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ARRĂŠT DE LA COUR (grande chambre)

18 mai 2021(*)

Table des matières

 

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le traité d’adhésion

L’acte d’adhésion

La décision 2006/928

Le droit roumain

La Constitution roumaine

Le code civil

Le code de procédure civile

Le code de procédure pénale

Les lois sur la justice

– La loi no 303/2004

– La loi no 304/2004

– La loi no 317/2004

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

Éléments communs aux litiges au principal

Affaire C 83/19

Affaire C 127/19

Affaire C 195/19

Affaire C 291/19

Affaire C 355/19

Affaire C 397/19

Sur la procédure devant la Cour

Sur les questions préjudicielles

Sur la compétence de la Cour

Sur l’éventuel non-lieu à statuer et la recevabilité

Affaire C 83/19

Affaires C 127/19 et C355/19

Affaires C 195/19 et C291/19

Affaire C 397/19

Sur le fond

Sur la première question posée dans les affaires C 83/19, C127/19, C355/19, C291/19 et C397/19

Sur la première question posée dans l’affaire C 195/19, la deuxième question posée dans les affaires C83/19, C127/19, C291/19, C355/19 et C397/19 ainsi que la troisième question posée dans les affaires C127/19, C291/19 et C397/19

– Sur la nature juridique, le contenu et les effets dans le temps de la décision 2006/928

– Sur les effets juridiques de la décision 2006/928 et des rapports de la Commission établis sur la base de cette décision

Sur la quatrième question posée dans l’affaire C 83/19 et la troisième question posée dans l’affaire C355/19

Sur la troisième question posée dans l’affaire C 83/19

Sur les quatrième et cinquième questions posées dans l’affaire C 127/19, la deuxième question posée dans l’affaire C195/19, les quatrième et cinquième questions posées dans l’affaire C291/19 ainsi que les troisième et quatrième questions posées dans l’affaire C355/19

Sur les quatrième à sixième questions posées dans l’affaire C 397/19

Sur la troisième question posée dans l’affaire C 195/19

Sur les dépens

 

« Renvoi prĂ©judiciel â€“ TraitĂ© d’adhĂ©sion de la RĂ©publique de Bulgarie et de la Roumanie Ă  l’Union europĂ©enne â€“ Acte relatif aux conditions d’adhĂ©sion Ă  l’Union de la RĂ©publique de Bulgarie et de la Roumanie â€“ Articles 37 et 38 – Mesures appropriĂ©es â€“ MĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification des progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de rĂ©fĂ©rence spĂ©cifiques en matière de rĂ©forme du système judiciaire et de lutte contre la corruption â€“ DĂ©cision 2006/928/CE â€“ Nature et effets juridiques du mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification et des rapports Ă©tablis par la Commission sur le fondement de celui-ci â€“ État de droit â€“ IndĂ©pendance de la justice â€“ Article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE â€“ Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne â€“ Lois et ordonnances gouvernementales d’urgence adoptĂ©es en Roumanie au cours des annĂ©es 2018 et 2019 en matière d’organisation du système judiciaire et de responsabilitĂ© des juges â€“ Nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire â€“ Mise en place au sein du ministère public d’une section chargĂ©e d’enquĂŞter sur les infractions commises au sein du système judiciaire – ResponsabilitĂ© patrimoniale de l’État et responsabilitĂ© personnelle des juges en cas d’erreur judiciaire Â»

Dans les affaires jointes C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19,

ayant pour objet six demandes de dĂ©cision prĂ©judicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites, respectivement, par le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt, Roumanie), par dĂ©cision du 5 fĂ©vrier 2019, parvenue Ă  la Cour le 5 fĂ©vrier 2019 (C‑83/19) ; par la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti, Roumanie), par dĂ©cision du 18 fĂ©vrier 2019, parvenue Ă  la Cour le 18 fĂ©vrier 2019 (C‑127/19) ; par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), par dĂ©cision du 28 fĂ©vrier 2019, parvenue Ă  la Cour le 28 fĂ©vrier 2019 (C‑195/19) ; par la Curtea de Apel Braşov (cour d’appel de Braşov, Roumanie), par dĂ©cision du 28 mars 2019, parvenue Ă  la Cour le 9 avril 2019 (C‑291/19) ; par la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti, Roumanie), par dĂ©cision du 29 mars 2019, parvenue Ă  la Cour le 6 mai 2019 (C‑355/19), ainsi que par le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), par dĂ©cision du 22 mai 2019, parvenue Ă  la Cour le 22 mai 2019 (C‑397/19), dans les procĂ©dures

Asociaţia Â« Forumul Judecătorilor din România Â»

contre

Inspecţia Judiciară (C‑83/19),

Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România Â»,

Asociaţia « Mişcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor Â»

contre

Consiliul Superior al Magistraturii (C‑127/19),

PJ

contre

QK (C‑195/19),

SO

contre

TP e.a.,

GD,

HE,

IF,

JG (C‑291/19),

Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România Â»,

Asociaţia « Mişcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor Â»,

OL

contre

Parchetul de pe lângă ĂŽnalta Curte de Casaţie şi Justiţie â€“ Procurorul General al României (C‑355/19),

et

AX

contre

Statul Român â€“ Ministerul Finanţelor Publice (C‑397/19),

LA COUR (grande chambre),

composĂ©e de M. K. Lenaerts, prĂ©sident, Mme R. Silva de Lapuerta, vice–prĂ©sidente, M. A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, L. Bay Larsen, N. Piçarra et A. Kumin, prĂ©sidents de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur), M. Safjan, D. Ĺ váby, Mme K. JĂĽrimäe, M. P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi et M. I. Jarukaitis, juges,

avocat gĂ©nĂ©ral : M. M. Bobek,

greffiers : Mmes R. Şereş, V. Giacobbo, administratrices et M. R. Schiano, administrateur,

vu la procĂ©dure Ă©crite et Ă  la suite de l’audience des 20 et 21 janvier 2020,

considĂ©rant les observations prĂ©sentĂ©es :

–        pour l’Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România Â», par M. D. Călin ainsi que par Mmes ACodreanu et L. Zaharia,

–        pour  l’Asociaţia « Mişcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor Â», par Mmes A. Diaconu et A. C. Lăncrănjan ainsi que par M. A. C. Iordache,

–        pour OL, par M. B. C. PĂ®rlog,

–        pour l’Inspecția Judiciară, par M. L. Netejoru, en qualitĂ© d’agent,

–        pour le Consiliul Superior al Magistraturii, par Mme L. Savonea, en qualitĂ© d’agent, assistĂ©e de Mes R. Chiriță et Ş.–N. Alexandru, avocaţi,

–        pour le Parchetul de pe lângă ĂŽnalta Curte de Casaţie şi Justiţie â€“ Procurorul General al României, par MM. B. D. Licu et R. H. Radu, en qualitĂ© d’agents,

–        pour le gouvernement roumain,  initialement par MM. C.-R. Canţăr et C. T. Băcanu ainsi que par Mmes E. Gane et R. I. Haţieganu, puis par M. C. T. Băcanu ainsi que par Mmes E. Gane et R. I. Haţieganu, en qualitĂ© d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs, L. Van den Broeck et C. Pochet, en qualitĂ© d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par MM. L. B. Kirketerp Lund et J. Nymann-Lindegren, en qualitĂ© d’agents,

–        pour le gouvernement nĂ©erlandais, par Mmes M. K. Bulterman, M. L. Noort et C. S. Schillemans, en qualitĂ© d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualitĂ© d’agent,

–        pour le gouvernement suĂ©dois, initialement par Mmes H. Shev, H. Eklinder, C. Meyer-Seitz, J. Lundberg et A. Falk, puis par Mmes H. Shev, H. Eklinder et C. Meyer-Seitz, en qualitĂ© d’agents,

–        pour la Commission europĂ©enne, initialement par MM. H. Krämer, M. Wasmeier et I. Rogalski, puis par MM. M. Wasmeier et I. Rogalski, en qualitĂ© d’agents,

ayant entendu l’avocat gĂ©nĂ©ral en ses conclusions Ă  l’audience du 23 septembre 2020,

rend le présent

ArrĂŞt

1        Les demandes de dĂ©cision prĂ©judicielle portent, en substance, sur l’interprĂ©tation de l’article 2, de l’article 4, paragraphe 3, de l’article 9 et de l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, de l’article 67, paragraphe 1, et de l’article 267 TFUE, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne (ci-après la « Charte Â») ainsi que de la dĂ©cision 2006/928/CE de la Commission, du 13 dĂ©cembre 2006, Ă©tablissant un mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification des progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de rĂ©fĂ©rence spĂ©cifiques en matière de rĂ©forme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56).

2        Ces demandes ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es dans le cadre de litiges opposant :

–        l’Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România Â» (association « Forum des juges de Roumanie Â») (ci-après le « Forum des juges de Roumanie Â») Ă  l’Inspecţia Judiciară (Inspection judiciaire, Roumanie) au sujet du refus de cette dernière de fournir des informations d’intĂ©rĂŞt public relatives Ă  son activitĂ© (affaire C‑83/19) ;

–        le Forum des juges de Roumanie et l’Asociația « Mișcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor Â» (association « Mouvement pour la dĂ©fense du statut des procureurs Â») (ci-après le « Mouvement pour la dĂ©fense du statut des procureurs Â») au Consiliul Superior al Magistraturii (Conseil supĂ©rieur de la magistrature, Roumanie) au sujet de la lĂ©galitĂ© de deux dĂ©cisions portant approbation de règlements sur la nomination et la rĂ©vocation des procureurs exerçant des fonctions de gestion ou d’exĂ©cution au sein de la section du ministère public chargĂ©e des enquĂŞtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire (ci-après la « SIIJ Â») (affaire C‑127/19) ;

–        PJ Ă  QK au sujet d’une plainte contre un juge pour abus de fonction (affaire C‑195/19) ;

–        SO Ă  TP e.a., Ă  GD, Ă  HE, Ă  IF et Ă  JG au sujet de plaintes contre des procureurs et des juges pour abus de fonction et appartenance Ă  une organisation criminelle (affaire C‑291/19) ;

–        le Forum des juges de Roumanie, le Mouvement pour la dĂ©fense du statut des procureurs et OL au Parchetul de pe lângă ĂŽnalta Curte de Casaţie şi Justiţie â€“ Procurorul General al României (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice â€“ Procureur gĂ©nĂ©ral de la Roumanie) au sujet de la lĂ©galitĂ© d’un arrĂŞtĂ© du Procurorul General al României (Procureur gĂ©nĂ©ral de la Roumanie) (ci-après le « Procureur gĂ©nĂ©ral Â») portant sur l’organisation et le fonctionnement de la SIIJ (affaire C‑355/19) ;

–        AX au Statul Român â€“ Ministerul Finanţelor Publice (État roumain â€“ ministère des Finances publiques) au sujet d’une demande visant Ă  la rĂ©paration du prĂ©judice matĂ©riel et moral rĂ©sultant d’une erreur judiciaire allĂ©guĂ©e (affaire C‑397/19).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le traitĂ© d’adhĂ©sion

3        L’article 2 du traitĂ© entre les États membres de l’Union europĂ©enne et la RĂ©publique de Bulgarie et la Roumanie, relatif Ă  l’adhĂ©sion de la RĂ©publique de Bulgarie et de la Roumanie Ă  l’Union europĂ©enne (JO 2005, L 157, p. 11, ci-après le « traitĂ© d’adhĂ©sion Â»), qui a Ă©tĂ© signĂ© le 25 avril 2005 et est entrĂ© en vigueur le 1er janvier 2007, dispose, Ă  ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      Les conditions de l’admission et les adaptations des traitĂ©s sur lesquels l’Union europĂ©enne est fondĂ©e, que [l’adhĂ©sion] entraĂ®ne et qui s’appliqueront Ă  compter de la date d’adhĂ©sion jusqu’à la date d’entrĂ©e en vigueur du traitĂ© Ă©tablissant une Constitution pour l’Europe, figurent dans l’acte annexĂ© au prĂ©sent traitĂ©. Les dispositions de cet acte font partie intĂ©grante du prĂ©sent traitĂ©.

3.      [...]

Les actes adoptĂ©s avant l’entrĂ©e en vigueur du protocole visĂ© Ă  l’article 1er, paragraphe 3, sur la base du prĂ©sent traitĂ© ou de l’acte visĂ© au paragraphe 2 restent en vigueur et leurs effets juridiques sont maintenus jusqu’à la modification ou l’abrogation de ces actes. Â»

4        L’article 3 de ce traitĂ© est libellĂ© comme suit :

« Les dispositions concernant les droits et obligations des États membres ainsi que les pouvoirs et compĂ©tences des institutions de l’Union telles qu’elles figurent dans les traitĂ©s auxquels la RĂ©publique de Bulgarie et la Roumanie deviennent parties s’appliquent Ă  l’égard du prĂ©sent traitĂ©. Â»

5        L’article 4, paragraphes 2 et 3, dudit traitĂ© prĂ©voit :

« 2.      Le prĂ©sent traitĂ© entre en vigueur le 1er janvier 2007 Ă  condition que tous les instruments de ratification aient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s avant cette date.

[...]

3.      Par dĂ©rogation au paragraphe 2, les institutions de l’Union peuvent adopter avant l’adhĂ©sion les mesures visĂ©es [...] aux articles 37 et 38 [...] du protocole visĂ© Ă  l’article 1er, paragraphe 3. Ces mesures sont adoptĂ©es au titre des dispositions Ă©quivalentes [...] des articles 37 et 38 [...] de l’acte visĂ© Ă  l’article 2, paragraphe 2, avant l’entrĂ©e en vigueur du traitĂ© Ă©tablissant une Constitution pour l’Europe.

Ces mesures n’entrent en vigueur que sous rĂ©serve et Ă  la date de l’entrĂ©e en vigueur du prĂ©sent traitĂ©. Â»

 L’acte d’adhĂ©sion

6        L’article 2 de l’acte relatif aux conditions d’adhĂ©sion Ă  l’Union europĂ©enne de la RĂ©publique de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traitĂ©s sur lesquels est fondĂ©e l’Union europĂ©enne (JO 2005, L 157, p. 203, ci-après l’« acte d’adhĂ©sion Â»), lequel est entrĂ© en vigueur le 1er janvier 2007, prĂ©voit :

« Dès l’adhĂ©sion, les dispositions des traitĂ©s originaires et les actes pris, avant l’adhĂ©sion, par les institutions et la Banque centrale europĂ©enne, lient la Bulgarie et la Roumanie et sont applicables dans ces États dans les conditions prĂ©vues par ces traitĂ©s et par le prĂ©sent acte. Â»

7        L’article 37 de cet acte est libellĂ© comme suit :

« Si la Bulgarie ou la Roumanie n’a pas donnĂ© suite aux engagements qu’elle a pris dans le cadre des nĂ©gociations d’adhĂ©sion, y compris les engagements Ă  l’égard de toutes les politiques sectorielles qui concernent les activitĂ©s Ă©conomiques ayant une dimension transfrontalière, et provoque ainsi, ou risque de provoquer Ă  très brève Ă©chĂ©ance, un dysfonctionnement grave du marchĂ© intĂ©rieur, la Commission peut, pendant une pĂ©riode pouvant aller jusqu’à trois ans Ă  compter de la date d’adhĂ©sion, Ă  la demande motivĂ©e d’un État membre, ou de sa propre initiative, adopter des mesures appropriĂ©es.

Ces mesures sont proportionnĂ©es et le choix est donnĂ© en prioritĂ© Ă  celles qui perturbent le moins le fonctionnement du marchĂ© intĂ©rieur et, le cas Ă©chĂ©ant, Ă  l’application des mĂ©canismes de sauvegarde sectoriels en vigueur. Ces mesures de sauvegarde ne peuvent pas ĂŞtre utilisĂ©es comme moyen de discrimination arbitraire ou de restriction dĂ©guisĂ©e des Ă©changes commerciaux entre les États membres. La clause de sauvegarde peut ĂŞtre invoquĂ©e mĂŞme avant l’adhĂ©sion sur la base de constatations Ă©tablies dans le cadre du suivi et les mesures adoptĂ©es entrent en vigueur dès la date d’adhĂ©sion, Ă  moins qu’une date ultĂ©rieure ne soit prĂ©vue. Les mesures sont maintenues pendant la durĂ©e strictement nĂ©cessaire et, en tout Ă©tat de cause, sont levĂ©es lorsque l’engagement correspondant est rempli. Elles peuvent cependant ĂŞtre appliquĂ©es au-delĂ  de la pĂ©riode visĂ©e au premier alinĂ©a tant que les engagements correspondants n’ont pas Ă©tĂ© remplis. La Commission peut adapter les mesures arrĂŞtĂ©es en fonction de la mesure dans laquelle le nouvel État membre concernĂ© remplit ses engagements. La Commission informe le Conseil en temps utile avant d’abroger les mesures de sauvegarde et elle prend dĂ»ment en compte les observations Ă©ventuelles du Conseil Ă  cet Ă©gard. Â»

8        L’article 38 dudit acte dispose :

« Si de graves manquements ou un risque imminent de graves manquements sont constatĂ©s en Bulgarie ou en Roumanie en ce qui concerne la transposition, l’état d’avancement de la mise en Ĺ“uvre ou l’application des dĂ©cisions-cadres ou de tout autre engagement, instrument de coopĂ©ration et dĂ©cision affĂ©rents Ă  la reconnaissance mutuelle en matière pĂ©nale adoptĂ©s sur la base du titre VI du traitĂ© UE, et des directives et règlements relatifs Ă  la reconnaissance mutuelle en matière civile adoptĂ©s sur la base du titre IV du traitĂ© CE, la Commission peut, pendant une pĂ©riode pouvant aller jusqu’à trois ans Ă  compter de la date d’adhĂ©sion et Ă  la demande motivĂ©e d’un État membre ou de sa propre initiative et après avoir consultĂ© les États membres, prendre les mesures appropriĂ©es en prĂ©cisant les conditions et les modalitĂ©s de leur application.

Ces mesures peuvent prendre la forme d’une suspension temporaire de l’application des dispositions et dĂ©cisions concernĂ©es dans les relations entre la Bulgarie ou la Roumanie et un ou plusieurs autres États membres, sans que soit remise en cause la poursuite de l’étroite coopĂ©ration judiciaire. La clause de sauvegarde peut ĂŞtre invoquĂ©e mĂŞme avant l’adhĂ©sion sur la base de constatations faites dans le cadre du suivi et les mesures adoptĂ©es entrent en vigueur dès la date d’adhĂ©sion, Ă  moins qu’une date ultĂ©rieure ne soit prĂ©vue. Les mesures sont maintenues pendant la durĂ©e strictement nĂ©cessaire et, en tout Ă©tat de cause, sont levĂ©es dès que le manquement constatĂ© est corrigĂ©. Elles peuvent cependant ĂŞtre appliquĂ©es au-delĂ  de la pĂ©riode visĂ©e au premier alinĂ©a tant que ces manquements persistent. La Commission peut, après avoir consultĂ© les États membres, adapter les mesures arrĂŞtĂ©es en fonction de la mesure dans laquelle le nouvel État membre corrige les manquements constatĂ©s. La Commission informe le Conseil en temps utile avant d’abroger les mesures de sauvegarde et elle prend dĂ»ment en compte les observations Ă©ventuelles du Conseil Ă  cet Ă©gard. Â»

9        L’article 39, paragraphes 1 Ă  3, de l’acte d’adhĂ©sion prĂ©voit :

« 1.      Si, sur la base du suivi continu des engagements pris par la Bulgarie et la Roumanie dans le cadre des nĂ©gociations d’adhĂ©sion et notamment dans les rapports de suivi de la Commission, il apparaĂ®t clairement que l’état des prĂ©paratifs en vue de l’adoption et de la mise en Ĺ“uvre de l’acquis en Bulgarie et en Roumanie est tel qu’il existe un risque sĂ©rieux que l’un de ces États ne soit manifestement pas prĂŞt, d’ici la date d’adhĂ©sion du 1er janvier 2007, Ă  satisfaire aux exigences de l’adhĂ©sion dans un certain nombre de domaines importants, le Conseil, statuant Ă  l’unanimitĂ© sur la base d’une recommandation de la Commission, peut dĂ©cider que la date d’adhĂ©sion prĂ©vue de l’État concernĂ© est reportĂ©e d’un an, au 1er janvier 2008.

2.      Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, le Conseil peut, statuant Ă  la majoritĂ© qualifiĂ©e sur la base d’une recommandation de la Commission, prendre la dĂ©cision visĂ©e au paragraphe 1 Ă  l’égard de la Roumanie si de graves manquements au respect par la Roumanie de l’un ou plusieurs des engagements et exigences Ă©numĂ©rĂ©s Ă  l’annexe IX, point I, sont constatĂ©s.

3.      Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, et sans prĂ©judice de l’article 37, le Conseil, statuant Ă  la majoritĂ© qualifiĂ©e sur la base d’une recommandation de la Commission, peut prendre, après une Ă©valuation dĂ©taillĂ©e qui aura lieu Ă  l’automne 2005 sur les progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie dans le domaine de la politique de la concurrence, la dĂ©cision visĂ©e au paragraphe 1 Ă  l’égard de la Roumanie si de graves manquements au respect par la Roumanie des obligations prises au titre de l’accord europĂ©en ou de l’un ou plusieurs des engagements et exigences Ă©numĂ©rĂ©s Ă  l’annexe IX, point II, sont constatĂ©s. Â»

10      L’annexe IX de cet acte, intitulĂ©e « Engagements spĂ©cifiques contractĂ©s par la Roumanie et exigences acceptĂ©es par celle‐ci lors de la clĂ´ture des nĂ©gociations d’adhĂ©sion le 14 dĂ©cembre 2004 (visĂ©s Ă  l’article 39 de l’acte d’adhĂ©sion) Â», contient le passage suivant :

« I.      En liaison avec l’article 39, paragraphe 2

[...]

3)      Ă‰laborer et appliquer un plan d’action et une stratĂ©gie actualisĂ©s et intĂ©grĂ©s de rĂ©forme du système judiciaire, comprenant les principales mesures de mise en Ĺ“uvre de la loi sur l’organisation du système judiciaire, de la loi sur le statut des magistrats et de la loi sur le Conseil supĂ©rieur de la magistrature, entrĂ©es en vigueur le 30 septembre 2004. Il faut que ces deux documents actualisĂ©s soient prĂ©sentĂ©s Ă  l’Union au plus tard en mars 2005 ; des ressources financières et humaines suffisantes doivent ĂŞtre dĂ©gagĂ©es pour la mise en Ĺ“uvre du plan d’action, qui doit ĂŞtre appliquĂ© sans plus tarder et dans le respect des dĂ©lais fixĂ©s. Il faut en outre que la Roumanie dĂ©montre, pour mars 2005, que le nouveau système de rĂ©partition alĂ©atoire des affaires est pleinement opĂ©rationnel.

4)      Renforcer considĂ©rablement la lutte contre la corruption et en particulier contre la corruption de haut niveau en garantissant l’application rigoureuse de la lĂ©gislation en matière de lutte contre la corruption ainsi que l’indĂ©pendance rĂ©elle de l’Office national du ministère public chargĂ© de la lutte contre la corruption, et en prĂ©sentant, Ă  partir de novembre 2005 et sur une base annuelle, un rapport convaincant sur l’action menĂ©e par l’Office contre la corruption de haut niveau. Il faut que l’Office reçoive les effectifs, les ressources budgĂ©taires et en matière de formation, ainsi que les Ă©quipements dont il a besoin pour jouer son rĂ´le capital.

5)      ProcĂ©der Ă  un audit indĂ©pendant des rĂ©sultats et des effets de la stratĂ©gie nationale de lutte contre la corruption actuellement en vigueur ; tenir compte des conclusions et des recommandations Ă©mises Ă  l’issue de cet audit dans la nouvelle stratĂ©gie pluriannuelle de lutte contre la corruption, qui doit consister en un document unique, exhaustif, arrĂŞtĂ© pour mars 2005 au plus tard et accompagnĂ© d’un plan d’action prĂ©voyant des critères d’évaluation clairement dĂ©finis et des rĂ©sultats Ă  atteindre, ainsi que des dispositions financières adĂ©quates ; la mise en Ĺ“uvre de la stratĂ©gie et du plan d’action doit ĂŞtre supervisĂ©e par un organe indĂ©pendant clairement dĂ©fini et dĂ©jĂ  existant ; la stratĂ©gie doit inclure l’engagement de rĂ©viser, d’ici la fin 2005, la procĂ©dure criminelle, dont la durĂ©e est excessive, pour que les affaires de corruption soient traitĂ©es d’une façon rapide et transparente et que des sanctions adĂ©quates ayant un effet dissuasif soient prises ; enfin, elle doit prĂ©voir des mesures visant Ă  rĂ©duire considĂ©rablement, pour la fin 2005, le nombre d’organes ayant des compĂ©tences en matière de prĂ©vention de la corruption ou d’enquĂŞte dans ce domaine, de façon Ă  Ă©viter tout chevauchement des responsabilitĂ©s. Â»

 La dĂ©cision 2006/928

11      La dĂ©cision 2006/928 a Ă©tĂ© adoptĂ©e, ainsi qu’il ressort de ses visas, sur le fondement du traitĂ© d’adhĂ©sion « et notamment [de] son article 4, paragraphe 3 Â», ainsi que de l’acte d’adhĂ©sion « et notamment [de] ses articles 37 et 38 Â».

12      Les considĂ©rants 1 Ă  6 et 9 de cette dĂ©cision Ă©noncent :

« (1)      L’Union europĂ©enne est fondĂ©e sur l’État de droit, un principe commun Ă  tous les États membres.

(2)      L’espace de libertĂ©, de sĂ©curitĂ© et de justice et le marchĂ© intĂ©rieur instaurĂ©s par le traitĂ© sur l’Union europĂ©enne et le traitĂ© instituant la CommunautĂ© europĂ©enne reposent sur la conviction rĂ©ciproque que les dĂ©cisions et pratiques administratives et judiciaires de tous les États membres respectent pleinement l’État de droit.

(3)      Cette condition implique l’existence, dans tous les États membres, d’un système judiciaire et administratif impartial, indĂ©pendant et efficace, dotĂ© de moyens suffisants, entre autres, pour lutter contre la corruption.

(4)      Le 1er janvier 2007, la Roumanie deviendra membre de l’Union europĂ©enne. Tout en saluant les efforts considĂ©rables dĂ©ployĂ©s par la Roumanie pour parachever ses prĂ©paratifs d’adhĂ©sion Ă  l’Union europĂ©enne, la Commission a recensĂ©, dans son rapport du 26 septembre 2006, des questions en suspens, en particulier en ce qui concerne la responsabilisation et l’efficacitĂ© du système judiciaire et des instances chargĂ©es de faire appliquer la loi, domaines dans lesquels des progrès sont encore nĂ©cessaires pour garantir la capacitĂ© de ces organes Ă  mettre en Ĺ“uvre et Ă  appliquer les mesures adoptĂ©es pour Ă©tablir le marchĂ© intĂ©rieur et l’espace de libertĂ©, de sĂ©curitĂ© et de justice.

(5)      L’article 37 de l’acte d’adhĂ©sion habilite la Commission Ă  adopter des mesures appropriĂ©es en cas de risque imminent de dysfonctionnement du marchĂ© intĂ©rieur liĂ© au non-respect, par la Roumanie, d’engagements qu’elle a pris. L’article 38 de l’acte d’adhĂ©sion habilite la Commission Ă  prendre des mesures appropriĂ©es en cas de risque imminent de manquements graves constatĂ© en Roumanie en ce qui concerne la transposition, l’état d’avancement de la mise en Ĺ“uvre ou l’application d’actes adoptĂ©s sur la base du titre VI du traitĂ© UE ou d’actes adoptĂ©s sur la base du titre IV du traitĂ© CE.

(6)      Les questions en suspens portant sur la responsabilisation et l’efficacitĂ© du système judiciaire et des instances chargĂ©es de faire appliquer la loi justifient la mise en place d’un mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification des progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de rĂ©fĂ©rence spĂ©cifiques en matière de rĂ©forme du système judiciaire et de lutte contre la corruption.

[...]

(9)      Il conviendra de modifier la prĂ©sente dĂ©cision si l’évaluation de la Commission indique qu’il y a lieu d’ajuster les objectifs de rĂ©fĂ©rence. La prĂ©sente dĂ©cision sera abrogĂ©e lorsque tous les objectifs de rĂ©fĂ©rence auront Ă©tĂ© atteints Â».

