’appliquent pas à ceux qui sont inclus dans un plan
urbain de mise en œuvre. »
Par cette loi, le législateur a
soumis le territoire à une protection généralisée. Celui qui ne respecte pas
les contraintes prévues à l’article 1, est puni notamment aux termes de
l’article 20 de la loi no 47 de 1985 (sanctions prévues en matière
d’urbanisme, voir infra).
La loi no 10 du 27
janvier 1977 (Dispositions en matière de constructibilité des sols)
52. La loi no
10 du 27 janvier 1977 prévoit à l’article 13 que les plans généraux d’urbanisme
peuvent être réalisés à condition qu’un plan ou un programme urbain de mise en
œuvre (piano o programma di attuazione) existe. Ce programme de mise en œuvre doit délimiter les zones dans lesquelles
les dispositions des plans généraux d’urbanisme doivent être mises en œuvre.
Il incombe aux Régions de décider du contenu et de la procédure
permettant d’aboutir à un plan urbain de mise en œuvre et d’établir la liste
des villes exonérées de l’obligation d’adopter un plan de mise en œuvre.
Lorsqu’une ville est obligée d’adopter un plan de mise en œuvre, les
permis de construire ne peuvent être délivrés par le maire que si les permis
litigieux ne visent une zone incluse dans le programme de réalisation (sauf
exceptions prévues par la loi) et que si le projet est conforme au plan général
d’urbanisme.
Aux termes de l’article 9, les villes exonérées de l’obligation d’adopter
un plan de mise en œuvre peuvent délivrer des permis de construire.
La loi de la Région des Pouilles no
56 du 31 mai 1980
53. La loi régionale no
56 du 31 mai 1980, à son article 51 alinéa f), dispose :
« ... Jusqu’à l’entrée en
vigueur des plans d’urbanisme territoriaux...
F) Il est interdit de construire à
moins de 300 mètres de la limite avec le domaine maritime1 ou du point
le plus élevé surplombant la mer.
En cas de plan d’urbanisme (strumento urbanistico) déjà en
vigueur ou adopté au moment de l’entrée en vigueur de cette loi, il est
possible de construire seulement dans les zones A, B et C au sein des centres
habités et au sein des installations touristiques. En outre, il est possible de
construire des ouvrages publics et d’achever des installations industrielles et
artisanales qui étaient en cours de construction à l’entrée en vigueur de cette
loi »
L’article 18 de la loi no
47 de 1985
54. La loi no 47 du 27 février
1985 (Dispositions en matière de contrôle de l’activité urbaine et de
construction, sanctions, récupération et régularisation des ouvrages) définit
le « lotissement abusif » à son article 18 :
« Il y a lotissement abusif d’un terrain en vue de la construction,
a) en cas de commencement d’ouvrages impliquant une transformation
urbaine non conforme aux plans d’urbanisme (strumenti urbanistici), déjà
en vigueur ou adoptés, ou en tout cas non conforme aux lois de l’Etat ou des
Régions ou bien en l’absence de l’autorisation requise ; (...) »
55. Cette disposition a été interprétée dans un premier temps
dans le sens d’exclure le caractère abusif d’un lotissement lorsque les
autorités compétentes ont délivré les permis requis (Cour de cassation, Section
3, arrêt no 6094/1991, Ligresti ; 18 octobre 1988, Brulotti).
Elle a ensuite été interprétée dans le sens que, même s’il est autorisé
par les autorités compétentes, un lotissement non conforme aux dispositions
urbaines en vigueur est abusif (voir l’arrêt de la Cour de cassation du cas
d’espèce, précédé par Cour de cassation, section 3, 16 novembre 1995, Pellicani,
et 13 mars 1987, Ginevoli ; confirmé par le Sections Réunies de
la Cour de cassation, arrêt no 5115 de 2002, Spiga).
B. La confiscation
Principes généraux de droit pénal
56. a) L’article 27 § 1
de la Constitution italienne prévoit que « la responsabilité pénale
est personnelle ». La Cour constitutionnelle a affirmé à plusieurs
reprises qu’il ne peut y avoir de responsabilité objective en matière pénale
(voir, parmi d’autres, Cour
constitutionnelle, arrêt no 1 du 10 janvier 1997, et infra,
« autres cas de confiscation ». L’article 27 § 3 de la Constitution
prévoit que « les peines ...doivent tendre à la rééducation du
condamné ».
b) L’article 25 de la
Constitution prévoit, à ses deuxième et troisième alinéas, que « personne
ne peut être puni en l’absence d’une loi entrée en vigueur avant la commission
des faits » et que « personne ne peut être sujette à une mesure de
sureté sauf dans les cas prévus par la loi ».
c) L’article 1 du code pénal
prévoit que « personne ne peut être puni pour un fait qui n’est pas
expressément prévu par la loi comme étant constitutif d’une infraction pénale,
et avec une peine qui n’est pas établie par la loi ». L’article 199 du
code pénal, concernant les mesures de sureté, prévoit que personne ne peut être
soumis à des mesures de sûreté non prévues par la loi et en dehors des cas
prévus par la loi.
d) L’article 42, 1er
alinéa du code pénal prévoit que « l’on ne peut être puni pour une action
ou une omission constituant une infraction pénale prévue par la loi si, dans la
commission des faits, l’auteur n’avait pas de conscience et volonté (coscienza
e volontà) ». La même règle est établie par l’article 3 de la loi du
25 novembre 1989 no 689 en ce qui concerne les infractions
administratives.
e) L’article 5 du code pénal
prévoit que « Nul ne peut se prévaloir de son ignorance de la loi pénale
pour obtenir une excuse ». La Cour
constitutionnelle (arrêt n.364 de 1988) a statué que ce principe ne
s’applique pas quand il s’agit d’une erreur inévitable, de sorte que cet
article doit désormais être lu comme suit : « Nul ne peut se
prévaloir de son ignorance de la loi pénale pour obtenir une excuse, sauf s’il
s’agit d’une erreur inévitable ». La Cour constitutionnelle a indiqué
comme possible origine de l’inévitabilité objective de l’erreur sur la loi
pénale l’ « obscurité absolue de la loi », les « assurances
erronées » de la part de personnes en position institutionnelle pour juger
de la légalité des faits à accomplir, l’état « gravement chaotique »
de la jurisprudence.
La confiscation prévue par le code
pénal
57. Aux termes de
l’article 240 du code pénal :
« 1er alinéa :
En cas de condamnation, le juge peut ordonner la confiscation des choses qui
ont servi ou qui furent destinées à la commission de l’infraction, ainsi
que les choses qui sont le produit ou le bénéfice de l’infraction.
2ème alinéa : La
confiscation est toujours ordonnée :
1. Pour les choses qui constituent le prix de l’infraction ;
2. Pour les choses dont la fabrication, l’usage, le port, la détention
ou l’aliénation sont pénalement interdites.
3ème alinéa : Dans les
cas prévus au premier alinéa et au point 1 du deuxième alinéa, la confiscation
ne peut frapper les tiers (« personnes étrangères à l’infraction »)
propriétaires des choses en question.
4ème alinéa : Dans le
cas prévu au point 2 du deuxième alinéa, la confiscation ne peut frapper les
tiers (« personnes étrangères à l’infraction ») propriétaires lorsque
la fabrication, l’usage, le port, la détention ou l’aliénation peuvent être
autorisés par le biais d’une autorisation administrative. »
58. En tant que mesure de sûreté, la confiscation relève de
l’article 199 du code pénal qui prévoit que « personne ne peut être soumis
à des mesures de sûreté non prévues par la loi et en dehors des cas prévus par
la loi ».
Autres cas de confiscation / La jurisprudence de la Cour
constitutionnelle
59. En matière de douanes et de contrebande, les dispositions
applicables prévoient la possibilité de confisquer des biens matériellement
illicites, même si ces derniers sont détenus par des tiers. Par l’arrêt no
229 de 1974, la Cour constitutionnelle a déclaré les dispositions
pertinentes incompatibles avec la Constitution (notamment l’article 27), sur la
base du raisonnement suivant :
« Il peut y avoir des choses matériellement illicites, dont le
caractère illicite ne dépend pas de la relation avec la personne qui en
dispose. Ces choses doivent être confisquées auprès toute personne les détenant
à n’importe quel titre (... ).
Pour éviter que la confiscation obligatoire des choses appartenant à des
tiers -étrangers à la contrebande - ne se traduise en une responsabilité
objective à leur charge - à savoir une responsabilité du simple fait qu’ils
sont propriétaires des choses impliquées - et pour éviter qu’ils subissent les
conséquences patrimoniales des actes illicites commis par d’autres, il faut que
l’on puisse reprocher à ces tiers un quid sans lequel l’infraction (...)
n’aurait pas eu lieu ou n’aurait pas été favorisée. En somme, il faut pouvoir
reprocher à ces tiers un manque de vigilance. »
60. La Cour constitutionnelle a réitéré ce principe dans les
arrêts no
1 de 1997 et no
2 de 1987, en matière de douanes et d’exportation d’œuvres d’art.
