Tribunale di primo grado delle Comunità europee
(Seconda Sezione), 14 ottobre 2009
T-390/08, Bank Melli Iran – Consiglio
dell’Unione europea
Dans l’affaire T‑390/08,
Bank Melli
représentée par Me L. Defalque, avocat,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne,
représenté par M. M. Bishop, Mmes E. Finnegan et R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,
représenté par Mme V.
par
République française,
représentée par MM. G. de Bergues, L.
Butel et Mme E. Belliard, en qualité d’agents,
et par
Commission des
Communautés européennes,
représentée par M. P. Aalto et Mme E.
Cujo, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
ayant pour objet l’annulation du point 4 du tableau
B de l’annexe de la décision 2008/475/CE du Conseil, du 23 juin 2008, mettant
en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007
concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO
L 163, p. 29), en ce qu’il concerne
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
composé
greffier : Mme C. Kristensen,
administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2009,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La
requérante,
Mesures restrictives
adoptées à l’encontre de
2 La présente
affaire s’inscrit dans le cadre du régime de mesures restrictives instauré en
vue de faire pression sur
3 Le
régime en cause trouve son origine au sein de
l’Organisation des Nations unies. Le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité
des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la
résolution 1737 (2006), dont l’annexe énumère une série de personnes et d’entités impliquées dans la prolifération nucléaire et
dont les fonds et les ressources économiques (ci-après les « fonds »)
devaient être gelés. La liste figurant en annexe à la résolution
1737 (2006) a été par la suite mise à jour par plusieurs résolutions, et notamment par la résolution 1747 (2007) du Conseil
de sécurité. Toutefois, la requérante n’a pas fait l’objet de mesures de gel
des fonds arrêtées par le Conseil de sécurité.
4 En
ce qui concerne l’Union européenne, la résolution 1737 (2006) a été mise
en œuvre par la position commune 2007/140/PESC du Conseil, du 27 février 2007,
concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO
L 61, p. 49). Son article 5, paragraphe 1, sous a), prévoit le gel de
tous les fonds appartenant aux personnes et aux entités désignées dans la résolution
1737 (2006) du Conseil de sécurité, de même que de tous les fonds et
ressources économiques que ces personnes ou ces entités possèdent, détiennent
ou contrôlent, directement ou indirectement. L’article 5, paragraphe 1, sous
b), de la position commune 2007/140 prévoit, par ailleurs, que les mêmes
mesures s’appliquent notamment aux entités dont le Conseil de l’Union
européenne considère qu’elles participent, sont directement associées ou
apportent un appui à la prolifération nucléaire. Selon l’article 7, paragraphe
2, de la position commune 2007/140, la liste des personnes ou entités visées
par les mesures de gel des fonds en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous
b), du même texte est établie et modifiée par le Conseil, statuant à
l’unanimité.
5 Dans
la mesure où les compétences de
6 Par
dérogation à l’article 7 du règlement n° 423/2007, les articles 9 et 10 du
même règlement autorisent les autorités compétentes des États membres, en
substance, à débloquer les fonds gelés pour permettre notamment aux entités
citées à l’annexe V d’honorer des obligations découlant de contrats conclus
antérieurement à l’adoption de la mesure de gel des fonds et de répondre à des
dépenses essentielles.
7 L’article
15, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 prévoit, d’une part, que le
Conseil, statuant à la majorité qualifiée, établit, révise et modifie la liste
de l’annexe V en pleine conformité avec les décisions du Conseil adoptées en
vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140
et, d’autre part, que ladite liste est examinée à intervalles réguliers et au
moins tous les douze mois.
8 L’article
15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007 oblige le Conseil à donner des
raisons individuelles et spécifiques pour des décisions prises en vertu de
l’article 15, paragraphe 2, du même règlement et de les porter à la
connaissance des entités concernées.
9 Par
ailleurs, aux termes du point 10 de la résolution 1803 (2008) du Conseil
de sécurité, du 3 mars 2008, ce dernier a demandé « à tous les États de
faire preuve de vigilance s’agissant des activités menées par les institutions financières
sises sur leur territoire avec toutes les banques domiciliées en Iran, en
particulier
Mesures visant la requérante
10 Le 23 juin 2008, le Conseil a arrêté la position commune 2008/479/PESC, modifiant la position commune 2007/140 (JO L 163, p. 43). En vertu de l’annexe de la position commune 2008/479, la requérante a été incluse parmi les entités visées par le gel des fonds conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140. Le gel des fonds de la requérante a été maintenu dans la position commune 2008/652/PESC du Conseil, du 7 août 2008, modifiant la position commune 2007/140 (JO L 213, p. 58).
11 Le même jour, le Conseil a également adopté la décision 2008/475/CE, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 163, p. 29, ci-après la « décision attaquée »). Aux termes du point 4 du tableau B de l’annexe de la décision attaquée, la requérante a été inscrite sur la liste figurant à l’annexe V dudit règlement, avec la conséquence de geler ses fonds.
12 Le Conseil
a retenu les motifs suivants :
« Apporte ou tente d’apporter un soutien
financier à des sociétés participant aux programmes nucléaire et de missiles de
l’Iran ou achetant des biens destinés à ces programmes (AIO, SHIG, SBIG, AEOI,
Novin Energy Company, Mesbah Energy Company, Kalaye Electric Company et DIO).
Procédure
et conclusions des parties
13 Par requête
déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2008, la requérante a introduit le présent recours. Par actes séparés déposés au
greffe du Tribunal le même jour, elle a introduit une demande de procédure
accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du
Tribunal, ainsi qu’une demande en référé visant à ce que l’application du point
4 du tableau B de l’annexe de la décision attaquée soit suspendue à son égard.
14 Par
décision du 14 octobre 2008, le Tribunal (deuxième chambre) a fait droit à la
demande visant à ce que le litige soit tranché selon une procédure accélérée au
titre de l’article 76 bis du règlement de procédure, en autorisant les
États membres intervenant au litige à présenter des mémoires en intervention.
15 Par
ordonnance du président du Tribunal du 15 octobre 2008, la demande en référé
présentée par la requérante a été rejetée et les
dépens ont été réservés.