13      L’article 1er de la dĂ©cision 2006/928 prĂ©voit :

« Chaque annĂ©e, le 31 mars au plus tard, et pour la première fois le 31 mars 2007, la Roumanie fait rapport Ă  la Commission sur les progrès qu’elle a rĂ©alisĂ©s en vue d’atteindre chacun des objectifs de rĂ©fĂ©rence exposĂ©s dans l’annexe.

La Commission peut, Ă  tout moment, apporter une aide technique par diffĂ©rents moyens ou collecter et Ă©changer des informations sur les objectifs de rĂ©fĂ©rence. En outre, elle peut, Ă  tout moment, organiser des missions d’experts en Roumanie Ă  cet effet. Les autoritĂ©s roumaines lui apportent le soutien nĂ©cessaire dans ce contexte. Â»

14      L’article 2 de cette dĂ©cision dispose :

« La Commission transmettra, pour la première fois en juin 2007, au Parlement europĂ©en et au Conseil ses propres commentaires et conclusions sur le rapport prĂ©sentĂ© par la Roumanie.

La Commission leur fera de nouveau rapport par la suite, en fonction de l’évolution de la situation et au moins tous les six mois. Â»

15      L’article 3 de ladite dĂ©cision prĂ©voit :

« La prĂ©sente dĂ©cision n’entre en vigueur que sous rĂ©serve et Ă  la date de l’entrĂ©e en vigueur du traitĂ© d’adhĂ©sion. Â»

16      Aux termes de l’article 4 de la mĂŞme dĂ©cision :

« Les États membres sont destinataires de la prĂ©sente dĂ©cision. Â»

17      L’annexe de la dĂ©cision 2006/928 est libellĂ©e comme suit :

« Objectifs de rĂ©fĂ©rence que la Roumanie doit atteindre, visĂ©s Ă  l’article 1er :

1)      Garantir un processus judiciaire Ă  la fois plus transparent et plus efficace, notamment en renforçant les capacitĂ©s et la responsabilisation du Conseil supĂ©rieur de la magistrature. Rendre compte de l’incidence des nouveaux codes de procĂ©dure civile et administrative et l’évaluer.

2)      Constituer, comme prĂ©vu, une agence pour l’intĂ©gritĂ© dotĂ©e de responsabilitĂ©s en matière de vĂ©rification de patrimoine, d’incompatibilitĂ©s et de conflits d’intĂ©rĂŞt potentiels, mais aussi de la capacitĂ© d’arrĂŞter des dĂ©cisions impĂ©ratives pouvant donner lieu Ă  la prise de sanctions dissuasives.

3)      Continuer, en se basant sur les progrès dĂ©jĂ  accomplis, Ă  mener des enquĂŞtes professionnelles et non partisanes sur les allĂ©gations de corruption de haut niveau.

4)      Prendre des mesures supplĂ©mentaires pour prĂ©venir et combattre la corruption, en particulier au sein de l’administration locale. Â»

 Le droit roumain

 La Constitution roumaine

18      L’article 115, paragraphe 4, de la Constituția României (Constitution roumaine) prĂ©voit :

« Le Gouvernement peut adopter des ordonnances d’urgence seulement dans des situations extraordinaires dont la rĂ©glementation ne peut ĂŞtre ajournĂ©e, en Ă©tant tenu de motiver l’urgence dans leur contenu. Â»

19      L’article 133, paragraphes 1 et 2, de la Constitution dispose :

« (1)      Le Conseil supĂ©rieur de la magistrature est le garant de l’indĂ©pendance de la justice.

(2)      Le Conseil supĂ©rieur de la magistrature est composĂ© de dix-neuf membres, dont :

a)      quatorze sont Ă©lus dans les assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales des magistrats et sont validĂ©s par le SĂ©nat ; ceux-ci font partie de deux sections, l’une pour les juges et l’autre pour les procureurs ; la première section est composĂ©e de neuf juges, et la seconde de cinq procureurs ;

b)      deux reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile, spĂ©cialistes dans le domaine du droit, jouissant de haute rĂ©putation professionnelle et morale, Ă©lus par le SĂ©nat ; ceux-ci ne participent qu’aux sĂ©ances plĂ©nières ;

c)      le ministre de la Justice, le prĂ©sident de la Haute Cour de cassation et de justice et le [Procureur gĂ©nĂ©ral]. Â»

20      L’article 134 de la Constitution est libellĂ© comme suit :

« (1)      Le Conseil supĂ©rieur de la magistrature propose au PrĂ©sident de la Roumanie la nomination dans leurs fonctions respectives des juges et des procureurs, exception faite des stagiaires, dans les conditions Ă©tablies par la loi.

(2)      Le Conseil supĂ©rieur de la magistrature remplit le rĂ´le d’instance de jugement, par l’intermĂ©diaire de ses sections, dans le domaine de la responsabilitĂ© disciplinaire des juges et des procureurs, conformĂ©ment Ă  la procĂ©dure Ă©tablie par sa loi organique. Dans ces situations, le ministre de la Justice, le prĂ©sident de la Haute Cour de cassation et de justice et le [Procureur gĂ©nĂ©ral] n’ont pas droit de vote.

(3)      Les dĂ©cisions du Conseil supĂ©rieur de la magistrature en matière disciplinaire peuvent ĂŞtre attaquĂ©es auprès de la Haute Cour de cassation et de justice.

(4)      Le Conseil supĂ©rieur de la magistrature remplit Ă©galement d’autres attributions Ă©tablies par sa loi organique, dans l’accomplissement de son rĂ´le de garant de l’indĂ©pendance de la justice. Â»

21      L’article 148, paragraphes 2 Ă  4, de la Constitution prĂ©voit :

« (2)      Ă€ la suite de l’adhĂ©sion, les dispositions des traitĂ©s constitutifs de l’Union europĂ©enne ainsi que les autres rĂ©glementations communautaires contraignantes priment les dispositions contraires de la lĂ©gislation nationale, dans le respect des dispositions de l’acte d’adhĂ©sion.

(3)      Les dispositions des paragraphes 1 et 2 s’appliquent par analogie Ă  l’adhĂ©sion aux actes de rĂ©vision des traitĂ©s constitutifs de l’Union europĂ©enne.

(4)      Le Parlement, le PrĂ©sident de la Roumanie, le gouvernement et l’autoritĂ© judiciaire garantissent le respect des obligations rĂ©sultant de l’acte d’adhĂ©sion et des dispositions du paragraphe 2. Â»

 Le code civil

22      Selon l’article 1381, paragraphe 1, du Codul civil (code civil), « [t]out prĂ©judice ouvre droit Ă  rĂ©paration Â».

 Le code de procĂ©dure civile

23      L’article 82, paragraphe 1, du Codul de procedură civilă (code de procĂ©dure civile) dispose :

« Lorsque la juridiction constate le dĂ©faut de preuve de la qualitĂ© de reprĂ©sentant de la personne ayant agi au nom de la partie, elle accorde un bref dĂ©lai pour qu’il y soit remĂ©diĂ©. Ă€ dĂ©faut, la demande est annulĂ©e. [...] Â»

24      L’article 208 de ce code Ă©nonce :

« (1)      Le mĂ©moire en dĂ©fense est obligatoire, sauf disposition contraire prĂ©vue expressĂ©ment par la loi.

(2)      L’absence de dĂ©pĂ´t de mĂ©moire en dĂ©fense dans le dĂ©lai prĂ©vu par la loi entraĂ®ne la dĂ©chĂ©ance du dĂ©fendeur de son droit de prĂ©senter des preuves et de soulever des exceptions, sauf les exceptions d’ordre public, sous rĂ©serve de dispositions contraires Ă  la loi. Â»

25      L’article 248, paragraphe 1, dudit code est libellĂ© comme suit :

« La juridiction se prononce d’abord sur les exceptions de procĂ©dure, ainsi que sur les exceptions de fond qui rendent inutiles, en tout ou en partie, l’administration de la preuve ou, selon le cas, l’examen de l’affaire sur le fond. Â»

 Le code de procĂ©dure pĂ©nale

26      L’article 539 du Codul de procedură penală (code de procĂ©dure pĂ©nale) dispose :

« (1)      Toute personne qui, au cours de la procĂ©dure pĂ©nale, a Ă©tĂ© illĂ©galement privĂ©e de libertĂ© a Ă©galement droit Ă  rĂ©paration.

(2)      La privation illĂ©gale de libertĂ© doit ĂŞtre Ă©tablie, selon le cas, par dĂ©cision du procureur, par ordonnance dĂ©finitive du juge des droits et libertĂ©s ou du juge de chambre prĂ©liminaire, ainsi que par ordonnance dĂ©finitive ou dĂ©cision dĂ©finitive de la juridiction saisie de l’affaire. Â»

27      L’article 541, paragraphes 1 et 2, de ce code prĂ©voit :

« (1)      L’action indemnitaire peut ĂŞtre intentĂ©e par l’ayant droit en vertu des articles 538 et 539 et, après le dĂ©cès de celui-ci, elle peut ĂŞtre poursuivie ou intentĂ©e par les personnes qui Ă©taient Ă  sa charge au moment du dĂ©cès.

(2)      L’action peut ĂŞtre intentĂ©e dans un dĂ©lai de six mois Ă  compter de la date Ă  laquelle la dĂ©cision juridictionnelle, la dĂ©cision du procureur ou l’ordonnance des autoritĂ©s judiciaires constatant l’erreur judiciaire ou la privation illĂ©gale de libertĂ© est devenue dĂ©finitive. Â»

 Les lois sur la justice

28      Dans le but d’amĂ©liorer l’indĂ©pendance et l’efficacitĂ© de la justice, la Roumanie a adoptĂ©, au cours de l’annĂ©e 2004, dans le contexte des nĂ©gociations en vue de son adhĂ©sion Ă  l’Union, trois lois, dites « lois sur la justice Â», Ă  savoir la Legea nr. 303/2004 privind statutul judecătorilor și procurorilor (loi no 303/2004 sur le statut des juges et des procureurs), du 28 juin 2004 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 826 du 13 septembre 2005), la Legea nr. 304/2004 privind organizarea judiciară (loi no 304/2004 sur l’organisation judiciaire), du 28 juin 2004 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 827 du 13 septembre 2005) et la Legea nr. 317/2004 privind Consiliul Superior al Magistraturii (loi no 317/2004 sur le Conseil supĂ©rieur de la magistrature), du 1er juillet 2004 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 827 du 13 septembre 2005). Au cours des annĂ©es 2017 Ă  2019, des modifications ont Ă©tĂ© apportĂ©es Ă  celles-ci par des lois et des ordonnances gouvernementales d’urgence adoptĂ©es sur le fondement de l’article 115, paragraphe 4, de la Constitution roumaine.

–       La loi no 303/2004

29      La loi no 303/2004 a Ă©tĂ© modifiĂ©e, notamment, par :

–        la Legea nr. 242/2018 (loi no 242/2018), du 12 octobre 2018 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 868 du 15 octobre 2018) ;

–        l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 7/2019 (ordonnance d’urgence du gouvernement no 7/2019), du 19 fĂ©vrier 2019 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 137 du 20 fĂ©vrier 2019, ci-après l’« ordonnance d’urgence no 7/2019 Â»).

30      L’article 96 de la loi no 303/2004, telle qu’ainsi modifiĂ©e (ci-après la « loi no 303/2004 modifiĂ©e Â»), est libellĂ© comme suit :

« (1)      La responsabilitĂ© patrimoniale de l’État est engagĂ©e pour les prĂ©judices causĂ©s par des erreurs judiciaires.

(2)      La responsabilitĂ© de l’État est dĂ©terminĂ©e conformĂ©ment Ă  la loi et n’exclut pas la responsabilitĂ© des juges et des procureurs qui, mĂŞme s’ils ne sont plus en fonction, ont exercĂ© leurs fonctions de mauvaise foi ou avec nĂ©gligence grave, au sens de l’article 991.

(3)      Une erreur judiciaire est commise lorsque :

a)      dans le cadre de la procĂ©dure, la rĂ©alisation d’actes de procĂ©dure a Ă©tĂ© ordonnĂ©e en violation manifeste des règles de droit matĂ©riel et procĂ©dural, lorsque ces actes ont portĂ© une atteinte grave aux droits, libertĂ©s et intĂ©rĂŞts lĂ©gitimes de la personne concernĂ©e, causant ainsi un prĂ©judice auquel une voie de recours ordinaire ou extraordinaire n’a pas permis de remĂ©dier ;

b)      une dĂ©cision juridictionnelle dĂ©finitive manifestement non conforme Ă  la loi ou aux faits Ă©tablis au regard des preuves administrĂ©es dans le cadre de l’instance a Ă©tĂ© adoptĂ©e, lorsque cette dĂ©cision a portĂ© une atteinte grave aux droits, libertĂ©s et intĂ©rĂŞts lĂ©gitimes de la personne concernĂ©e, causant ainsi un prĂ©judice auquel une voie de recours ordinaire ou extraordinaire n’a pas permis de remĂ©dier.

(4)      Le code de procĂ©dure civile, le code de procĂ©dure pĂ©nale et d’autres lois spĂ©ciales peuvent prĂ©voir des cas spĂ©cifiques d’erreur judiciaire.

(5)      Pour la rĂ©paration du prĂ©judice, la personne lĂ©sĂ©e ne peut agir que contre l’État, reprĂ©sentĂ© par le ministère des Finances publiques. L’action civile relève de la compĂ©tence du tribunal de grande instance de la circonscription du domicile du requĂ©rant.

(6)      Le paiement des sommes dues par l’État Ă  titre d’indemnisation est effectuĂ© dans un dĂ©lai d’un an Ă  compter de la notification de la dĂ©cision juridictionnelle dĂ©finitive.

(7)      Dans un dĂ©lai de deux mois Ă  compter de la notification de la dĂ©cision dĂ©finitive statuant sur l’action visĂ©e au paragraphe 6, le ministère des Finances publiques saisit l’Inspection judiciaire afin de vĂ©rifier si l’erreur judiciaire a Ă©tĂ© causĂ©e par le juge ou le procureur en exerçant ses fonctions de mauvaise foi ou avec nĂ©gligence grave, conformĂ©ment Ă  la procĂ©dure prĂ©vue Ă  l’article 741 de la loi no 317/2004, republiĂ©e, telle que modifiĂ©e.

(8)      L’État, par l’intermĂ©diaire du ministère des Finances publiques, exerce l’action rĂ©cursoire contre le juge ou le procureur si, Ă  la suite du rapport consultatif de l’Inspection judiciaire visĂ© au paragraphe 7 et de sa propre apprĂ©ciation, il considère que l’erreur judiciaire a Ă©tĂ© causĂ©e par l’exercice des fonctions du juge ou du procureur de mauvaise foi ou avec nĂ©gligence grave. L’action rĂ©cursoire doit ĂŞtre intentĂ©e dans un dĂ©lai de six mois Ă  compter de la communication du rapport de l’inspection judiciaire.

(9)      La compĂ©tence pour statuer en première instance sur l’action rĂ©cursoire appartient Ă  la chambre civile de la Curtea de Apel [(cour d’appel)] du domicile du dĂ©fendeur. Si le juge ou le procureur contre lequel l’action rĂ©cursoire est dirigĂ©e exerce ses fonctions au sein de cette cour d’appel ou du parquet près celle-ci, cette action est portĂ©e devant une cour d’appel voisine, au choix de la partie requĂ©rante.

(10)      La dĂ©cision rendue conformĂ©ment au paragraphe 9 est susceptible de pourvoi devant la chambre compĂ©tente de l’Înalta Curte de Casație şi Justiție [(Haute Cour de cassation et de justice), Roumanie].

(11)      Le Conseil supĂ©rieur de la magistrature Ă©tablit, dans un dĂ©lai de six mois Ă  compter de l’entrĂ©e en vigueur de la prĂ©sente loi, les conditions, dĂ©lais et procĂ©dures aux fins de l’assurance professionnelle obligatoire des juges et procureurs. L’assurance est intĂ©gralement couverte par le juge ou le procureur, et l’absence de celle-ci ne peut retarder, diminuer ou Ă©carter la responsabilitĂ© civile du juge ou du procureur pour erreur judiciaire causĂ©e par l’exercice de ses fonctions de mauvaise foi ou avec nĂ©gligence grave. Â»

31      L’article 991 de la loi no 303/2004 modifiĂ©e dispose :

« (1)      Un juge ou procureur fait preuve de mauvaise foi lorsqu’il enfreint sciemment les règles de droit matĂ©riel ou procĂ©dural dans le but ou en acceptant de porter prĂ©judice Ă  une personne.

(2)      Un juge ou procureur commet une nĂ©gligence grave lorsqu’il mĂ©connaĂ®t de manière fautive, grave, indubitable et inexcusable les règles de droit matĂ©riel ou procĂ©dural. Â»

–       La loi no 304/2004

32      La loi no 304/2004 a Ă©tĂ© modifiĂ©e, notamment, par :

–        la Legea nr. 207/2018 (loi no 207/2018), du 20 juillet 2018 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 636 du 20 juillet 2018), entrĂ©e en vigueur le 23 octobre 2018 conformĂ©ment Ă  son article III et qui a insĂ©rĂ© au chapitre 2 du titre III, intitulĂ© « Ministère public Â», de la loi no 304/2004 une section 21, relative Ă  la « SIIJ Â» et contenant les articles 881 Ă  8811 de cette dernière loi ;

–        l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 90/2018 (ordonnance d’urgence du gouvernement no 90/2018), du 10 octobre 2018 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 862 du 10 octobre 2018, ci-après l’« ordonnance d’urgence du gouvernement no 90/2018 Â»), qui a, entre autres, modifiĂ© l’article 882, paragraphe 3, de la loi no 304/2004 et instituĂ© une procĂ©dure dĂ©rogatoire aux articles 883 Ă  885 de cette loi en vue de la nomination provisoire du procureur en chef, du procureur en chef adjoint et d’au moins un tiers des procureurs de la SIIJ ;

–        l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 92/2018 (ordonnance d’urgence du gouvernement no 92/2018), du 15 octobre 2018 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 874 du 16 octobre 2018), qui a, entre autres, insĂ©rĂ© Ă  l’article 882 de la loi no 304/2004 un nouveau paragraphe 5 et a modifiĂ© l’article 885, paragraphe 5, de cette loi ;

–        l’ordonnance d’urgence no 7/2019, qui a, entre autres, insĂ©rĂ© un paragraphe 6 Ă  l’article 881 de la loi no 304/2004, ainsi que des paragraphes 111 et 112 Ă  l’article 885 de cette loi, un point e) Ă  l’article 888, paragraphe 1, de la loi no 304/2004, et modifiĂ© le point d) de l’article 888, paragraphe 1, de cette loi ;

–        l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 12/2019 pentru modificarea şi completarea unor acte normative Ă®n domeniul justiţiei (ordonnance d’urgence du gouvernement no 12/2019, modifiant et complĂ©tant certains actes normatifs dans le domaine de la justice), du 5 mars 2019 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 185 du 7 mars 2019), qui a, entre autres, insĂ©rĂ© dans la loi no 304/2004 les articles 8810 et 8811 relatifs, notamment, au dĂ©tachement d’officiers et d’agents de police judiciaire au sein de la SIIJ.

33      Aux termes de l’article 881 de la loi no 304/2004, telle qu’ainsi modifiĂ©e (ci-après la « loi no 304/2004 modifiĂ©e Â») :

« (1)      Dans le cadre du [parquet près la Haute Cour de cassation et de justice], il est instituĂ© la [SIIJ], qui dĂ©tient la compĂ©tence exclusive en matière de poursuites pĂ©nales pour les infractions commises par des juges et procureurs, y compris les juges et procureurs militaires et ceux qui ont qualitĂ© de membres du Conseil supĂ©rieur de la magistrature.

(2)      La [SIIJ] demeure compĂ©tente pour les poursuites pĂ©nales dans le cas oĂą d’autres personnes sont poursuivies en sus de celles prĂ©vues au paragraphe 1.

[...]

(4)      La [SIIJ] est dirigĂ©e par un procureur en chef de la [SIIJ], assistĂ© par un procureur en chef adjoint, nommĂ©s dans ces fonctions par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, dans les conditions prĂ©vues par la prĂ©sente loi.

(5)      Le [Procureur gĂ©nĂ©ral] règle les conflits de compĂ©tence entre la [SIIJ] et les autres structures ou unitĂ©s du ministère public.

(6)      Lorsque le code de procĂ©dure pĂ©nale ou d’autres lois spĂ©ciales se rĂ©fèrent au “procureur hiĂ©rarchiquement supĂ©rieur” dans le cas des infractions relevant de la compĂ©tence de la [SIIJ], il faut entendre le procureur en chef de la section, y compris en cas de solutions concertĂ©es avant d’être opĂ©rationnelle. Â»

34      L’article 882 de cette loi dispose :

« (1)      La [SIIJ] exerce ses activitĂ©s en vertu des principes de lĂ©galitĂ©, d’impartialitĂ© et de contrĂ´le hiĂ©rarchique.

(2)      Il est interdit de dĂ©lĂ©guer ou de dĂ©tacher des procureurs auprès de la [SIIJ].

(3)      La [SIIJ] exerce ses activitĂ©s avec quinze postes de procureurs.

(4)      Le nombre de postes dans la [SIIJ] peut ĂŞtre modifiĂ©, en fonction du volume d’activitĂ©, par ordonnance du [Procureur gĂ©nĂ©ral], Ă  la demande du procureur en chef de la [SIIJ], sur avis conforme de l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature.

(5)      Pendant la durĂ©e de leurs fonctions au sein de la [SIIJ], les procureurs [...] bĂ©nĂ©ficient des droits des procureurs dĂ©tachĂ©s, dans les conditions prĂ©vues par la loi. Â»

35      L’article 883, paragraphe 1, de ladite loi prĂ©voit :

« Le procureur en chef de la [SIIJ] est nommĂ© dans ses fonctions par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, Ă  la suite d’un concours consistant dans la prĂ©sentation d’un projet relatif Ă  l’accomplissement des tâches spĂ©cifiques du poste de gestion en question, qui vise Ă  Ă©valuer les compĂ©tences en matière de gestion, la gestion efficace des ressources, la capacitĂ© de prendre des dĂ©cisions et d’assumer des responsabilitĂ©s, les compĂ©tences en matière de communication et la rĂ©sistance au stress, ainsi que l’intĂ©gritĂ© du candidat, son activitĂ© en tant que procureur et son rapport Ă  des valeurs spĂ©cifiques Ă  cette profession, telles que l’indĂ©pendance de la justice ou le respect des droits et libertĂ©s fondamentaux. Â»

36      L’article 884, paragraphe 1, de la mĂŞme loi Ă©nonce :

« Le procureur en chef adjoint de la [SIIJ] est nommĂ© dans ses fonctions par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, sur proposition motivĂ©e du procureur en chef de la [SIIJ], parmi les procureurs dĂ©jĂ  nommĂ©s Ă  [la SIIJ]. Â»

37      L’article 885 de la loi no 304/2004 est ainsi libellĂ© :

« (1)      La [SIIJ] emploie des procureurs nommĂ©s par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, Ă  la suite d’un concours, dans la limite des postes prĂ©vus au tableau des effectifs, approuvĂ© conformĂ©ment Ă  la loi, pour une pĂ©riode de trois ans, avec la possibilitĂ© de renouvellement pour une pĂ©riode totale d’au maximum neuf ans.

(2)      Le concours est passĂ© devant la commission chargĂ©e de l’organisation du concours composĂ©e conformĂ©ment Ă  l’article 883, paragraphe 2, dont le procureur en chef de la [SIIJ] fait partie d’office.

[...]

(11)      La nomination au poste de procureur dans la [SIIJ] est faite par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, dans la limite des postes vacants et dans l’ordre des points obtenus.

(111)      Les membres des commissions de concours prĂ©vues au prĂ©sent article ne deviennent pas incompatibles et votent Ă  l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature.

(112)      Les commissions de concours prĂ©vues Ă  l’article 883, respectivement Ă  l’article 885 exercent lĂ©galement l’activitĂ© en prĂ©sence d’au moins trois membres.

(12)      Les procĂ©dures de nomination, de poursuite des fonctions et de rĂ©vocation des fonctions de gestion et d’exĂ©cution dans la [SIIJ] seront dĂ©taillĂ©es dans un règlement approuvĂ© par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature. Â»

38      Selon l’article 887 de cette loi :

« (1)      Les procureurs nommĂ©s Ă  la [SIIJ] peuvent ĂŞtre rĂ©voquĂ©s par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, sur demande motivĂ©e du procureur en chef de la [SIIJ], en cas d’accomplissement inappropriĂ© des tâches spĂ©cifiques au poste, lorsqu’une sanction disciplinaire a Ă©tĂ© appliquĂ©e.

(2)      En cas de rĂ©vocation, le procureur revient Ă  son parquet d’origine et retrouve le grade et la rĂ©munĂ©ration correspondant Ă  celui-ci qu’il avait antĂ©rieurement ou qu’il a acquis Ă  la suite d’une promotion, dans les conditions prĂ©vues par la loi, pendant l’exercice de ses fonctions dans la [SIIJ]. Â»

39      L’article 888, paragraphe 1, de ladite loi dispose :

« Les attributions de la [SIIJ] sont les suivantes :

a)      exercer les poursuites pĂ©nales, dans les conditions prĂ©vues par [le code de procĂ©dure pĂ©nale], pour les infractions relevant de sa compĂ©tence ;

b)      saisir les juridictions afin que ces dernières prennent les mesures prĂ©vues par la loi et jugent les affaires relatives aux infractions prĂ©vues sous a) ;

c)      crĂ©er et actualiser la base de donnĂ©es sur les infractions relevant de son domaine de compĂ©tence ;

[…]

e)      exercer d’autres attributions prĂ©vues par la loi. Â»

40      Aux termes de l’article II de l’ordonnance d’urgence no 90/2018 :

« (1)      Par dĂ©rogation aux articles 883 Ă  885 de la loi no 304/2004 sur l’organisation du système judiciaire, republiĂ©e, telle que modifiĂ©e et complĂ©tĂ©e ultĂ©rieurement, avant l’achèvement des concours organisĂ©s pour l’attribution du poste de procureur en chef de la [SIIJ] et des postes d’exĂ©cution de procureur de [la SIIJ] et la validation des rĂ©sultats de ces concours, les fonctions de procureur en chef et au moins un tiers des fonctions d’exĂ©cution de procureur seront exercĂ©es provisoirement par des procureurs qui remplissent les conditions prĂ©vues par la loi pour ĂŞtre nommĂ©s Ă  ces postes, sĂ©lectionnĂ©s par la commission chargĂ©e de l’organisation du concours composĂ©e conformĂ©ment Ă  l’article 883, paragraphe 2, de la loi no 304/2004, republiĂ©e, telle que modifiĂ©e et complĂ©tĂ©e ultĂ©rieurement.

(2)      La sĂ©lection des candidats est effectuĂ©e par la commission chargĂ©e de l’organisation du concours prĂ©vue au paragraphe 1, selon une procĂ©dure qui se dĂ©roule dans cinq jours calendaires Ă  compter de la date de son dĂ©clenchement par le prĂ©sident du Conseil supĂ©rieur de la magistrature. La commission chargĂ©e de l’organisation du concours exerce ses activitĂ©s en prĂ©sence d’au moins trois membres.

[...]

(10)      Afin de rendre opĂ©rationnelle la [SIIJ], dans un dĂ©lai de cinq jours calendaires Ă  compter de l’entrĂ©e en vigueur de la prĂ©sente ordonnance d’urgence, le [Procureur gĂ©nĂ©ral] fournit les ressources humaines et matĂ©rielles nĂ©cessaires Ă  son fonctionnement, y compris le personnel auxiliaire spĂ©cialisĂ©, des officiers et agents de la police judiciaire, des spĂ©cialistes et d’autres catĂ©gories de personnel.