La confiscation du cas d’espèce
(article 19 de la loi no 47 du 28 février 1985)
61. L’article 19 de la
loi no 47 du 28 février 1985 prévoit la confiscation des ouvrages
abusifs aussi bien que des terrains lotis de manière abusive, lorsque les
juridictions pénales ont établi par un arrêt définitif que le lotissement est
abusif. L’arrêt pénal est immédiatement
transcrit dans les registres immobiliers.
L’article 20 de la loi no 47 du 28 février 1985
62. Cette disposition prévoit des sanctions définies comme
étant des « sanctions pénales ». La confiscation n’y figure pas.
En cas de lotissement abusif - tel que défini à l’article 18 de cette
même loi – les sanctions prévues sont l’emprisonnement jusqu’à deux ans et
l’amende jusqu’à 100 millions de lires italiennes (environ 516 460 euros).
L’article 44 du code de la
construction (DPR no 380 de 2001)
63. Le Décret de
Président de la République no 380 du 6 juin 2001 (Testo unico
delle disposizioni legislative et regolamentari in materia edilizia) a
codifié les dispositions existantes notamment en matière de droit de bâtir. Au
moment de la codification, les articles 19 et 20 de la loi no 47 de
1985 ci-dessus ont été unifiés en une seule disposition, à savoir l’article 44
du code, qui est ainsi titré :
« Art. 44 (L) – Sanctions pénales
(...)
2. La confiscation des ouvrages abusifs aussi bien que des terrains
lotis de manière abusive, lorsque les juridictions pénales ont établi par un
arrêt définitif que le lotissement est illégal. »
La jurisprudence relative à la confiscation pour lotissement abusif
64. Dans un premier temps, les juridictions nationales
avaient classé la confiscation applicable en cas de lotissement abusif comme
étant une sanction pénale. Dès lors, elle ne pouvait être appliquée qu’aux
biens du prévenu reconnu coupable du délit de lotissement illégal, conformément
à l’article 240 du code pénal (Cour de cassation, Sec. 3, 18 octobre 1988, Brunotti ;
8 mai 1991, Ligresti ; Sections Unies, 3 février 1990, Cancilleri).
65. Par un arrêt du 12
novembre 1990, la Section 3 de la Cour de cassation (affaire Licastro)
affirma que la confiscation était une sanction administrative et obligatoire,
indépendante de la condamnation au pénal. Elle pouvait donc être prononcée à
l’égard de tiers, puisqu’à l’origine de la confiscation il y a une situation
(une construction, un lotissement) qui doit être matériellement abusive,
indépendamment de l’élément moral. De ce fait, la confiscation peut être
ordonnée lorsque l’auteur est acquitté en raison de l’absence d’élément moral
(« perché il fatto non costituisce reato »). Elle ne peut pas
être ordonnée si l’auteur est acquitté en raison de la non matérialité des
faits (« perché il fatto non sussiste »).
66. Cette jurisprudence
fut largement suivie (Cour de Cassation, Section 3, arrêt du 16 novembre 1995, Besana ;
no 12471, no 1880 du 25 juin 1999, Negro ; 15 mai
1997 no 331, Sucato ; 23 décembre 1997 no
3900, Farano ; no 777 du 6 mai 1999, Iacoangeli).
Par l’ordonnance
no 187 de 1998, la Cour constitutionnelle a reconnu la nature
administrative de la confiscation.
Tout en étant considérée comme
étant une sanction administrative par la jurisprudence, la confiscation ne peut
être annulée par un juge administratif, la compétence en la matière relevant
uniquement du juge pénal (Cour de cassation, Sec. 3, arrêt 10 novembre
1995, Zandomenighi).
La confiscation de biens se justifie puisque ceux-ci sont les
« objets matériels de l’infraction ». En tant que tels, les terrains
ne sont pas « dangereux », mais ils le deviennent lorsqu’ils mettent
en danger le pouvoir de décision qui est réservé à l’autorité administrative
(Cour de cassation, Sec. 3, no 1298/2000, Petrachi et
autres).
Si l’administration régularise ex
post le lotissement, la confiscation doit être révoquée (Cour de
cassation, arrêt du 14 décembre 2000 no 12999, Lanza ;
21 janvier 2002, no 1966, Venuti).
Le but de la confiscation est de rendre indisponible une chose dont on
présume qu’on connaît la dangerosité : les terrains faisant l’objet d’un
lotissement abusif et les immeuble abusivement construits. On évite ainsi la
mise sur le marché immobilier de tels immeubles. Quant aux terrains, on évite la commission d’infractions ultérieures et
on ne laisse pas de place à des pressions éventuelles sur les administrateurs
locaux afin qu’ils régularisent la situation (Cour de cassation, Sec. 3, 8
février 2002, Montalto).
EN DROIT
I. SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DU GOUVERNEMENT
67. Dans ses observations du 5 décembre 2007, le Gouvernement
a soulevé une exception de non-épuisement des voies de recours internes. Il
aurait appris grâce à des articles de presse que Sud Fondi et MABAR, avant la
décision sur la recevabilité, avaient engagé une procédure en dommages-intérêts
au niveau national à l’encontre de la ville de Bari, de la région Pouilles et
de l’Etat. Le Gouvernement a précisé que la requérante IEMA n’avait pas intenté
de recours et qu’elle avait sommé l’administration publique de la dédommager à
concurrence de 47 millions d’euros. D’après le Gouvernement, les procédures
engagées sont identiques à celle intentée à Strasbourg tant pour le petitum
que pour la causa petendi. La Cour devrait dès lors rayer la requête du
rôle ou la déclarer irrecevable.
68. Le Gouvernement observe ensuite que « les
requérantes sont porteuses de plusieurs vérités », car au niveau européen,
elles revendiquent leur droit de bâtir alors qu’au niveau national elles admettent
d’avoir commis une erreur causée par le comportement de l’administration. Il en
découle que les requérantes demandent la déclaration de la responsabilité de
l’Etat italien pour des motifs contradictoires entre eux devant la Cour et
devant les juges nationaux.
69. Le 14 janvier 2008, le Gouvernent a dénoncé un abus de
procédure des requérantes au motif que celles-ci n’avaient pas informé la Cour
de ce qu’elles avaient réclamé des dommages-intérêts au niveau national. Elles
auraien voulu cacher ces informations à la Cour, ce qui ne se concilie pas avec
l’article 47 § 6 du Règlement de la Cour, d’après lequel les parties doivent
informer cette dernière de tout fait pertinent pour l’examen de l’affaire. Vu
que les requérantes ont transmis des communications incomplètes et donc
trompeuses, la Cour devrait rayer la requête du rôle ou la déclarer irrecevable
car abusive. Il se réfère sur ce point à l’affaire Hadrabova et autres c.
République tchèque (déc.), 25 septembre 2007.
70. Le 10 mars 2008, le
Gouvernement a dénoncé un deuxième abus des requérantes relatif à un article de
presse (voir paragraphe 47 ci-dessus) publié à une date non connue. Selon lui,
cet article révèle le non-respect de la confidentialité de la procédure de la
part des requérantes et confirme le caractère abusif de la requête.
71. Les requérantes s’opposent aux arguments du Gouvernement.
72. S’agissant de l’exception de non-épuisement, elles
observent que celle-ci est tardive, car le Gouvernement ne pouvait pas ignorer
l’existence de ces procédures bien avant la décision sur la recevabilité vu que
Sud Fondi et MABAR ont assigné en justice des organismes publics (la ville de
Bari, le ministère des biens culturels et la région des Pouilles) en date du 28
janvier 2006. L’État a déposé un mémoire de constitution en réponse
le 18 avril 2006. Ce n’est donc pas sérieux de
la part du Gouvernement de soutenir qu’il n’était pas au courant de ces
procédures avant la recevabilité. Par conséquent, elles demandent à la Cour de
rejeter cette exception, vu qu’elle n’a été soulevée que le 5 décembre 2007. En
tout état de cause, les requérantes observent que IEMA n’a pas intenté de
recours et n’est donc pas concernée par cette exception.
73. En outre, les requérantes observent que le Gouvernement
n’a pas montré l’accessibilité et efficacité des recours intentés par rapport
aux violations alléguées. Elles soutiennent que la possibilité d’intenter un
recours en dommages-intérêts comme elles l’ont fait n’existe que depuis l’arrêt de la Cour
constitutionnelle no 204 de 2004. L’accès à ce remède étant
inexistant au moment de l’introduction de la requête, ce remède n’est pas à épuiser.