16 Par actes
déposés au greffe du Tribunal les 20 octobre, 13 et 18 novembre 2008,
respectivement, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord,
17 Le mémoire en défense a
été déposé le 5 novembre 2008. Les mémoires en intervention du Royaume-Uni de
Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et de
18 Le 4 février 2009, la requérante a demandé au Tribunal l’autorisation de verser au dossier certains documents supplémentaires relatifs à ses relations avec les entités désignées dans la décision attaquée, motif pris de ce que les documents en cause ne pouvaient être présentés à un stade antérieur de la procédure. Cette demande a été accueillie par décision de la deuxième chambre du Tribunal du 17 février 2009.
19 Le 5 mai 2009, la deuxième chambre du Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’instruction préalables. Elle a également décidé de demander à la requérante de répondre par écrit à des questions, demande à laquelle la requérante a déféré dans le délai imparti par le Tribunal.
20 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs
réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 3 juin
2009.
21 Dans la requête, la requérante a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal, annuler le point 4 du tableau B de l’annexe de la décision attaquée en ce qu’il la concerne, ainsi que ses filiales et ses succursales ;
– à titre subsidiaire, déclarer l’inapplicabilité au présent litige de l’article 7, paragraphe 2, et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 ;
– en tout état de cause, condamner le Conseil aux dépens.
22 Lors de l’audience, la requérante s’est, d’une part, désistée de son deuxième chef de conclusions, en précisant que l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 7, paragraphe 2, et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 devait être considérée comme un grief par lequel elle demandait l’annulation de la décision attaquée pour défaut de base juridique. Elle s’est, d’autre part, désistée de son premier chef de conclusions en ce qu’il visait à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où cette dernière concerne ses filiales.
23 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
24 Le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et
25
En droit
26 La requérante présente
des observations liminaires relatives à la compétence du Tribunal pour
contrôler la légalité de la décision attaquée. Ses griefs quant au fond peuvent
être regroupés en cinq moyens tirés, le premier, d’une violation des formes
substantielles, du traité CE, des règles de droit relatives à son application
et de l’article 7, paragraphe 2, de la position commune 2007/140, d’un
détournement de pouvoir, ainsi que du défaut de base juridique de la décision attaquée ; le deuxième, d’une violation du principe d’égalité
de traitement ; le troisième, d’une violation du principe de
proportionnalité et du droit de propriété ; le quatrième, d’une violation
des droits de la défense, du droit à une protection juridictionnelle effective
et de l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007 ; le
cinquième, d’un défaut de compétence de
27 Le Conseil, soutenu par les intervenants, conteste le bien-fondé des moyens invoqués par la requérante.
28 Le Tribunal estime que, avant d’aborder les moyens soulevés par la requérante, il y a lieu d’examiner la pertinence des documents qu’elle a présentés le 4 février 2009.
Sur la pertinence des documents présentés par la requérante le 4 février 2009
29 Les documents présentés le 4 février 2009 consistent en trois déclarations provenant du directeur général de la requérante et des représentants de ses succursales à Paris (France) et à Hambourg (Allemagne), récapitulant les relations commerciales de la requérante avec les entités désignées dans la décision attaquée. En réponse à une question posée lors de l’audience, la requérante a expliqué que ces documents avaient été présentés, d’abord, pour établir que la mesure de gel des fonds la visant était dépourvue de justification, les relations qu’elle entretenait avec les entités désignées dans la décision attaquée ayant été limitées. Ensuite, selon la requérante, les déclarations en cause appuient également le troisième moyen, dès lors qu’il en ressortirait, d’une part, que le gel de ses fonds n’était pas nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par le Conseil et, d’autre part, que ce même objectif pouvait être atteint par des mesures moins contraignantes. Enfin, les documents concernés seraient également pertinents dans le cadre du quatrième moyen, dès lors qu’ils illustreraient les difficultés auxquelles était confrontée la requérante en étant obligée d’apporter une « preuve négative », à défaut pour elle d’avoir eu accès aux éléments de preuve sur lesquels se fonde le Conseil, à supposer qu’ils existent.
30 Il convient de relever que la requête ne contient pas de moyen mettant en cause le constat du Conseil selon lequel la requérante a apporté un soutien financier à la prolifération nucléaire, alors même que ce constat constitue le fondement de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante et que, par conséquent, un tel moyen pouvait être soulevé dès la formation du recours, le cas échéant en précisant que des preuves supplémentaires allaient être présentées dès qu’elles seraient disponibles. À supposer encore, dans ce contexte, qu’un tel moyen ait été soulevé pour la première fois lors de l’audience, il doit être rejeté comme irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante n’ayant même pas invoqué qu’il se fondait sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Dans ces circonstances, les documents présentés le 4 février 2009 ne peuvent pas être pris en considération pour apprécier si les relations de la requérante avec les entités désignées dans la décision attaquée justifiaient le gel de ses fonds.
31 La même conclusion est applicable en ce qui concerne la pertinence des documents en cause pour l’examen du troisième moyen. En effet, dans la requête, la requérante s’est bornée à soutenir que la décision attaquée était disproportionnée en ce qu’elle allait au‑delà des obligations et des recommandations formulées par le Conseil de sécurité dans la résolution 1803 (2008). En revanche, elle ne s’est pas prévalue d’un quelconque grief mettant en cause l’étendue de ses relations commerciales avec les entités désignées, telle qu’elle est définie dans la décision attaquée. Dans la mesure où la requérante n’a par ailleurs pas soutenu lors de l’audience que de tels griefs se fondaient sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure, il résulte de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’ils constitueraient un moyen nouveau, lequel serait, en tout état de cause, irrecevable. Partant, il n’y a pas lieu non plus de prendre en considération les documents présentés le 4 février 2009 dans le cadre de l’examen du troisième moyen.
32 Quant au quatrième
moyen, la requérante a effectivement soutenu dans la requête que, pour exercer
son recours devant le Tribunal, elle était tenue d’apporter une « preuve
négative » de ce qu’elle n’apportait pas de soutien à la prolifération
nucléaire, ce qui serait particulièrement difficile, voire impossible à
établir. Par conséquent, les
documents présentés le 4 février 2009 peuvent être pris en considération dans ce contexte.
Sur l’intensité du contrôle
juridictionnel
Arguments des parties
33 La
requérante expose que la légalité de toute réglementation adoptée par les
institutions communautaires, y compris celle visant à mettre en œuvre une
résolution du Conseil de sécurité, est soumise au contrôle entier du juge
communautaire dans le cadre du système complet de voies de recours établi par le
traité CE.