(11)      Ă€ compter de la date Ă  laquelle la [SIIJ] devient opĂ©rationnelle, celle–ci reprend les affaires relevant de sa compĂ©tence pendantes devant la direction nationale anticorruption et devant d’autres branches du parquet, ainsi que les dossiers des affaires relatives aux infractions prĂ©vues Ă  l’article 881, paragraphe 1, de la loi no 304/2004, republiĂ©e, telle que modifiĂ©e et complĂ©tĂ©e ultĂ©rieurement, qui ont Ă©tĂ© clĂ´turĂ©es avant la date Ă  laquelle [la SIIJ] est devenue opĂ©rationnelle. Â»

41      L’introduction de cette procĂ©dure dĂ©rogatoire a Ă©tĂ© justifiĂ©e, conformĂ©ment aux considĂ©rants de l’ordonnance d’urgence no 90/2018, dans les termes suivants :

« Eu Ă©gard au fait que, en vertu de l’article III, paragraphe 1, de la loi no 207/2018 modifiant et complĂ©tant la loi no 304/2004 sur l’organisation du système judiciaire, “[l]a [SIIJ] commence ses activitĂ©s dans un dĂ©lai de trois mois après la date d’entrĂ©e en vigueur de la prĂ©sente loi”, Ă  savoir le 23 octobre 2018,

étant donné que, jusqu’à présent, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas achevé dans le délai légal la procédure visant à rendre opérationnelle la [SIIJ],

au regard du fait que la loi prĂ©voit expressĂ©ment la compĂ©tence de cette section pour poursuivre pĂ©nalement les infractions commises par des juges et procureurs, y compris par des juges et procureurs militaires et par ceux ayant qualitĂ© de membres du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, ainsi qu’au fait que, Ă  compter du 23 octobre 2018, date fixĂ©e par la loi Ă  laquelle la section deviendra opĂ©rationnelle, la direction nationale anticorruption et les autres parquets ne seront plus compĂ©tents pour poursuivre pĂ©nalement les infractions commises par ces personnes, ce qui affecterait gravement les procĂ©dures judiciaires dans les affaires relevant de la compĂ©tence de la section et pourrait crĂ©er un blocage institutionnel,

compte tenu du fait que la loi en vigueur ne contient pas de règles transitoires sur les modalitĂ©s concrètes selon lesquelles la [SIIJ] deviendra opĂ©rationnelle, en cas de dĂ©passement du dĂ©lai fixĂ© par la loi no 207/2018, et qu’il est nĂ©cessaire d’adopter des mesures lĂ©gislatives urgentes rĂ©glementant une procĂ©dure simple, dĂ©rogeant aux articles 883 Ă  885 de la loi no 304/2004, republiĂ©e, telle que modifiĂ©e et complĂ©tĂ©e ultĂ©rieurement, en vue de la nomination provisoire du procureur en chef, du procureur en chef adjoint et d’au moins un tiers des procureurs de la section, ce qui permettra Ă  la section de devenir opĂ©rationnelle dans le dĂ©lai fixĂ© par la loi, Ă  savoir le 23 octobre 2018,

considĂ©rant que la situation prĂ©sentĂ©e ci-dessus est une situation extraordinaire dont la rĂ©glementation ne saurait ĂŞtre diffĂ©rĂ©e Â».

–       La loi no 317/2004

42      La loi no 317/2004 a Ă©tĂ© modifiĂ©e, notamment, par :

–        l’Ordonanța de Urgență a Guvernului nr. 77/2018 (ordonnance d’urgence du gouvernement no 77/2018), du 5 septembre 2018 (Monitorul Oficial al României, no 767, du 5 septembre 2018, ci-après l’« ordonnance d’urgence no 77/2018 Â»), qui a insĂ©rĂ©, en vertu de son article I, des paragraphes 7 et 8 Ă  l’article 67 de la loi no 317/2004 ;

–        la Legea nr. 234/2018 (loi no 234/2018), du 4 octobre 2018 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 850, du 8 octobre 2018), qui a, entre autres, modifiĂ© les articles 65 et 67 de la loi no 317/2004 et insĂ©rĂ© dans celle-ci un article 741 ;

–        l’ordonnance d’urgence no 7/2019.

43      L’article 65, paragraphes 1 Ă  3, de la loi no 317/2004, dans sa version antĂ©rieure Ă  l’entrĂ©e en vigueur de la loi n° 234/2018, disposait :

« (1)      L’Inspection judiciaire est mise en place comme organe dotĂ© de la personnalitĂ© juridique, dans le cadre du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, ayant son siège Ă  Bucarest, par rĂ©organisation de l’Inspection judiciaire.

(2)      L’Inspection judiciaire est dirigĂ©e par un inspecteur en chef, assistĂ© d’un inspecteur en chef adjoint, nommĂ©s Ă  l’issue d’un concours organisĂ© par le Conseil supĂ©rieur de la magistrature.

(3)      L’Inspection judiciaire agit dans le respect du principe d’indĂ©pendance opĂ©rationnelle, en remplissant, par l’intermĂ©diaire des inspecteurs judiciaires nommĂ©s conformĂ©ment Ă  loi, des fonctions d’analyse, de vĂ©rification et de contrĂ´le dans les domaines spĂ©cifiques d’activitĂ©. Â»

44      L’article 67 de cette loi Ă©tait rĂ©digĂ© comme suit :

« (1)      L’inspecteur en chef et l’inspecteur en chef adjoint sont nommĂ©s par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature parmi les inspecteurs judiciaires en fonction, Ă  la suite d’un concours consistant dans la prĂ©sentation d’un projet relatif Ă  l’exercice des attributions spĂ©cifiques au poste de gestion en question, dans une Ă©preuve Ă©crite testant les connaissances en matière de gestion, de communication, de ressources humaines, la capacitĂ© du candidat de prendre des dĂ©cisions et d’assumer des responsabilitĂ©s, sa rĂ©sistance au stress, ainsi que dans un test psychologique.

(2)      Le concours est organisĂ© par le Conseil supĂ©rieur de la magistrature, conformĂ©ment au règlement approuvĂ© par dĂ©cision de l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature [...].

(3)      L’organisation des concours pour les postes d’inspecteur en chef et d’inspecteur en chef adjoint est annoncĂ©e au moins trois mois avant leur date.

(4)      Le mandat de l’inspecteur en chef et celui de l’inspecteur en chef adjoint sont de trois ans et peuvent ĂŞtre renouvelĂ©s une seule fois, dans le respect des dispositions du paragraphe 1.

(5)      L’inspecteur en chef et l’inspecteur en chef adjoint peuvent ĂŞtre rĂ©voquĂ©s de leurs fonctions par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, dans le cas oĂą ils ne remplissent pas ou remplissent de manière inappropriĂ©e leurs attributions de gestion. La rĂ©vocation est dĂ©cidĂ©e sur la base du rapport annuel d’audit prĂ©vu Ă  l’article 68.

(6)      La dĂ©cision de rĂ©vocation prise par l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature peut faire l’objet d’un pourvoi, dans un dĂ©lai de quinze jours après sa communication, auprès de la chambre du contentieux administratif et fiscal de l’Înalta Curte de Casație și Justiție [(Haute Cour de cassation et de justice)]. Le pourvoi suspend l’exĂ©cution de la dĂ©cision du Conseil supĂ©rieur de la magistrature. La dĂ©cision rendue sur pourvoi est irrĂ©vocable.

(7)      Lorsque le poste d’inspecteur en chef ou, selon le cas, d’inspecteur en chef adjoint de l’Inspection judiciaire devient vacant Ă  la suite de l’expiration du mandat, la supplĂ©ance de ce poste est assurĂ©e par l’inspecteur en chef ou, selon le cas, par l’inspecteur en chef adjoint dont le mandat a expirĂ©, jusqu’à la date Ă  laquelle ce poste est pourvu dans les conditions de la loi.

(8)      Lorsque le mandat de l’inspecteur en chef prend fin pour une cause autre que l’expiration du mandat, la supplĂ©ance de ce poste est assurĂ©e par l’inspecteur en chef adjoint jusqu’à la date Ă  laquelle ce poste est pourvu dans les conditions de la loi. Lorsque le mandat de l’inspecteur en chef adjoint prend fin pour une cause autre que l’expiration du mandat, la supplĂ©ance de ce poste est assurĂ©e par un inspecteur judiciaire nommĂ© par l’inspecteur en chef jusqu’à la date Ă  laquelle ce poste est pourvu dans les conditions de la loi. Â»

45      Aux termes de l’article 741 de la loi n° 317/2004, issu de la loi n° 234/2018 :

« (1)      Sur saisine du ministère des Finances publiques, dans les cas et les dĂ©lais prĂ©vus Ă  l’article 96 de la loi no 303/2004, telle que republiĂ©e, modifiĂ©e ultĂ©rieurement et complĂ©tĂ©e, l’Inspection judiciaire effectue les vĂ©rifications pour dĂ©terminer si l’erreur judiciaire causĂ©e par le juge ou le procureur Ă©tait due Ă  l’exercice de ses fonctions de mauvaise foi ou avec une nĂ©gligence grave.

(2)      La vĂ©rification prĂ©vue au paragraphe 1 sera achevĂ©e dans les 30 jours suivant la date de la saisine. L’inspecteur en chef peut ordonner jusqu’à 30 jours de prorogation de dĂ©lai si de bonnes raisons le justifient. Le dĂ©lai maximal de vĂ©rification ne peut pas excĂ©der 120 jours.

(3)      La vĂ©rification est assurĂ©e par une commission composĂ©e de trois juges, inspecteurs judiciaires ou trois procureurs, inspecteurs judiciaires (selon la fonction occupĂ©e par la personne concernĂ©e). Si une affaire concerne simultanĂ©ment des juges et des procureurs, deux commissions sont Ă©tablies pour examiner les faits diffĂ©remment selon la fonction occupĂ©e par les personnes concernĂ©es.

(4)      Au cours des vĂ©rifications, les juges et les procureurs mis en cause sont tenus de se prĂ©senter Ă  l’audience ; tout refus de leur part de participer ou de faire une dĂ©claration sera dĂ»ment consignĂ© dans les procès-verbaux et n’entravera en rien la rĂ©alisation des vĂ©rifications. Le juge ou le procureur concernĂ© a le droit de connaĂ®tre tous les actes de la procĂ©dure de vĂ©rification et de demander des preuves Ă  dĂ©charge. Les inspecteurs peuvent entendre toutes les autres personnes impliquĂ©es dans l’affaire qui exige ces vĂ©rifications.

(5)      Un rapport fera le bilan des vĂ©rifications rĂ©alisĂ©es et des preuves recueillies, afin que l’Inspection judiciaire puisse dĂ©terminer si le juge ou le procureur a commis des actes de mauvaise foi ou de nĂ©gligence grave conduisant Ă  une erreur judiciaire.

(6)      Les vĂ©rifications prĂ©vues au paragraphe 1 seront Ă©galement effectuĂ©es si le juge ou le procureur n’est plus en exercice.

(7)      Le rapport sera transmis au ministère des Finances publiques et au juge ou procureur concernĂ©.

(8)      Le rapport prĂ©vu au paragraphe 5) est soumis Ă  confirmation par l’inspecteur en chef. Ce dernier peut ordonner une seule fois, de manière motivĂ©e, une vĂ©rification complĂ©mentaire. Cette vĂ©rification complĂ©mentaire est effectuĂ©e par la commission dans un dĂ©lai de 30 jours Ă  compter de la date Ă  laquelle elle a Ă©tĂ© ordonnĂ©e par l’inspecteur en chef. Â»

46      L’article II de l’ordonnance d’urgence no 77/2018 prĂ©cise ce qui suit :

« Les dispositions de l’article 67, paragraphe 7, de la loi no 317/2004 sur le Conseil supĂ©rieur de la magistrature, republiĂ©e, telle que modifiĂ©e ultĂ©rieurement et telle que complĂ©tĂ©e par la prĂ©sente ordonnance d’urgence, s’appliquent Ă©galement aux situations dans lesquelles le poste d’inspecteur en chef ou, selon le cas, d’inspecteur en chef adjoint de l’Inspection judiciaire est vacant Ă  la date d’entrĂ©e en vigueur de la prĂ©sente ordonnance d’urgence. Â»

  Les litiges au principal et les questions prĂ©judicielles

 Ă‰lĂ©ments communs aux litiges au principal

47      Les litiges au principal s’inscrivent dans le prolongement d’une rĂ©forme d’envergure en matière de justice et de lutte contre la corruption en Roumanie, rĂ©forme qui fait l’objet d’un suivi Ă  l’échelle de l’Union depuis l’annĂ©e 2007 en vertu du mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification instituĂ© par la dĂ©cision 2006/928 Ă  l’occasion de l’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union europĂ©enne (ci-après le « MCV Â»).

48      Au cours des annĂ©es 2017 Ă  2019, le lĂ©gislateur roumain a modifiĂ© Ă  diffĂ©rentes reprises les lois nos 303/2004, 304/2004 et 317/2004. Les requĂ©rants au principal contestent la compatibilitĂ© avec le droit de l’Union de certaines de ces modifications, en particulier de celles concernant l’organisation de l’Inspection judiciaire (affaire C‑83/19), la mise en place au sein du ministère public de la SIIJ (affaires C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19) ainsi que le rĂ©gime de la responsabilitĂ© personnelle des magistrats (affaire C‑397/19).

49      Ă€ l’appui de leurs recours, les requĂ©rants au principal se rĂ©fèrent aux rapports de la Commission au Parlement europĂ©en et au Conseil sur les progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie au titre du mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification, du 25 janvier 2017 [COM(2017) 44 final, ci-après le « rapport MCV de janvier 2017 Â»], du 15 novembre 2017 [COM(2017) 751 final] et du 13 novembre 2018 [COM(2018) 851 final, ci-après le « rapport MCV de novembre 2018 Â»], Ă  l’avis no 924/2018 de la Commission europĂ©enne pour la dĂ©mocratie par le droit (Commission de Venise), du 20 octobre 2018, sur les projets d’amendements de la loi no 303/2004 sur le statut des juges et des procureurs, la loi no 304/2004 sur l’organisation judiciaire et la loi no 317/2004 sur le Conseil de la magistrature [(CDL-AD(2018)017], au rapport du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) sur la Roumanie, adoptĂ© le 23 mars 2018 [Greco-AdHocRep(2018)2], Ă  l’avis du Conseil consultatif de juges europĂ©ens (CCJE), du 25 avril 2019 [CCJE-BU(2019)4], ainsi qu’à l’avis du Conseil consultatif de procureurs europĂ©ens, du 16 mai 2019 [CCPE–BU(2019)3]. En effet, selon les requĂ©rants, ces rapports et ces avis contiendraient des critiques Ă  l’égard des dispositions adoptĂ©es par la Roumanie au cours des annĂ©es 2017 Ă  2019 au regard de l’efficacitĂ© de la lutte contre la corruption et de la garantie de l’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire et formuleraient des recommandations aux fins de modification, de suspension ou de retrait de ces dispositions.

50      Les juridictions de renvoi s’interrogent, Ă  cet Ă©gard, sur la nature et les effets juridiques du MCV ainsi que sur la portĂ©e des rapports Ă©tablis par la Commission au titre de celui-ci. Elles font observer, en substance, que le MCV, instituĂ© sur le fondement des articles 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion, vise Ă  remĂ©dier Ă  l’insuffisance des rĂ©formes accomplies en Roumanie en matière d’organisation de la justice et de lutte contre la corruption, afin que cet État puisse remplir les obligations rĂ©sultant du statut d’État membre. Elles ajoutent que les rapports Ă©tablis par la Commission au titre du MCV ont, notamment, pour objectif d’orienter les efforts dĂ©ployĂ©s par les autoritĂ©s roumaines et formulent des exigences et des recommandations spĂ©cifiques. Selon lesdites juridictions, le contenu, la nature juridique et la durĂ©e dudit mĂ©canisme devraient ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme relevant du champ d’application du traitĂ© d’adhĂ©sion de sorte que les exigences formulĂ©es dans ces mĂŞmes rapports devraient avoir un caractère obligatoire pour la Roumanie.

51      Dans ce contexte, les juridictions de renvoi font Ă©tat de plusieurs arrĂŞts de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, Roumanie) ayant abordĂ© ces questions, parmi lesquels l’arrĂŞt no 104 du 6 mars 2018. Selon cet arrĂŞt, le droit de l’Union ne primerait pas l’ordre constitutionnel roumain et la dĂ©cision 2006/928 ne pourrait pas constituer une norme de rĂ©fĂ©rence dans le cadre d’un contrĂ´le de constitutionnalitĂ© au titre de l’article 148 de la Constitution, dès lors que cette dĂ©cision a Ă©tĂ© adoptĂ©e avant l’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union et n’a fait l’objet d’aucune interprĂ©tation par la Cour en ce qui concerne la question de savoir si son contenu, sa nature juridique et sa durĂ©e relèvent du champ d’application du traitĂ© d’adhĂ©sion.

 Affaire C83/19

52      Par une demande enregistrĂ©e le 27 aoĂ»t 2018, le Forum des juges de Roumanie a saisi l’Inspection judiciaire d’une demande de communication d’informations d’ordre statistique portant sur l’activitĂ© de cette dernière au cours de la pĂ©riode 2014-2018, en particulier sur le nombre de procĂ©dures disciplinaires engagĂ©es, les motifs d’ouverture de celles-ci et l’issue de ces dernières, ainsi que sur un accord de coopĂ©ration passĂ© entre l’Inspection judiciaire et le Serviciul Român de Informaţii (service roumain de renseignement) et la participation de ce service aux enquĂŞtes menĂ©es.

53      Estimant que l’Inspection judiciaire, en n’ayant rĂ©pondu que partiellement Ă  cette demande qui portait sur des informations d’intĂ©rĂŞt public, n’avait pas respectĂ© ses obligations lĂ©gales, le Forum des juges de Roumanie a saisi, le 24 septembre 2018, le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt, Roumanie) d’une requĂŞte tendant Ă  ce qu’il soit fait injonction Ă  l’Inspection judiciaire de communiquer les informations en cause.

54      Le 26 octobre 2018, l’Inspection judiciaire a dĂ©posĂ© un mĂ©moire en dĂ©fense devant cette juridiction, dans lequel elle affirmait que les droits subjectifs que le Forum des juges de Roumanie tirait de la Lege nr. 544/2001 privind liberul acces la informațiile de interes public (loi no 544/2001 sur le libre accès aux informations d’intĂ©rĂŞt public), du 12 octobre 2001 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 663 du 23 octobre 2001), n’avaient pas Ă©tĂ© violĂ©s et que la requĂŞte devait ĂŞtre rejetĂ©e. Le mĂ©moire en dĂ©fense Ă©tait signĂ© par M. Lucian Netejoru, prĂ©sentĂ© comme Ă©tant l’inspecteur en chef de l’Inspection judiciaire.

55      Dans son mĂ©moire en rĂ©plique, le Forum des juges de Roumanie a soulevĂ© une exception tirĂ©e de ce que le signataire du mĂ©moire en dĂ©fense ne justifiait pas de sa qualitĂ© Ă  reprĂ©senter l’Inspection judiciaire. Il a expliquĂ© que, si M. Netejoru avait effectivement Ă©tĂ© nommĂ© inspecteur en chef de l’Inspection judiciaire par une dĂ©cision de l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature du 30 juin 2015 Ă  compter du 1er septembre 2015, son mandat, d’une durĂ©e de trois ans, avait expirĂ© le 31 aoĂ»t 2018, soit Ă  une date antĂ©rieure Ă  celle du dĂ©pĂ´t du mĂ©moire en dĂ©fense.

56      Certes, selon le Forum des juges de Roumanie, les dispositions de l’article 67, paragraphe 7, de la loi no 317/2004 prĂ©voient que, dans le cas oĂą le poste d’inspecteur en chef devient vacant Ă  la suite d’une expiration de mandat, la supplĂ©ance de ce poste est assurĂ©e par l’inspecteur en chef dont le mandat a expirĂ©, jusqu’à la date Ă  laquelle ce poste est pourvu dans les conditions prĂ©vues par la loi. Toutefois, ces dispositions, issues de l’ordonnance d’urgence no 77/2018, seraient inconstitutionnelles, puisqu’elles porteraient atteinte aux compĂ©tences du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, dĂ©coulant de son rĂ´le de garant de l’indĂ©pendance de la justice consacrĂ© Ă  l’article 133, paragraphe 1, de la Constitution, pour nommer l’inspecteur en chef et l’inspecteur en chef adjoint de l’Inspection judiciaire et, dans le cas oĂą ces postes deviendraient vacants, pour dĂ©signer des personnes chargĂ©es d’assurer la supplĂ©ance de ces fonctions. D’ailleurs, cette ordonnance d’urgence aurait Ă©tĂ© adoptĂ©e aux fins de rendre possible la nomination de personnes dĂ©terminĂ©es, ainsi qu’il ressortirait de l’exposĂ© des motifs de ladite ordonnance.

57      Le Forum des juges de Roumanie a ajoutĂ© que, compte tenu des compĂ©tences Ă©tendues dont disposent l’inspecteur en chef et l’inspecteur en chef adjoint de l’Inspection judiciaire, l’ordonnance d’urgence no 77/2018 mĂ©connaĂ®t le principe de l’indĂ©pendance des juges dont la garantie est, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence de la Cour, inhĂ©rente Ă  leur mission et requise en vertu de l’article 19 TUE, ce qui serait confirmĂ© par le rapport MCV de novembre 2018. En effet, l’inspecteur en chef et l’inspecteur en chef adjoint seraient compĂ©tents en matière de contrĂ´le de la sĂ©lection des inspecteurs judiciaires, de nomination des inspecteurs judiciaires chargĂ©s des fonctions de direction, de contrĂ´le de l’activitĂ© d’inspection, ainsi que d’exercice de l’action disciplinaire.

58      Le Forum des juges de Roumanie en a conclu que le mĂ©moire en dĂ©fense, en ce qu’il Ă©tait signĂ© par une personne nommĂ©e au poste d’inspecteur en chef de l’Inspection judiciaire sur le fondement de dispositions inconstitutionnelles et contraires au droit de l’Union, devait, conformĂ©ment aux dispositions pertinentes du code de procĂ©dure civile, ĂŞtre Ă©cartĂ© du dossier.

59      L’Inspection judiciaire a rĂ©pondu que M. Netejoru Ă©tait lĂ©galement habilitĂ© Ă  la reprĂ©senter en vertu de la dĂ©cision du 30 juin 2015 de l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature et de l’article 67, paragraphe 7, de la loi no 317/2004.

60      Le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt) relève que les considĂ©rations avancĂ©es par le Forum des juges de Roumanie soulèvent la question de savoir si l’exigence d’indĂ©pendance de la justice impose aux États membres de prendre les mesures nĂ©cessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, en particulier de garantir l’indĂ©pendance de la procĂ©dure disciplinaire concernant les juges, en Ă©cartant tous les risques liĂ©s Ă  l’influence politique sur le dĂ©roulement d’une telle procĂ©dure, tels que ceux susceptibles de rĂ©sulter de la nomination directe par le gouvernement, mĂŞme Ă  titre intĂ©rimaire, des membres dirigeants de l’organe chargĂ© de conduire cette procĂ©dure.

61      Dans ce contexte, il importerait de clarifier le statut et les effets juridiques des rapports Ă©tablis par la Commission au titre du MCV afin que la juridiction de renvoi puisse statuer sur l’exception procĂ©durale tirĂ©e du dĂ©faut de qualitĂ© du signataire du mĂ©moire en dĂ©fense Ă  reprĂ©senter la dĂ©fenderesse au principal et sur le sort Ă  rĂ©server audit mĂ©moire ainsi qu’aux Ă©lĂ©ments de preuve et aux exceptions invoquĂ©s par cette partie. Si la Cour devait juger que le MCV est obligatoire et que le droit primaire de l’Union s’oppose Ă  l’adoption de dispositions telles que celles de l’ordonnance d’urgence no 77/2018, la reprĂ©sentation de l’Inspection judiciaire aurait Ă©tĂ©, Ă  la date de dĂ©pĂ´t du mĂ©moire en dĂ©fense, sans fondement lĂ©gal, et ce nonobstant l’adoption ultĂ©rieure d’une dĂ©cision de l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature portant nomination de M. Netejoru aux fonctions d’inspecteur en chef de l’Inspection judiciaire.

62      C’est dans ces conditions que le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt) a dĂ©cidĂ© de surseoir Ă  statuer et de poser Ă  la Cour les questions prĂ©judicielles suivantes :

« 1)      Le [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], doit-il ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant ĂŞtre soumis Ă  l’interprĂ©tation de la [Cour] ?

2)      Le contenu, le caractère et la durĂ©e du [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], relèvent-ils du champ d’application du [traitĂ© d’adhĂ©sion] ? Les exigences formulĂ©es dans les rapports Ă©tablis dans le cadre dudit mĂ©canisme ont-elles un caractère obligatoire pour la Roumanie ?

3)      L’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE doit-il ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu’il oblige les États membres Ă  Ă©tablir les mesures nĂ©cessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, Ă  savoir des garanties d’une procĂ©dure disciplinaire indĂ©pendante pour les juges roumains, en Ă©cartant tous les risques liĂ©s Ă  l’influence politique sur le dĂ©roulement de telles procĂ©dures, tels que la nomination directe par le gouvernement de la direction de l’[Inspection judiciaire], mĂŞme Ă  titre provisoire ?

4)      L’article 2 TUE doit-il ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens que les États membres sont tenus de respecter les critères de l’État de droit, exigĂ©s Ă©galement par les rapports Ă©tablis dans le cadre du [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], dans le cas des procĂ©dures de nomination directe par le gouvernement de la direction de l’[Inspection judiciaire], mĂŞme Ă  titre provisoire ? Â»

63      Par ordonnance du 8 fĂ©vrier 2019, la Curtea de Apel Craiova (cour d’appel de Craiova, Roumanie), sur demande de l’Inspection judiciaire, a renvoyĂ© l’affaire au principal au Tribunalul Mehedinţi (tribunal de grande instance de Mehedinţi, Roumanie), tout en maintenant les actes de procĂ©dure effectuĂ©s.

64      Dans ces conditions, le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt), par une ordonnance du 12 fĂ©vrier 2019, a dĂ©cidĂ© de se dessaisir de l’affaire au principal, de transmettre le dossier au Tribunalul Mehedinţi (tribunal de grande instance de Mehedinţi) et d’informer la Cour de cette circonstance, tout en prĂ©cisant que cette dernière demeurait saisie de la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle.

 Affaire C127/19

65      Le 13 dĂ©cembre 2018, le Forum des juges de Roumanie et le Mouvement pour la dĂ©fense du statut des procureurs ont saisi la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti, Roumanie) d’un recours visant Ă  l’annulation des dĂ©cisions nos 910 et 911 de l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature du 19 septembre 2018, approuvant, respectivement, le règlement sur la nomination et la rĂ©vocation des procureurs ayant des fonctions de gestion dans la SIIJ, et le règlement sur la nomination, la poursuite des fonctions et la rĂ©vocation des procureurs ayant des fonctions d’exĂ©cution dans cette section. Ă€ l’appui de leur recours, ces associations ont fait valoir que lesdites dĂ©cisions violent, notamment, l’article 148 de la Constitution roumaine, selon lequel la Roumanie est tenue de respecter les obligations dĂ©coulant des traitĂ©s auxquels elle est partie.

66      La juridiction de renvoi fait observer que les dĂ©cisions en cause au principal constituent des actes administratifs Ă  caractère normatif et qu’elles ont Ă©tĂ© adoptĂ©es sur le fondement de l’article 885, paragraphe 12, de la loi no 304/2004 modifiĂ©e, issu de la loi no 207/2018. En ce qui concerne la crĂ©ation de la SIIJ, la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) aurait, dans son arrĂŞt no 33 du 23 janvier 2018, rejetĂ© les griefs visant Ă  faire constater que cette crĂ©ation serait contraire au droit de l’Union et, partant, aux obligations dĂ©coulant de l’article 148 de la Constitution roumaine, aucun acte contraignant de l’Union ne pouvant ĂŞtre utilement invoquĂ© Ă  l’appui de ces griefs.

67      Les requĂ©rants au principal, qui se rĂ©fèrent aux rapports et aux avis visĂ©s au point 49 du prĂ©sent arrĂŞt, considèrent toutefois que la crĂ©ation, en tant que telle, de la SIIJ, de mĂŞme que les modalitĂ©s de son fonctionnement ainsi que de nomination et de rĂ©vocation des procureurs, sont contraires au droit de l’Union, en particulier aux exigences dĂ©coulant du MCV.