En outre, les requérantes ayant déjà épuisé la voie pénale, un recours civil
n’est pas à épuiser. Ensuite, elles observent que les arguments soutenus par le
Gouvernement devant le tribunal civil de Bari, à savoir l’absence de
juridiction et la prescription du droit à réparation, ne se concilient pas avec
l’argument soulevé devant la Cour, selon lequel le recours intenté est efficace
et donc à épuiser. Enfin, les recours engagés au niveau national ne visent pas
à doubler le recours engagé à Strasbourg car ils ne concernent pas la procédure
pénale s’étant terminée par la confiscation des biens, et donc ne visent pas la
réparation des violations de la Convention. Les recours nationaux se fondent
sur la responsabilité extracontractuelle des administrations pour avoir pendant
de longues années certifié la nature constructible des terrains en cause et
pour avoir délivré des permis de construire.
74. Quant au prétendu caractère abusif de la requête, les
requérantes observent que dans l’affaire Hadrabova citée par le
Gouvernement, la partie requérante avait déjà obtenu au plan national un
dédommagement pour le même motif invoqué devant la Cour et elle l’avait caché.
Or, en l’espèce aucun dédommagement n’a été payé par l’État italien. En outre,
les informations passées sous silence dans l’affaire Hadrabova
concernaient l’existence d’une procédure ayant le même objet que celle pendante
à Strasbourg, alors qu’en l’espèce il s’agit de deux procédures différentes. En
outre, les requérantes observent qu’elles n’ont jamais eu l’intention de cacher
à la Cour l’existence de ces procédures, dont, par ailleurs, il était fait
mention dans les articles de presse qu’elles ont envoyés à la Cour. Tout
simplement, vu que le but des procédures nationales n’est pas le même que celui
de la procédure à Strasbourg, elles n’estimaient pas nécessaire d’envoyer un
courrier ad hoc.
75. Quant à la prétendue divulgation d’informations
confidentielles, les requérantes nient d’avoir fait de révélations à la presse
concernant le fait que le Gouvernement avait refusé le règlement amiable, vu
que le refus ne leur avait pas été notifié par les autorités italiennes. En
tout état de cause, elles observent que les informations qui se trouvent dans
la presse ne sont pas sous leur contrôle.
76. Enfin, les requérantes tiennent à critiquer la teneur de
certains passages des observations du Gouvernement (paragraphes 97, 145 et 159
ci-dessous), qu’elles qualifient d’offensantes. Elles tiennent à souligner leur
bonne foi, tant dans la procédure à Strasbourg qu’au niveau national.
77. La Cour rappelle qu’aux termes de
l’article 55 de son règlement, « Si la Partie contractante
défenderesse entend soulever une exception d’irrecevabilité, elle doit le
faire, pour autant que la nature de l’exception et les circonstances le
permettent, dans les observations écrites ou orales sur la recevabilité de la
requête (...) ».
78. En l’espèce, la Cour estime qu’avant la décision sur la
recevabilité du 30 août 2007, le Gouvernement ne pouvait pas ignorer les
demandes en dommages-intérêts des requérantes dûment notifiées en 2006 à
l’encontre d’organismes publics, dont le Ministère des biens culturels. Il y a
donc forclusion pour ce qui est des exceptions ayant trait aux procédures en
dommages-intérêts intentées au niveau national.
79. La Cour rappelle ensuite qu’elle peut rejeter une requête
qu’elle considère comme irrecevable « à tout moment de la procédure »
(article 35 § 4 de la Convention). Des faits nouveaux portés à sa connaissance
peuvent la conduire, même au stade de l’examen du fond, à revenir sur la
décision par laquelle la requête a été déclarée recevable et à la déclarer
ultérieurement irrecevable, en application de l’article 35 § 4 de la Convention
(voir, par exemple, Medeanu c. Roumanie (déc.), no 29958/96,
du 8 avril 2003 ; İlhan c. Turquie [GC], no
22277/93, § 52, CEDH 2000-VII ; Azinas c. Chypre [GC], no
56679/00, §§ 37-43, CEDH 2004-III). Elle peut aussi rechercher, même à un
stade avancé de la procédure, si la requête se prête à l’application de l’article
37 de la Convention. Pour conclure que le litige a été résolu au sens de
l’article 37 § 1 b) et que le maintien de la requête par le requérant ne
se justifie donc plus objectivement, la Cour doit examiner, d’une part, la
question de savoir si les faits dont le requérant tire directement grief
persistent ou non et, d’autre part, si les conséquences qui pourraient résulter
d’une éventuelle violation de la Convention à raison de ces faits ont également
été effacées (Pisano c. Italie [GC] (radiation), no
36732/97, § 42, 24 octobre 2002).
80. En l’espèce, la Cour
ne relève pas l’existence d’un « fait nouveau » survenu après la
recevabilité qui pourrait l’amener à revenir sur sa décision quant à la
recevabilité. En outre, elle note que le litige n’a pas été résolu de sorte
qu’il n’y a pas lieu de rayer la requête du rôle.
81. La Cour rappelle
enfin qu’une requête peut être rejetée comme étant abusive si elle a été fondée
sciemment sur des faits erronés (voir, entre autres, Kérétchavili c. Géorgie,
no 5667/02, 2 mai 2006 ; Varbanov c. Bulgarie, no
31365/96, § 37, CEDH 2000-X ; Akdivar et autres c. Turquie, 16
septembre 1996, §§ 53-54, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV ;
Řehàk c. République tchèque (déc.), no 67208/01, 18 mai
2004), en vue d’induire délibérément la Cour en erreur (Assenov et autres c.
Bulgarie, décision de la Commission, no 24760/94, 27 juin
1996 ; Varbanov c. Bulgarie, no 31365/96, § 36,
CEDH 2000-X).
82. La Cour, tout en regrettant que les requérantes n’aient
pas formellement informé la Cour de leurs démarches auprès des tribunaux
internes, ne considère pas établi qu’elles aient essayé de l’induire en erreur.
La requête n’est donc pas abusive.
83. Partant, il y a lieu de rejeter les exceptions du
Gouvernement.
II. SUR LA VIOLATION
ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 7 DE LA CONVENTION
84. Les requérantes
dénoncent l’illégalité de la confiscation qui a frappé leurs biens au motif que
cette sanction aurait été infligée dans un cas non prévu par la loi. Elles
allèguent la violation de l’article 7 de la Convention, qui dispose :
« 1. Nul ne peut
être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été
commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou
international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui
était applicable au moment où l’infraction a été commise.
2. Le présent article ne
portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une
action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle
d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations
civilisées. »
A. Sur l’applicabilité
de l’article 7 de la Convention
85. La Cour rappelle
que, dans sa décision du 30 août 2007, elle a estimé que la confiscation
litigieuse s’analyse en une peine et que, partant, l’article 7 de la Convention
trouve à s’appliquer.
B. Sur l’observation de l’article 7 de la Convention
1. Arguments des requérantes
86. Les requérantes soutiennent que le caractère abusif du
lotissement n’était pas « prévu par la loi ». Leurs doutes quant à
l’accessibilité et à la prévisibilité des dispositions applicables seraient
confirmés par l’arrêt de la Cour de cassation, ayant constaté que les accusés
s’étaient trouvés dans une situations de « ignorance inévitable » ;
ceux-ci ont été acquittés pour l’« erreur excusable » commise dans
l’interprétation du droit applicable, compte tenu de la législation régionale
obscure, de l’obtention des permis de construire, des assurances reçues de la
part des autorités locales quant à la régularité de leurs projets et de
l’inertie des autorités compétentes en matière de protection du paysage
jusqu’en 1997. Sur le point de savoir si, une fois tous les permis de
construire accordés, un lotissement pouvait être ou non qualifié d’abusif, la jurisprudence
a en outre connu beaucoup d’hésitations qui n’ont été résolues que le 8 février
2002, par les Sections Réunies de la Cour de cassation. Ceci prouve donc que
jusqu’en 2001 il y avait incertitude et que le fait d’avoir qualifié d’abusif
le lotissement des requérantes, antérieurement au prononcé à sections réunies,
constitue une interprétation non littérale, extensive, et donc imprévisible et
incompatible avec l’article 7 de la Convention.
87. Les requérantes soutiennent ensuite qu’il n’y avait en
tout cas pas d’illégalité matérielle en l’espèce, puisque les lotissements ne
se heurtaient pas à des limitations frappant leurs terrains. Sur ce point,
elles se réfèrent à l’arrêt de la cour d’appel de Bari, qui n’avait constaté
aucune illégalité matérielle, estimant qu’aucune interdiction de construire ne
frappait les terrains en cause. En outre, au fait que le ministère des biens
culturels ait pris un arrêté le 30 juin 1999 soumettant les terrains en cause à
des contraintes prouverait qu’antérieurement, aucune contrainte ne gravait sur
lesdits terrains. Enfin, le plan d’urbanisme « territorial thématique du
paysage », adopté le 15 décembre 2000 par décision du conseil régional des
Pouilles no 1748, confirmerait qu’il n’y avait aucune interdiction
de bâtir.
88. S’agissant de la légalité de la sanction qui leur a été
infligée, les requérantes soutiennent que, pour être légale, une peine
doit être prévisible, à savoir il doit être possible de prévoir raisonnablement
au moment de la commission de l’infraction les conséquences y afférentes au
niveau de la sanction, aussi bien en ce qui concerne le type de sanction que la
mesure de la sanction. En outre, pour être compatible avec l’article 7 de la
Convention, une peine doit se rattacher à un comportement reprochable. Les
requérantes estiment qu’aucune de ces conditions n’est remplie.