34 Le Conseil ne conteste pas la compétence du Tribunal pour contrôler la légalité de la décision attaquée. Il rappelle toutefois qu’il dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures restrictives économiques ou financières.
Appréciation du Tribunal
35 S’agissant de
l’intensité du contrôle juridictionnel, deux types d’éléments doivent être
distingués au sein du règlement n° 423/2007. En effet, d’une part, les articles de ce même règlement prévoient les règles générales définissant
les modalités des mesures restrictives qu’il instaure. D’autre part, l’annexe V
du règlement n° 423/2007, qui énumère les entités visées par les mesures
de gel des fonds adoptées au titre de l’article 7, paragraphe 2, du même
règlement, représente un ensemble d’actes d’application des règles générales
précitées à des entités spécifiques.
36 En ce qui
concerne les règles générales définissant les modalités des mesures restrictives,
le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à
prendre en considération en vue de l’adoption de mesures de sanctions
économiques et financières sur la base des articles 60 CE et 301 CE,
conformément à une position commune adoptée au titre de la politique étrangère
et de sécurité commune (PESC). Le juge communautaire ne pouvant, en
particulier, substituer son appréciation des preuves, faits et circonstances
justifiant l’adoption de telles mesures à celle du Conseil, le contrôle exercé
par le Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de
procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de
l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement
de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation
des considérations d’opportunité sur lesquelles de telles mesures sont fondées
(voir, par analogie, arrêt du Tribunal
du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02,
Rec. p. II‑4665, ci‑après l’« arrêt OMPI »,
point 159).
37 Quant au
contrôle de la légalité de la décision par laquelle une entité est inscrite sur
la liste de l’annexe V du règlement n° 423/2007 en vertu de l’article 7,
paragraphe 2, de celui‑ci, il incombe au Tribunal de vérifier, eu égard
aux moyens d’annulation soulevés par l’entité concernée ou relevés d’office,
notamment, que le cas d’espèce correspond à l’une des quatre hypothèses visées
à l’article 7, paragraphe 2, sous a) à d), du règlement n° 423/2007. Cela
implique que le contrôle juridictionnel de la légalité de la décision en
question s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme
la justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et
d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. Le Tribunal doit
également s’assurer du respect des droits de la défense et de l’exigence de
motivation à cet égard ainsi que, le cas échéant, du bien-fondé des
considérations impérieuses exceptionnellement invoquées par le Conseil pour s’y
soustraire (voir, par analogie, arrêt OMPI,
point 36 supra, point 154).
38 Dans la présente affaire, le grief tiré
d’un défaut de base juridique de la décision attaquée revient à contester la
légalité de certaines des règles générales du règlement n° 423/2007. Par
conséquent, lors de son examen, il convient
d’appliquer le contrôle restreint décrit au point 36 ci‑dessus. Pour le
reste, les moyens mettant en cause la légalité de la décision par laquelle la
requérante a été inscrite sur la liste de l’annexe V du règlement
n° 423/2007, les considérations exposées au point 37 ci‑dessus
s’appliquent à leur égard.
Sur le premier moyen, tiré d’une
violation des formes substantielles, du traité CE, des règles de droit
relatives à son application et de l’article 7,
paragraphe 2, de la position commune 2007/140, d’un détournement de pouvoir,
ainsi que d’un défaut de base juridique de la décision attaquée
Arguments des parties
39 La
requérante soutient que le règlement n° 423/2007, sur lequel est fondée la
décision attaquée, a trois bases juridiques, à savoir les articles 60 CE
et 301 CE ainsi que la position commune 2007/140. Elle poursuit en
soulignant que, selon l’article 15, paragraphe 2, du règlement
n° 423/2007, la liste des entités visées par les mesures de gel des fonds
en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement est établie par le
Conseil statuant à la majorité qualifiée. En revanche, l’article 7, paragraphe
2, de la position commune 2007/140 exigerait que la liste des personnes ou
entités visées par les mesures de gel des fonds en vertu de l’article 5, paragraphe
1, sous b), de la position commune 2007/140, qui est effectivement la même que
celle visée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007, soit
établie par le Conseil statuant à l’unanimité.
40 La
requérante fait valoir, dans ce contexte, que, lorsqu’un acte a plusieurs bases
juridiques qui prévoient des conditions différentes de vote, la procédure la
plus stricte doit être suivie. Elle en déduit que, dans la mesure où le Conseil
n’a pas respecté la règle de l’unanimité posée par l’article 7, paragraphe 2,
de la position commune 2007/140 lors de l’adoption de la décision attaquée, il
a commis une violation des formes substantielles, du traité CE et des règles de
droit relatives à son application. Par ailleurs, selon la requérante, le Conseil
a également de ce fait commis un détournement de
pouvoir, dès lors qu’il aurait violé la procédure spécialement prévue par le
traité UE dans le contexte de
41 La
requérante ajoute que, dans la mesure où l’article 15, paragraphe 2, du
règlement n° 423/2007 prévoit le vote à la majorité qualifiée, alors même
qu’il met en œuvre
42 En dernier
lieu, la requérante fait valoir que l’arrêt de la Cour
du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et
Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, non encore
publié au Recueil, ci-après l’« arrêt
Kadi »), n’est pas pertinent dans le cadre du présent moyen, dès lors que
la décision en cause dans l’affaire dans laquelle il a été rendu était fondée
sur la triple base juridique des articles 60 CE, 301 CE et
308 CE et avait, par conséquent, été adoptée à l’unanimité.
43 Le Conseil,
soutenu par les intervenants, conteste le bien‑fondé des arguments de la
requérante en soutenant que la règle de vote appropriée, telle qu’elle est
déterminée par les articles 60 CE et 301 CE, qui constituent la base
juridique de la décision attaquée, a été appliquée.