68      La juridiction de renvoi relève que, si le MCV et les rapports Ă©tablis par la Commission dans le cadre de ce mĂ©canisme font naĂ®tre une obligation Ă  laquelle l’État roumain doit se conformer, une telle obligation incombe aussi aux autoritĂ©s administratives, telles que le Conseil supĂ©rieur de la magistrature lorsque celui-ci adopte une rĂ©glementation dĂ©rivĂ©e telle que celle visĂ©e au point 65 du prĂ©sent arrĂŞt, ainsi qu’aux juridictions nationales. Cependant, eu Ă©gard notamment Ă  l’évolution de la jurisprudence de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), mentionnĂ©e au point 66 de cet arrĂŞt, la rĂ©solution du litige au principal exigerait de clarifier la nature et les effets juridiques du MCV ainsi que des rapports adoptĂ©s sur son fondement.

69      En outre, la juridiction de renvoi Ă©prouve des doutes sur le point de savoir si les principes du droit de l’Union, notamment les principes de l’État de droit, de coopĂ©ration loyale et d’indĂ©pendance des juges, s’opposent Ă  la rĂ©glementation nationale relative Ă  la SIIJ. En effet, celle-ci pourrait ĂŞtre saisie Ă  mauvais escient dans le but de soustraire aux parquets spĂ©cialisĂ©s certains dossiers sensibles en cours en matière de lutte contre la corruption et d’entraver ainsi l’efficacitĂ© de cette lutte.

70      C’est dans ces conditions que la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti) a dĂ©cidĂ© de surseoir Ă  statuer et de poser Ă  la Cour les questions prĂ©judicielles suivantes :

« 1)      Le [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], doit-il ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant ĂŞtre soumis Ă  l’interprĂ©tation de la [Cour] ?

2)      Le contenu, le caractère et la durĂ©e du [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], relèvent-ils du champ d’application du [traitĂ© d’adhĂ©sion] ? Les exigences formulĂ©es dans les rapports Ă©tablis dans le cadre dudit mĂ©canisme ont-elles un caractère obligatoire pour la Roumanie ?

3)      L’article 2, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit-il ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens que l’obligation pour la Roumanie de respecter les exigences imposĂ©es par les rapports Ă©tablis dans le cadre du [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], relève de l’obligation de l’État membre de respecter les principes de l’État de droit ?

4)      L’article 2 TUE, plus particulièrement l’obligation de respecter les valeurs de l’État de droit, s’oppose-t-il Ă  une lĂ©gislation par laquelle est crĂ©Ă©e et organisĂ©e la [SIIJ], dans le cadre du [parquet près la Haute Cour de cassation et de justice], en raison de la possibilitĂ© d’exercer une pression indirecte sur les magistrats ?

5)      Le principe d’indĂ©pendance des juges, consacrĂ© Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE et Ă  l’article 47 de la [Charte], tel qu’interprĂ©tĂ© par la jurisprudence de la Cour (arrĂŞt du 27 fĂ©vrier 2018, Associação Sindical dos JuĂ­zes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117), s’oppose-t-il Ă  la crĂ©ation de la [SIIJ], dans le cadre du [parquet près la Haute Cour de cassation et de justice], eu Ă©gard aux modalitĂ©s de nomination/rĂ©vocation des procureurs faisant partie de [la SIIJ], aux modalitĂ©s d’exercice des fonctions dans le cadre de celle-ci ainsi qu’à la manière dont la compĂ©tence est Ă©tablie, en lien avec le nombre rĂ©duit de postes dans le cadre de cette section ? Â»

71      Par courrier du 15 juin 2020, parvenu Ă  la Cour le 1er juillet 2020, la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti) a informĂ© cette dernière que, par ordonnance du 10 juin 2019, l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice) avait renvoyĂ© l’affaire au principal, sur demande du Conseil supĂ©rieur de la magistrature, Ă  la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie). Dans ce courrier, il Ă©tait prĂ©cisĂ© que les actes de procĂ©dure accomplis par la Curtea de Apel Piteşti Ă©taient maintenus.

 Affaire C195/19

72      PJ a introduit auprès du parquet près la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) une plainte contre QK pour abus de fonction. Ă€ l’appui de cette plainte, PJ a allĂ©guĂ© que QK avait, dans le cadre de ses fonctions de juge, commis cette infraction pĂ©nale, en ayant rejetĂ© comme infondĂ©e une demande relative Ă  un diffĂ©rend de nature fiscale avec l’administration des finances publiques sans avoir respectĂ© son obligation lĂ©gale de motiver sa dĂ©cision dans le dĂ©lai de 30 jours après le prononcĂ© de celle-ci. PJ a Ă©galement prĂ©tendu que le dĂ©faut de motivation l’avait empĂŞchĂ© d’exercer des voies de recours contre cette dĂ©cision.

73      Après avoir, dans un premier temps, par une ordonnance du 28 septembre 2018, dĂ©cidĂ© d’engager des poursuites pĂ©nales contre QK, le procureur chargĂ© de traiter la plainte a finalement, par une ordonnance du 1er octobre 2018, classĂ© l’affaire au motif que l’abus de fonction allĂ©guĂ© n’était pas Ă©tabli.

74      Le 18 octobre 2018, PJ a introduit une rĂ©clamation contre cette ordonnance.

75      Le 24 octobre 2018, conformĂ©ment aux dispositions combinĂ©es de l’article 881 de la loi no 304/2004 modifiĂ©e et de l’article III de la loi no 207/2018, le parquet près la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a renvoyĂ© la rĂ©clamation Ă  la SIIJ, dans la mesure oĂą cette rĂ©clamation visait une personne ayant la qualitĂ© de magistrat.

76      Le procureur en chef adjoint de cette section ayant rejetĂ© la rĂ©clamation comme infondĂ©e, PJ a introduit un recours devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest).

77      La juridiction de renvoi prĂ©cise que, dans l’hypothèse oĂą elle ferait droit au recours de PJ, il lui appartiendrait de renvoyer l’affaire Ă  la SIIJ, de sorte que la question se pose de savoir si la rĂ©glementation nationale ayant instituĂ© cette section est conforme au droit de l’Union. En cas de rĂ©ponse nĂ©gative Ă  cette question, il conviendra de constater la nullitĂ© de tous les actes Ă©tablis par la SIIJ dans l’affaire au principal. L’interprĂ©tation de la Cour devrait Ă©galement ĂŞtre prise en compte lors de la dĂ©termination de la future unitĂ© du parquet compĂ©tente pour statuer sur la plainte de PJ.

78      Dans ce contexte, il importerait, eu Ă©gard aux conclusions du rapport MCV de novembre 2018, de s’interroger sur les effets juridiques du MCV, car, dans l’hypothèse oĂą ce mĂ©canisme revĂŞtirait un caractère obligatoire pour la Roumanie, les dispositions du droit national relatives Ă  la crĂ©ation de la SIIJ devraient ĂŞtre suspendues. De manière plus gĂ©nĂ©rale, et indĂ©pendamment du caractère obligatoire dudit mĂ©canisme, la question se poserait de savoir si l’article 67, paragraphe 1, TFUE, l’article 2, première phrase, et l’article 9, première phrase, TUE s’opposent Ă  la crĂ©ation d’une section, telle que la SIIJ, qui est exclusivement compĂ©tente pour enquĂŞter sur tout type d’infraction commise par des procureurs ou des juges. Ă€ cet Ă©gard, la juridiction de renvoi fait observer qu’elle partage pleinement les apprĂ©ciations figurant dans l’avis de la Commission de Venise visĂ© au point 49 du prĂ©sent arrĂŞt.

79      Enfin, la juridiction de renvoi relève que, compte tenu de la jurisprudence de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) visĂ©e au point 51 du prĂ©sent arrĂŞt, il existe un risque sĂ©rieux que les rĂ©ponses de la Cour Ă  ces questions soient privĂ©es d’effet en droit interne.

80      C’est dans ces conditions que la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest) a dĂ©cidĂ© de surseoir Ă  statuer et de poser Ă  la Cour les questions prĂ©judicielles suivantes :

« 1)      Le [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], et les exigences formulĂ©es dans les rapports Ă©tablis dans le cadre dudit mĂ©canisme ont-ils un caractère obligatoire pour la Roumanie ?

2)      L’article 67, paragraphe 1, TFUE ainsi que l’article 2, première phrase, et l’article 9, première phrase, TUE s’opposent-ils Ă  une rĂ©glementation nationale instituant une section du parquet qui est exclusivement compĂ©tente pour enquĂŞter sur tout type d’infraction commise par des juges ou des procureurs ?

3)      Le principe de primautĂ© du droit [de l’Union], tel que consacrĂ© par l’arrĂŞt du 15 juillet 1964, Costa (6/64, EU:C:1964:66), et par la jurisprudence ultĂ©rieure constante de la Cour, s’oppose-t-il Ă  une rĂ©glementation nationale permettant Ă  une institution politico-juridictionnelle, telle que la Curtea Constituțională [(Cour constitutionnelle)], de porter atteinte au principe susmentionnĂ© par des dĂ©cisions qui ne sont susceptibles d’aucune voie de recours ? Â»

 Affaire C291/19

81      Au cours des mois de dĂ©cembre 2015 et de fĂ©vrier 2016, SO a dĂ©posĂ© plainte contre plusieurs procureurs et juges pour abus de fonction et appartenance Ă  une organisation criminelle. Ces plaintes ont Ă©tĂ© enregistrĂ©es par la section de lutte contre les infractions assimilĂ©es aux infractions de corruption de la Direcția Națională Anticorupție (DNA) (Direction nationale anticorruption, Roumanie), qui dĂ©pend du parquet de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice).

82      Par ordonnance du 8 septembre 2017, le procureur compĂ©tent au sein de cette section a ordonnĂ© le classement desdites plaintes. La rĂ©clamation introduite contre cette ordonnance a Ă©tĂ© rejetĂ©e par une ordonnance du 20 octobre 2017 du procureur en chef de ladite section.

83      SO a introduit un recours contre ces ordonnances devant la Curtea de Apel Constanța (cour d’appel de Constanța, Roumanie). Celle-ci ayant dĂ©clinĂ© sa compĂ©tence, le recours a Ă©tĂ© transmis Ă  la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov, Roumanie).

84      Dans le cadre de cette procĂ©dure, le ministère public a Ă©tĂ© initialement reprĂ©sentĂ© par un procureur du service territorial de Braşov de la DNA. Ă€ compter du 1er mars 2019, en raison des modifications lĂ©gislatives intervenues en relation avec la compĂ©tence en matière d’infractions commises au sein du système judiciaire, la reprĂ©sentation du ministère public a Ă©tĂ© assurĂ©e par un procureur du parquet près la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov).

85      Cette juridiction prĂ©cise que la poursuite de la procĂ©dure au principal implique, tant au stade des poursuites pĂ©nales qu’au stade juridictionnel, la participation de procureurs de la SIIJ, dans la mesure oĂą, si elle devait considĂ©rer que le recours formĂ© par SO est fondĂ©, il lui incomberait de renvoyer l’affaire Ă  cette section, aux fins de l’exercice de poursuites pĂ©nales. Ainsi, ladite juridiction considère qu’il est nĂ©cessaire d’examiner la compatibilitĂ© des dispositions nationales ayant instituĂ© la SIIJ avec les dispositions du droit de l’Union.

86      Or, Ă  cet Ă©gard, la juridiction de renvoi s’interroge, tout d’abord, sur la portĂ©e juridique de la dĂ©cision 2006/928 et du MCV instituĂ© par celle-ci. Elle fait en outre observer que les rapports MCV de janvier 2017 et de novembre 2018 ainsi que les autres rapports et avis auxquels il est fait rĂ©fĂ©rence dans ceux-ci se sont montrĂ©s très critiques Ă  l’encontre de la crĂ©ation de la SIIJ. Ainsi, dans l’hypothèse oĂą le MCV revĂŞtirait un caractère obligatoire pour la Roumanie, il lui appartiendrait de constater que les dispositions nationales ayant instituĂ© cette section sont ou doivent ĂŞtre suspendues.

87      Ensuite, et en tout Ă©tat de cause, la juridiction de renvoi se demande si la crĂ©ation de la SIIJ est conforme aux principes qui fondent l’ordre juridique de l’Union, tels que les principes de l’État de droit, de coopĂ©ration loyale et d’indĂ©pendance des juges. Sur ce dernier point, elle souligne que, Ă©tant donnĂ© que l’ouverture d’une procĂ©dure pĂ©nale contre un magistrat peut conduire Ă  la suspension de celui-ci, l’existence de la SIIJ pourrait ĂŞtre perçue, eu Ă©gard Ă  son organisation et Ă  son fonctionnement, comme Ă©tant un facteur de pression de nature Ă  affecter l’indĂ©pendance des juges.

88      En outre, les modalitĂ©s de nomination du procureur en chef ainsi que des quatorze autres procureurs de la SIIJ ne prĂ©senteraient pas suffisamment de garanties au regard de l’exigence d’impartialitĂ©, ce qui pourrait avoir une incidence sur l’exercice de l’activitĂ© de la SIIJ. Ă€ cet Ă©gard, les dernières modifications apportĂ©es Ă  la loi no 304/2004 par l’ordonnance d’urgence no 7/2019 auraient pour effet pratique de placer la SIIJ hors de l’autoritĂ© du Procureur gĂ©nĂ©ral.

89      La juridiction de renvoi ajoute que, alors que la SIIJ est composĂ©e seulement de quinze procureurs, elle dĂ©tient une compĂ©tence exclusive en matière de poursuites pĂ©nales introduites non seulement contre les magistrats mais Ă©galement contre toute personne dans les affaires oĂą est mis en cause un magistrat, ce qui reprĂ©sente un nombre Ă©levĂ© d’affaires nĂ©cessitant un minimum d’enquĂŞte. Or, jusqu’à la mise en place de la SIIJ, les plaintes susceptibles de donner lieu Ă  de telles poursuites auraient Ă©tĂ© examinĂ©es par plus de 150 procureurs appartenant Ă  plusieurs branches du parquet, telles que les parquets près les diffĂ©rentes cours d’appel, le parquet près l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice), la DNA et la Direcția de Investigare a Infracțiunilor de Criminalitate Organizată și Terorism (DIICOT) (direction des enquĂŞtes sur la criminalitĂ© organisĂ©e et le terrorisme, Roumanie). Il conviendrait donc de s’interroger sur la capacitĂ© de cette section Ă  traiter les affaires pendantes devant elle d’une manière appropriĂ©e et dans un dĂ©lai raisonnable.

90      C’est dans ces conditions que la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov) a dĂ©cidĂ© de surseoir Ă  statuer et de poser Ă  la Cour les questions prĂ©judicielles suivantes :

« 1)      Le [MCV], Ă©tabli par la [dĂ©cision 2006/928], doit-il ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant ĂŞtre soumis Ă  l’interprĂ©tation de la [Cour] ?

2)      Les exigences formulĂ©es dans les rapports Ă©tablis dans le cadre dudit mĂ©canisme ont-elles un caractère contraignant pour la Roumanie, notamment (mais pas uniquement) en ce qui concerne la nĂ©cessitĂ© de procĂ©der Ă  des modifications lĂ©gislatives qui soient conformes aux conclusions du [MCV] ainsi qu’aux recommandations formulĂ©es par la Commission de Venise et par le [GRECO] ?

3)      L’article 2, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit-il ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens que l’obligation pour la Roumanie de respecter les exigences imposĂ©es par les rapports Ă©tablis dans le cadre du [MCV] instituĂ© par la [dĂ©cision 2006/928] relève de l’obligation de l’État membre de respecter les principes de l’État de droit ?

4)      Le principe d’indĂ©pendance des juges, consacrĂ© Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE et Ă  l’article 47 de la [Charte], tel qu’interprĂ©tĂ© par la jurisprudence de la [Cour] (arrĂŞt du 27 fĂ©vrier 2018, Associação Sindical dos JuĂ­zes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117), s’oppose-t-il Ă  la crĂ©ation de la [SIIJ] dans le cadre du parquet près l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice), eu Ă©gard aux modalitĂ©s de nomination et de rĂ©vocation des procureurs faisant partie de [la SIIJ], aux modalitĂ©s d’exercice des fonctions dans le cadre de celle-ci ainsi qu’à la manière dont la compĂ©tence est Ă©tablie, en lien avec le nombre rĂ©duit de postes au sein de [la SIIJ] ?

5)      L’article 47, [deuxième alinĂ©a], de la [Charte], relatif au droit Ă  un procès Ă©quitable par la rĂ©solution de l’affaire dans un dĂ©lai raisonnable, s’oppose-t-il Ă  la crĂ©ation de la [SIIJ] dans le cadre du parquet près l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice), eu Ă©gard aux modalitĂ©s d’exercice des fonctions dans le cadre de [la SIIJ] ainsi qu’à la manière dont la compĂ©tence est Ă©tablie, en lien avec le nombre rĂ©duit de postes au sein de [la SIIJ] ? Â»

 Affaire C355/19

91      Le 23 janvier 2019, le Forum des juges de Roumanie, le Mouvement pour la dĂ©fense du statut des procureurs et OL ont saisi la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti) d’un recours visant Ă  l’annulation d’un arrĂŞtĂ© du Procureur gĂ©nĂ©ral, du 23 octobre 2018, relatif Ă  l’organisation et au fonctionnement de la SIIJ. Cet arrĂŞtĂ©, adoptĂ© en vue de la mise en Ĺ“uvre de la loi no 207/2018 et de l’ordonnance d’urgence no 90/2018, concerne l’organisation et le fonctionnement de cette section.

92      Ă€ l’appui de leur recours, les requĂ©rants au principal, qui se rĂ©fèrent aux rapports et aux avis visĂ©s au point 49 du prĂ©sent arrĂŞt, considèrent que la crĂ©ation de la SIIJ, en ce qu’elle est de nature Ă  entraver la lutte contre la corruption et qu’elle constitue un instrument d’intimidation des magistrats, est contraire aux exigences dĂ©coulant du MCV, portant sur le respect des principes de l’État de droit, de coopĂ©ration loyale et d’indĂ©pendance des juges, ainsi que, plus gĂ©nĂ©ralement, aux exigences de l’article 2 et de l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE.

93      Après avoir rappelĂ© que la DNA Ă©tait parvenue Ă  des rĂ©sultats significatifs en matière de lutte contre la corruption, les requĂ©rants au principal font observer que la mise en place de la SIIJ peut remettre en cause ces rĂ©sultats, puisque, dĂ©sormais, toutes les affaires de corruption impliquant un magistrat sont transfĂ©rĂ©es Ă  cette section, sans que les procureurs qui la constituent disposent d’une compĂ©tente spĂ©cifique en la matière. En outre, ces transferts pourraient crĂ©er des conflits de compĂ©tence avec les sections spĂ©cialisĂ©es en ce domaine, Ă  savoir la DNA et la DIICOT. Enfin, la limitation Ă  quinze du nombre de procureurs au sein de la SIIJ ne permettrait pas Ă  celle-ci de traiter l’ensemble des plaintes enregistrĂ©es chaque annĂ©e contre des magistrats. Le lĂ©gislateur roumain aurait ainsi crĂ©Ă© une structure particulièrement mal Ă©quipĂ©e par rapport aux compĂ©tences attribuĂ©es Ă  celle-ci et Ă  l’importance des affaires qu’elle traite, ce qui fragiliserait le bon fonctionnement et l’indĂ©pendance fonctionnelle de cette structure.

94      C’est dans ces conditions que la Curtea de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești) a dĂ©cidĂ© de surseoir Ă  statuer et de poser Ă  la Cour les questions prĂ©judicielles suivantes :

« 1)      Le [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], doit-il ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant ĂŞtre soumis Ă  l’interprĂ©tation de la [Cour] ?

2)      Le contenu, le caractère et la durĂ©e du [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], relèvent-ils du champ d’application du [traitĂ© d’adhĂ©sion] ? Les exigences formulĂ©es dans les rapports Ă©tablis dans le cadre dudit mĂ©canisme ont-elles un caractère obligatoire pour la Roumanie ?

3)      L’article 2 TUE doit-il ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens que les États membres sont tenus de respecter les critères de l’État de droit, exigĂ©s Ă©galement par les rapports Ă©tablis dans le cadre du [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], en cas de crĂ©ation d’urgence d’une section du parquet chargĂ©e d’enquĂŞter exclusivement sur les infractions commises par des magistrats, ce qui suscite une inquiĂ©tude particulière en matière de lutte contre la corruption et qui peut faire office d’instrument supplĂ©mentaire pour intimider les magistrats et faire pression sur eux ?

4)      L’article 19, paragraphe 1, deuxième alinĂ©a, TUE doit-il ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens que les États membres sont tenus de prendre les mesures nĂ©cessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, Ă  savoir en Ă©cartant tous les risques liĂ©s Ă  l’influence politique sur l’enquĂŞte pĂ©nale Ă  l’encontre de juges, en cas de crĂ©ation d’urgence d’une section du parquet chargĂ©e d’enquĂŞter exclusivement sur les infractions commises par des magistrats, ce qui suscite une inquiĂ©tude particulière en matière de lutte contre la corruption et qui peut faire office d’instrument supplĂ©mentaire pour intimider les magistrats et faire pression sur eux ? Â»

 Affaire C397/19

95      Le 3 janvier 2019, AX a saisi le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie) d’un recours fondĂ© notamment sur l’article 1381 du code civil ainsi que sur les articles 9 et 539 du code de procĂ©dure pĂ©nale, tendant Ă  ce que l’État roumain soit condamnĂ© Ă  lui payer des dommages et intĂ©rĂŞts au titre des prĂ©judices matĂ©riel et moral rĂ©sultant d’une condamnation pĂ©nale et de mesures de dĂ©tention et de restriction de libertĂ© illĂ©gales.

96      Ă€ l’appui de son recours, AX a exposĂ© que, par un jugement du 13 juin 2017, le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest) l’avait condamnĂ© Ă  une peine d’emprisonnement de quatre ans avec sursis pour fraude fiscale continue ainsi qu’à une peine complĂ©mentaire et Ă  une peine accessoire, avait fixĂ© Ă  1 642 970 lei roumains (RON) (environ 336 000 euros) le montant des dommages et intĂ©rĂŞts Ă  verser, Ă  titre solidaire, Ă  la partie civile et avait ordonnĂ© une saisie conservatoire sur tous ses biens mobiliers et immobiliers existants et futurs. En outre, du 21 janvier 2015 au 21 octobre 2015, AX avait Ă©tĂ© placĂ© en garde Ă  vue, en dĂ©tention provisoire puis assignĂ© Ă  rĂ©sidence. Or, par la suite, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a constatĂ© qu’il n’avait pas commis l’infraction pour laquelle il avait Ă©tĂ© condamnĂ© et a levĂ© la saisie conservatoire sur ses biens.

97      La juridiction de renvoi considère que le recours soulève des interrogations sur le statut et les effets juridiques des rapports Ă©tablis par la Commission dans le cadre du MCV ainsi que sur le point de savoir si le droit primaire de l’Union s’oppose Ă  une lĂ©gislation nationale, telle que celle en cause au principal, susceptible de porter atteinte Ă  l’indĂ©pendance des juges et des procureurs.

98      S’agissant de l’indĂ©pendance des juges nationaux, la juridiction de renvoi relève que celle-ci doit ĂŞtre garantie conformĂ©ment Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE. Or, les règles relatives Ă  l’indemnisation des dommages causĂ©s par les erreurs judiciaires seraient, en raison des modalitĂ©s de la procĂ©dure d’indemnisation, de nature Ă  porter atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la dĂ©fense du magistrat en cause, dans la mesure oĂą l’existence d’une erreur judiciaire pourrait ĂŞtre Ă©tablie dans le cadre d’une première procĂ©dure, telle que celle en cause au principal, sans que ce dernier soit entendu ni dispose du droit de remettre en cause l’existence d’une telle erreur dans le cadre de la procĂ©dure initiĂ©e par l’action rĂ©cursoire subsĂ©quente introduite Ă  son Ă©gard. En outre, la question de savoir si cette erreur a Ă©tĂ© commise par ce magistrat de mauvaise foi ou en raison d’une nĂ©gligence grave serait laissĂ©e Ă  l’apprĂ©ciation de l’État, ledit magistrat n’ayant qu’une possibilitĂ© limitĂ©e de s’opposer aux griefs de ce dernier ou de l’Inspection judiciaire, ce qui serait susceptible de porter atteinte, notamment, au principe de l’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire, lequel serait l’un des fondements de l’État de droit.

99      C’est dans ces conditions que le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest) a dĂ©cidĂ© de surseoir Ă  statuer et de saisir la Cour des questions prĂ©judicielles suivantes :

« 1)      Le [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], doit-il ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant ĂŞtre soumis Ă  l’interprĂ©tation de la [Cour] ?

2)      Le [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], fait-il partie intĂ©grante du [traitĂ© d’adhĂ©sion] et doit-il ĂŞtre interprĂ©tĂ© et appliquĂ© au regard de celui-ci ? Les exigences formulĂ©es dans les rapports Ă©tablis dans le cadre dudit mĂ©canisme ont-elles un caractère obligatoire pour l’État roumain et, dans l’affirmative, la juridiction nationale chargĂ©e de l’application, dans le cadre de ses compĂ©tences, des dispositions du droit de l’Union est-elle tenue d’assurer l’application de ces règles, le cas Ă©chĂ©ant, en refusant d’office d’appliquer les dispositions de la lĂ©gislation nationale contraires auxdites exigences ?

3)      Les dispositions combinĂ©es de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 3, TUE doivent-elles ĂŞtre interprĂ©tĂ©es en ce sens que l’obligation pour la Roumanie de respecter les exigences imposĂ©es par les rapports Ă©tablis dans le cadre du [MCV], Ă©tabli par la dĂ©cision [2006/928], relève de l’obligation de l’État membre de respecter les principes de l’État de droit ?

4)      Les dispositions combinĂ©es de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 3, TUE et, plus particulièrement, la nĂ©cessitĂ© de respecter les valeurs de l’État de droit, s’opposent-elles Ă  une lĂ©gislation nationale telle que l’article 96, paragraphe 3, sous a), de la [loi no 303/2004 modifiĂ©e], qui dĂ©finit la notion d’« erreur judiciaire Â» de façon lapidaire et abstraite comme la rĂ©alisation d’actes de procĂ©dure en violation manifeste des règles de droit matĂ©riel et procĂ©dural, sans prĂ©ciser la nature des règles enfreintes, le champ d’application ratione materiae et ratione temporis de ces règles dans le cadre de la procĂ©dure, les modalitĂ©s, le dĂ©lai et la procĂ©dure de constatation de la violation desdites règles de droit, ni l’organe compĂ©tent pour constater cette violation, permettant ainsi de faire indirectement pression sur les magistrats ?

5)      Les dispositions combinĂ©es de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 3, TUE et, plus particulièrement, la nĂ©cessitĂ© de respecter les valeurs de l’État de droit, s’opposent-elles Ă  une lĂ©gislation nationale telle que l’article 96, paragraphe 3, sous b), de la [loi no 303/2004 modifiĂ©e], qui dĂ©finit la notion d’« erreur judiciaire Â» comme le prononcĂ© d’une dĂ©cision juridictionnelle dĂ©finitive manifestement non conforme Ă  la loi ou aux faits Ă©tablis au regard des preuves administrĂ©es dans le cadre de l’instance, sans prĂ©ciser la procĂ©dure de constatation de la non-conformitĂ© ni dĂ©finir in concreto cette non-conformitĂ© de la dĂ©cision juridictionnelle avec la lĂ©gislation applicable et les faits, permettant ainsi de faire obstacle Ă  l’interprĂ©tation de la loi et des preuves par le magistrat (juge ou procureur) ?

6)      Les dispositions combinĂ©es de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 3, TUE et, plus particulièrement, la nĂ©cessitĂ© de respecter les valeurs de l’État de droit s’opposent-elles Ă  une lĂ©gislation nationale telle que l’article 96, paragraphe 3, de la [loi no 303/2004 modifiĂ©e], en vertu de laquelle la responsabilitĂ© civile patrimoniale du magistrat (juge ou procureur) est engagĂ©e Ă  l’égard de l’État, sur la seule base de la propre apprĂ©ciation de ce dernier et, Ă©ventuellement, sur le fondement du rapport consultatif de l’[Inspection judiciaire], concernant l’intention du magistrat de commettre l’erreur matĂ©rielle ou sa nĂ©gligence grave Ă  cet Ă©gard, sans que le magistrat soit en mesure d’exercer pleinement ses droits de la dĂ©fense, permettant ainsi d’engager et de mettre en Ĺ“uvre arbitrairement la responsabilitĂ© matĂ©rielle du magistrat envers l’État ?