89. Au moment où les permis de construire ont été délivrés,
et à l’époque de la construction des bâtiments, il était impossible pour les
requérantes de prévoir l’application de la confiscation. En effet, la loi no
47 de 1985 ne prévoyant pas de manière explicite la possibilité de confisquer
les biens de tiers en cas d’acquittement des accusés, la confiscation infligée
dans le cas d’espèce serait « non prévue par la loi ». Pour infliger
la confiscation, les juridictions nationales ont donné une interprétation non
littérale de l’article 19 de la loi no 47/1985 et ceci est
arbitraire puisqu’on est dans le domaine pénal et l’interprétation par analogie
au détriment de l’intéressé ne peut pas être utilisée. En outre, une telle
interprétation se heurte à l’article 240 du code pénal, qui établit le régime
général des confiscations.
90. Même à supposer que l’interprétation ayant conduit à
confisquer les biens d’une personne acquittée puisse être qualifiée
d’interprétation littérale, il faut néanmoins encore démontrer que le caractère
abusif du lotissement était effectivement prévu par la loi. Sur ce point, les
requérantes rappellent que le caractère abusif du lotissement en question était
loin d’être manifeste, vu l’acquittement au motif que la législation était
tellement complexe que l’ignorance de la loi était inévitable et excusable.
91. Les requérantes observent ensuite que la sanction ne se
rattache pas à un comportement reprochable, vu que la confiscation a été
ordonnée à elles qui sont « tierces » par rapport aux accusés et
compte tenu surtout de l’acquittement de ceux-ci et des motivations de
l’acquittement. Les requérantes invoquent à cet égard le principe de la
« responsabilité pénale personnelle » prévu par la Constitution, ce
qui interdit de répondre pénalement du fait d’autrui. Ce principe n’est qu’un
aspect complémentaire de l’interdiction de l’analogie in malam partem et
de l’obligation d’énumérer de manière limitative les cas auxquels une sanction
pénale s’applique (principio di tassatività).
92. Les requérantes rappellent enfin que, jusqu’en 1990, la
confiscation avait été classée par les juridictions nationales parmi les
sanctions pénales. De ce fait, elle pouvait frapper uniquement les biens de
l’accusé (Cour de cassation, Section 3, 16 novembre 1995, Befana; 24
février 1999, Iacoangeli). Ce n’est qu’à partir de 1990 que la
jurisprudence a évolué dans le sens de considérer la confiscation comme étant
une sanction administrative et donc pouvant s’infliger indépendamment de la
condamnation pénale et aussi à l’égard de tiers. Selon elles, un tel revirement
de jurisprudence a eu lieu uniquement pour permettre la confiscation des biens
de tiers en cas d’acquittement des accusés, comme en l’espèce.
93. Enfin, les requérantes observent que l’Etat soutient
devant la Cour une thèse différente par rapport à celle soutenue au niveau
national par les avocats ayant assumé la défense de la Région des Pouilles et
de l’automobile club italien, qui a contesté la légalité de la confiscation à
leur égard car infligée à des sujets étrangers à la procédure pénale.
94. En conclusion, la
confiscation de l’espèce se heurte à l’interdiction de la responsabilité pénale
pour fait d’autrui et est dès lors arbitraire.
95. De surcroît, les
requérantes rappellent la jurisprudence de la Cour constitutionnelle selon
laquelle une confiscation ne peut frapper les biens des tiers étrangers à
l’infraction que « lorsqu’à ceux-ci l’on peut reprocher un quid sans
lequel l’infraction n’aurait pas eu lieu ou n’aurait pas été favorisée ».
Ensuite, les requérantes invoquent le principe selon lequel une personne morale
ne peut pas être pénalement responsable (societas delinquere non potest).
2. Arguments du Gouvernement
96. Le Gouvernement soutient que tant l’infraction que la
confiscation étaient « prévues par la loi », à savoir par des
dispositions accessibles et prévisibles. Aucun problème de rétroactivité ni
d’interprétation extensive ne se pose en l’espèce.
97. Il y avait illégalité matérielle, car les terrains
litigieux étaient frappés par les limitations ex lege, prévues, d’une
part, par l’article 51 f) de la loi régionale no 56 de 1980 et, d’autre part,
par la loi no 431 de 1985 en vigueur depuis le 15 septembre 1985. Ces
contraintes existaient avant l’arrêté ministériel du 30 juin 1999
déclarant certaines parties du territoire de la ville de Bari comme étant
d’intérêt remarquable pour le paysage. Elles étaient accessibles et
prévisibles, car publiées. Elles devaient être claires pour les requérantes, vu
qu’elles ne sont pas assimilables à un citadin quelconque mais sont des
professionnels de la construction et donc une diligence spéciale pouvait être
attendue d’elles (Chorherr c. Autriche,
25 août 1993, § 25, série A no 266-B ; Open Door
et Dublin Well Woman c. Irlande, 29 octobre 1992, § 60, série A no
246-A). Le Gouvernement admet que l’administration s’est conduite comme si tout
était dans l’ordre. Cependant, le comportement de celle-ci n’aurait pas été
transparent et conforme aux normes de bonne administration.
98. S’agissant de la
confiscation, celle-ci est prévue par l’article 19 de la loi no 47
de 1985. Cette disposition était accessible
et prévisible.
99. Quant à l’interprétation de cette disposition par les
juridictions nationales, selon le Gouvernement elle n’a pas été extensive au
détriment des requérantes. En l’espèce, l’interprétation judiciaire a été
cohérente avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible (sur
ce point le Gouvernement se réfère notamment à S.W. c. Royaume-Uni, 22
novembre 1995, § 36, série A no 335-B ; Streletz,
Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et
44801/98, § 82, CEDH 2001-II). A cet égard, le Gouvernement observe que
l’article 19 de la loi no 47 de 1985 n’exige pas la condamnation de l’auteur de
l’infraction, mais seulement le constat du caractère illégal du lotissement. Si le législateur
national avait voulu prévoir la confiscation seulement dans le cas d’un prévenu
condamné, dans le texte de l’article 19 de la loi no 47/1985 après
le mot « décision » il y aurait le mot « condamnation ». Le
fait que cette disposition ne spécifie pas que la confiscation peut avoir lieu
uniquement en cas de condamnation permet au juge pénal d’ordonner la
confiscation dans le cas d’un acquittement où il a tout de même constaté le
caractère matériellement illégal d’un lotissement. Il s’agit en effet d’une
sanction réelle et non personnelle. Il est donc possible de confisquer dans le
cas d’un acquittement comme celui de l’espèce, où l’élément moral fait défaut.
En conclusion, il y a eu interprétation littérale de la loi, car en l’espèce,
après avoir constaté l’élément matériel du crime, à savoir l’illégalité du
lotissement, la confiscation est appliqué de manière légitime.
100. Le Gouvernement
observe que la Convention n’impose pas qu’il y ait un lien nécessaire entre
accusation en matière pénale et répercussions sur les droits patrimoniaux, à
savoir rien n’empêche d’adopter des mesures de confiscation même si on les
classe comme sanctions pénales résultant d’un acte qui n’a pas entraîné
l’inculpation du sujet, étranger à la procédure pénale (n’ayant pas fait
l’objet d’accusation pendant la procédure pénale). Sur ce point, le
Gouvernement se réfère à trois arrêts de la Cour (AGOSI c. Royaume-Uni,
24 octobre 1986, série A no 108, Air Canada c. Royaume-Uni,
5 mai 1995, série A no 316-A et Bosphorus Hava Yolları
Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi c. Irlande [GC], no
45036/98, CEDH 2005-VI) et observe que dans ces affaires, les requérantes
avaient subi la confiscation de leurs biens même si l’accusation pénale ne
portait par contre eux et ils n’avaient commis aucune faute.
101. Selon le
Gouvernement, la confiscation pourrait s’analyser en une « mesure de
sûreté patrimoniale » relevant de l’article 240 du code pénal, deuxième
alinéa, point 2. Cette disposition indique que « le juge ordonne toujours
la confiscation des choses dont la fabrication, l’usage, le port, la détention
ou l’aliénation constitue une infraction pénale, même s’il n’y a pas eu de
condamnation pénale ». Le Gouvernement observe que toute mesure de sûreté,
comme toute peine, est ordonnée dans le respect du principe de légalité et
renvoie à l’article 199 du code pénal, qui prévoit que « personne ne peut
être soumis à des mesures de sûreté non prévues par la loi et en dehors des cas
prévus par la loi ». La possibilité de
confisquer les constructions abusives est prévue par l’article 240 du code
pénal, 2ème alinéa, dans la mesure où ces constructions sont des « choses
dont la fabrication est pénalement interdite ». Elle est également
prévue par l’article 19 de la loi no 47 de 1985. La possibilité de confisquer
les sols faisant l’objet d’un lotissement abusif est uniquement prévue par
l’article 19 de la loi no 47 de 1985. En effet, les sols ne sont pas
« intrinsèquement dangereux ». Le fait que la confiscation ait été
ordonnée à l’égard des sociétés requérantes, tierces par rapport aux accusés,
se justifie par la nature « réelle » de la sanction. Selon le
Gouvernement, il n’y a pas de conflit avec le principe de « responsabilité
personnelle » selon l’article 27 de la Constitution, au motif que la
confiscation n’a pas une finalité répressive mais préventive. Il s’agit de rendre
indisponible pour le possesseur une chose dont on présume ou on connaît la
dangerosité, d’éviter de mettre sur le marché des constructions abusives, et
d’empêcher la commission d’infractions ultérieures.