Appréciation du Tribunal
44 À titre
liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la
requérante, l’arrêt
Kadi, point 42 supra, est pleinement pertinent en l’espèce, dès lors que
45 Les
articles 60 CE et 301 CE ont la
particularité de constituer une passerelle entre les actions de
46 Toutefois,
cette circonstance est sans préjudice de la coexistence de l’Union et de
47 Il découle de ce qui
précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, la position commune
2007/140, qui fait partie du deuxième pilier de l’Union, ne constitue pas une
base juridique du règlement n° 423/2007 et des actes le mettant en œuvre,
ce qui implique que la règle de vote applicable à l’adoption de ladite position
commune et à sa modification est sans pertinence. En effet, l’existence d’une position commune ou
d’une action commune adoptée préalablement dans le domaine de
48 Or, en
l’espèce, il n’est pas contesté que le règlement
n° 423/2007 et la décision attaquée ont été adoptés à la majorité
qualifiée, en conformité avec la règle posée par l’article 301 CE. Il
n’est pas non plus contesté que l’adoption du même règlement a été précédée de
l’adoption à l’unanimité de la position commune 2007/140 et que l’adoption de
la décision attaquée a été précédée de l’adoption à l’unanimité de la position
commune 2008/479, par laquelle la requérante a été inscrite sur la liste des
entités visées par la mesure de gel des fonds en vertu de l’article 5, paragraphe
1, sous b), de la position commune 2007/140. Dans ces
circonstances, il convient de conclure que les conditions posées par l’article
301 CE ont été respectées.
49 Par
conséquent, le grief de la requérante tiré du non‑respect de la règle de vote
applicable doit être rejeté.
50 Quant aux
autres griefs de la requérante, il convient de rappeler qu’un acte n’est
entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices
objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à
tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou
d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux
circonstances de l’espèce (voir arrêt de
51 En dernier
lieu, dans la mesure où la requérante soutient que l’article 15, paragraphe 2,
et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 ne sauraient
constituer une base juridique valable de la décision attaquée dès lors qu’ils
permettent au Conseil d’adopter des mesures de gel des fonds allant au‑delà
des mesures arrêtées par le Conseil de sécurité, il y a lieu de relever que
rien dans les articles 60 CE et 301 CE ne permet de considérer que la
compétence que ces dispositions confèrent à
52 Dans ce
contexte, il est certes vrai que le considérant 6 du règlement n° 423/2007
impose au Conseil d’exercer le pouvoir qui lui est conféré par l’article 7,
paragraphe 2, du même règlement « compte tenu des objectifs de la
résolution 1737 (2006) ». Toutefois, l’obligation de poursuivre les
objectifs de la résolution 1737 (2006) n’implique nullement que l’article
7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 peut seulement être mis en œuvre
à l’égard des entités visées par des mesures restrictives adoptées par le
Conseil de sécurité en vertu de cette même résolution. L’absence de mesures
prises par le Conseil de sécurité ou une prise de position spécifique par ce
dernier peuvent, tout au plus, être prises en considération, avec d’autres
éléments pertinents, dans le cadre de l’appréciation visant à déterminer si les
conditions posées par l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007
sont ou non remplies.
53 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement
Arguments des parties
54 La
requérante soutient qu’elle a fait l’objet d’une « discrimination
arbitraire et injustifiée » dans la mesure où, alors que la résolution
1803 (2008) du Conseil de sécurité appelle les États à être vigilants à
l’égard de toutes les banques domiciliées en Iran, et notamment à son égard et
à l’égard de
55 Le Conseil, soutenu par les intervenants, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante en rappelant que l’adoption de la mesure de gel des fonds en cause en l’espèce résulte de ce qu’il a considéré, au terme d’une appréciation indépendante opérée dans le cadre du pouvoir qui lui a été conféré par l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007, que la requérante apportait un soutien à la prolifération nucléaire.
Appréciation du Tribunal
56 Selon la
jurisprudence, le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe
fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées
de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de
manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement
justifiés (arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99,
T‑327/99 et T‑329/99, Rec. p. II‑2823, point 150).
57 Ainsi que
le fait valoir le Conseil, soutenu par les intervenants, le critère déterminant
pour la mise en œuvre de l’article 7, paragraphe 2, sous a), et b), du
règlement n° 423/2007, et donc le critère de comparaison applicable pour
déterminer l’existence éventuelle d’une violation du principe d’égalité de traitement,
est celui de savoir si l’entité en cause participe, est directement associée ou
apporte un appui à la prolifération nucléaire.
58 En
l’espèce, la requérante a été reconnue, dans la décision attaquée, comme une
entité apportant un soutien à la prolifération nucléaire et, ainsi qu’il a été
conclu au point 30 ci‑dessus, elle n’a pas présenté de moyen recevable
mettant en cause le bien-fondé de ce constat.
59 Dans ces
circonstances, même à supposer que le Conseil ait effectivement omis d’adopter
des mesures de gel des fonds à l’égard de certaines banques iraniennes
participant, étant directement associées ou apportant un appui à la
prolifération nucléaire, cette circonstance ne saurait être valablement
invoquée par la requérante, dès lors que le principe d’égalité de traitement
doit se concilier avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut
invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêts du
Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec.
p. II‑1373, point 160 ; Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94,
Rec. p. II‑1751, point 334, et du 20 mars 2002, LR AF
1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 367).
60 Le deuxième moyen doit, par conséquent, être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité et du droit de propriété
Arguments des parties
61 La requérante estime que la décision attaquée est disproportionnée en ce qu’elle impose le gel de ses fonds, alors que la résolution 1803 (2008) du Conseil de sécurité, que la décision attaquée met en œuvre, se borne à exiger des États qu’ils fassent preuve de vigilance à l’égard de ses activités. En effet, cette résolution ne demanderait ni ne recommanderait le gel des fonds de la requérante et ne demanderait pas non plus que cette dernière soit traitée différemment des autres banques domiciliées en Iran. Par conséquent, la décision attaquée est « abusive » selon la requérante, dès lors qu’elle lui cause un préjudice matériel et moral considérable en restreignant notamment, de manière injustifiée et disproportionnée, son droit de propriété.
62 Lors de
l’audience, la requérante s’est prévalue de ce que le gel de ses fonds n’était
pas nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par le Conseil et de ce que
ce même objectif pouvait être atteint par des mesures moins contraignantes,
telles que des contrôles a posteriori des transactions effectuées ou leur
vérification par un tiers indépendant.
63 Le Conseil,
soutenu par les intervenants, conteste le bien-fondé des arguments de la
requérante en soutenant que le gel de ses fonds est
approprié et nécessaire pour empêcher la prolifération nucléaire, étant donné
le soutien qu’elle a apporté aux entreprises y participant. De même, une telle
mesure de gel des fonds serait justifiée et
proportionnée au vu de l’importance du maintien de la paix et de la sécurité
internationale, aucune autre mesure ne pouvant garantir que l’objectif
poursuivi soit atteint.