7)      L’article 2 TUE, et, plus particulièrement, la nĂ©cessitĂ© de respecter les valeurs de l’État de droit, s’oppose-t-il Ă  une lĂ©gislation nationale telle que les dispositions combinĂ©es de l’article 539, paragraphe 2, dernier membre de phrase, et de l’article 541, paragraphes 2 et 3, du [code de procĂ©dure pĂ©nale], en vertu de laquelle la personne mise en examen dispose, sine die et implicitement, d’une voie de recours extraordinaire, sui generis, contre une dĂ©cision juridictionnelle dĂ©finitive relative Ă  la lĂ©galitĂ© d’une mesure de dĂ©tention provisoire, dans l’hypothèse oĂą cette personne est acquittĂ©e sur le fond, voie de recours relevant de la compĂ©tence exclusive d’une juridiction civile, alors que l’illĂ©galitĂ© de la dĂ©tention provisoire n’a pas Ă©tĂ© constatĂ©e par dĂ©cision d’une juridiction pĂ©nale, ce qui mĂ©connaĂ®t les principes de prĂ©visibilitĂ© et d’accessibilitĂ© de la loi, de spĂ©cialisation des juges et de sĂ©curitĂ© des rapports juridiques ? Â»

 Sur la procĂ©dure devant la Cour

100    Les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑195/19 ont, par dĂ©cision du prĂ©sident de la Cour du 21 mars 2019, Ă©tĂ© jointes aux fins des procĂ©dures Ă©crite et orale ainsi que de l’arrĂŞt. Par dĂ©cision du prĂ©sident de la Cour du 27 novembre 2020, les affaires C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19 ont Ă©tĂ© jointes Ă  ces affaires aux fins de l’arrĂŞt.

101    Les juridictions de renvoi dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑355/19 et C‑397/19 ont demandĂ© Ă  la Cour que les renvois prĂ©judiciels dans ces affaires soient soumis Ă  une procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e en vertu de l’article 105 du règlement de procĂ©dure de la Cour. Ă€ l’appui de leurs demandes, ces juridictions ont fait valoir que les exigences de l’État de droit nĂ©cessitaient la rĂ©solution des litiges au principal dans de brefs dĂ©lais.

102    L’article 105, paragraphe 1, du règlement de procĂ©dure prĂ©voit que, Ă  la demande de la juridiction de renvoi ou, Ă  titre exceptionnel, d’office, le prĂ©sident de la Cour peut dĂ©cider, le juge rapporteur et l’avocat gĂ©nĂ©ral entendus, de soumettre un renvoi prĂ©judiciel Ă  une procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e dĂ©rogeant aux dispositions de ce règlement lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs dĂ©lais.

103    Il importe de rappeler, Ă  cet Ă©gard, qu’une telle procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e constitue un instrument procĂ©dural destinĂ© Ă  rĂ©pondre Ă  une situation d’urgence extraordinaire. Par ailleurs, il ressort Ă©galement de la jurisprudence de la Cour que la procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e peut ne pas ĂŞtre appliquĂ©e lorsque le caractère sensible et complexe des problèmes juridiques posĂ©s par une affaire se prĂŞte difficilement Ă  l’application d’une telle procĂ©dure, notamment lorsqu’il n’apparaĂ®t pas appropriĂ© d’écourter la phase Ă©crite de la procĂ©dure devant la Cour [arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, points 48 et 49 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

104    En l’occurrence, par des dĂ©cisions du 21 mars 2019 (affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑195/19), du 26 juin 2019 (affaire C‑397/19) et du 27 juin 2019 (affaire C‑355/19), le prĂ©sident de la Cour a dĂ©cidĂ©, le juge rapporteur et l’avocat gĂ©nĂ©ral entendus, qu’il convenait de rejeter les demandes des juridictions de renvoi visĂ©es au point 101 du prĂ©sent arrĂŞt.

105    En effet, si les questions posĂ©es, qui ont trait Ă  des dispositions fondamentales du droit de l’Union, sont a priori susceptibles de revĂŞtir une importance primordiale pour le bon fonctionnement du système juridictionnel de l’Union, auquel l’indĂ©pendance des juridictions nationales est essentielle (voir, en ce sens, ordonnance du prĂ©sident de la Cour du 11 dĂ©cembre 2018, Uniparts, C‑668/18, non publiĂ©e, EU:C:2018:1003, point 12), le caractère sensible et complexe de ces questions, qui s’inscrivent dans le cadre d’une rĂ©forme d’envergure en matière de justice et de lutte contre la corruption en Roumanie, se prĂŞtait difficilement Ă  l’application de la procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e.

106    Toutefois, eu Ă©gard Ă  la nature des questions posĂ©es, le prĂ©sident de la Cour a, par dĂ©cision du 18 septembre 2019, accordĂ© Ă  l’ensemble des affaires visĂ©es au point 100 du prĂ©sent arrĂŞt un traitement prioritaire, en vertu de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procĂ©dure.

 Sur les questions prĂ©judicielles

 Sur la compĂ©tence de la Cour

107    Les gouvernements polonais et roumain estiment que la Cour n’est pas compĂ©tente pour rĂ©pondre Ă  certaines questions posĂ©es par les juridictions de renvoi.

108    Le gouvernement polonais, qui s’est limitĂ© Ă  formuler des observations concernant la troisième question posĂ©e dans l’affaire C‑83/19, les quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C‑127/19, la deuxième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, les quatrième et cinquième questions posĂ©e dans l’affaire C‑291/19, la quatrième question posĂ©e dans l’affaire C‑355/19 et les quatrième Ă  sixième questions posĂ©es dans l’affaire C‑397/19, conteste la compĂ©tence de la Cour pour rĂ©pondre Ă  ces questions. En effet, les interrogations soulevĂ©es par les juridictions de renvoi en ce qui concerne la conformitĂ© de la lĂ©gislation roumaine au droit de l’Union porteraient, d’une part, sur l’organisation de la justice, plus particulièrement sur la procĂ©dure de nomination des membres de l’Inspection judiciaire et l’organisation interne du ministère public, et, d’autre part, sur le rĂ©gime de la responsabilitĂ© de l’État pour les prĂ©judices causĂ©s par les juges aux particuliers en raison d’une violation du droit interne. Or, ces deux domaines relèveraient de la compĂ©tence exclusive des États membres et, par suite, Ă©chapperaient au champ d’application du droit de l’Union.

109    Quant au gouvernement roumain, il fait valoir que la Cour n’est pas compĂ©tente pour rĂ©pondre Ă  la quatrième question posĂ©e dans l’affaire C‑83/19, aux quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C‑127/19, Ă  la deuxième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, aux quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C‑291/19, aux troisième et quatrième questions posĂ©es dans l’affaire C‑355/19 ainsi qu’aux troisième Ă  sixième questions posĂ©es dans l’affaire C‑397/19, dans la mesure oĂą ces questions visent l’interprĂ©tation de l’article 2 et de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de l’article 67 TFUE ainsi que de l’article 47 de la Charte. En effet, alors que ces dispositions auraient nĂ©cessitĂ©, pour ĂŞtre applicables aux litiges au principal, que la Roumanie ait mis en Ĺ“uvre le droit de l’Union, il n’existerait aucun acte de l’Union qui rĂ©girait les mesures en cause au principal. Seul l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE serait susceptible, eu Ă©gard Ă  la jurisprudence issue de l’arrĂŞt du 27 fĂ©vrier 2018, Associação Sindical dos JuĂ­zes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117), d’être pertinent au regard des interrogations soulevĂ©es par les juridictions de renvoi dans ces questions. En tout Ă©tat de cause, lesdites questions auraient trait Ă  l’organisation de la justice, laquelle ne relèverait pas des compĂ©tences de l’Union.

110    Ă€ cet Ă©gard, il y a lieu de constater que les demandes de dĂ©cision prĂ©judicielle portent sur l’interprĂ©tation du droit de l’Union, qu’il s’agisse de dispositions de droit primaire, en l’occurrence l’article 2, l’article 4, paragraphe 3, l’article 9 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, l’article 67 TFUE ainsi que l’article 47 de la Charte, ou de dispositions de droit dĂ©rivĂ©, Ă  savoir la dĂ©cision 2006/928.

111    En outre, l’argumentation des gouvernements polonais et roumain quant Ă  l’absence de compĂ©tence de l’Union en matière d’organisation de la justice et de responsabilitĂ© de l’État en cas d’erreurs judiciaires a trait, en rĂ©alitĂ©, Ă  la portĂ©e mĂŞme et, partant, Ă  l’interprĂ©tation des dispositions du droit primaire de l’Union visĂ©es par les questions posĂ©es, laquelle interprĂ©tation relève manifestement de la compĂ©tence de la Cour au titre de l’article 267 TFUE. En effet, la Cour a dĂ©jĂ  jugĂ© que, si l’organisation de la justice dans les États membres relève de la compĂ©tence de ces derniers, ceux-ci n’en sont pas moins tenus, dans l’exercice de cette compĂ©tence, de respecter les obligations qui dĂ©coulent, pour eux, du droit de l’Union [voir, en ce sens, arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, points 68 et 69 ainsi que jurisprudence citĂ©e]. Cette obligation vaut Ă©galement dans le domaine de la responsabilitĂ© patrimoniale des États membres et de la responsabilitĂ© personnelle des juges en cas d’erreur judiciaire, en cause dans l’affaire C‑397/19.

112    Eu Ă©gard Ă  ce qui prĂ©cède, la Cour est compĂ©tente pour rĂ©pondre aux questions posĂ©es dans les prĂ©sentes affaires, y compris Ă  celles visĂ©es aux points 108 et 109 du prĂ©sent arrĂŞt.

 Sur l’éventuel non-lieu Ă  statuer et la recevabilitĂ©

 Affaire C83/19

113    L’Inspection judiciaire et le gouvernement roumain soutiennent que la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle dans l’affaire C‑83/19 est irrecevable en raison de l’absence de lien entre les questions posĂ©es et le litige au principal. En particulier, l’interprĂ©tation du droit de l’Union sollicitĂ©e dans cette affaire n’aurait pas d’incidence directe sur l’issue de ce litige, celui-ci devant ĂŞtre tranchĂ© sur la seule base du droit national.

114    De son cĂ´tĂ©, la Commission fait valoir dans ses observations Ă©crites que les questions posĂ©es semblent avoir perdu leur pertinence pour le litige au principal, dans la mesure oĂą l’assemblĂ©e plĂ©nière du Conseil supĂ©rieur de la magistrature a nommĂ©, le 15 mai 2019, soit ultĂ©rieurement Ă  la saisine de la Cour, M. Netejoru aux fonctions d’inspecteur en chef de l’Inspection judiciaire pour un nouveau mandat de trois ans sur le fondement de la loi no 317/2004. Cette nomination ayant mis fin Ă  l’ingĂ©rence du pouvoir exĂ©cutif dans l’indĂ©pendance de la justice, rĂ©sultant de l’ordonnance d’urgence no 77/2018, M. Netejoru serait dĂ©sormais en mesure de justifier de sa qualitĂ© de reprĂ©sentant de l’Inspection judiciaire, de sorte que, en principe, les questions relatives Ă  l’interprĂ©tation du droit de l’Union ne se poseraient plus et qu’il n’y aurait dès lors plus lieu pour la Cour de se prononcer sur celles-ci. Lors de l’audience, la Commission a prĂ©cisĂ© que, conformĂ©ment aux règles du droit national, des vices de procĂ©dure de la nature de celui invoquĂ© par le requĂ©rant au principal pourraient ĂŞtre purgĂ©s en cours de procĂ©dure, ce qu’il appartiendrait toutefois Ă  la juridiction de renvoi de vĂ©rifier.

115    Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopĂ©ration entre cette dernière et les juridictions nationales, instituĂ©e Ă  l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilitĂ© de la dĂ©cision juridictionnelle Ă  intervenir d’apprĂ©cier, au regard des particularitĂ©s de l’affaire, tant la nĂ©cessitĂ© d’une dĂ©cision prĂ©judicielle pour ĂŞtre en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose Ă  la Cour. En consĂ©quence, dès lors que les questions posĂ©es portent sur l’interprĂ©tation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrĂŞt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en Ă©critures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 25 et jurisprudence citĂ©e].

116    Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bĂ©nĂ©ficient d’une prĂ©somption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question prĂ©judicielle posĂ©e par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaĂ®t de manière manifeste que l’interprĂ©tation sollicitĂ©e du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la rĂ©alitĂ© ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothĂ©tique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des Ă©lĂ©ments de fait et de droit nĂ©cessaires pour rĂ©pondre de façon utile aux questions qui lui sont posĂ©es [arrĂŞt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en Ă©critures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 26 et jurisprudence citĂ©e].

117    En particulier, comme il ressort des termes mĂŞmes de l’article 267 TFUE, la dĂ©cision prĂ©judicielle sollicitĂ©e doit ĂŞtre « nĂ©cessaire Â» pour permettre Ă  la juridiction de renvoi de « rendre son jugement Â» dans l’affaire dont elle se trouve saisie. Ainsi, la procĂ©dure prĂ©judicielle prĂ©suppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelĂ©es Ă  rendre une dĂ©cision susceptible de prendre en considĂ©ration l’arrĂŞt prĂ©judiciel [arrĂŞt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en Ă©critures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 27 et jurisprudence citĂ©e].

118    En l’occurrence, il dĂ©coule sans Ă©quivoque de la dĂ©cision de renvoi que la juridiction nationale considère qu’une dĂ©cision prĂ©judicielle est nĂ©cessaire pour qu’elle puisse statuer in limine litis sur l’exception de procĂ©dure soulevĂ©e par le Forum des juges de Roumanie, tirĂ©e de ce que M. Netejoru, signataire du mĂ©moire en dĂ©fense, n’a pas justifiĂ© de sa qualitĂ© de reprĂ©sentant de l’Inspection judiciaire. Cette juridiction expose en effet qu’il lui appartient, en application notamment de l’article 248, paragraphe 1, du code de procĂ©dure civile, de se prononcer d’abord sur cette exception, dans la mesure oĂą, si celle-ci Ă©tait accueillie, il conviendrait d’écarter du dossier ce mĂ©moire en dĂ©fense ainsi que les preuves et les exceptions invoquĂ©es par l’Inspection judiciaire.

119    Il s’ensuit que l’interprĂ©tation sollicitĂ©e du droit de l’Union rĂ©pond Ă  un besoin objectif pour la dĂ©cision que la juridiction de renvoi doit prendre.

120    Par ailleurs, comme l’a relevĂ© en substance M. l’avocat gĂ©nĂ©ral au point 95 de ses conclusions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C–291/19 et C‑355/19, cette interprĂ©tation demeure nĂ©cessaire nonobstant le fait que M. Netejoru a Ă©tĂ© entretemps nommĂ© aux fonctions d’inspecteur en chef de l’Inspection judiciaire par le Conseil supĂ©rieur de la magistrature. En effet, d’une part, aucun Ă©lĂ©ment du dossier dont dispose la Cour n’indique que l’exception procĂ©durale soulevĂ©e dans l’affaire au principal ou la procĂ©dure au principal elle–mĂŞme aurait perdu son objet. D’autre part, alors que la capacitĂ© de l’intĂ©ressĂ© Ă  reprĂ©senter lĂ©galement l’Inspection judiciaire doit, en vertu du droit national applicable, tel qu’exposĂ© par la juridiction de renvoi, ĂŞtre apprĂ©ciĂ©e Ă  la date de dĂ©pĂ´t du mĂ©moire en dĂ©fense, il est constant que cette nomination a eu lieu postĂ©rieurement Ă  cette date. Dans ces conditions, les interrogations soulevĂ©es par la Commission quant Ă  la persistance de la pertinence des questions posĂ©es en raison de cette nomination ultĂ©rieure ne sont pas de nature Ă  remettre en cause la prĂ©somption de pertinence dont bĂ©nĂ©ficient lesdites questions ni, partant, Ă  conduire Ă  un non-lieu Ă  statuer sur ces questions.

121    Il rĂ©sulte de ce qui prĂ©cède que la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle dans l’affaire C‑83/19 est recevable et qu’il y a lieu de statuer sur celle-ci.

 Affaires C127/19 et C355/19

122    Le Conseil supĂ©rieur de la magistrature soutient que la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle dans l’affaire C‑127/19 est irrecevable, notamment en raison du fait que la dĂ©cision 2006/928 ne constitue pas un acte lĂ©gislatif de l’Union ayant force obligatoire pour la Roumanie et susceptible d’être soumis Ă  l’interprĂ©tation de la Cour au titre de l’article 267 TFUE. En tout Ă©tat de cause, les questions posĂ©es dans cette affaire auraient trait non pas Ă  l’application uniforme d’une disposition du droit de l’Union, mais Ă  l’applicabilitĂ© au litige au principal des dispositions de ce droit visĂ©es par lesdites questions et ne pourraient, ainsi formulĂ©es, faire l’objet d’une demande de dĂ©cision prĂ©judicielle.

123    Pour sa part, le gouvernement roumain considère que les première Ă  troisième questions posĂ©es dans l’affaire C‑127/19 et l’ensemble des questions posĂ©es dans l’affaire C‑355/19 sont irrecevables, faute pour les juridictions de renvoi d’avoir Ă©tabli un lien entre ces questions et les litiges au principal. L’interprĂ©tation sollicitĂ©e n’aurait donc pas de rapport avec la rĂ©alitĂ© ou l’objet de ces litiges.

124    En premier lieu, il convient de relever que les considĂ©rations du Conseil supĂ©rieur de la magistrature exposĂ©es au point 122 du prĂ©sent arrĂŞt et relatives Ă  la nature et aux effets de la dĂ©cision 2006/928 ainsi qu’à l’applicabilitĂ© de cette dĂ©cision dans le contexte du litige au principal relèvent, en rĂ©alitĂ©, de l’examen au fond des questions posĂ©es dans l’affaire C‑127/19 et non de celui de la recevabilitĂ© de ces questions.

125    S’agissant, en second lieu, des objections du gouvernement roumain, il suffit de relever que les litiges au principal dans les affaires C‑127/19 et C‑355/19 portent sur la lĂ©galitĂ©, respectivement, de deux dĂ©cisions du Conseil supĂ©rieur de la magistrature et d’un arrĂŞtĂ© du Procureur gĂ©nĂ©ral visant Ă  mettre en Ĺ“uvre certaines des modifications issues de la loi no 207/2018, dont la compatibilitĂ© avec le droit de l’Union, plus particulièrement avec la dĂ©cision 2006/928, avec l’article 2, l’article 4, paragraphe 3, l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, ainsi qu’avec l’article 47 de la Charte, est contestĂ©e devant les juridictions de renvoi. Ainsi, compte tenu des indications fournies Ă  cet effet par lesdites juridictions, il ne saurait ĂŞtre considĂ©rĂ© que les questions posĂ©es dans ces affaires ne prĂ©sentent manifestement pas de rapport avec la rĂ©alitĂ© ou l’objet des litiges au principal.

126    Dans ces conditions, les demandes de dĂ©cision prĂ©judicielle dans les affaires C‑127/19 et C‑355/19 sont recevables.

 Affaires C195/19 et C291/19

127    Le gouvernement roumain allègue l’irrecevabilitĂ© des questions posĂ©es dans les affaires C‑195/19 et C‑291/19, en faisant valoir que les juridictions de renvoi n’ont pas Ă©tabli l’existence d’un lien entre les questions posĂ©es et les procĂ©dures au principal. S’agissant, en particulier, de la rĂ©fĂ©rence Ă  l’article 9, première phrase, TUE et Ă  l’article 67, paragraphe 1, TFUE, figurant dans la deuxième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, le gouvernement roumain fait observer que la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle ne contient aucun Ă©lĂ©ment expliquant en quoi ces dispositions entretiendraient un quelconque rapport avec la rĂ©alitĂ© du litige au principal. Quant Ă  la troisième question posĂ©e dans cette mĂŞme affaire, il ajoute que cette question et, en particulier, les rĂ©fĂ©rences Ă  la jurisprudence de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) et aux effets de celle-ci sont formulĂ©es de manière trop gĂ©nĂ©rale et n’ont aucun rapport avec la rĂ©alitĂ© de ce litige.

128    Ă€ cet Ă©gard, il convient de relever que les procĂ©dures en cause au principal dans les affaires C‑195/19 et C‑291/19, relatives Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© pĂ©nale de juges et de procureurs, impliquent la participation de procureurs de la SIIJ. Or, Ă  la lumière des rapports et des avis visĂ©s au point 49 du prĂ©sent arrĂŞt, les juridictions de renvoi nourrissent des doutes quant Ă  la compatibilitĂ© de la rĂ©glementation relative Ă  la crĂ©ation de la SIIJ avec les dispositions du droit de l’Union visĂ©es par les questions prĂ©judicielles. En outre, il ressort des indications fournies par ces juridictions qu’il leur appartient de statuer Ă  titre incident sur cette question avant de pouvoir dĂ©cider de l’issue des recours dont elles sont saisies.

129    Il ne saurait donc ĂŞtre considĂ©rĂ© que les questions posĂ©es, dans la mesure oĂą elles portent sur la dĂ©cision 2006/928, sur l’article 2, l’article 4, paragraphe 3, et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi que sur l’article 47 de la Charte, ne prĂ©sentent pas de rapport avec la rĂ©alitĂ© ou l’objet des litiges au principal ou qu’elles portent sur un problème de nature hypothĂ©tique.

130    S’agissant, en revanche, de la rĂ©fĂ©rence Ă  l’article 9, première phrase, TUE et Ă  l’article 67, paragraphe 1, TFUE, figurant dans la deuxième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle ne comporte aucun Ă©lĂ©ment permettant de comprendre en quoi l’interprĂ©tation de ces dispositions pourrait ĂŞtre utile Ă  la juridiction de renvoi pour la solution du litige au principal. Dans ces conditions, cette deuxième question est irrecevable dans la mesure oĂą elle porte sur l’article 9, première phrase, TUE et l’article 67, paragraphe 1, TFUE.

131    En ce qui concerne la recevabilitĂ© de la troisième question dans l’affaire C‑195/19, il importe de rappeler que, dans le cadre de la coopĂ©ration entre les juridictions nationales et la Cour instituĂ©e Ă  l’article 267 TFUE, il appartient Ă  celle-ci de donner au juge national une rĂ©ponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas Ă©chĂ©ant, Ă  la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrĂŞt du 14 mai 2020, Országos IdegenrendĂ©szeti FőigazgatĂłság DĂ©l-alföldi Regionális IgazgatĂłság, C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 179 ainsi que jurisprudence citĂ©e). Ainsi, la circonstance que la question en cause soit formulĂ©e, sur un plan formel, en des termes gĂ©nĂ©raux ne fait pas obstacle Ă  ce que la Cour fournisse Ă  cette juridiction tous les Ă©lĂ©ments d’interprĂ©tation qui peuvent ĂŞtre utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non rĂ©fĂ©rence dans l’énoncĂ© de ses questions. Il appartient, Ă  cet Ă©gard, Ă  la Cour d’extraire de l’ensemble des Ă©lĂ©ments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la dĂ©cision de renvoi, les Ă©lĂ©ments de droit de l’Union qui appellent une interprĂ©tation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrĂŞt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, point 47 ainsi que jurisprudence citĂ©e).

132    En l’occurrence, il suffit de relever que les prĂ©cisions figurant dans la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle dans l’affaire C‑195/19 permettent de comprendre la portĂ©e de la troisième question, par laquelle la juridiction de renvoi cherche, en substance, Ă  savoir si le principe de primautĂ© du droit de l’Union s’oppose Ă  une disposition nationale de rang constitutionnel, telle qu’interprĂ©tĂ©e par la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), en vertu de laquelle la juridiction de renvoi ne disposerait pas du pouvoir d’appliquer les enseignements dĂ©coulant de l’arrĂŞt de la Cour rendu dans la prĂ©sente affaire et de laisser, le cas Ă©chĂ©ant, inappliquĂ©e la rĂ©glementation nationale en cause au principal qui serait contraire au droit de l’Union.

133    Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 267 TFUE confère aux juridictions nationales la facultĂ© la plus Ă©tendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions exigeant une interprĂ©tation des dispositions du droit de l’Union nĂ©cessaires au règlement du litige qui leur est soumis (arrĂŞt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 42). C’est ainsi, notamment, que la juridiction qui ne statue pas en dernière instance doit ĂŞtre libre, si elle considère que l’apprĂ©ciation en droit effectuĂ©e par une juridiction de degrĂ© supĂ©rieur, mĂŞme de rang constitutionnel, pourrait l’amener Ă  rendre un jugement contraire au droit de l’Union, de saisir la Cour des questions qui la prĂ©occupent (voir, en ce sens, arrĂŞt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 52 et jurisprudence citĂ©e).

134    Dans ces conditions, s’agissant de l’affaire C‑195/19, la première question, la deuxième question en ce qu’elle vise l’article 2 TUE et la troisième question sont recevables. Quant Ă  l’affaire C‑291/19, l’ensemble des questions posĂ©es sont recevables.

 Affaire C397/19

135    Le gouvernement roumain allègue l’irrecevabilitĂ© des trois premières questions posĂ©es dans l’affaire C‑397/19, au motif qu’elles ne prĂ©sentent aucun rapport avec la rĂ©alitĂ© ou l’objet du litige au principal, dont les faits ne relèvent pas du champ d’application du droit de l’Union. Il soutient Ă  cet Ă©gard que le lien entre ce litige et le MCV n’est qu’indirect de sorte qu’une rĂ©ponse Ă  ces questions serait sans influence sur l’issue dudit litige. S’agissant des quatrième Ă  sixième questions, le gouvernement roumain fait valoir que les dispositions du droit de l’Union visĂ©es par ces questions sont Ă©galement sans lien avec le litige au principal. Concernant, en particulier, la sixième question, ce gouvernement considère que le problème juridique qu’elle soulève dĂ©passe l’objet de ce litige dès lors que la juridiction de renvoi est saisie d’une action en responsabilitĂ© patrimoniale Ă  l’encontre de l’État roumain et non d’une action rĂ©cursoire contre un juge. Quant Ă  la septième question, il considère que celle-ci est irrecevable, puisque les allĂ©gations y figurant, outre qu’elles sont infondĂ©es, soulèvent un problème d’interprĂ©tation hypothĂ©tique.

136    De son cĂ´tĂ©, la Commission expose ses doutes quant Ă  la recevabilitĂ© des première Ă  sixième questions. En effet, si les modifications apportĂ©es au rĂ©gime de la responsabilitĂ© personnelle des juges et des procureurs par la loi no 242/2018 ont Ă©tĂ© jugĂ©es problĂ©matiques, en ce qui concerne leur conformitĂ© au droit de l’Union, par le rapport MCV de novembre 2018 ainsi que par d’autres rapports et avis visĂ©s au point 49 du prĂ©sent arrĂŞt, le litige au principal aurait pour objet l’engagement de la responsabilitĂ© de l’État au titre d’une erreur judiciaire allĂ©guĂ©e, et non la mise en cause, dans le cadre d’une action rĂ©cursoire, de la responsabilitĂ© personnelle du juge Ă  l’origine de cette erreur. Toutefois, lors de l’audience, la Commission a prĂ©cisĂ©, Ă  cet Ă©gard, que la recevabilitĂ© de ces questions pourrait ĂŞtre admise pour autant que celles-ci soient reformulĂ©es comme visant Ă  ce qu’il soit procĂ©dĂ© Ă  un examen du rĂ©gime de la responsabilitĂ© pour erreur judiciaire dans son ensemble eu Ă©gard aux liens procĂ©duraux existant entre les deux procĂ©dures concernĂ©es et, en particulier, Ă  la circonstance que la première peut influencer l’issue de la seconde alors mĂŞme que le juge concernĂ© n’est entendu qu’au stade de cette seconde procĂ©dure.

137    En revanche, la Commission considère que la septième question est irrecevable. Cette institution expose qu’il appartient, en principe, aux États membres de dĂ©terminer les conditions dans lesquelles un recours peut ĂŞtre formĂ© pour contester la lĂ©galitĂ© d’une mesure de dĂ©tention provisoire dans le cadre d’une procĂ©dure pĂ©nale, afin d’obtenir rĂ©paration du prĂ©judice subi, cet aspect n’étant pas rĂ©gi par le droit de l’Union. En outre, la juridiction de renvoi ne fournirait pas la moindre explication permettant de mettre en doute la conformitĂ© au droit de l’Union des dispositions des articles 539 et 541 du code de procĂ©dure pĂ©nale visĂ©es par cette septième question.