102. L’interprétation de
l’article 19 de la loi no 47 de 1985 n’a pas été non plus imprévisible. A cet
égard, le Gouvernement renvoie à l’abondante jurisprudence en la matière et
soutient que la Cour de cassation avait déjà affirmé en 1987 (arrêt no
614 du 13 mars 1987, Ginevoli) qu’une construction autorisée mais non
conforme aux dispositions sur l’urbanisme pouvait faire l’objet de saisie. En
outre, l’arrêt Ligresti de 1991 de la Cour de cassation aurait affirmé que tout
permis de construire doit faire l’objet d’un test de compatibilité et doit donc
passer pour illicite et inexistant s’il s’avère contraire à la loi. Ensuite, le
Gouvernement observe que s’il est vrai que l’interprétation judiciaire en
matière pénale doit être raisonnablement prévisible, les revirements de
jurisprudence constituent une matière soustraite à la juridiction de la
Cour qui ne peut ni comparer les décisions rendues par les tribunaux
nationaux ni interdir la possiblité d’un revirement jurisprudentiel.
103. De surcroît, le Gouvernement observe que depuis 2001
(décret législatif no 231/01), une société peut faire l’objet d’une
mesure patrimoniale découlant d’un acte commis par son représentant légal.
104. En conclusion, le Gouvernement demande à la Cour de
rejeter la requête comme étant « irrecevable et/ou mal fondée. »
3. Appréciation de la Cour
a) Rappel des principes
pertinents applicables
105. La garantie que
consacre l’article 7, élément essentiel de la prééminence du droit, occupe une
place primordiale dans le système de protection de la Convention, comme
l’atteste le fait que l’article 15 n’y autorise aucune dérogation en temps de
guerre ou autre danger public. Ainsi qu’il
découle de son objet et de son but, on doit l’interpréter et l’appliquer de
manière à assurer une protection effective contre les poursuites, les condamnations
et les sanctions arbitraires (arrêts S.W. et C.R. c. Royaume-Uni
du 22 novembre 1995, série A nos 335-B et 335-C, p. 41, § 34,
et p. 68, § 32, respectivement).
106. L’article 7 § 1
consacre notamment le principe de la légalité des délits et des peines (nullum
crimen, nulla poena sine lege). S’il
interdit en particulier d’étendre le champ d’application des infractions
existantes à des faits qui, antérieurement, ne constituaient pas des
infractions, il commande en outre de ne pas appliquer la loi pénale de manière
extensive au détriment de l’accusé, par exemple par analogie (voir, parmi
d’autres, Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96,
32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 145, CEDH 2000-VII).
107. Il s’ensuit que la loi doit définir clairement les
infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie
lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition
pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les
tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.
108. La notion de
« droit » (« law ») utilisée à l’article 7
correspond à celle de « loi » qui figure dans d’autres articles de la
Convention ; elle englobe le droit d’origine tant législative que
jurisprudentielle et implique des conditions qualitatives, entre autres celles
de l’accessibilité et de la prévisibilité (Cantoni c. France, 15
novembre 1996, § 29, Recueil 1996-V ; S.W. c. Royaume-Uni,
§ 35, 22 novembre 1995 ; Kokkinakis c. Grèce,
25 mai 1993, §§ 40-41, série A no 260-A). Aussi clair que
le libellé d’une disposition légale puisse être, dans quelque système juridique
que ce soit, y compris le droit pénal, il existe immanquablement un élément
d’interprétation judiciaire. Il faudra toujours
élucider les points douteux et s’adapter aux changements de situation.
D’ailleurs il est solidement établi dans la tradition juridique des Etats
parties à la Convention que la jurisprudence, en tant que source du droit,
contribue nécessairement à l’évolution progressive du droit pénal (Kruslin
c. France, 24 avril 1990, § 29, série A no 176-A). On
ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la
clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par
l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le
résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement
prévisible (Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos
34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 50, CEDH 2001-II).
109. La portée de la
notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont
il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses
destinataires. La prévisibilité d’une loi ne s’oppose pas à ce que la personne
concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un
degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant
résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels,
habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur
métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à
évaluer les risques qu’il comporte (Pessino c. France, no 40403/02,
§ 33, 10 octobre 2006).
110. La tâche qui
incombe à la Cour est donc de s’assurer que, au moment où un accusé a commis
l’acte qui a donné lieu aux poursuites et à la condamnation, il existait une
disposition légale rendant l’acte punissable et que la peine imposée n’a pas
excédé les limites fixées par cette disposition (Murphy c.
Royaume-Uni, requête no 4681/70, décision de la Commission des 3
et 4 octobre 1972, Recueil de décisions 43 ; Coëme et autres, arrêt
précité, § 145).
b) L’application de ces principes dans la présente affaire
111. Dans leurs volumineuses observations, les parties se
sont livrées à un échange d’arguments portant sur la
« prévisibilité » du caractère abusif du lotissement litigieux ainsi
que sur la prévisibilité de la confiscation au regard de l’évolution de la jurisprudence
des cours nationales. La Cour n’estime pas devoir donner un compte-rendu
détaillé des décisions citées dans le présent arrêt car il ne lui revient pas
de juger du caractère imprevisible de l’infraction in abstracto. En
effet, elle va se fonder sur les conclusions de la Cour de cassation qui, dans
le cas d’espèce, a prononcé un acquittement à l’égard des representants des
sociétés requérantes, accusés de lotissement abusif.
112. Selon la Haute juridiction nationale, les prévenus ont
commis une erreur inévitable et excusable dans l’interprétation des normes
violées ; la loi régionale applicable en combinaison avec la loi nationale
était « obscure et mal rédigée » ; son interférence avec la loi
nationale en la matière avait produit une jurisprudence contradictoire;
les responsables de la municipalité de Bari avaient autorisé le lotissement et
avaient assuré les requérantes de sa régularité ; à tout cela s’était
ajoutée l’inertie des autorités chargées de la tutelle de l’environnement. La
présomption de connaissance de la loi (article 5 du code pénal) ne jouait plus
et, en conformité avec l’arrêt n. 364 de
1988 de la Cour constitutionnelle (paragraphe 56 e) ci-dessus) et l’arrêt
des Sections Unies de la même Cour de Cassation du 18 juillet 1994 n. 8154,
l’élément moral de l’infraction (articles 42 et suivants du code pénal) devait
être exclu puisque, avant même qu’on puisse examiner l’existence du dol ou
d’une faute par négligence ou imprudence, il fallait exclure la
« conscience et volonté » de violer la loi pénale. Dans ce cadre à la
fois légal et factuel, l’erreur des accusés sur la légalité du lotissement
était, selon la Cour de Cassation, inévitable.
113. Il n’appartient pas à la Cour de conclure différemment
et, encore moins, de se livrer à des hypothèses sur les raisons qui ont poussé
l’administration communale de Bari à gérer de telle manière une question aussi
importante ainsi que sur les motifs du défaut d’une enquête efficace à cet
égard de la part du parquet de Bari (paragraphe 37 ci-dessus).
114. Il convient donc de reconnaitre que les conditions
d’accessibilité et prévisibilité de la loi, dans les circonstances spécifiques
de la présente affaire, ne sont pas remplies. En d’autres termes, vu que la
base légale de l’infraction ne répondait pas aux critères de clarté,
d’accessibilité et de prévisibilité, il était dès lors impossible de prévoir
qu’une sanction serait infligée. Cela vaut pour les sociétés requérantes, qui
ont mis en place le lotissement illégal, comme pour leurs représentants,
accusés au procès pénal.
115. Un ordre d’idée
complementaire mérite d’être developpé. Au niveau interne, la qualification
d’« administrative » (paragraphes 65-66) donnée à la confiscation
litigieuse permet de soustraire la sanction dont il s’agit aux principes
constitutionnels régissant la matière pénale. L’article 27/1 de la Constitution
prévoit que la « responsabilité pénale est personnelle » et
l’interprétation jurisprudentielle qui en est donnée précise qu’un élément
moral est toujours nécessaire. En outre l’article 27/3 de la Constitution
(« Les peines .... doivent tendre à la rééducation du condamné »)
aurait du mal à s’appliquer à une personne condamnée sans que sa responsabilité
ne puisse être engagée.