Appréciation du Tribunal
64 À titre
liminaire, il ressort des points 51 et 52 ci‑dessus que l’article 7,
paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 confère au Conseil un pouvoir
autonome, dont la mise en œuvre est indépendante de l’adoption par le Conseil
de sécurité de mesures restrictives visant les entités concernées. En effet,
l’objet de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement et de la décision
attaquée, qui a été adoptée en vertu de celui-ci, n’est pas de mettre en œuvre
des résolutions du Conseil de sécurité, adoptées en matière de prolifération
nucléaire, mais uniquement d’assurer que les objectifs poursuivis par l’une des
résolutions en cause, à savoir la résolution 1737 (2006), soient atteints
par le biais de l’adoption de mesures restrictives autonomes.
65 Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, ni l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 ni la décision attaquée ne mettent en œuvre la résolution 1803 (2008), ce qui implique que le contenu et les objectifs de cette dernière résolution ne constituent pas un critère au regard duquel la compatibilité de la décision attaquée avec le principe de proportionnalité doit être appréciée.
66 Selon la jurisprudence,
en vertu du principe de proportionnalité, qui fait partie des principes
généraux du droit communautaire, la légalité de l’interdiction d’une activité
économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient
appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement
poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix
s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins
contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par
rapport aux buts visés (arrêt de
67 À cet égard, premièrement, il convient d’observer que le
règlement n° 423/2007 a pour objectif d’empêcher la prolifération
nucléaire et son financement et d’exercer ainsi une pression sur
68 Deuxièmement,
le gel des fonds des entités qui ont été reconnues comme participant, étant
directement associées ou apportant un appui à la
prolifération nucléaire constitue une mesure appropriée et nécessaire à la
réalisation de l’objectif susmentionné. En effet, une telle mesure est à même de garantir que les fonds des entités visées ne
seront plus utilisés pour promouvoir la prolifération nucléaire. De plus, ainsi
qu’il a été conclu aux points 30 et 31 ci‑dessus, les arguments de la
requérante selon lesquels, d’une part, elle n’apportait pas de soutien à la
prolifération nucléaire et, d’autre part, la mesure de gel des fonds n’était,
en tout état de cause, pas nécessaire dans son cas spécifique ont été présentés
tardivement et sont donc irrecevables.
69 Troisièmement,
il ressort également du point 31 ci‑dessus que
la requérante n’a pas présenté d’arguments recevables relatifs à l’existence de
mesures moins contraignantes permettant d’empêcher l’utilisation de ses fonds
pour promouvoir la prolifération nucléaire.
70 Quatrièmement,
en ce qui concerne les inconvénients causés à la
requérante et la restriction apportée à ses droits fondamentaux, dont le droit
de propriété et le droit d’exercer une activité économique, il convient
d’observer que, selon une jurisprudence constante, lesdits droits font partie
intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le
respect. Ainsi, le respect des droits fondamentaux constitue une condition de
la légalité des actes communautaires (voir arrêt Kadi,
point 42 supra, point 284, et la jurisprudence citée).
Toutefois, il ressort également de la jurisprudence
que les droits fondamentaux ne sont pas des prérogatives absolues et que leur
exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs
d’intérêt général poursuivis par
71 En
l’espèce, la liberté d’exercer une activité économique ainsi que le droit de
propriété de la requérante sont restreints dans une mesure considérable, du
fait de l’adoption de la décision attaquée, dès lors qu’elle ne peut,
notamment, pas disposer de ses fonds situés sur le territoire de
72 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation
des droits de la défense, du droit à une protection juridictionnelle effective
et de l’obligation de motivation prévue par l’article 15, paragraphe 3, du
règlement n° 423/2007
Arguments des parties
73 La requérante fait
valoir que, en violation des règles découlant de la jurisprudence de
74 La requérante ajoute
qu’elle n’a pas eu accès aux preuves contenues dans le dossier du Conseil et
qu’elle n’a pas pu bénéficier d’une audition. Elle précise qu’elle n’a pas pris contact avec
le Conseil afin de pouvoir exercer ses droits. Dans ce
contexte, premièrement, elle fait valoir que les mesures réglementaires
applicables ne prévoient pas que l’accès au dossier soit accordé et qu’une
audition soit organisée, cette circonstance étant, selon elle, contraire en
elle‑même au principe du respect des droits de la défense et constituant,
par conséquent, une violation du droit à une protection juridictionnelle
effective. Deuxièmement, la requérante souligne que les efforts, entrepris en
ce sens par sa filiale située au Royaume‑Uni, Melli Bank plc, auprès du
Conseil et de certains États membres avant l’adoption de la décision attaquée,
ont été infructueux, ce qui l’a amenée à privilégier la voie juridictionnelle. Troisièmement,
elle fait valoir que, nonobstant la charge de la preuve qui incombe au Conseil,
celui‑ci n’a pas présenté au Tribunal d’éléments de preuve à l’appui de
la motivation retenue dans la décision attaquée, l’obligeant à apporter une
« preuve négative », ce qui serait difficile
voire impossible à produire. Quatrièmement, la requérante soutient qu’elle ne pouvait pas faire valoir son point de vue auprès du
Conseil avant de vérifier une à une ses relations avec les entités désignées
dans la décision attaquée. Or,
les vérifications en cause n’auraient pu être
terminées dans le délai de recours.
75 La requérante estime que, dans la mesure où elle ne s’est pas vu communiquer les éléments retenus à sa charge et elle n’a pu obtenir accès aux éléments de preuve contenus dans le dossier du Conseil ni bénéficier d’une audition, elle n’était pas en mesure de faire connaître utilement son point de vue, ce qui implique, selon elle, une violation de ses droits de la défense, et notamment de celui d’être entendue. Pour la même raison, elle affirme ne pas être actuellement en mesure d’exercer son droit de recours devant le Tribunal dans des conditions satisfaisantes, invoquant ainsi également une violation du droit à une protection juridictionnelle effective. Elle souligne encore, dans ce contexte, que le Conseil ne peut justifier les violations susmentionnées par la nécessité d’atteindre un effet de surprise, étant donné que le premier ministre du Royaume-Uni aurait annoncé, dès le 16 juin 2008, le gel de ses fonds.