138    Ă€ cet Ă©gard, s’agissant, tout d’abord, de la recevabilitĂ© des première Ă  troisième questions, relatives Ă  la nature et Ă  la portĂ©e du MCV instituĂ© par la dĂ©cision 2006/928, il suffit de constater que le rĂ©gime de la responsabilitĂ© personnelle des juges fait partie, comme l’a fait observer la Commission, des lois rĂ©gissant l’organisation de la justice en Roumanie et a fait l’objet du suivi assurĂ© Ă  l’échelle de l’Union sur le fondement de ce mĂ©canisme. Il n’apparaĂ®t donc pas de manière manifeste que l’interprĂ©tation du droit de l’Union visĂ©e par ces questions n’ait aucun rapport avec la rĂ©alitĂ© ou l’objet du litige au principal.

139    Concernant, ensuite, la recevabilitĂ© des quatrième Ă  sixième questions, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citĂ©e au point 131 du prĂ©sent arrĂŞt, il appartient Ă  la Cour, le cas Ă©chĂ©ant, d’extraire de l’ensemble des Ă©lĂ©ments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la dĂ©cision de renvoi, les Ă©lĂ©ments du droit de l’Union qui appellent une interprĂ©tation compte tenu de l’objet du litige.

140    Or, il ressort du libellĂ© de ces questions et des motifs y figurant que la juridiction de renvoi Ă©prouve des doutes quant Ă  la conformitĂ© au droit de l’Union, notamment Ă  la valeur de l’État de droit et au principe d’indĂ©pendance des juges, consacrĂ©s Ă  l’article 2 et Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, des règles nationales qui rĂ©gissent la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État pour les prĂ©judices causĂ©s par des erreurs judiciaires ainsi que la responsabilitĂ© personnelle des juges dont l’exercice des fonctions est Ă  l’origine de ces erreurs, en raison, notamment, du caractère gĂ©nĂ©ral et abstrait de la dĂ©finition de la notion d’« erreur judiciaire Â» et de certaines modalitĂ©s procĂ©durales prĂ©vues.

141    Ă€ cet Ă©gard, il ressort de la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle que l’existence d’une erreur judiciaire est Ă©tablie de manière dĂ©finitive dans le cadre d’une procĂ©dure engagĂ©e Ă  l’encontre de l’État, telle que celle en cause au principal, Ă  laquelle le juge dont l’exercice des fonctions est Ă  l’origine de l’erreur judiciaire allĂ©guĂ©e ne participe pas. Dans le cas oĂą il est constatĂ©, Ă  l’issue de cette procĂ©dure, l’existence d’une erreur judiciaire, le ministère compĂ©tent peut dĂ©cider, selon les indications de la juridiction de renvoi, sur la seule base de sa propre apprĂ©ciation, d’engager ou non l’action rĂ©cursoire Ă  l’encontre du juge concernĂ©, celui-ci disposant alors d’une possibilitĂ© limitĂ©e de s’opposer aux griefs soulevĂ©s par l’État.

142    Au regard des liens substantiels et intrinsèques qui existent entre les règles matĂ©rielles et procĂ©durales rĂ©gissant le rĂ©gime de la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et celles rĂ©gissant le rĂ©gime de la responsabilitĂ© personnelle des juges, la juridiction de renvoi demande, en substance, par les quatrième Ă  sixième questions, si ces règles, prises dans leur ensemble, sont susceptibles de porter atteinte aux principes du droit de l’Union dès le stade de la procĂ©dure contre l’État, dans la mesure oĂą le constat d’une erreur judiciaire dans le cadre de cette procĂ©dure s’impose dans le cadre de la procĂ©dure contre le juge en cause, alors que celui-ci n’a pas participĂ© Ă  la première procĂ©dure.

143    Dans ces conditions, il n’apparaĂ®t pas de manière manifeste que l’interprĂ©tation du droit de l’Union visĂ©e par les quatrième Ă  sixième questions n’ait aucun rapport avec la rĂ©alitĂ© ou l’objet du litige au principal ni que le problème soulevĂ© par ces questions soit de nature hypothĂ©tique.

144    Pour ce qui est, enfin, de la recevabilitĂ© de la septième question, il convient de relever que la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle ne permet de comprendre ni la portĂ©e exacte de cette question ni les raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi Ă©met des doutes quant Ă  la compatibilitĂ© des dispositions nationales visĂ©es par ladite question avec l’article 2 TUE. La Cour ne disposant donc pas des Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires pour rĂ©pondre Ă  la septième question de manière utile, celle-ci doit ĂŞtre dĂ©clarĂ©e irrecevable.

145    Il s’ensuit que la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle dans l’affaire C‑397/19 est, Ă  l’exception de la septième question, recevable.

 Sur le fond

146    Les demandes de dĂ©cision prĂ©judicielle, en ce qu’elles sont recevables, portent :

–        sur la question de savoir si la dĂ©cision 2006/928 et les rapports Ă©tablis par la Commission sur la base de cette dĂ©cision constituent des actes pris par une institution de l’Union, susceptibles d’être soumis Ă  l’interprĂ©tation de la Cour au titre de l’article 267 TFUE (première question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19) ;

–        sur le point de savoir si la dĂ©cision 2006/928 relève du champ d’application du traitĂ© d’adhĂ©sion et, dans l’affirmative, sur les consĂ©quences juridiques qui en dĂ©coulent pour la Roumanie (première question dans l’affaire C‑195/19, deuxième question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19 ainsi que troisième question dans les affaires C‑127/19, C‑291/19 et C‑397/19) ;

–        sur le point de savoir si les rĂ©glementations rĂ©gissant l’organisation de la justice en Roumanie relèvent du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928 (quatrième question dans l’affaire C‑83/19 et troisième question dans l’affaire C‑355/19) ;

–        sur la conformitĂ© au droit de l’Union de la rĂ©glementation roumaine relative Ă  la nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire (troisième question dans l’affaire C‑83/19) ;

–        sur la conformitĂ© au droit de l’Union de la rĂ©glementation roumaine relative Ă  la crĂ©ation de la SIIJ (quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, deuxième question dans l’affaire C‑195/19, quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑291/19 ainsi que troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑355/19) ;

–        sur la conformitĂ© au droit de l’Union du rĂ©gime roumain de la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et de la responsabilitĂ© personnelle des juges en cas d’erreur judiciaire (quatrième Ă  sixième questions dans l’affaire C‑397/19) ;

–        sur le principe de primautĂ© du droit de l’Union (troisième question dans l’affaire C‑195/19).

 Sur la première question posĂ©e dans les affaires C83/19, C127/19, C355/19, C291/19 et C397/19

147    Par leur première question posĂ©e dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, qu’il convient d’examiner conjointement, les juridictions de renvoi cherchent, en substance, Ă  savoir si la dĂ©cision 2006/928 ainsi que les rapports Ă©tablis par la Commission sur la base de celle-ci constituent des actes pris par une institution de l’Union, susceptibles d’être interprĂ©tĂ©s par la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

148    Ă€ cet Ă©gard, il convient de rappeler que, conformĂ©ment Ă  une jurisprudence constante, l’article 267 TFUE attribue Ă  la Cour la compĂ©tence pour statuer, Ă  titre prĂ©judiciel, sur la validitĂ© et l’interprĂ©tation des actes pris par les institutions de l’Union, sans exception aucune [voir, en ce sens, arrĂŞts du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 30, ainsi que du 20 fĂ©vrier 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 44 et jurisprudence citĂ©e].

149    Or, la dĂ©cision 2006/928 est un acte adoptĂ© par une institution de l’Union, Ă  savoir la Commission, sur le fondement de l’acte d’adhĂ©sion, lequel relève du droit primaire de l’Union, et constitue, plus particulièrement, une dĂ©cision au sens de l’article 288, quatrième alinĂ©a, TFUE. Quant aux rapports de la Commission au Parlement europĂ©en et au Conseil, Ă©tablis au titre du MCV instituĂ© par cette dĂ©cision, ils doivent Ă©galement ĂŞtre regardĂ©s comme des actes adoptĂ©s par une institution de l’Union, ayant pour base juridique le droit de l’Union, Ă  savoir l’article 2 de ladite dĂ©cision.

150    Il s’ensuit que la dĂ©cision 2006/928 et les rapports de la Commission Ă©tablis sur la base de cette dĂ©cision peuvent ĂŞtre soumis Ă  l’interprĂ©tation de la Cour au titre de l’article 267 TFUE, sans qu’il importe, Ă  cette fin, de savoir si ces actes sont revĂŞtus, ou non, d’effets contraignants.

151    Il convient donc de rĂ©pondre Ă  la première question posĂ©e dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19 que la dĂ©cision 2006/928 ainsi que les rapports Ă©tablis par la Commission sur la base de cette dĂ©cision constituent des actes pris par une institution de l’Union, susceptibles d’être interprĂ©tĂ©s par la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

 Sur la première question posĂ©e dans l’affaire C195/19, la deuxième question posĂ©e dans les affaires C83/19, C127/19, C291/19, C355/19 et C397/19 ainsi que la troisième question posĂ©e dans les affaires C127/19, C291/19 et C397/19

152    Par la première question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, la deuxième question posĂ©e dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19 ainsi que la troisième question posĂ©e dans les affaires C‑127/19, C‑291/19 et C‑397/19, qu’il convient d’examiner conjointement, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si les articles 2, 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion, lus en combinaison avec les articles 2 et 49 TUE, doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens que la dĂ©cision 2006/928 relève, en ce qui concerne sa nature juridique, son contenu et ses effets dans le temps, du champ d’application du traitĂ© d’adhĂ©sion et, dans l’affirmative, quelles sont les consĂ©quences juridiques qui en dĂ©coulent pour la Roumanie. En particulier, les juridictions de renvoi s’interrogent sur le point de savoir si et dans quelle mesure les exigences et les recommandations formulĂ©es dans les rapports de la Commission adoptĂ©s sur le fondement de la dĂ©cision 2006/928 sont obligatoires pour la Roumanie.

–       Sur la nature juridique, le contenu et les effets dans le temps de la dĂ©cision 2006/928

153    Ainsi qu’il ressort de ses considĂ©rants 4 et 5, la dĂ©cision 2006/928 a Ă©tĂ© adoptĂ©e, dans le contexte de l’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union, laquelle est intervenue le 1er janvier 2007, sur le fondement des articles 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion.

154    Or, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, du traitĂ© d’adhĂ©sion, l’acte d’adhĂ©sion, qui Ă©nonce les conditions de l’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union et fixe les adaptations des traitĂ©s que cette adhĂ©sion entraĂ®ne, fait partie intĂ©grante de ce traitĂ©.

155    Ainsi, la dĂ©cision 2006/928 relève, en tant que mesure adoptĂ©e sur le fondement de l’acte d’adhĂ©sion, du champ d’application du traitĂ© d’adhĂ©sion. La circonstance que cette dĂ©cision a Ă©tĂ© prise antĂ©rieurement Ă  l’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union n’infirme pas cette conclusion, dans la mesure oĂą l’article 4, paragraphe 3, de ce traitĂ©, lequel a Ă©tĂ© signĂ© le 25 avril 2005, a expressĂ©ment habilitĂ© les institutions de l’Union Ă  adopter avant cette adhĂ©sion les mesures qui y sont Ă©numĂ©rĂ©es, parmi lesquelles figurent celles visĂ©es aux articles 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion.

156    S’agissant de ces articles 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion, ceux-ci habilitent la Commission Ă  adopter des mesures appropriĂ©es en cas, respectivement, de risque imminent de dysfonctionnement grave du marchĂ© intĂ©rieur liĂ© au non-respect, par la Roumanie, d’engagements pris dans le cadre des nĂ©gociations d’adhĂ©sion et de risque imminent de manquements graves de la Roumanie en ce qui concerne le respect du droit de l’Union relatif Ă  l’espace de libertĂ©, de sĂ©curitĂ© et de justice.

157    Or, ainsi que l’a relevĂ© M. l’avocat gĂ©nĂ©ral aux points 134 et 135 de ses conclusions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19, la dĂ©cision 2006/928 a Ă©tĂ© adoptĂ©e en raison de l’existence de risques imminents de la nature de ceux visĂ©s aux articles 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion.

158    En effet, comme il ressort du rapport de suivi de la Commission, du 26 septembre 2006, sur le degrĂ© de prĂ©paration Ă  l’adhĂ©sion Ă  l’Union europĂ©enne de la Bulgarie et de la Roumanie [COM(2006) 549 final], auquel se rĂ©fère le considĂ©rant 4 de la dĂ©cision 2006/928, cette institution a constatĂ© la persistance en Roumanie de dĂ©faillances, notamment dans les domaines de la justice et de la lutte contre la corruption, et a proposĂ© au Conseil de subordonner l’adhĂ©sion de cet État Ă  l’Union Ă  l’institution d’un mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification aux fins de faire face Ă  ces dĂ©faillances. Ainsi qu’il ressort notamment des considĂ©rants 4 et 6 de cette dĂ©cision et comme l’a soulignĂ© la Commission, ladite dĂ©cision a instituĂ© le MCV et Ă©dictĂ© les objectifs de rĂ©fĂ©rence, visĂ©s Ă  l’article 1er et Ă  l’annexe de la mĂŞme dĂ©cision, en matière de rĂ©forme du système judiciaire et de lutte contre la corruption pour rĂ©soudre prĂ©cisĂ©ment lesdites dĂ©faillances et garantir la capacitĂ© de ce système et des instances chargĂ©es de faire appliquer la loi Ă  mettre en Ĺ“uvre et Ă  appliquer les mesures adoptĂ©es pour contribuer au fonctionnement du marchĂ© intĂ©rieur et de l’espace de libertĂ©, de sĂ©curitĂ© et de justice.

159    Ă€ cet Ă©gard, et comme l’énoncent les considĂ©rants 2 et 3 de la dĂ©cision 2006/928, ce marchĂ© et cet espace reposent sur la confiance rĂ©ciproque entre les États membres que leurs dĂ©cisions et leurs pratiques administratives et judiciaires respectent pleinement l’État de droit, cette condition impliquant l’existence, dans tous les États membres, d’un système judiciaire et administratif impartial, indĂ©pendant et efficace, dotĂ© de moyens suffisants, entre autres, pour lutter contre la corruption.

160    Or, l’article 49 TUE, qui prĂ©voit la possibilitĂ© pour tout État europĂ©en de demander Ă  devenir membre de l’Union, prĂ©cise que celle-ci regroupe des États qui ont librement et volontairement adhĂ©rĂ© aux valeurs communes actuellement visĂ©es Ă  l’article 2 TUE, qui respectent ces valeurs et qui s’engagent Ă  les promouvoir. En particulier, il dĂ©coule de l’article 2 TUE que l’Union est fondĂ©e sur des valeurs, telles que l’État de droit, qui sont communes aux États membres dans une sociĂ©tĂ© caractĂ©risĂ©e, notamment, par la justice. Ă€ cet Ă©gard, il convient de relever que la confiance mutuelle entre les États membres et, notamment, leurs juridictions est fondĂ©e sur la prĂ©misse fondamentale selon laquelle les États membres partagent une sĂ©rie de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondĂ©e, comme il est prĂ©cisĂ© Ă  cet article (arrĂŞt du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, points 61 et 62 ainsi que jurisprudence citĂ©e).

161    Ainsi, le respect des valeurs visĂ©es Ă  l’article 2 TUE constitue, comme l’ont soulignĂ© la Commission ainsi que les gouvernements belge, danois et suĂ©dois, une condition prĂ©alable Ă  l’adhĂ©sion Ă  l’Union de tout État europĂ©en demandant Ă  devenir membre de l’Union. C’est dans ce contexte que le MCV a Ă©tĂ© instituĂ© par la dĂ©cision 2006/928 afin que soit assurĂ© le respect de la valeur de l’État de droit en Roumanie.

162    Par ailleurs, le respect par un État membre des valeurs consacrĂ©es Ă  l’article 2 TUE constitue une condition pour la jouissance de tous les droits dĂ©coulant de l’application des traitĂ©s Ă  cet État membre. Un État membre ne saurait donc modifier sa lĂ©gislation de manière Ă  entraĂ®ner une rĂ©gression de la protection de la valeur de l’État de droit, valeur qui est concrĂ©tisĂ©e, notamment, par l’article 19 TUE. Les États membres sont ainsi tenus de veiller Ă  Ă©viter toute rĂ©gression, au regard de cette valeur, de leur lĂ©gislation en matière d’organisation de la justice, en s’abstenant d’adopter des règles qui viendraient porter atteinte Ă  l’indĂ©pendance des juges (arrĂŞt du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, points 63 et 64 ainsi que jurisprudence citĂ©e).

163    Dans ce contexte, il importe de relever que les actes pris, avant l’adhĂ©sion, par les institutions de l’Union, au nombre desquels figure la dĂ©cision 2006/928, lient la Roumanie depuis la date de son adhĂ©sion Ă  l’Union, en vertu de l’article 2 de l’acte d’adhĂ©sion, et restent en vigueur, conformĂ©ment Ă  l’article 2, paragraphe 3, du traitĂ© d’adhĂ©sion, jusqu’à leur abrogation.

164    S’agissant plus spĂ©cifiquement des mesures adoptĂ©es sur le fondement des articles 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion, s’il est vrai que le premier alinĂ©a de chacun de ces articles a autorisĂ© la Commission Ă  adopter les mesures qu’ils visent « pendant une pĂ©riode pouvant aller jusqu’à trois ans Ă  compter de la date d’adhĂ©sion Â», le second alinĂ©a de chacun desdits articles a toutefois expressĂ©ment prĂ©vu que les mesures ainsi adoptĂ©es pourraient ĂŞtre appliquĂ©es au-delĂ  de ladite pĂ©riode tant que les engagements correspondants n’auraient pas Ă©tĂ© remplis ou que les manquements constatĂ©s persisteraient, et qu’elles ne seraient levĂ©es que lorsque l’engagement correspondant serait rempli ou le manquement en cause corrigĂ©. D’ailleurs, la dĂ©cision 2006/928 prĂ©cise elle-mĂŞme, Ă  son considĂ©rant 9, qu’elle « sera abrogĂ©e lorsque tous les objectifs de rĂ©fĂ©rence auront Ă©tĂ© atteints Â».

165    La dĂ©cision 2006/928 relève donc, en ce qui concerne sa nature juridique, son contenu et ses effets dans le temps, du champ d’application du traitĂ© d’adhĂ©sion et continue Ă  dĂ©ployer ses effets tant qu’elle n’a pas Ă©tĂ© abrogĂ©e.

–       Sur les effets juridiques de la dĂ©cision 2006/928 et des rapports de la Commission Ă©tablis sur la base de cette dĂ©cision

166    Il y a lieu de rappeler que l’article 288, quatrième alinĂ©a, TFUE prĂ©voit, Ă  l’instar de l’article 249, quatrième alinĂ©a, CE, qu’une dĂ©cision « est obligatoire dans tous ses Ă©lĂ©ments Â» pour les destinataires qu’elle dĂ©signe.

167    ConformĂ©ment Ă  son article 4, la dĂ©cision 2006/928 a pour destinataires l’ensemble des États membres, ce qui inclut la Roumanie Ă  compter de son adhĂ©sion. Cette dĂ©cision prĂ©sente par consĂ©quent un caractère contraignant dans tous ses Ă©lĂ©ments pour cet État membre dès son adhĂ©sion Ă  l’Union.

168    Ainsi, ladite dĂ©cision impose Ă  la Roumanie l’obligation d’atteindre les objectifs de rĂ©fĂ©rence figurant Ă  son annexe et de faire chaque annĂ©e, en vertu de son article 1er, premier alinĂ©a, rapport Ă  la Commission sur les progrès rĂ©alisĂ©s Ă  cet Ă©gard.

169    S’agissant, en particulier, de ces objectifs de rĂ©fĂ©rence, il convient d’ajouter que ceux-ci ont Ă©tĂ© dĂ©finis, ainsi qu’il ressort des points 158 Ă  162 du prĂ©sent arrĂŞt, en raison des dĂ©faillances constatĂ©es par la Commission avant l’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union dans les domaines, notamment, des rĂ©formes judiciaires et de la lutte contre la corruption, et qu’ils visent Ă  assurer le respect, par cet État membre, de la valeur de l’État de droit Ă©noncĂ©e Ă  l’article 2 TUE, condition pour la jouissance de tous les droits dĂ©coulant de l’application des traitĂ©s audit État membre.

170    En outre, ainsi que l’a relevĂ© M. l’avocat gĂ©nĂ©ral au point 152 de ses conclusions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19 et comme l’ont fait observer la Commission et le gouvernement belge, lesdits objectifs de rĂ©fĂ©rence concrĂ©tisent les engagements spĂ©cifiques contractĂ©s par la Roumanie et les exigences acceptĂ©es par celle‐ci lors de la clĂ´ture des nĂ©gociations d’adhĂ©sion le 14 dĂ©cembre 2004, figurant Ă  l’annexe IX de l’acte d’adhĂ©sion, concernant notamment les domaines de la justice et de la lutte contre la corruption.

171    Ainsi, comme l’a soulignĂ© notamment la Commission et ainsi qu’il ressort des considĂ©rants 4 et 6 de la dĂ©cision 2006/928, la mise en place du MCV et la fixation des objectifs de rĂ©fĂ©rence ont eu pour but de parachever l’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union, afin de remĂ©dier aux dĂ©faillances constatĂ©es par la Commission avant cette adhĂ©sion dans ces domaines.

172    Il en rĂ©sulte que les objectifs de rĂ©fĂ©rence revĂŞtent un caractère contraignant pour la Roumanie, de sorte que cet État membre est soumis Ă  l’obligation spĂ©cifique d’atteindre ces objectifs et de prendre les mesures appropriĂ©es aux fins de la rĂ©alisation de ceux-ci dans les meilleurs dĂ©lais. De mĂŞme, ledit État membre est tenu de s’abstenir de mettre en Ĺ“uvre toute mesure qui risquerait de compromettre la rĂ©alisation de ces mĂŞmes objectifs.

173    Quant aux rapports Ă©tablis par la Commission sur le fondement de la dĂ©cision 2006/928, il convient de rappeler que, pour dĂ©terminer si un acte de l’Union produit des effets obligatoires, il y a lieu de s’attacher Ă  sa substance et d’apprĂ©cier ses effets Ă  l’aune de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas Ă©chĂ©ant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (voir, en ce sens, arrĂŞt du 20 fĂ©vrier 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32).

174    En l’occurrence, il est vrai que les rapports Ă©tablis sur le fondement de la dĂ©cision 2006/928 sont, en vertu de l’article 2, premier alinĂ©a, de celle-ci, adressĂ©s non pas Ă  la Roumanie, mais au Parlement et au Conseil. En outre, si ces rapports comportent une analyse de la situation en Roumanie et formulent des exigences Ă  l’égard de cet État membre, les conclusions qui y figurent adressent des « recommandations Â» audit État membre en s’appuyant sur ces exigences.

175    Il reste que ces rapports, ainsi qu’il ressort d’une lecture combinĂ©e des articles 1er et 2 de ladite dĂ©cision, sont destinĂ©s Ă  analyser et Ă  Ă©valuer les progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie au regard des objectifs de rĂ©fĂ©rence que cet État membre doit atteindre. S’agissant en particulier des recommandations figurant dans ces rapports, celles-ci sont, ainsi que l’a Ă©galement fait observer la Commission, formulĂ©es en vue de la rĂ©alisation de ces objectifs et afin de guider les rĂ©formes dudit État membre Ă  cet Ă©gard.

176    Sur ce point, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il rĂ©sulte du principe de coopĂ©ration loyale, consacrĂ© Ă  l’article 4, paragraphe 3, TUE, que les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures propres Ă  garantir la portĂ©e et l’efficacitĂ© du droit de l’Union ainsi que d’effacer les consĂ©quences illicites d’une violation de ce droit, et qu’une telle obligation incombe, dans le cadre de ses compĂ©tences, Ă  chaque organe de l’État membre concernĂ© [voir, en ce sens, arrĂŞt du 17 dĂ©cembre 2020, Commission/SlovĂ©nie (Archives de la BCE), C‑316/19, EU:C:2020:1030, points 119 et 124 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

177    Dans ces conditions, pour se conformer aux objectifs de rĂ©fĂ©rence Ă©noncĂ©s Ă  l’annexe de la dĂ©cision 2006/928, la Roumanie doit tenir dĂ»ment compte des exigences et des recommandations formulĂ©es dans les rapports Ă©tablis par la Commission au titre de cette dĂ©cision. En particulier, cet État membre ne saurait adopter ou maintenir des mesures dans les domaines couverts par les objectifs de rĂ©fĂ©rence qui risqueraient de compromettre le rĂ©sultat qu’elles prescrivent. Dans le cas oĂą la Commission Ă©met, dans un tel rapport, des doutes quant Ă  la compatibilitĂ© d’une mesure nationale avec l’un des objectifs de rĂ©fĂ©rence, il incombe Ă  la Roumanie de collaborer de bonne foi avec cette institution en vue de surmonter, dans le plein respect de ces objectifs de rĂ©fĂ©rence et des dispositions des traitĂ©s, les difficultĂ©s rencontrĂ©es Ă  l’égard de la rĂ©alisation desdits objectifs de rĂ©fĂ©rence.

178    Eu Ă©gard aux considĂ©rations qui prĂ©cèdent, il convient de rĂ©pondre Ă  la première question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, Ă  la deuxième question posĂ©e dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19 ainsi qu’à la troisième question posĂ©e dans les affaires C‑127/19, C‑291/19 et C‑397/19 que les articles 2, 37 et 38 de l’acte d’adhĂ©sion, lus en combinaison avec les articles 2 et 49 TUE, doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens que la dĂ©cision 2006/928 relève, en ce qui concerne sa nature juridique, son contenu et ses effets dans le temps, du champ d’application du traitĂ© d’adhĂ©sion. Cette dĂ©cision est, aussi longtemps qu’elle n’a pas Ă©tĂ© abrogĂ©e, obligatoire dans tous ses Ă©lĂ©ments pour la Roumanie. Les objectifs de rĂ©fĂ©rence qui figurent Ă  son annexe visent Ă  assurer le respect, par cet État membre, de la valeur de l’État de droit Ă©noncĂ©e Ă  l’article 2 TUE et revĂŞtent un caractère contraignant pour ledit État membre, en ce sens que ce dernier est tenu de prendre les mesures appropriĂ©es aux fins de la rĂ©alisation de ces objectifs, en tenant dĂ»ment compte, au titre du principe de coopĂ©ration loyale Ă©noncĂ© Ă  l’article 4, paragraphe 3, TUE, des rapports Ă©tablis par la Commission sur la base de ladite dĂ©cision, en particulier des recommandations formulĂ©es dans lesdits rapports.

 Sur la quatrième question posĂ©e dans l’affaire C83/19 et la troisième question posĂ©e dans l’affaire C355/19

179    Par la quatrième question posĂ©e dans l’affaire C‑83/19 et la troisième question posĂ©e dans l’affaire C‑355/19, qu’il convient d’examiner conjointement, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si les rĂ©glementations rĂ©gissant l’organisation de la justice en Roumanie, telles que celles relatives Ă  la nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire et Ă  l’institution de la SIIJ, relèvent du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928 et si elles doivent respecter les exigences dĂ©coulant de la valeur de l’État de droit, Ă©noncĂ©e Ă  l’article 2 TUE.

180    Ă€ cet Ă©gard, il y a lieu de relever que la dĂ©cision 2006/928 couvre, ainsi qu’il ressort de son considĂ©rant 6 et du libellĂ© particulièrement large des premier, troisième et quatrième objectifs de rĂ©fĂ©rence figurant en annexe Ă  celle-ci, et comme le confirme le rapport de la Commission visĂ© au point 158 du prĂ©sent arrĂŞt, le système judiciaire en Roumanie dans son ensemble ainsi que la lutte contre la corruption dans cet État membre. Ă€ cet Ă©gard, au point 3.1. de son rapport au Parlement europĂ©en et au Conseil, du 27 juin 2007, sur les progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie en ce qui concerne les mesures d’accompagnement depuis l’adhĂ©sion [COM(2007) 378 final], rapport qui est visĂ© Ă  l’article 2 de cette dĂ©cision, la Commission a constatĂ© que, dans la mesure oĂą chacun des objectifs de rĂ©fĂ©rence contribuait Ă  la mise en place d’un système judiciaire et administratif indĂ©pendant et impartial, ceux-ci devaient ĂŞtre considĂ©rĂ©s non pas sĂ©parĂ©ment mais ensemble, comme faisant partie intĂ©grante de toute rĂ©forme du système judiciaire recherchĂ©e ainsi que de la lutte contre la corruption tant que ces objectifs n’auraient pas Ă©tĂ© atteints.