116. En ce qui concerne
la Convention, l’article 7 ne mentionne pas expressément le lien moral entre
l’élément matériel de l’infraction et la personne qui en est considérée comme
l’auteur. Cependant, la logique de la peine et de la punition ainsi que la
notion de « guilty » (dans la version anglaise) et la notion
correspondante de « personne coupable » (dans la version française) vont dans
le sens d’une interprétation de l’article 7 qui exige, pour punir, un lien de
nature intellectuelle (conscience et volonté) permettant de déceler un élément
de responsabilité dans la conduite de l’auteur matériel de l’infraction. A
défaut, la peine ne serait pas justifiée. Il serait par ailleurs incohérent,
d’une part, d’exiger une base légale accessible et prévisible et, d’autre part,
de permettre qu’on considère une personne comme « coupable » et la
« punir » alors qu’elle n’était pas en mesure de connaître la loi
pénale, en raison d’une erreur invincible ne pouvant en rien être imputée à
celui ou celle qui en est victime.
117. Sous l’angle de
l’article 7, pour les raisons développées plus haut, un cadre législatif qui ne
permet pas à un accusé de connaître le sens et la portée de la loi pénale est
défaillant non seulement par rapport aux conditions générales de
« qualité » de la « loi » mais également par rapport aux
exigences spécifiques de la légalité pénale.
118. Pour l’ensemble de
ces raisons, il s’ensuit que la confiscation litigieuse n’était pas prévue par
la loi au sens de l’article 7 de la Convention. Elle s’analyse dès lors en une
sanction arbitraire. Partant il y a eu violation de l’article 7 de la
Convention.
III. SUR LA VIOLATION
ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
119. Les requérantes
dénoncent l’illégalité ainsi que le caractère disproportionné de la
confiscation qui a frappé leurs biens. Elles allèguent la violation de
l’article 1 du Protocole no 1, qui dispose dans sa partie
pertinente ainsi:
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses
biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique
et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit
international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que
possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires
pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général
(...). »
A. Sur l’applicabilité de l’article 1 du Protocole no
1
1. Thèses des parties
120. Se référant à la jurisprudence de la Cour (Giannetaki
E. & S. Metaforiki Ltd et Giannetakis c. Grèce, no 29829/05,
§§ 15-19, 6 décembre 2007 ; Mamidakis c. Grèce, no
35533/04, §§ 17 et 48, 11 janvier 2007), les requérantes soutiennent que
l’article 1 du Protocole no 1 s’applique en l’espèce et que la Cour
peut examiner une ingérence dans le droit au respect des biens sous l’angle de
cette disposition même s’il s’agit d’une peine (Valico S.r.l. c. Italie (déc.),
no 70074/01, CEDH 2006-... ; Phillips c. Royaume-Uni, no
41087/98, § 50, CEDH 2001-VII). En tout cas, rien n’empêche que la Cour
examine un grief sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1
lorsqu’il vise une législation concernant les droits patrimoniaux.
121. Pour les requérantes, la situation dénoncée s’analyse en
une privation de biens, qui relève de la deuxième phrase du premier alinéa, vu
que la confiscation est une peine infligée suite à l’acquittement des accusés,
dans le but de priver les requérantes de leurs biens de manière définitive.
Elles demandent à la Cour de considérer la situation dénoncée comme une
expropriation de fait. A cet égard elles font observer que le cas d’espèce se
distingue de ceux où la Cour a conclu que la confiscation découlait de la
réglementation de l’usage des biens, car ici il ne s’agit pas d’une peine
infligée à des tiers étrangers à un procès pénal ayant débouché sur la
condamnation des coupables. En effet, il s’agit d’une peine appliquée suite à
l’acquittement des prévenus (voir, a contrario AGOSI c. Royaume-Uni,
24 octobre 1986, série A no 108 ; C.M. c. France
(déc.), no 28078/95, CEDH 2001-VII). Il ne s’agit pas non plus d’une
mesure patrimoniale de prévention (a contrario, Arcuri c. Italie (déc.),
no 52024/99, CEDH 2001-VII), mais d’une peine.
122. Pour le
Gouvernement, vu que la Cour a qualifié la confiscation de sanction pénale,
l’on ne peut pas spéculer sur l’application de l’article 1 du Protocole no
1. Affirmer que le principe du respect du droit de propriété devrait aussi
rentrer dans le champ d’évaluation de la Cour serait comme prétendre d’évaluer
la détention régulière sous l’angle de l’article 1 du Protocole no
1, puisque par exemple la privation de liberté interdit au détenu de gagner sa
propre vie, en l’empêchant de continuer à exercer son métier. On finirait par
spéculer sur la proportionnalité de la réponse répressive par rapport au crime
commis. D’autre part, seulement en matière de liberté d’expression la
Convention s’occupe de garantir un rapport de proportionnalité entre crime et
sanction ; pour le reste, la mesure de la peine ou la proportionnalité de
cette dernière par rapport au crime sont hors du champ d’application de la
Convention, attendu qu’il s’agit d’une matière constituant un des terrains de
prédilection de la souveraineté des États contractants.
123. Par ailleurs, le
Gouvernement observe qu’il s’agit de griefs identiques, et que ceci est
démontré par la circonstance que les requérantes reprennent pour l’essentiel
les mêmes arguments déjà avancés sous l’angle de l’article 7 de la Convention. Le Gouvernement renvoie aux considérations déjà
développées sous ce chapitre.
2. Appréciation de la
Cour
124. Rien dans la
jurisprudence de la Cour ne donne à penser que la présente affaire doit être
examinée uniquement du point de vue de l’article 7 de la Convention. Les
deux droits en question ont un objet différent (cf. Valico S.r.l. c. Italie (déc.),
no 70074/01, CEDH 2006-...). En outre, rien n’empêche en
principe d’examiner un grief sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1
lorsqu’il vise une législation concernant les droits patrimoniaux (J.A. Pye
(Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd, c. Royaume Uni, no44302/02,
§ 60.) L’article 1 du Protocole no 1 protège des
« biens », notion qui peut recouvrir tant des « biens
actuels » que des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu
desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance
légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété. Par
contre, il ne garantit pas un droit à acquérir des biens (Kopecký c.
Slovaquie [GC], no 44912/98, § 35, CEDH 2004-IX). Lorsqu’il y a
controverse sur le point de savoir si un requérant a un intérêt patrimonial
pouvant prétendre à la protection de l’article 1 du Protocole no 1,
la Cour est appelée à définir la situation juridique de l’intéressé (Beyeler
c. Italie, précité).
125. Aux yeux de la Cour, la confiscation des terrains et des
bâtiments litigieux dont les requérantes étaient propriétaires a constitué une
ingérence dans la jouissance de leur droit au respect des biens. Force est de
conclure que l’article 1 du Protocole no 1 s’applique. Reste à
savoir si cette situation est couverte par la première ou la deuxième norme de
cette disposition.
126. L’article 1 du
Protocole no 1 contient trois normes distinctes : « la première,
qui s’exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère
général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième,
figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété
et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans
le second alinéa, elle reconnaît aux Etats le pouvoir, entre autres, de
réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général (...). Il ne
s’agit pas pour autant de règles dépourvues de rapport entre elles. La deuxième
et la troisième ont trait à des exemples particuliers d’atteintes au droit de
propriété ; dès lors, elles doivent s’interpréter à la lumière du principe
consacré par la première » (voir, entre autres, James et autres c.
Royaume-Uni, 21 février 1986, § 37, série A no 98, et Iatridis
c. Grèce [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 1999-II).
127. Les requérantes se sont clairement exprimées sur la
norme applicable, en demandant à la Cour d’examiner l’affaire sous l’angle de
la « privation des biens ».
128. La Cour note que la présente affaire se différencie de
l’affaire Agosi c. Royaume-Uni (arrêt du 24 octobre 1986, série A no108),
où la confiscation a été ordonnée à l’égard de biens constituant l’objet de
l’infraction (objectum sceleris), à la suite de la condamnation des
prévenus, car en l’espèce la confiscation a été ordonnée à la suite d’un
acquittement. Pour la même raison, la présente affaire se distingue de C.M. c.
France ([déc.], no 28078/95, CEDH 2001-VII) ou d’Air Canada
c. Royaume-Uni (arrêt du 5 mai 1995, série A no 316-A), où
la confiscation, ordonnée après la condamnation des accusés, avait frappé des
biens qui étaient l’instrumentum sceleris et qui se trouvaient en
possession de tiers. S’agissant des revenus d’une activité criminelle (productum
sceleris), la Cour rappelle qu’elle a examiné une affaire où la
confiscation avait suivi la condamnation du requérant (voir Phillips
v. the United Kingdom, no. 41087/98, §§ 9-18, ECHR 2001-VII)
ainsi que des affaires où la confiscation avait été ordonnée indépendamment de
l’existence de toute procédure pénale, car le patrimoine des requérantes était
présumé être d’origine illicite (voir Riela et autres c. Italie (déc.),
no. 52439/99, 4 septembre 2001; Arcuri et autres c. Italie(déc.), no.