76 En dernier lieu, la requérante soutient que l’omission du Conseil de donner des raisons individuelles et spécifiques justifiant le gel de ses fonds, par rapport à la simple obligation de vigilance exigée par le Conseil de sécurité et par rapport au traitement des autres banques domiciliées en Iran, et de les porter à sa connaissance, équivaut également à une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007.
77 Le Conseil, soutenu par les intervenants, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. D’une part, il fait valoir, à cet égard, qu’il a satisfait à l’obligation de motivation prévue à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007 par la publication de la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne, lequel est disponible notamment sur Internet le jour même de sa parution. En effet, selon le Conseil, ledit règlement n’exige pas de notification individuelle, étant donné qu’aucune adresse permettant une notification individuelle n’est connue dans certains cas et que, en tout état de cause, nul n’est censé ignorer la loi. Par ailleurs, les motifs retenus dans le cadre de la lutte contre la prolifération nucléaire seraient moins préjudiciables que ceux en cause lors de l’adoption de mesures similaires, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui font l’objet d’une notification individuelle.
78 D’autre part, selon le Conseil, la publication de la motivation de la décision attaquée au Journal officiel a mis la requérante en mesure de prendre connaissance des motifs retenus à sa charge, de sorte que ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés. Le Conseil insiste, dans ce contexte, sur le fait que la requérante n’a pas demandé que la mesure de gel de ses fonds soit réexaminée, alors qu’une telle possibilité a été prévue par l’avis à l’attention des personnes, entités et organismes qui ont été inclus par le Conseil dans la liste des personnes, entités et organismes auxquels l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 s’applique (annexe V) (JO 2008 C 159, p. 1).
Appréciation du Tribunal
79 En premier lieu, il convient d’examiner le grief relatif à la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007. En effet, du fait de l’interdépendance entre les différents droits procéduraux en cause en l’espèce, l’existence d’une motivation suffisante portée à la connaissance de la requérante en temps utile est pertinente s’agissant de tous les griefs soulevés dans le cadre du présent moyen.
80 L’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 253 CE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge communautaire et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge communautaire. Par ailleurs, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important dans le cas d’une première décision par laquelle les fonds d’une entité sont gelés qu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de la décision en cause, étant donné qu’il ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à son adoption (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI, point 36 supra, points 138 à 140, et la jurisprudence citée).
81 Partant, à moins que des
considérations impérieuses touchant à la sûreté de
82 Cependant, la motivation
doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il
a été adopté. L’exigence de
motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce,
notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt
que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des
explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments
de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une
motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais
aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant
la matière concernée. En particulier, un acte faisant
grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte
connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise
à son égard (voir arrêt OMPI,
point 36 supra, point 141, et la jurisprudence citée).
83 Ainsi qu’il a été relevé au point 57 ci‑dessus, la mise en œuvre de l’article 7, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 423/2007 requiert que l’entité concernée participe, qu’elle soit directement associée ou qu’elle apporte un appui à la prolifération nucléaire. Par conséquent, outre l’indication de la base juridique de la mesure adoptée, l’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte précisément sur cette circonstance. En revanche, contrairement à ce que prétend la requérante, le Conseil n’était tenu de motiver ni son choix d’aller au‑delà des mesures arrêtées par la résolution 1803 (2008), dès lors qu’il a été constaté au point 65 ci-dessus que la décision attaquée ne mettait pas en œuvre cette résolution, ni celui de traiter la requérante différemment des autres banques iraniennes.
84 Dans le cas d’espèce, le
Conseil a indiqué, tant dans le titre de la décision attaquée qu’au considérant
2 de celle‑ci, que les mesures prises étaient fondées sur l’article 7,
paragraphe 2, du règlement n° 423/2007. Il a également précisé, au point 4
du tableau B de l’annexe de la décision attaquée, les raisons individuelles et
spécifiques qui l’ont amené à considérer que la requérante apportait un soutien
à la prolifération nucléaire. En
effet, le Conseil a mentionné, premièrement, le type de soutien apporté par la
requérante, à savoir la prestation de services financiers comprenant
l’ouverture de lettres de crédit et la gestion de comptes, deuxièmement, les
activités liées à la prolifération nucléaire concernées par ces services, à
savoir l’achat de matériaux sensibles, et, troisièmement, les bénéficiaires du
soutien fourni par la requérante, à savoir les huit entités nommément
désignées.
85 Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la motivation de la décision attaquée s’agissant de la requérante est suffisante au regard de la jurisprudence citée aux points 80 à 82 ci‑dessus et du libellé de l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007.
86 En revanche,
l’affirmation du Conseil, soutenu par les intervenants, selon laquelle il a été
satisfait à l’obligation de porter les motifs à la connaissance de la
requérante par la publication de la décision attaquée au Journal officiel ne
saurait être acceptée. En effet, une décision telle que la décision attaquée,
qui arrête une version modifiée de l’annexe V du règlement n° 423/2007,
déploie des effets erga omnes, dès lors qu’elle s’adresse à un ensemble de
destinataires déterminé de manière générale et abstraite, qui sont tenus de
geler les fonds des entités incluses dans la liste de
ladite annexe. Toutefois, une telle décision ne revêt
pas une nature exclusivement générale, dès lors que le gel des fonds vise des
entités nommément désignées, qui sont concernées directement et
individuellement par les mesures restrictives individuelles arrêtées à leur
égard (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Kadi,
point 42 supra, points 241 à 244, et OMPI, point 36
supra, point 98). De surcroît,
le gel des fonds a des conséquences considérables pour les entités concernées,
dès lors qu’il est susceptible de restreindre l’exercice
de leurs droits fondamentaux. Dans ces circonstances, étant donné la nécessité
d’assurer le respect desdits droits, à la fois matériels et procéduraux,
rappelée au point 70 ci‑dessus, il convient de considérer que le Conseil
est tenu, dans toute la mesure du possible, de porter les mesures de gel de
fonds à la connaissance des entités concernées par une notification
individuelle.