181    Or, en l’occurrence, comme l’a relevĂ© en substance M. l’avocat gĂ©nĂ©ral aux points 178 et 250 de ses conclusions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19, les rĂ©glementations nationales en cause au principal, issues des rĂ©formes intervenues au cours des annĂ©es 2018 et 2019, ont apportĂ© des modifications aux diffĂ©rentes lois sur la justice qui avaient Ă©tĂ© adoptĂ©es dans le cadre des nĂ©gociations d’adhĂ©sion de la Roumanie Ă  l’Union en vue d’amĂ©liorer l’indĂ©pendance et l’efficacitĂ© du pouvoir judiciaire et qui forment le cadre lĂ©gislatif rĂ©gissant l’organisation du système judiciaire dans cet État membre.

182    S’agissant, plus particulièrement, de la rĂ©glementation nationale en cause dans l’affaire C‑83/19, celle-ci porte sur la nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire, laquelle est un organisme dotĂ© de la personnalitĂ© juridique au sein du Conseil supĂ©rieur de la magistrature dont la responsabilitĂ© fait expressĂ©ment l’objet du premier objectif de rĂ©fĂ©rence figurant Ă  l’annexe de la dĂ©cision 2006/928, en tant que garantie d’un processus judiciaire Ă  la fois plus transparent et plus efficace. Cet organisme dispose de compĂ©tences essentielles dans le cadre des procĂ©dures disciplinaires au sein du pouvoir judiciaire ainsi que dans le cadre des procĂ©dures visant la responsabilitĂ© personnelle des magistrats. Sa structure institutionnelle et son activitĂ©, tout comme la rĂ©glementation en cause dans l’affaire C‑83/19, ont d’ailleurs fait l’objet de rapports de la Commission Ă©tablis en vertu de l’article 2 de la dĂ©cision 2006/928, notamment dans les annĂ©es 2010, 2011 et 2017 Ă  2019.

183    Quant Ă  la rĂ©glementation nationale en cause dans les affaires C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19, celle-ci a trait Ă  la crĂ©ation de la SIIJ et aux modalitĂ©s de dĂ©signation des procureurs devant y exercer leurs fonctions. Or, comme l’a relevĂ© M. l’avocat gĂ©nĂ©ral aux points 180 et 181 de ses conclusions dans ces affaires, la crĂ©ation d’une telle section relève des premier, troisième et quatrième objectifs de rĂ©fĂ©rence figurant Ă  l’annexe de la dĂ©cision 2006/928, relatifs Ă  l’organisation du système judiciaire et Ă  la lutte contre la corruption, et a, par ailleurs, fait l’objet des rapports de la Commission Ă©tablis dans les annĂ©es 2018 et 2019 en vertu de l’article 2 de cette dĂ©cision.

184    Il s’ensuit que de telles rĂ©glementations relèvent du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928 et que, ainsi qu’il ressort du point 178 du prĂ©sent arrĂŞt, elles doivent respecter les exigences dĂ©coulant du droit de l’Union et, en particulier, de la valeur de l’État de droit Ă©noncĂ©e Ă  l’article 2 TUE.

185    Il convient donc de rĂ©pondre Ă  la quatrième question posĂ©e dans l’affaire C‑83/19 et Ă  la troisième question posĂ©e dans l’affaire C‑355/19 que les rĂ©glementations rĂ©gissant l’organisation de la justice en Roumanie, telles que celles relatives Ă  la nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire et Ă  l’institution d’une section du ministère public chargĂ©e des enquĂŞtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire, relèvent du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928, de sorte qu’elles doivent respecter les exigences dĂ©coulant du droit de l’Union et, en particulier, de la valeur de l’État de droit Ă©noncĂ©e Ă  l’article 2 TUE.

 Sur la troisième question posĂ©e dans l’affaire C83/19

186    Par sa troisième question posĂ©e dans l’affaire C‑83/19, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi que la dĂ©cision 2006/928 doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementation nationale, adoptĂ©e par le gouvernement d’un État membre, qui permet Ă  ce dernier de procĂ©der Ă  des nominations intĂ©rimaires aux postes de direction de l’organe judiciaire chargĂ© de mener des enquĂŞtes disciplinaires et d’exercer l’action disciplinaire Ă  l’encontre des juges et des procureurs, sans que soit respectĂ©e la procĂ©dure de nomination ordinaire prĂ©vue pour de tels postes par le droit national.

187    Ainsi qu’il ressort de la demande de dĂ©cision prĂ©judicielle, la juridiction de renvoi pose cette question en raison du fait que les missions dont est investi un organe judiciaire tel que celui visĂ© par la rĂ©glementation nationale en cause au principal et, en particulier, l’étendue des compĂ©tences dont disposent, dans le cadre de ces missions, les membres dirigeants de cet organe sont de nature Ă  soulever des interrogations au regard de l’exigence d’indĂ©pendance des juges.

188    Ă€ cet Ă©gard, il importe de rappeler que l’article 19 TUE, qui concrĂ©tise la valeur de l’État de droit affirmĂ©e Ă  l’article 2 TUE, confie aux juridictions nationales et Ă  la Cour la charge de garantir la pleine application du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres ainsi que la protection juridictionnelle que les justiciables tirent de ce droit [arrĂŞts du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (DĂ©faillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 50 ; du 24 juin 2019, Commission/Pologne (IndĂ©pendance de la Cour suprĂŞme), C‑619/18, EU:C:2019:531, point 47, ainsi que du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (IndĂ©pendance des juridictions de droit commun), C‑192/18, EU:C:2019:924, point 98].

189    L’existence mĂŞme d’un contrĂ´le juridictionnel effectif destinĂ© Ă  assurer le respect du droit de l’Union est inhĂ©rente Ă  un État de droit [arrĂŞts du 27 fĂ©vrier 2018, Associação Sindical dos JuĂ­zes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117, point 36, ainsi que du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (DĂ©faillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 51].

190    Ă€ ce titre, et ainsi que le prĂ©voit l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, il appartient aux États membres de prĂ©voir un système de voies de recours et de procĂ©dures assurant aux justiciables le respect de leur droit Ă  une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, auquel se rĂ©fère l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, constitue un principe gĂ©nĂ©ral du droit de l’Union qui dĂ©coule des traditions constitutionnelles communes aux États membres, qui a Ă©tĂ© consacrĂ© aux articles 6 et 13 de la convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales, signĂ©e Ă  Rome le 4 novembre 1950, et qui est Ă  prĂ©sent affirmĂ© Ă  l’article 47 de la Charte [arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, points 109 et 110 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

191    Il s’ensuit que tout État membre doit assurer que les instances relevant, en tant que « juridiction Â», au sens dĂ©fini par le droit de l’Union, de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences d’une protection juridictionnelle effective [arrĂŞts du 27 fĂ©vrier 2018, Associação Sindical dos JuĂ­zes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117, point 37, ainsi que du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (DĂ©faillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 52].

192    Quant au champ d’application matĂ©riel de l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, il y a lieu de rappeler que cette disposition vise les « domaines couverts par le droit de l’Union Â», indĂ©pendamment de la situation dans laquelle les États membres mettent en Ĺ“uvre ce droit, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte [arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 111 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

193    Des rĂ©glementations nationales, telles celles en cause au principal, s’appliquent Ă  la magistrature dans son ensemble et, donc, aux juges de droit commun qui sont appelĂ©s, en cette qualitĂ©, Ă  statuer sur des questions liĂ©es Ă  l’application ou Ă  l’interprĂ©tation du droit de l’Union. Dans la mesure oĂą ces derniers relèvent ainsi, en tant que « juridictions Â», au sens dĂ©fini par ce droit, du système roumain de voies de recours dans les « domaines couverts par le droit de l’Union Â», au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, ils doivent satisfaire aux exigences d’une protection juridictionnelle effective.

194    Or, il importe de rappeler que, pour garantir que des instances qui peuvent ĂŞtre appelĂ©es Ă  statuer sur des questions liĂ©es Ă  l’application ou Ă  l’interprĂ©tation du droit de l’Union soient Ă  mĂŞme d’assurer la protection juridictionnelle effective requise par cette disposition, la prĂ©servation de l’indĂ©pendance de celles-ci est primordiale, comme le confirme l’article 47, deuxième alinĂ©a, de la Charte, qui mentionne l’accès Ă  un tribunal « indĂ©pendant Â» parmi les exigences liĂ©es au droit fondamental Ă  un recours effectif [voir, en ce sens, arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 115 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

195    Cette exigence d’indĂ©pendance des juridictions, qui est inhĂ©rente Ă  la mission de juger, relève du contenu essentiel du droit Ă  une protection juridictionnelle effective et du droit fondamental Ă  un procès Ă©quitable, lequel revĂŞt une importance cardinale en tant que garant de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la prĂ©servation des valeurs communes aux États membres Ă©noncĂ©es Ă  l’article 2 TUE, notamment la valeur de l’État de droit. ConformĂ©ment au principe de sĂ©paration des pouvoirs qui caractĂ©rise le fonctionnement d’un État de droit, l’indĂ©pendance des juridictions doit notamment ĂŞtre garantie Ă  l’égard des pouvoirs lĂ©gislatif et exĂ©cutif [voir, en ce sens, arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, points 116 et 118 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

196    Aux termes d’une jurisprudence constante, les garanties d’indĂ©pendance et d’impartialitĂ© requises en vertu du droit de l’Union postulent l’existence de règles qui permettent d’écarter tout doute lĂ©gitime, dans l’esprit des justiciables, quant Ă  l’impermĂ©abilitĂ© de l’instance en cause Ă  l’égard d’élĂ©ments extĂ©rieurs et Ă  sa neutralitĂ© par rapport aux intĂ©rĂŞts qui s’affrontent [voir, en ce sens, arrĂŞts du 19 septembre 2006, Wilson, C‑506/04, EU:C:2006:587, point 53 et jurisprudence citĂ©e ; du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 117, ainsi que du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 53].

197    Ă€ cet Ă©gard, il importe que les juges se trouvent Ă  l’abri d’interventions ou de pressions extĂ©rieures susceptibles de mettre en pĂ©ril leur indĂ©pendance. Les règles applicables au statut des juges et Ă  l’exercice de leur fonction de juge doivent, en particulier, permettre d’exclure non seulement toute influence directe, sous forme d’instructions, mais Ă©galement les formes d’influence plus indirecte susceptibles d’orienter les dĂ©cisions des juges concernĂ©s, et d’écarter ainsi une absence d’apparence d’indĂ©pendance ou d’impartialitĂ© de ceux-ci qui soit propre Ă  porter atteinte Ă  la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique et un État de droit [voir, en ce sens, arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, points 119 et 139 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

198    S’agissant plus particulièrement des règles gouvernant le rĂ©gime disciplinaire, l’exigence d’indĂ©pendance impose, conformĂ©ment Ă  une jurisprudence constante, que ce rĂ©gime prĂ©sente les garanties nĂ©cessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation d’un tel rĂ©gime en tant que système de contrĂ´le politique du contenu des dĂ©cisions judiciaires. Ă€ cet Ă©gard, l’édiction de règles qui dĂ©finissent, notamment, tant les comportements constitutifs d’infractions disciplinaires que les sanctions concrètement applicables, qui prĂ©voient l’intervention d’une instance indĂ©pendante conformĂ©ment Ă  une procĂ©dure garantissant pleinement les droits consacrĂ©s aux articles 47 et 48 de la Charte, notamment les droits de la dĂ©fense, et qui consacrent la possibilitĂ© de contester en justice les dĂ©cisions des organes disciplinaires, constitue un ensemble de garanties essentielles aux fins de la prĂ©servation de l’indĂ©pendance du pouvoir judiciaire [arrĂŞts du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (DĂ©faillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 67 ; du 24 juin 2019, Commission/Pologne (IndĂ©pendance de la Cour suprĂŞme), C‑619/18, EU:C:2019:531, point 77, ainsi que du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (IndĂ©pendance des juridictions de droit commun), C‑192/18, EU:C:2019:924, point 114].

199    En outre, comme l’a relevĂ© en substance M. l’avocat gĂ©nĂ©ral au point 268 de ses conclusions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19, la perspective d’ouverture d’une enquĂŞte disciplinaire Ă©tant, en tant que telle, susceptible d’exercer une pression sur ceux qui ont la tâche de juger, il est essentiel que l’organe compĂ©tent pour conduire les enquĂŞtes et exercer l’action disciplinaire agisse lors de l’exercice de ses missions de manière objective et impartiale et qu’il soit, Ă  cet effet, Ă  l’abri de toute influence extĂ©rieure.

200    Ainsi, et dès lors que les personnes occupant les postes de direction au sein d’un tel organe sont susceptibles d’exercer une influence dĂ©terminante sur l’activitĂ© de celui-ci, les règles gouvernant la procĂ©dure de nomination Ă  ces postes doivent ĂŞtre conçues, comme l’a relevĂ© en substance M. l’avocat gĂ©nĂ©ral au point 269 de ses conclusions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19, de manière Ă  ce qu’elles ne puissent faire naĂ®tre aucun doute lĂ©gitime quant Ă  l’utilisation des prĂ©rogatives et des fonctions dudit organe comme instrument de pression sur l’activitĂ© judiciaire ou de contrĂ´le politique de cette activitĂ©.

201    C’est Ă  la juridiction de renvoi qu’il appartiendra, en dernière analyse, de se prononcer Ă  ce sujet après avoir procĂ©dĂ© aux apprĂ©ciations requises Ă  cette fin. Il importe, en effet, de rappeler que l’article 267 TFUE habilite la Cour non pas Ă  appliquer les règles du droit de l’Union Ă  une espèce dĂ©terminĂ©e, mais seulement Ă  se prononcer sur l’interprĂ©tation des traitĂ©s et des actes pris par les institutions de l’Union. Toutefois, conformĂ©ment Ă  une jurisprudence constante, la Cour peut, dans le cadre de la coopĂ©ration judiciaire instaurĂ©e Ă  cet article 267 TFUE, Ă  partir des Ă©lĂ©ments du dossier, fournir Ă  la juridiction nationale les Ă©lĂ©ments d’interprĂ©tation du droit de l’Union qui pourraient lui ĂŞtre utiles dans l’apprĂ©ciation des effets de telle ou telle disposition de celui-ci [arrĂŞts du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (IndĂ©pendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprĂŞme), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 132, ainsi que du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 96].

202    Ă€ cet Ă©gard, il convient de relever que le seul fait que les dirigeants de l’organe qui a pour mission d’effectuer des enquĂŞtes disciplinaires et d’exercer l’action disciplinaire Ă  l’égard des juges et des procureurs sont nommĂ©s par le gouvernement d’un État membre n’est pas de nature Ă  faire naĂ®tre des doutes tels que ceux visĂ©s au point 200 du prĂ©sent arrĂŞt.

203    Il en va de mĂŞme de dispositions nationales qui prĂ©voient que la supplĂ©ance d’un poste de direction d’un tel organe est exercĂ©e, en cas de vacance de ce poste consĂ©cutive Ă  l’expiration du mandat en cause, par le dirigeant dont le mandat a expirĂ©, jusqu’à la date Ă  laquelle ledit poste est pourvu dans les conditions prĂ©vues par la loi.

204    NĂ©anmoins, il demeure nĂ©cessaire que les conditions de fond et les modalitĂ©s procĂ©durales prĂ©sidant Ă  l’adoption des dĂ©cisions de nomination de ces dirigeants soient conçues de manière Ă  satisfaire aux exigences rappelĂ©es au point 199 du prĂ©sent arrĂŞt.

205    En particulier, une rĂ©glementation nationale est susceptible d’engendrer des doutes tels que ceux visĂ©s au point 200 du prĂ©sent arrĂŞt lorsqu’elle a, mĂŞme Ă  titre provisoire, pour effet de permettre au gouvernement de l’État membre concernĂ© de procĂ©der Ă  des nominations aux postes de direction de l’organe qui a pour mission d’effectuer les enquĂŞtes disciplinaires et d’exercer l’action disciplinaire Ă  l’encontre des juges et des procureurs, en mĂ©connaissance de la procĂ©dure ordinaire de nomination prĂ©vue par le droit national.

206    Il appartient Ă  la juridiction de renvoi de vĂ©rifier, en tenant compte de l’ensemble des Ă©lĂ©ments pertinents du contexte juridico-factuel national, si la rĂ©glementation nationale en cause au principal a eu pour effet de confĂ©rer au gouvernement national un pouvoir direct de nomination pour ces postes et a pu faire naĂ®tre des doutes lĂ©gitimes quant Ă  l’utilisation des prĂ©rogatives et des fonctions de l’Inspection judiciaire comme instrument de pression sur l’activitĂ© des juges et des procureurs ou de contrĂ´le politique de cette activitĂ©.

207    Eu Ă©gard aux considĂ©rations qui prĂ©cèdent, il convient de rĂ©pondre Ă  la troisième question posĂ©e dans l’affaire C‑83/19 que l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi que la dĂ©cision 2006/928 doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementation nationale adoptĂ©e par le gouvernement d’un État membre, qui permet Ă  ce dernier de procĂ©der Ă  des nominations intĂ©rimaires aux postes de direction de l’organe judiciaire chargĂ© de mener des enquĂŞtes disciplinaires et d’exercer l’action disciplinaire Ă  l’encontre des juges et des procureurs, sans que soit respectĂ©e la procĂ©dure de nomination ordinaire prĂ©vue par le droit national, lorsque cette rĂ©glementation est de nature Ă  faire naĂ®tre des doutes lĂ©gitimes quant Ă  l’utilisation des prĂ©rogatives et des fonctions de cet organe comme instrument de pression sur l’activitĂ© de ces juges et procureurs ou de contrĂ´le politique de cette activitĂ©.

 Sur les quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C127/19, la deuxième question posĂ©e dans l’affaire C195/19, les quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C291/19 ainsi que les troisième et quatrième questions posĂ©es dans l’affaire C355/19

208    Par les quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C‑127/19, la deuxième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, les quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C‑291/19 ainsi que les troisième et quatrième questions posĂ©es dans l’affaire C‑355/19, qu’il convient d’examiner conjointement, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi que la dĂ©cision 2006/928 doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementation nationale prĂ©voyant la crĂ©ation d’une section spĂ©cialisĂ©e du ministère public disposant d’une compĂ©tence exclusive pour mener des enquĂŞtes sur les infractions commises par les juges et les procureurs.

209    Les juridictions de renvoi considèrent que la crĂ©ation en Roumanie d’une telle section, Ă  savoir la SIIJ, Ă  laquelle est attribuĂ©e cette compĂ©tence exclusive, est susceptible d’exercer une pression sur les juges, incompatible avec les garanties prĂ©vues Ă  l’article 2 et Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi qu’à l’article 47 de la Charte. En outre, les règles rĂ©gissant la compĂ©tence et l’organisation de la SIIJ, les modalitĂ©s de son fonctionnement ainsi que la nomination et la rĂ©vocation des procureurs qui y sont assignĂ©s renforceraient cette crainte et seraient, du reste, susceptibles d’entraver la lutte contre les infractions de corruption. Enfin, eu Ă©gard au nombre limitĂ© de postes de procureurs au sein de la SIIJ, celle-ci ne serait pas en mesure de traiter les affaires pendantes devant elle dans un dĂ©lai raisonnable.

210    Ă€ cet Ă©gard, il doit ĂŞtre rappelĂ© que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour visĂ©e au point 111 du prĂ©sent arrĂŞt, l’organisation de la justice, en ce compris celle du ministère public, dans les États membres relève de la compĂ©tence de ces derniers, dans le respect du droit de l’Union.

211    Ainsi, il demeure essentiel, comme il a Ă©tĂ© indiquĂ© aux points 191, 194 et 195 du prĂ©sent arrĂŞt, que cette organisation soit conçue de manière Ă  assurer le respect des exigences dĂ©coulant du droit de l’Union, notamment de celle de l’indĂ©pendance des juridictions appelĂ©es Ă  statuer sur des questions liĂ©es Ă  l’application ou Ă  l’interprĂ©tation de ce droit, afin de garantir aux justiciables la protection juridictionnelle effective de leurs droits tirĂ©s dudit droit.

212    ConformĂ©ment Ă  la jurisprudence visĂ©e aux points 196 et 197 du prĂ©sent arrĂŞt, le principe d’indĂ©pendance des juges exige l’élaboration de règles permettant d’écarter tout doute lĂ©gitime, dans l’esprit des justiciables, quant Ă  l’impermĂ©abilitĂ© des juges Ă  l’égard d’élĂ©ments extĂ©rieurs, en particulier d’influences directes ou indirectes des pouvoirs lĂ©gislatif et exĂ©cutif susceptibles d’orienter leurs dĂ©cisions, et d’exclure ainsi une absence d’apparence d’indĂ©pendance ou d’impartialitĂ© de ces juges qui soit propre Ă  porter atteinte Ă  la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique et un État de droit.

213    Lorsqu’un État membre prĂ©voit des règles spĂ©cifiques rĂ©gissant les procĂ©dures pĂ©nales contre des juges et des procureurs, telles que celles relatives Ă  l’institution d’une section spĂ©ciale du ministère public ayant la compĂ©tence exclusive pour mener des enquĂŞtes sur les infractions commises par les juges et les procureurs, l’exigence d’indĂ©pendance impose, afin d’écarter, dans l’esprit des justiciables, tout doute lĂ©gitime tel que visĂ© au point prĂ©cĂ©dent, que ces règles spĂ©cifiques soient justifiĂ©es par des impĂ©ratifs objectifs et vĂ©rifiables tenant Ă  la bonne administration de la justice et que, Ă  l’instar des règles relatives Ă  la responsabilitĂ© disciplinaire de ces juges et procureurs, elles prĂ©voient les garanties nĂ©cessaires assurant que ces procĂ©dures pĂ©nales ne puissent pas ĂŞtre utilisĂ©es comme système de contrĂ´le politique de l’activitĂ© desdits juges et procureurs et qu’elles garantissent pleinement les droits consacrĂ©s aux articles 47 et 48 de la Charte.

214    De telles règles spĂ©cifiques ne sauraient, en particulier, avoir pour effet d’exposer aux Ă©lĂ©ments extĂ©rieurs visĂ©s au point 212 du prĂ©sent arrĂŞt les juges et les procureurs en charge des affaires de corruption, ce sous peine de mĂ©connaĂ®tre non seulement les exigences dĂ©coulant de l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE, mais Ă©galement, en l’occurrence, les obligations spĂ©cifiques incombant Ă  la Roumanie en vertu de la dĂ©cision 2006/928 en matière de lutte contre la corruption. Par ailleurs, elles ne sauraient avoir pour consĂ©quence de prolonger la durĂ©e des enquĂŞtes concernant les infractions de corruption ou d’affaiblir de quelque autre manière que ce soit la lutte contre la corruption.

215    En l’occurrence, premièrement, si le Conseil supĂ©rieur de la magistrature a soutenu devant la Cour que la crĂ©ation de la SIIJ se justifiait par la nĂ©cessitĂ© de protĂ©ger les juges et les procureurs contre des plaintes pĂ©nales arbitraires, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’exposĂ© des motifs de cette loi ne fait apparaĂ®tre aucune justification liĂ©e Ă  des impĂ©ratifs tirĂ©s de la bonne administration de la justice, ce qu’il appartient toutefois aux juridictions de renvoi de vĂ©rifier, en tenant compte de l’ensemble des Ă©lĂ©ments pertinents.

216    Deuxièmement, une structure autonome au sein du ministère public, telle que la SIIJ, qui est chargĂ©e d’enquĂŞter sur les infractions commises par les juges et les procureurs, en ce qu’elle pourrait, en fonction des règles rĂ©gissant les compĂ©tences, la composition et le fonctionnement d’une telle structure, ainsi que du contexte national pertinent, ĂŞtre perçue comme visant Ă  instituer un instrument de pression et d’intimidation Ă  l’égard des juges, et conduire ainsi Ă  une apparence d’absence d’indĂ©pendance ou d’impartialitĂ© de ces juges, est susceptible de porter atteinte Ă  la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique et un État de droit.

217    Ă€ cet Ă©gard, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’introduction auprès de la SIIJ d’une plainte pĂ©nale contre un juge ou un procureur suffit pour que celle-ci ouvre une procĂ©dure, y compris lorsque la plainte est introduite dans le cadre d’une enquĂŞte pĂ©nale en cours concernant une personne autre qu’un juge ou un procureur, cette dernière enquĂŞte Ă©tant alors transfĂ©rĂ©e Ă  la SIIJ, quelle que soit la nature de l’infraction reprochĂ©e au magistrat et les preuves invoquĂ©es contre lui. MĂŞme dans l’hypothèse oĂą l’enquĂŞte en cours porte sur une infraction qui relève de la compĂ©tence d’une autre section spĂ©cialisĂ©e du ministère public, telle que la DNA, l’affaire est Ă©galement transfĂ©rĂ©e Ă  la SIIJ lorsqu’est mis en cause un juge ou un procureur. Enfin, la SIIJ peut former des recours contre les dĂ©cisions adoptĂ©es avant sa crĂ©ation ou retirer un recours introduit par la DNA ou la DIICOT ou le Procureur gĂ©nĂ©ral devant les juridictions supĂ©rieures.

218    Selon les indications fournies par les juridictions de renvoi, le système ainsi mis en place permettrait que des plaintes soient introduites de manière abusive, entre autres aux fins d’interfĂ©rer dans des affaires sensibles en cours, notamment des affaires complexes et mĂ©diatisĂ©es liĂ©es Ă  la corruption de haut niveau ou Ă  la criminalitĂ© organisĂ©e, dès lors que, en cas de dĂ©pĂ´t d’une telle plainte, le dossier relèverait automatiquement de la compĂ©tence de la SIIJ.

219    Il ressort des Ă©lĂ©ments dont dispose la Cour et du rapport de la Commission au Parlement europĂ©en et au Conseil, du 22 octobre 2019, sur les progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie au titre du mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification [COM(2019) 499 final, p. 5], que des exemples pratiques tirĂ©s des activitĂ©s de la SIIJ sont de nature Ă  confirmer la rĂ©alisation du risque, visĂ© au point 216 du prĂ©sent arrĂŞt, que cette section s’apparente Ă  un instrument de pression politique et qu’elle exerce ses pouvoirs pour modifier le dĂ©roulement de certaines enquĂŞtes pĂ©nales ou de procĂ©dures judiciaires concernant, entre autres, des faits de corruption de haut niveau d’une manière suscitant des doutes quant Ă  son objectivitĂ©, ce qu’il appartient aux juridictions de renvoi d’apprĂ©cier, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence rappelĂ©e au point 201 de cet arrĂŞt.

220    Dans ce cadre, il appartient Ă©galement Ă  ces juridictions de vĂ©rifier si les règles relatives Ă  l’organisation et au fonctionnement de la SIIJ ainsi que celles relatives Ă  la nomination et Ă  la rĂ©vocation des procureurs assignĂ©s Ă  celle-ci ne sont pas, eu Ă©gard, notamment, aux modifications qui leur ont Ă©tĂ© apportĂ©es par des ordonnances d’urgence dĂ©rogeant Ă  la procĂ©dure ordinaire prĂ©vue par le droit national, de nature Ă  rendre ladite section permĂ©able aux influences extĂ©rieures.

221    Troisièmement, s’agissant des droits consacrĂ©s aux articles 47 et 48 de la Charte, il importe, notamment, que les règles rĂ©gissant l’organisation et le fonctionnement d’une section spĂ©cialisĂ©e du ministère public, telle que la SIIJ, soient conçues de manière Ă  ne pas empĂŞcher que la cause des juges et des procureurs concernĂ©s puisse ĂŞtre entendue dans un dĂ©lai raisonnable.