52024/99, 5 juillet 2001; Raimondo c. Italie, 22 Février 1994,
Série A no. 281-A, § 29) ou être utilisé pour des activités
illicites (Butler c. Royaume-Uni (déc.), no. 41661/98, 27 juin 2002).
Dans la première affaire citée ci-dessus, la Cour a dit que la confiscation
constituait une peine au sens du deuxième paragraphe de l’article 1 du
Protocole no 1. 1 (Phillips, arrêt
précité, § 51, et, mutatis mutandis, Welch c. Royaume-Uni,
9 février 1995, série A no. 307-A, § 35), tandis que dans
les autres affaires elle estimé qu’il s’agissait de la réglementation de
l’usage des biens.
129. Dans le cas d’espèce, la Cour estime qu’il n’est pas
nécessaire de déterminer si la confiscation tombe dans la première ou dans la
deuxième catégorie, car dans tous les cas c’est le deuxième paragraphe de
l’article 1 du Protocole no 1 qui s’applique (Frizen c. Russie,
no 58254/00, § 31, 24 mars 2005).
B. Sur l’observation de l’article 1 du Protocole no
1
130. Les requérantes soutiennent que la confiscation
litigieuse ne repose pas sur une « base légale » au sens de la
Convention. Elles renvoient à cet égard aux arguments exposés pour les besoins
de l’article 7 de la Convention. Elles observent ensuite que l’administration a
tiré bénéfice d’une situation illégale, alors qu’il est nécessaire de maintenir
un certain degré de « sécurité juridique ». En outre, elles indiquent
qu’il n’y a pas de remède national susceptible de leur faire obtenir la
restitution des biens confisqués, et la situation est dès lors définitive.
131. Pour le cas où la Cour examinerait sur le terrain de la
proportionnalité leur grief, les requérantes observent que l’infraction pour
lesquelles elles ont été poursuivies et acquittées était de « lotissement
matériel », à savoir elle impliquait l’activité de construction. La
sanction infligée serait disproportionnée pour les raisons suivantes. En
premier lieu, l’étendue de la sanction : seulement 15% des terrains
confisqués était construite. En deuxième lieu, l’innocence des requérantes,
étant donne que l’attitude du propriétaire, et notamment le degré de faute ou
de prudence dont il fait preuve » doit être pris en compte (Agosi,
précité, §§ 54-55 et 58-60) ; Air Canada, précité, §§ 44-46). En
outre, les procédures applicables en l’espèce ne permettaient aucunement de
prendre en compte le degré de faute ou de prudence des requérantes ou, pour le
moins, au rapport entre la conduite des requérantes et l’infraction litigieuse.
En dernier lieu, l’absence totale d’indemnisation ne saurait se justifier sur
le terrain de l’article 1 du Protocole no 1 (N.A. et autres c.
Turquie, no 37451/97, CEDH 2005-X du 11 octobre 2005 ; Papachelas
c. Grèce [GC], no 31423/96, CEDH 1999-II. Les requérantes font
de surcroît observer que les autorités nationales ne sont pas intervenues au
début des travaux de construction, mais ont attendu longtemps de sorte que
l’impact de la confiscation qui en est résulté, à savoir le préjudice subi, est
très important.
132. Le Gouvernement conteste les thèses des requérantes et
observe que la confiscation visait à assurer « le bon et bien ordonné
aménagement du territoire, domaine où les États jouissent d’une large marge
d’appréciation ».
133. Aucune charge exorbitante ne peut être reconnue à une
confiscation frappant aussi bien les constructions que les sols, construits ou
pas. En effet, le lotissement abusif d’un terrain suppose une transformation
urbaine, notion qui concerne la totalité du terrain et non pas seulement la
partie construite. Il ne s’agit pas d’un cas de construction simple mais dans un
projet impliquant aussi des ouvrages d’urbanisation primaire et secondaires (au
sens de la loi no. 847/1964 et de la loi 865/1971). Si la confiscation
concernait seulement la partie destinée à être construite, l’administration
serait obligée à suivre le projet établi par le particulier, et l’ordre
urbanistique violé ne pourrait pas être rétabli car l’administration
deviendrait propriétaire seulement d’une portion du terrain et le particulier
resterait propriétaire seulement des portions affectées à l’urbanisation
primaire et secondaire. Par conséquent, la confiscation était proportionnée.
134. Le fait que la même
municipalité qui avait délivré les permis illégitimes soit devenue propriétaire
des terrains ne revêt aucune importance particulière : le patrimoine est
en effet celui de la collectivité des habitants de la ville, et non pas celui
des administrateurs responsables de la procédure administrative incriminée. Au
demeurant, les circonstances de la cause montrent en l’espèce « que la
position de l’individu face au pouvoir n’a pas été certes celle d’un
particulier écrasé par un État Léviathan mais, plutôt, celle d’un particulier
qui a conclu un accord contra legem (n’étant, ontologiquement, un accord
contra legem rien d’autre que la rencontre entre une demande visée à
obtenir quelque chose d’interdit et une réponse positive à cette demande) avec
un secteur déterminé de l’État, qui a opéré au mépris de la loi et des intérêts
de la collectivité.(...) », comme
l’auraient reconnu les juridictions nationales.
135. En conclusion, le Gouvernement demande à la Cour de
rejeter la requête comme étant irrecevable et/ou mal fondée.
136. La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1
exige, avant tout et surtout, qu’une ingérence de l’autorité publique dans la
jouissance du droit au respect de biens soit légale : la seconde phrase du
premier alinéa de cet article n’autorise une privation de propriété que
« dans les conditions prévues par la loi » ; le second alinéa
reconnaît aux États le droit de réglementer l’usage des biens en mettant en
vigueur des « lois ». De plus, la prééminence du droit, l’un des
principes fondamentaux d’une société démocratique, est inhérente à l’ensemble
des articles de la Convention (Iatridis c. Grèce [GC], no
31107/96, § 58, CEDH 1999-II ; Amuur c. France, 25 juin 1996,
§ 50, Recueil 1996-III). Il s’ensuit que la nécessité de rechercher
si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général
de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de
l’individu (Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982, § 69,
série A no 52 ; Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce
[GC], no 25701/94, § 89, CEDH 2000-XII) ne peut se faire sentir
que lorsqu’il s’est avéré que l’ingérence litigieuse a respecté le principe de
la légalité et n’était pas arbitraire.
137. La Cour vient de constater que l’infraction par rapport
à laquelle la confiscation a été infligée aux requérantes n’avait pas de base
légale au sens de la Convention et que la sanction infligée aux requérantes
était arbitraire (paragraphes 114 et 118 ci-dessus). Cette conclusion l’amène à
dire que l’ingérence dans le droit au respect des biens des requérantes était
arbitraire et qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no
1.
138. En principe, cette
conclusion dispense la Cour de rechercher s’il y a eu rupture du « juste
équilibre » évoqué ci-dessus (paragraphe 136
ci-dessus; voir, parmi beaucoup d’autres, Carbonara et Ventura c. Italie,
no 24638/94, § 62, CEDH 2000-VI). Toutefois, compte tenu
de la gravité des faits dénoncés dans la présente affaire, la Cour estime
opportun de se livrer à certaines considérations sur l’équilibre devant régner
entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de
la protection des droits fondamentaux de l’individu, en ayant présent à
l’esprit qu’il doit y avoir un rapport raisonnable de proportionnalité entre
les moyens employés et le but poursuivi (Air Canada précité, § 36).
139. La Cour relève tout
d’abord que la bonne foi et l’absence de responsabilité des requérantes
n’ont pu jouer aucun rôle (a contrario, Agosi, précité, §§ 54-55
et 58-60 ; Air Canada, précité, §§ 44-46) et que les procédures
applicables en l’espèce ne permettaient aucunement de prendre en compte le
degré de faute ou d’imprudence ni, à tout le moins, le rapport entre la
conduite des requérantes et l’infraction litigieuse.
140. Ensuite, la Cour
estime que l’étendue de la confiscation (85% de terrains non construits),
en l’absence de toute indemnisation, ne se justifie pas par rapport au but
annoncé, à savoir mettre en conformité avec les dispositions d’urbanisme les
lots concernés. Il aurait amplement suffi de
prévoir la démolition des ouvrages incompatibles avec les dispositions
pertinentes et de déclarer sans effet le projet de lotissement.
141. Enfin, la Cour observe que la commune de Bari -
responsable d’avoir octroyé des permis de construire illégaux – est l’organisme
qui est devenu propriétaire des biens confisqués, ce qui est paradoxal.
142. Compte tenu de ces éléments, il y a eu rupture du juste
équilibre et violation de l’article 1 du Protocole no 1 également
pour cette raison.