87 Les
arguments soulevés par le Conseil ne sont pas de nature à modifier cette
conclusion. En effet, premièrement, le fait que la notification individuelle
s’avère impossible dans certains cas est sans
préjudice de l’intérêt des entités à une telle notification et n’est donc pas
pertinent dans les cas où l’adresse de l’entité concernée est connue. Deuxièmement,
la règle selon laquelle nul n’est censé ignorer la loi ne
saurait être invoquée à l’encontre de la requérante, dès lors que la décision
attaquée revêt, à son égard, la nature d’un acte individuel. Troisièmement, la
distinction invoquée par le Conseil par rapport aux mesures de gel des fonds
adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est
inopérante, le caractère diffamatoire ou non des motifs retenus pouvant
uniquement être pertinent, le cas échéant, pour apprécier l’opportunité de la
publication de la motivation au Journal officiel. En revanche, l’exigence d’une notification
individuelle des mesures de gel des fonds résulte de ce
que ces mêmes mesures affectent individuellement et de manière considérable les
droits des entités concernées. Or, les effets des mesures de gel des fonds
adoptées en vertu du règlement n° 423/2007 et de celles adoptées dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme étant comparables, il y a lieu de porter
les mesures adoptées à la connaissance des entités visées de la même manière
dans les deux cas.
88 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le Conseil n’a pas respecté l’obligation de porter les motifs de la décision attaquée à la connaissance de la requérante, découlant de l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007, dès lors qu’il n’a pas procédé à une notification individuelle, alors qu’il ressort du contenu même de ladite décision qu’il connaissait l’adresse du siège de la requérante.
89 Toutefois, il ressort
des annexes de la demande en référé, présentée par la requérante dans l’affaire
T‑390/08 R, que, par lettre du 24 juin 2008,
90 Dans ces circonstances exceptionnelles, il y a lieu de conclure que le fait pour le Conseil de ne pas avoir porté les motifs de la décision attaquée à la connaissance de la requérante par une notification individuelle n’a pas eu pour conséquence de priver cette dernière de la possibilité de connaître, en temps utile, la motivation de la décision attaquée et d’apprécier le bien‑fondé de la mesure de gel des fonds adoptée à son égard. Par conséquent, l’omission du Conseil ne justifie pas l’annulation de la décision attaquée.
91 En deuxième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci, constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir, en ce sens, arrêt OMPI, point 36 supra, point 91, et la jurisprudence citée).
92 Le principe du respect
des droits de la défense exige notamment que les éléments retenus à la charge
de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient
communiqués, dans toute la mesure du possible, soit concomitamment à, soit
aussitôt que possible après l’adoption d’une première décision par laquelle ses
fonds sont gelés. Toutefois, des considérations impérieuses touchant à la
sûreté ou à la conduite des relations internationales de
93 Par ailleurs, dans la mesure où la première décision par laquelle les fonds d’une entité sont gelés, telle que la décision attaquée, doit pouvoir bénéficier d’un effet de surprise, il n’est pas exigé que, préalablement à l’adoption de la décision en cause, les éléments à charge soient communiqués à l’entité concernée et qu’elle soit entendue (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Kadi, point 42 supra, points 338 à 341, et OMPI, point 36 supra, points 128 et 137).
94 Dans ce contexte, il
convient de rejeter d’emblée l’allégation selon laquelle la nécessité
d’atteindre un effet de surprise ne peut pas être invoquée du fait des propos
prétendument tenus par le Premier ministre du Royaume-Uni le 16 mai 2008. En
effet, la réalité de ces propos n’a pas été établie par la requérante, qui
n’invoque même pas par ailleurs qu’ils auraient été tenus au nom du Conseil,
voire de
95 Dans le cadre de l’adoption d’une décision en vertu de l’article 7, paragraphe 2, sous a) ou b), du règlement n° 423/2007, la communication des éléments à charge doit concerner les informations précises ou les éléments de dossier qui montrent que les conditions de la mise en œuvre de cette disposition sont remplies dans le cas de l’entité visée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI, point 36 supra, point 126).
96 Or, il
découle des constatations opérées aux points 84 à 90 ci‑dessus que cette
exigence a été respectée en l’espèce. En effet, étant donné, premièrement, que
la décision attaquée a été suffisamment motivée, deuxièmement, que l’attention
de la requérante a été attirée par
97 À cet égard, il convient
de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle le Conseil était tenu
de lui fournir d’office un accès aux éléments de son dossier. En effet, lorsque des informations suffisamment
précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son
point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été
communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas
l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents
contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que
le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non
confidentiels concernant la mesure en cause (voir, en ce sens et par analogie,
arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, Rec.
p. II‑3141, points 63 à 65, et la jurisprudence citée). La
communication spontanée des éléments de dossier constituerait effectivement une
exigence excessive, étant donné qu’il n’est pas certain au moment de l’adoption
d’une mesure de gel des fonds que l’entité visée entende vérifier, par le biais
de l’accès au dossier, les éléments de fait sous‑tendant les allégations
retenues à sa charge par le Conseil.
98 Quant au
droit à l’audition, l’entité visée par une première décision gelant ses fonds
dispose du droit d’être entendue par le Conseil postérieurement à l’adoption de
la décision concernée. Toutefois, selon la jurisprudence, ce dernier n’est pas
tenu de procéder à une audition d’office, compte tenu de la possibilité qu’ont
également les entités concernées d’introduire immédiatement un recours devant
le Tribunal (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI,
point 36 supra, points 130 et 137). Par ailleurs, il convient de remarquer que
le Conseil a adopté et publié au Journal officiel, le jour de la publication de
la décision attaquée, l’avis à l’attention des personnes, entités et organismes
qui ont été inclus par le Conseil dans la liste des personnes, entités et
organismes auxquels l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007
s’applique (annexe V). Cet avis prévoit que les
entités concernées peuvent demander un réexamen de leur inscription sur la
liste de l’annexe V dudit règlement et leur permet donc d’exercer leur droit à
l’audition de manière effective.
99 Il ressort
de ce qui précède que, en l’espèce, l’exercice du
droit d’accès au dossier et du droit à l’audition était subordonné à ce que la
requérante ait formulé une demande auprès du Conseil. Or, en réponse à une
question du Tribunal, la requérante a admis qu’elle
avait omis de formuler une telle demande.
100 Les arguments invoqués
par la requérante pour justifier cette omission ne sauraient être accueillis.
Ainsi, l’allégation selon laquelle les textes applicables ne prévoient pas de
procédure d’accès au dossier et d’audition est erronée
en ce qui concerne le droit à l’audition, ainsi qu’il ressort du point 98 ci‑dessus.
Au demeurant, s’il est vrai qu’aucune procédure
explicite d’accès au dossier n’a été prévue, il a été rappelé au point 91 ci‑dessus
que cette circonstance est sans préjudice de l’obligation du Conseil d’assurer
le respect des droits de la défense. Partant, à supposer que l’argument de la
requérante doive être interprété comme une exception d’illégalité, il doit être
rejeté, l’absence de dispositions explicites étant sans préjudice de
l’obligation de respecter les droits de la défense, et notamment le droit à la
communication des éléments à charge, qui vise également à permettre à l’entité
concernée de bénéficier du droit à une protection juridictionnelle effective
(voir point 105 ci‑après).
101 Les démarches
entreprises par la filiale de la requérante au Royaume‑Uni sont également
sans pertinence, étant donné que la filiale en cause dispose d’une personnalité
juridique indépendante, ce qui implique qu’elle s’est adressée aux institutions
et aux États membres en son propre nom et non au nom de son entité mère. Par
ailleurs, ainsi que la requérante l’admet, les démarches en cause sont
antérieures à l’adoption de la décision attaquée. Or, il a été constaté au
point 93 ci‑dessus que, avant l’adoption de la décision attaquée, la
requérante ne bénéficiait pas, en tout état de cause, d’un droit à la
communication des éléments retenus à charge ni d’un droit à l’audition.
102 Quant au fait que le
Conseil n’a pas présenté spontanément les éléments de preuve à l’appui de la
motivation de la décision attaquée, il ressort des points 97 ci‑dessus et
107 ci‑après qu’il n’y était pas tenu, que ce soit avant ou après
l’introduction du présent recours.
103 De même, la requérante
n’explique pas en quoi la nécessité de vérifier une à une ses
relations avec les entités désignées dans la décision attaquée l’aurait
empêchée de demander l’accès au dossier du Conseil ou de demander une audition.
Au contraire, ces démarches auraient pu faciliter les
recherches à effectuer, grâce aux documents consultés ou aux précisions
obtenues.
104 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, faute pour la requérante d’avoir présenté une demande en ce sens auprès du Conseil, ce dernier n’était pas tenu de lui accorder un accès au dossier ou de procéder à une audition, ce qui implique que le grief tiré de la violation des droits de la défense doit être rejeté.
105 En troisième lieu, selon une
jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective
constitue un principe général du droit communautaire, qui découle des
traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré
par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ce principe
ayant d’ailleurs été réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO
C 364, p. 1). L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que
l’autorité communautaire en cause est tenue de communiquer les motifs du gel
des fonds à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au
moment où cette inclusion est décidée, soit, à tout le moins, aussi rapidement
que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à ses destinataires
l’exercice, dans les délais, de leur droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer
lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires
des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures
conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est
utile de saisir le juge communautaire que pour mettre ce dernier pleinement en
mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte communautaire en cause
qui lui incombe en vertu du traité CE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Kadi,
point 42 supra, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).
106 Or, il ressort des
points 84 à 90 et 96 ci‑dessus que la requérante a disposé, en temps
utile, d’informations suffisamment précises quant aux motifs du gel de ses
fonds. Par ailleurs, n’ayant pas demandé l’accès au dossier
du Conseil, elle n’est pas fondée à invoquer qu’un tel accès ne lui a pas été
accordé. En outre, le Tribunal s’estime en mesure
d’exercer pleinement son contrôle. Dans ces
circonstances, il y a lieu de conclure que le droit de la requérante à une
protection juridictionnelle effective n’a pas été violé par le Conseil.
107 Dans la mesure où la
requérante fait encore valoir, dans ce contexte, que le Conseil n’a présenté,
au cours de la procédure devant le Tribunal, aucun élément de preuve à l’appui
des motifs indiqués dans la décision attaquée, il convient d’observer que la
présentation de tels éléments serait seulement nécessaire si la requérante
soulevait un moyen recevable remettant en cause le bien-fondé du constat selon
lequel elle apportait un soutien à la prolifération nucléaire. En effet, dans
de telles circonstances, sans que la requérante soit obligée d’apporter de
preuve négative, le Conseil est tenu, conformément à ce qui a été exposé au
point 37 ci‑dessus, de présenter les éléments de preuve et d’information
sur lesquels est fondée son appréciation en vue de leur vérification par le
juge communautaire. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 30 ci‑dessus,
un tel moyen n’a pas été présenté en l’espèce. Par
conséquent, l’absence de présentation d’éléments de preuve par le Conseil n’est
pas susceptible de révéler une violation du droit à une protection
juridictionnelle effective et le grief qui y est relatif doit donc être rejeté
sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les documents présentés le 4 février
2009 étayent l’allégation selon laquelle la requérante était tenue d’apporter
une preuve négative en l’espèce.
108 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.
Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de compétence
Arguments des parties
109 La requérante soutient
que le Conseil n’est pas compétent pour imposer des « sanctions
pénales », telles que le gel des fonds, dans le cadre du traité CE. Par
conséquent, lorsque le Conseil a gelé les fonds de la requérante par le biais
de la décision attaquée et du règlement n° 423/2007, adoptés dans le cadre
des compétences attribuées par le traité CE, il aurait excédé sa compétence,
commis un détournement de pouvoir et violé les formes substantielles ainsi que
les règles dudit traité.
110 Le Conseil, soutenu par
les intervenants, conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante,
en soulignant que le gel des fonds ne constitue pas une sanction pénale.
Appréciation du Tribunal
111 Il convient d’observer
que, dans la mesure où les fonds des entités visées par les mesures
restrictives prévues par le règlement n° 423/2007 ne sont pas confisqués
en tant que produits du crime, mais gelés à titre conservatoire, ces mesures ne
constituent pas une sanction pénale. De même, elles
n’impliquent aucune accusation de cette nature (voir, par analogie, arrêt du
Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au
Recueil, point 101).
112 Par conséquent,
l’argument de la requérante selon lequel le gel de ses
fonds constitue une sanction pénale n’est pas fondé. Cette circonstance
implique que le présent moyen doit être rejeté, ainsi que le recours dans son
intégralité.
Sur
les dépens
113 Aux termes de l’article
87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La
requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens du Conseil, y
compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions
de ce dernier.
114 Aux termes de l’article
87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent
leurs dépens. Dès lors, le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et
d’Irlande du Nord,
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le
recours est rejeté.
2) Bank
Melli Iran supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le
Conseil de l’Union européenne, y compris ceux afférents à la procédure de
référé.
3) Le
Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et
d’Irlande du Nord,
(Seguono le firme)