IV. SUR L’APPLICATION DE
L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
143. Aux termes de
l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a
eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de
la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les
conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a
lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage matériel
144. Les requérantes ont formulé leurs prétentions en
s’appuyant sur deux expertises, réalisées en 2007 par le Real Estate Advisory
Group (REAG). La première expertise a établi la valeur marchande des biens
confisqués ; la deuxième expertise a déterminé les coût effectivement
supportés par les requérantes jusqu’à la confiscation.
145. Les prétentions des requérantes peuvent se résumer
ainsi :
terrain de
59 761 mètres carrés |
Valeur
2007 : 260 200 000 EUR |
volume de construction 289 803,656 mètres cubes |
Valeur
2007 : 14 200 000 EUR |
Coûts supportés
jusqu’à la confiscation |
92 267 508,
49 EUR + indexation + intérêts |
TOTAL RECLAMĖ |
274 400 000
EUR |
IEMA un terrain de
2 717 mètres carrés, un deuxième
terrain de 1 407 mètres carrés |
Valeur
2007 : 10 500 000 EUR |
Volumes de construction respectifs 13 585 / 13 559 mètres
cubes |
Valeur
2007 : 2 800 000 EUR |
Coûts supportés
jusqu’à la confiscation |
3 597 370,
51 EUR + indexation + intérêts |
TOTAL
RECLAMĖ |
13 300 000 EUR + 305 920,28 EUR pour coûts prévus |
MABAR un terrain de
13 077 mètres carrés un deuxième
terrainde 6 556 mètres carrés |
Valeur
2007 : 61 000 000 EUR |
Volumes de construction 65 385/65 157,80 mètres cubes |
Valeur
2007 : 4 200 000 EUR |
Coûts supportés
jusqu’à la confiscation |
10 550 579,12
EUR |
TOTAL
RECLAMĖ |
65 200 000
EUR |
146. Les requérantes demandent l’exonération fiscale sur les
montants que la Cour leur accordera.
147. Pour le Gouvernement, il est crucial de prendre en
compte le fait que les requérantes ont demandé plus ou moins le même montant à
titre d’indemnistation au niveau national, ainsi qu’au titre de la satisfaction
équitable. Cette situation empêche d’allouer n’importe quelle satisfaction
équitable, dont l’octroi conduirait à un résultat déraisonnable, injsute et
incompatible avec l’esprit de la Convention et se traduirait en une aubaine
injustifiée pour les requérantes. Le Gouvernement fait observer que la
procédure en indemnisation engagée par les requérantes au niveau national est
toujours pendante. Si la Cour accordait une somme aux requérantes,
celles-ci pourraient être indemnisés deux fois.
148. Le Gouvernement observe ensuite que les critères
indemnitaires proposés par les requérantes sont tout à fait disproportionnés et
ne sont pas afférents au cas d’espèce, alors que la Cour a toujours estimé que
l’État concerné est libre de choisir les moyens dont il usera pour se conformer
à un arrêt qui le concerne. En outre, les requérantes demandent réparation,
alors qu’elles n’ont pas respecté la théorie des « mains propres ».
Tout en admettant qu’il est possible en l’espèce d’entrevoir un manque de
transparence dans l’activité de l’admnistration, s’il y a co-responsabilité des
requérantes ou des tiers impliqués dans la procédure administrative, cela fait
l’objet de procédures nationales en cours et donc le problème devra être résolu
dans ce domaine national.
149. La Cour considère que, dans les circonstances de la
cause, la question de l’application de l’article 41 ne se trouve pas en état
pour ce qui est du dommage matériel, étant donné la complexité de l’affaire et
l’éventualité que les parties trouvent une forme de réparation au niveau
nationale. Partant, il y a lieu de réserver cette question et de fixer la procédure
ultérieure en tenant compte d’un éventuel accord entre l’État défendeur et la
requérante (article 75 § 1 du règlement).
B. Dommage moral
150. Les requérantes
réclament une somme au titre du préjudice moral que leur aurait causé le
comportement de l’État. SUD FONDI
sollicite le versement de 25 000 000 EUR, tandis que IEMA et MABAR
demandent respectivement 4 000 000 EUR et 6 000 000 EUR.
151. Le Gouvernement s’oppose à l’octroi de toute somme
et reprend pour l’essentiel les arguments avancés pour le dommage matériel.
152. La Cour rappelle
que l’on ne doit pas écarter de manière générale la possibilité d’octroyer une
réparation pour le préjudice moral allégué par les personnes morales ; cela
dépend des circonstances de chaque espèce (Comingersoll c. Portugal
[GC], no 35382/97, CEDH 2000-IV, §§ 32-35). La Cour ne peut donc
exclure, au vu de sa propre jurisprudence, qu’il puisse y avoir, pour une
société commerciale, un dommage autre que matériel appelant une réparation
pécuniaire.
153. Dans la présente
affaire, la manque de cadre juridique prévisible pour la confiscation et la
persistance de cette situation ont dû causer, dans le chef des requérantes
ainsi que de leurs administrateurs et associés, des désagréments considérables,
ne serait-ce que dans la conduite des affaires courantes des sociétés. A cet égard, on peut donc estimer que les sociétés
requérantes ont subi une situation qui justifie l’octroi d’une indemnité.
154. Statuant en équité, comme le veut l’article 41, la Cour
alloue à chaque requérante 10 000 EUR, soit une somme globale de
30 000 EUR.
C. Frais et dépens
155. Justificatifs à l’appui, les requérantes demandent le
remboursement des frais encourus dans la procédure nationale, qui s’élèvent
respectivement à 202 805,38 EUR pour MABAR, 160 248, 34 EUR pour IEMA
et 221 130,94 EUR pour SUD FONDI.
156. Elles sollicitent également le remboursement des frais
exposés devant la Cour, s’élevant à 129 024 EUR pour MABAR, à 55 296 EUR pour
IEMA et 197 202,48 EUR pour SUD FONDI, contributions sociales de 2%
inclues. Les requérantes réclament en outre le remboursement des frais
d’expertise à concurrence de 12 500 EUR pour MABAR, 6 500 EUR pour IEMA et
26 500 EUR pour SUD FONDI.
157. Selon le Gouvernement, abstraction faite du mal fondé du
petitum demandé, les frais réclamés sont excessifs.
158. La Cour rappelle que l’allocation des frais et dépens au
titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur
nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c.
Grèce (satisfaction équitable) précité, § 54). En outre, les frais de
justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la
violation constatée (Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril
1994, série A no 288, § 66).
159. La Cour estime que
la procédure pénale nationale concernait la responsabilité pénale personnelle
des administrateurs des sociétés requérantes. Ces frais ne peuvent dès lors pas
être remboursés. Quant aux frais concernant la procédure devant la Cour, il n’y
a pas lieu de douter de la nécessité de ceux-ci ni du fait qu’ils aient été
effectivement engagés à ce titre. Elle juge
cependant trop élevés les honoraires totaux revendiqués. Elle considère dès
lors qu’il n’y a lieu de les rembourser qu’en partie.
160. Compte tenu des circonstances de la cause, et statuant
en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour juge raisonnable
d’allouer 30 000 EUR à SUD FONDI, 30 000 EUR à MABAR et 30 000 EUR à
IEMA, soit 90 000 EUR globalement, pour les frais exposés devant la Cour.
D. Intérêts moratoires
161. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts
moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque
centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À
L’UNANIMITÉ,
1. Dit, qu’il y a
eu violation de l’article 7 de la Convention ;
2. Dit, qu’il y a
eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;
3. Dit,
a) que l’Etat défendeur doit verser aux requérantes, dans les
trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à
l’article 44 § 2 de la Convention, respectivement les sommes
suivantes :
(i) à la requérante SUD
FONDI :
- 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt, pour dommage moral et
- 30 000 EUR (trente mille euros), plus tout montant pouvant être
dû par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
(ii) à la requérante IEMA :
- 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt, pour dommage moral et
- 30 000 EUR (trente mille euros), plus tout montant pouvant être
dû par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
(iii) à la
requérante MABAR :
- 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt, pour dommage moral, et
- 30 000 EUR (trente mille euros) plus tout montant pouvant être dû
par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au
versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à
celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne
applicable pendant cette période, augmenté de trois points de
pourcentage ;
4. Dit, que la
question de l’article 41 de la Convention ne se trouve pas en état pour le
dommage matériel ; en conséquence,
a) réserve cette question ;
b) invite le Gouvernement et les requérantes à lui
donner connaissance, dans les six mois, de tout accord auquel ils pourraient
aboutir ;
c) réserve la
procédure et délègue au président le soin de la fixer au besoin ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour
le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 janvier 2009, en
application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Sally Dollé Françoise Tulkens Greffière Présidente
1 Le domaine
maritime est défini à l’article 28 du code de la navigation. Il comprend
notamment les plages et le « lido », à savoir (selon la
jurisprudence) la zone du rivage qui est submergée par la mer en cas de
« mareggiata » (mer agitée), exclusion faite des tempêtes.