222    Or, sous rĂ©serve de vĂ©rification par les juridictions de renvoi, il ressort des indications fournies par celles-ci que tel pourrait ne pas ĂŞtre le cas de la SIIJ, notamment par l’effet conjuguĂ© du nombre apparemment considĂ©rablement rĂ©duit de procureurs assignĂ©s Ă  cette section, lesquels ne disposeraient en outre ni des moyens ni de l’expertise nĂ©cessaires pour mener des enquĂŞtes dans des affaires complexes de corruption, et de la surcharge de travail dĂ©coulant pour ces procureurs du transfert de telles affaires depuis les sections compĂ©tentes pour traiter celles-ci.

223    Eu Ă©gard aux considĂ©rations qui prĂ©cèdent, il convient de rĂ©pondre aux quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C‑127/19, Ă  la deuxième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, aux quatrième et cinquième questions posĂ©es dans l’affaire C‑291/19 ainsi qu’aux troisième et quatrième questions posĂ©es dans l’affaire C‑355/19 que l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi que la dĂ©cision 2006/928 doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementation nationale prĂ©voyant la crĂ©ation d’une section spĂ©cialisĂ©e du ministère public disposant d’une compĂ©tence exclusive pour mener des enquĂŞtes sur les infractions commises par les juges et les procureurs, sans que la crĂ©ation d’une telle section

–        soit justifiĂ©e par des impĂ©ratifs objectifs et vĂ©rifiables tirĂ©s de la bonne administration de la justice et

–        soit assortie de garanties spĂ©cifiques permettant, d’une part, d’écarter tout risque que cette section soit utilisĂ©e comme un instrument de contrĂ´le politique de l’activitĂ© de ces juges et procureurs susceptible de porter atteinte Ă  leur indĂ©pendance et, d’autre part, d’assurer que cette compĂ©tence puisse ĂŞtre exercĂ©e Ă  l’égard de ces derniers dans le plein respect des exigences dĂ©coulant des articles 47 et 48 de la Charte.

 Sur les quatrième Ă  sixième questions posĂ©es dans l’affaire C397/19

224    Par les quatrième Ă  sixième questions posĂ©es dans l’affaire C‑397/19, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementation nationale rĂ©gissant la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et la responsabilitĂ© personnelle des juges au titre des dommages causĂ©s par une erreur judiciaire, dans le cas oĂą cette rĂ©glementation,

–        premièrement, dĂ©finit la notion d’« erreur judiciaire Â» en des termes abstraits et gĂ©nĂ©raux,

–        deuxièmement, prĂ©voit que le constat de l’existence de l’erreur judiciaire, effectuĂ© dans le cadre de la procĂ©dure visant Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État sans que le juge concernĂ© ait Ă©tĂ© entendu, s’impose dans le cadre de la procĂ©dure visant Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© personnelle de celui-ci,

–        troisièmement, attribue Ă  un ministère la compĂ©tence pour ouvrir l’enquĂŞte destinĂ©e Ă  vĂ©rifier s’il y a lieu d’engager l’action rĂ©cursoire contre le juge et pour exercer, sur la base de sa propre apprĂ©ciation, cette action rĂ©cursoire.

225    Ă€ cet Ă©gard, il convient d’emblĂ©e de relever que, selon la rĂ©glementation nationale en cause au principal, l’existence d’une erreur judiciaire constitue l’une des conditions Ă  la fois de la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et de la responsabilitĂ© personnelle du juge en cause. Au regard des exigences dĂ©coulant des principes de l’État de droit et, notamment, de la garantie d’indĂ©pendance des juges, il convient d’examiner sĂ©parĂ©ment le rĂ©gime permettant aux justiciables d’engager la responsabilitĂ© de l’État pour les dommages qu’ils ont subis du fait d’une erreur judiciaire et le rĂ©gime rĂ©gissant la responsabilitĂ© personnelle des juges en raison d’une telle erreur judiciaire dans le cadre d’une action rĂ©cursoire.

226    En ce qui concerne, d’une part, la responsabilitĂ© de l’État pour des dĂ©cisions juridictionnelles contraires au droit de l’Union, la Cour a dĂ©jĂ  jugĂ© que la possibilitĂ© de voir engagĂ©e, sous certaines conditions, cette responsabilitĂ© n’apparaĂ®t pas comporter des risques particuliers de remise en cause de l’indĂ©pendance d’une juridiction statuant en dernier ressort (arrĂŞt du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, EU:C:2003:513, point 42).

227    Cette apprĂ©ciation est transposable, mutatis mutandis, Ă  la possibilitĂ© de voir engagĂ©e la responsabilitĂ© de l’État pour des dĂ©cisions juridictionnelles qui seraient, au regard du droit national, entachĂ©es d’une erreur judiciaire.

228    La circonstance, mentionnĂ©e par la juridiction de renvoi, que les conditions de fond relatives Ă  l’engagement de la responsabilitĂ© de l’État, en particulier en ce qui concerne la dĂ©finition de la notion d’« erreur judiciaire Â», soient libellĂ©es dans la rĂ©glementation nationale en cause dans des termes abstraits et gĂ©nĂ©raux n’est pas non plus de nature, Ă  elle seule, Ă  mettre en pĂ©ril l’indĂ©pendance des juges, dès lors qu’une rĂ©glementation rĂ©gissant cette responsabilitĂ© doit, par sa nature mĂŞme, prĂ©voir, aux fins d’une telle dĂ©finition, des critères abstraits et gĂ©nĂ©raux qui sont vouĂ©s Ă  ĂŞtre prĂ©cisĂ©s par la jurisprudence nationale.

229    En ce qui concerne, d’autre part, la responsabilitĂ© personnelle des juges pour les dommages rĂ©sultant d’une erreur judiciaire de leur part, il convient de souligner que ce rĂ©gime de responsabilitĂ© relève de l’organisation de la justice et, donc, de la compĂ©tence des États membres. En particulier, la possibilitĂ© pour les autoritĂ©s d’un État membre de mettre en cause, Ă  travers une action rĂ©cursoire, cette responsabilitĂ© peut, selon le choix des États membres, constituer un Ă©lĂ©ment permettant de contribuer Ă  la responsabilisation et Ă  l’efficacitĂ© du système judiciaire. Toutefois, dans l’exercice de cette compĂ©tence, les États membres doivent respecter le droit de l’Union.

230    Partant, et comme il a Ă©tĂ© rappelĂ© aux points 191, 194 et 195 du prĂ©sent arrĂŞt, il demeure essentiel que le rĂ©gime de responsabilitĂ© personnelle des juges soit conçu de manière Ă  assurer le respect des exigences dĂ©coulant du droit de l’Union, notamment de celle d’indĂ©pendance des juridictions appelĂ©es Ă  statuer sur les questions liĂ©es Ă  l’application ou Ă  l’interprĂ©tation de ce droit, afin de garantir aux justiciables la protection juridictionnelle effective requise Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE.

231    Ainsi, selon la jurisprudence visĂ©e aux points 196 et 197 du prĂ©sent arrĂŞt, le principe d’indĂ©pendance des juges exige l’existence de garanties permettant d’écarter tout doute lĂ©gitime, dans l’esprit des justiciables, quant Ă  l’impermĂ©abilitĂ© des juges Ă  l’égard d’élĂ©ments extĂ©rieurs, en particulier d’influences directes ou indirectes des pouvoirs lĂ©gislatif et exĂ©cutif susceptibles d’orienter leurs dĂ©cisions, et d’exclure ainsi une absence d’apparence d’indĂ©pendance ou d’impartialitĂ© de ces juges qui soit propre Ă  porter atteinte Ă  la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique et un État de droit.

232    Ă€ cet Ă©gard, la reconnaissance d’un principe de responsabilitĂ© personnelle des juges pour les erreurs judiciaires qu’ils commettent comporte un risque d’ingĂ©rence dans l’indĂ©pendance des juges en ce qu’elle est susceptible d’influer sur la prise de dĂ©cision par ceux qui ont pour tâche de juger.

233    Par consĂ©quent, il importe que la mise en cause, dans le cadre d’une action rĂ©cursoire, de la responsabilitĂ© personnelle d’un juge du fait d’une erreur judiciaire soit limitĂ©e Ă  des cas exceptionnels et encadrĂ©e par des critères objectifs et vĂ©rifiables, tenant Ă  des impĂ©ratifs tirĂ©s de la bonne administration de la justice, ainsi que par des garanties visant Ă  Ă©viter tout risque de pressions extĂ©rieures sur le contenu des dĂ©cisions judiciaires et Ă  Ă©carter ainsi, dans l’esprit des justiciables, tout doute lĂ©gitime tel que visĂ© au point 231 du prĂ©sent arrĂŞt.

234    Ă€ cet effet, il est essentiel que soient prĂ©vues des règles qui dĂ©finissent de manière claire et prĂ©cise, notamment, les comportements susceptibles d’engager la responsabilitĂ© personnelle des juges, afin de garantir l’indĂ©pendance inhĂ©rente Ă  leur mission et d’éviter qu’ils soient exposĂ©s au risque que leur responsabilitĂ© personnelle puisse ĂŞtre engagĂ©e du seul fait de leur dĂ©cision. Si, comme l’a relevĂ©, en substance, M. l’avocat gĂ©nĂ©ral aux points 95 et 100 de ses conclusions dans l’affaire C‑397/19, la garantie d’indĂ©pendance n’exige pas qu’il soit confĂ©rĂ© aux juges une immunitĂ© absolue pour les actes pris dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, leur responsabilitĂ© personnelle ne saurait nĂ©anmoins ĂŞtre engagĂ©e pour des dommages causĂ©s dans l’exercice de leurs fonctions que dans des cas exceptionnels, dans lesquels leur culpabilitĂ© individuelle grave a Ă©tĂ© Ă©tablie. Ă€ cet Ă©gard, le fait qu’une dĂ©cision comporte une erreur judiciaire ne saurait, Ă  elle seule, suffire pour engager la responsabilitĂ© personnelle du juge concernĂ©.

235    S’agissant des modalitĂ©s affĂ©rentes Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© personnelle des juges dans le cadre d’une action rĂ©cursoire, la rĂ©glementation nationale doit prĂ©voir de manière claire et prĂ©cise les garanties nĂ©cessaires assurant que ni l’enquĂŞte destinĂ©e Ă  vĂ©rifier l’existence des conditions et des circonstances susceptibles d’engager cette responsabilitĂ© ni l’action rĂ©cursoire n’apparaissent comme pouvant se muer en instruments de pression sur l’activitĂ© juridictionnelle.

236    Afin d’éviter que de telles modalitĂ©s puissent dĂ©ployer un effet dissuasif Ă  l’égard des juges dans l’exercice de leur mission de juger en toute indĂ©pendance, notamment dans des domaines sensibles tels que celui de la lutte contre la corruption, il est essentiel, comme l’a relevĂ© en substance la Commission, que les autoritĂ©s compĂ©tentes pour ouvrir et mener l’enquĂŞte destinĂ©e Ă  vĂ©rifier l’existence des conditions et des circonstances susceptibles d’engager la responsabilitĂ© personnelle du juge ainsi que pour exercer l’action rĂ©cursoire soient elles-mĂŞmes des autoritĂ©s qui agissent lors de l’exercice de leurs missions de manière objective et impartiale et que les conditions de fond et les modalitĂ©s procĂ©durales prĂ©sidant Ă  l’exercice desdites compĂ©tences soient telles qu’elles ne puissent pas faire naĂ®tre des doutes lĂ©gitimes quant Ă  l’impartialitĂ© de ces autoritĂ©s.

237    De mĂŞme, il importe que les droits consacrĂ©s Ă  l’article 47 de la Charte, notamment les droits de la dĂ©fense du juge, soient pleinement respectĂ©s et que l’instance compĂ©tente pour statuer sur la responsabilitĂ© personnelle du juge soit une juridiction.

238    En l’occurrence, il appartient Ă  la juridiction de renvoi de vĂ©rifier si les exigences visĂ©es aux points 233 Ă  237 du prĂ©sent arrĂŞt sont respectĂ©es, en tenant compte de l’ensemble des Ă©lĂ©ments pertinents.

239    Parmi ces Ă©lĂ©ments revĂŞt une importance particulière le fait que, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, l’existence d’une erreur judiciaire est constatĂ©e de manière dĂ©finitive dans le cadre de la procĂ©dure en responsabilitĂ© engagĂ©e contre l’État et que ce constat s’impose dans le cadre de la procĂ©dure initiĂ©e par l’action rĂ©cursoire visant Ă  mettre en cause la responsabilitĂ© personnelle du juge concernĂ©, et ce alors que ce dernier n’a pas Ă©tĂ© entendu dans le cadre de la première procĂ©dure. Une telle règle est non seulement de nature Ă  crĂ©er un risque de pressions extĂ©rieures sur l’activitĂ© des juges, mais est Ă©galement susceptible de porter atteinte Ă  leurs droits de la dĂ©fense, ce qu’il appartient Ă  la juridiction de renvoi de vĂ©rifier.

240    S’agissant, par ailleurs, des autoritĂ©s compĂ©tentes pour ouvrir et mener la procĂ©dure d’enquĂŞte destinĂ©e Ă  vĂ©rifier l’existence des conditions et des circonstances susceptibles d’engager la responsabilitĂ© personnelle du juge concernĂ© et pour exercer l’action rĂ©cursoire contre lui, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en vertu de la rĂ©glementation nationale en cause au principal, le rapport Ă©tabli Ă  cette fin par l’Inspection judiciaire n’a pas d’effet contraignant et qu’il revient, en dĂ©finitive, au seul ministère des Finances publiques de dĂ©cider, sur la base de sa propre apprĂ©ciation, si ces conditions et ces circonstances sont remplies aux fins de l’exercice de cette action rĂ©cursoire. Il appartient Ă  la juridiction de renvoi de vĂ©rifier, en tenant compte de l’ensemble des Ă©lĂ©ments pertinents du contexte juridico-factuel national, si de tels Ă©lĂ©ments, eu Ă©gard notamment Ă  ce pouvoir d’apprĂ©ciation, sont de nature Ă  permettre que ladite action rĂ©cursoire soit utilisĂ©e comme instrument de pression sur l’activitĂ© juridictionnelle.

241    Eu Ă©gard aux considĂ©rations qui prĂ©cèdent, il convient de rĂ©pondre aux quatrième Ă  sixième questions posĂ©es dans l’affaire C‑397/19 que l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils ne s’opposent pas Ă  une rĂ©glementation nationale rĂ©gissant la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et la responsabilitĂ© personnelle des juges au titre des dommages causĂ©s par une erreur judiciaire, qui dĂ©finit la notion d’« erreur judiciaire Â» en des termes gĂ©nĂ©raux et abstraits. En revanche, ces mĂŞmes dispositions doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©es en ce sens qu’elles s’opposent Ă  une telle rĂ©glementation lorsqu’elle prĂ©voit que le constat de l’existence d’une erreur judiciaire, effectuĂ© dans le cadre de la procĂ©dure visant Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et sans que le juge concernĂ© ait Ă©tĂ© entendu, s’impose dans le cadre de la procĂ©dure subsĂ©quente liĂ©e Ă  une action rĂ©cursoire visant Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© personnelle de celui-ci et lorsqu’elle ne comporte pas, d’une manière gĂ©nĂ©rale, les garanties nĂ©cessaires pour Ă©viter qu’une telle action rĂ©cursoire soit utilisĂ©e comme instrument de pression sur l’activitĂ© juridictionnelle et pour assurer le respect des droits de la dĂ©fense du juge concernĂ© afin que se trouve Ă©cartĂ© tout doute lĂ©gitime, dans l’esprit des justiciables, quant Ă  l’impermĂ©abilitĂ© des juges Ă  l’égard d’élĂ©ments extĂ©rieurs susceptibles d’orienter leurs dĂ©cisions et exclue une absence d’apparence d’indĂ©pendance ou d’impartialitĂ© de ces juges de nature Ă  porter atteinte Ă  la confiance que la justice doit inspirer Ă  ces mĂŞmes justiciables dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique et un État de droit.

 Sur la troisième question posĂ©e dans l’affaire C195/19

242    Par sa troisième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de primautĂ© du droit de l’Union doit ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu’il s’oppose Ă  une rĂ©glementation de rang constitutionnel d’un État membre, telle qu’interprĂ©tĂ©e par la juridiction constitutionnelle de celui-ci, selon laquelle une juridiction de rang infĂ©rieur n’est pas autorisĂ©e Ă  laisser inappliquĂ©e, de sa propre autoritĂ©, une disposition nationale relevant du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928, qu’elle considère, Ă  la lumière d’un arrĂŞt de la Cour, comme Ă©tant contraire Ă  cette dĂ©cision ou Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE.

243    La juridiction de renvoi prĂ©cise que cette question est liĂ©e Ă  une jurisprudence rĂ©cente de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), selon laquelle le droit de l’Union, notamment la dĂ©cision 2006/928, ne peut prĂ©valoir sur le droit constitutionnel national. Selon la juridiction de renvoi, il existe un risque que le droit constitutionnel ainsi interprĂ©tĂ© par la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) fasse Ă©chec Ă  l’application des enseignements dĂ©coulant de l’arrĂŞt de la Cour Ă  intervenir dans l’affaire C‑195/19.

244    ConformĂ©ment Ă  une jurisprudence constante de la Cour, le principe de primautĂ© du droit de l’Union consacre la prĂ©Ă©minence du droit de l’Union sur le droit des États membres. Ce principe impose dès lors Ă  toutes les instances des États membres de donner leur plein effet aux diffĂ©rentes normes de l’Union, le droit des États membres ne pouvant affecter l’effet reconnu Ă  ces diffĂ©rentes normes sur le territoire desdits États (arrĂŞt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 214 ainsi que jurisprudence citĂ©e).

245    Ainsi, en vertu du principe de primautĂ© du droit de l’Union, le fait pour un État membre d’invoquer des dispositions de droit national, fussent-elles d’ordre constitutionnel, ne saurait porter atteinte Ă  l’unitĂ© et Ă  l’efficacitĂ© du droit de l’Union. En effet, conformĂ©ment Ă  une jurisprudence bien Ă©tablie, les effets s’attachant au principe de primautĂ© du droit de l’Union s’imposent Ă  l’ensemble des organes d’un État membre, sans, notamment, que les dispositions internes affĂ©rentes Ă  la rĂ©partition des compĂ©tences juridictionnelles, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle [voir, en ce sens, arrĂŞts du 26 fĂ©vrier 2013, Melloni, C‑399/11, EU:C:2013:107, point 59, ainsi que du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 148 et jurisprudence citĂ©e].

246    Ă€ cet Ă©gard, il y a lieu, notamment, de rappeler que le principe d’interprĂ©tation conforme du droit interne, en vertu duquel la juridiction nationale est tenue de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprĂ©tation conforme aux exigences du droit de l’Union, est inhĂ©rent au système des traitĂ©s, en ce qu’il permet Ă  la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compĂ©tences, la pleine efficacitĂ© du droit de l’Union lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie (arrĂŞt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 55 et jurisprudence citĂ©e).

247    C’est Ă©galement en vertu du principe de primautĂ© que, Ă  dĂ©faut de pouvoir procĂ©der Ă  une interprĂ©tation de la rĂ©glementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, le juge national chargĂ© d’appliquer, dans le cadre de sa compĂ©tence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquĂ©e, de sa propre autoritĂ©, toute disposition contraire de la lĂ©gislation nationale, mĂŞme postĂ©rieure, sans qu’il ait Ă  demander ou Ă  attendre l’élimination prĂ©alable de celle-ci par voie lĂ©gislative ou par tout autre procĂ©dĂ© constitutionnel (arrĂŞt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 215 ainsi que jurisprudence citĂ©e).

248    Ă€ cet Ă©gard, tout juge national, saisi dans le cadre de sa compĂ©tence, a, en tant qu’organe d’un État membre, plus prĂ©cisĂ©ment l’obligation de laisser inappliquĂ©e toute disposition nationale contraire Ă  une disposition de droit de l’Union qui est d’effet direct dans le litige dont il est saisi [arrĂŞts du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 61, ainsi que du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (IndĂ©pendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprĂŞme), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 161].

249    En l’occurrence, s’agissant de la dĂ©cision 2006/928, laquelle est plus prĂ©cisĂ©ment visĂ©e par les considĂ©rations de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) auxquelles se rĂ©fère la juridiction de renvoi, celle-ci impose Ă  la Roumanie, ainsi qu’il a Ă©tĂ© relevĂ© au point 172 du prĂ©sent arrĂŞt, d’atteindre dans les meilleurs dĂ©lais les objectifs de rĂ©fĂ©rence qu’elle Ă©nonce. Dans la mesure oĂą ces objectifs sont formulĂ©s en des termes clairs et prĂ©cis et ne sont assortis d’aucune condition, ils sont d’effet direct.

250    Par ailleurs, Ă©tant donnĂ© que l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE met Ă  la charge des États membres une obligation de rĂ©sultat claire et prĂ©cise et qui n’est assortie d’aucune condition en ce qui concerne l’indĂ©pendance devant caractĂ©riser les juridictions appelĂ©es Ă  interprĂ©ter et Ă  appliquer le droit de l’Union [arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 146], la juridiction de renvoi est Ă©galement tenue de garantir, dans le cadre de ses compĂ©tences, au regard des considĂ©rations figurant aux points 208 Ă  223 du prĂ©sent arrĂŞt, le plein effet de cette disposition en laissant au besoin inappliquĂ©e toute disposition nationale contraire Ă  celle-ci.

251    Ainsi, en cas de violation avĂ©rĂ©e de l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ou de la dĂ©cision 2006/928, le principe de primautĂ© du droit de l’Union exige que la juridiction de renvoi laisse inappliquĂ©es les dispositions en cause, que celles-ci soient d’origine lĂ©gislative ou constitutionnelle [voir, en ce sens, arrĂŞt du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges Ă  la Cour suprĂŞme â€“ Recours), C‑824/18, EU:C:2021:153, point 150 ainsi que jurisprudence citĂ©e].

252    Eu Ă©gard aux considĂ©rations qui prĂ©cèdent, il convient de rĂ©pondre Ă  la troisième question posĂ©e dans l’affaire C‑195/19 que le principe de primautĂ©du droit de l’Union doit ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu’il s’oppose Ă  une rĂ©glementation de rang constitutionnel d’un État membre, telle qu’interprĂ©tĂ©e par la juridiction constitutionnelle de celui-ci, selon laquelle une juridiction de rang infĂ©rieur n’est pas autorisĂ©e Ă  laisser inappliquĂ©e, de sa propre autoritĂ©, une disposition nationale relevant du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928, qu’elle considère, Ă  la lumière d’un arrĂŞt de la Cour, comme Ă©tant contraire Ă  cette dĂ©cision ou Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE.

 Sur les dĂ©pens

253    La procĂ©dure revĂŞtant, Ă  l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevĂ© devant les juridictions de renvoi, il appartient Ă  celles-ci de statuer sur les dĂ©pens. Les frais exposĂ©s pour soumettre des observations Ă  la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      La dĂ©cision 2006/928/CE de la Commission, du 13 dĂ©cembre 2006, Ă©tablissant un mĂ©canisme de coopĂ©ration et de vĂ©rification des progrès rĂ©alisĂ©s par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de rĂ©fĂ©rence spĂ©cifiques en matière de rĂ©forme du système judiciaire et de lutte contre la corruption, ainsi que les rapports Ă©tablis par la Commission europĂ©enne sur la base de cette dĂ©cision constituent des actes pris par une institution de l’Union, susceptibles d’être interprĂ©tĂ©s par la Cour au titre de l’article 267 TFUE.

2)      Les articles 2, 37 et 38 de l’acte relatif aux conditions d’adhĂ©sion Ă  l’Union europĂ©enne de la RĂ©publique de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traitĂ©s sur lesquels est fondĂ©e l’Union europĂ©enne, lus en combinaison avec les articles 2 et 49 TUE, doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens que la dĂ©cision 2006/928 relève, en ce qui concerne sa nature juridique, son contenu et ses effets dans le temps, du champ d’application du traitĂ© entre les États membres de l’Union europĂ©enne et la RĂ©publique de Bulgarie et la Roumanie, relatif Ă  l’adhĂ©sion de la RĂ©publique de Bulgarie et de la Roumanie Ă  l’Union europĂ©enne. Cette dĂ©cision est, aussi longtemps qu’elle n’a pas Ă©tĂ© abrogĂ©e, obligatoire dans tous ses Ă©lĂ©ments pour la Roumanie. Les objectifs de rĂ©fĂ©rence qui figurent Ă  son annexe visent Ă  assurer le respect, par cet État membre, de la valeur de l’État de droit Ă©noncĂ©e Ă  l’article 2 TUE et revĂŞtent un caractère contraignant pour ledit État membre, en ce sens que ce dernier est tenu de prendre les mesures appropriĂ©es aux fins de la rĂ©alisation de ces objectifs, en tenant dĂ»ment compte, au titre du principe de coopĂ©ration loyale Ă©noncĂ© Ă  l’article 4, paragraphe 3, TUE, des rapports Ă©tablis par la Commission sur la base de ladite dĂ©cision, en particulier des recommandations formulĂ©es dans lesdits rapports.

3)      Les rĂ©glementations rĂ©gissant l’organisation de la justice en Roumanie, telles que celles relatives Ă  la nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire et Ă  l’institution d’une section du ministère public chargĂ©e des enquĂŞtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire, relèvent du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928, de sorte qu’elles doivent respecter les exigences dĂ©coulant du droit de l’Union et, en particulier, de la valeur de l’État de droit Ă©noncĂ©e Ă  l’article 2 TUE.

4)      L’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi que la dĂ©cision 2006/928 doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementation nationale adoptĂ©e par le gouvernement d’un État membre, qui permet Ă  ce dernier de procĂ©der Ă  des nominations intĂ©rimaires aux postes de direction de l’organe judiciaire chargĂ© de mener des enquĂŞtes disciplinaires et d’exercer l’action disciplinaire Ă  l’encontre des juges et des procureurs, sans que soit respectĂ©e la procĂ©dure de nomination ordinaire prĂ©vue par le droit national, lorsque cette rĂ©glementation est de nature Ă  faire naĂ®tre des doutes lĂ©gitimes quant Ă  l’utilisation des prĂ©rogatives et des fonctions de cet organe comme instrument de pression sur l’activitĂ© de ces juges et procureurs ou de contrĂ´le politique de cette activitĂ©.

5)      L’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE ainsi que la dĂ©cision 2006/928 doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils s’opposent Ă  une rĂ©glementation nationale prĂ©voyant la crĂ©ation d’une section spĂ©cialisĂ©e du ministère public disposant d’une compĂ©tence exclusive pour mener des enquĂŞtes sur les infractions commises par les juges et les procureurs, sans que la crĂ©ation d’une telle section

–        soit justifiĂ©e par des impĂ©ratifs objectifs et vĂ©rifiables tirĂ©s de la bonne administration de la justice et

–        soit assortie de garanties spĂ©cifiques permettant, d’une part, d’écarter tout risque que cette section soit utilisĂ©e comme un instrument de contrĂ´le politique de l’activitĂ© de ces juges et procureurs susceptible de porter atteinte Ă  leur indĂ©pendance et, d’autre part, d’assurer que cette compĂ©tence puisse ĂŞtre exercĂ©e Ă  l’égard de ces derniers dans le plein respect des exigences dĂ©coulant des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne.

6)      L’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’ils ne s’opposent pas Ă  une rĂ©glementation nationale rĂ©gissant la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et la responsabilitĂ© personnelle des juges au titre des dommages causĂ©s par une erreur judiciaire, qui dĂ©finit la notion d’« erreur judiciaire Â» en des termes gĂ©nĂ©raux et abstraits. En revanche, ces mĂŞmes dispositions doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©es en ce sens qu’elles s’opposent Ă  une telle rĂ©glementation lorsqu’elle prĂ©voit que le constat de l’existence d’une erreur judiciaire, effectuĂ© dans le cadre de la procĂ©dure visant Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© patrimoniale de l’État et sans que le juge concernĂ© ait Ă©tĂ© entendu, s’impose dans le cadre de la procĂ©dure subsĂ©quente liĂ©e Ă  une action rĂ©cursoire visant Ă  la mise en cause de la responsabilitĂ© personnelle de celui-ci et lorsqu’elle ne comporte pas, d’une manière gĂ©nĂ©rale, les garanties nĂ©cessaires pour Ă©viter qu’une telle action rĂ©cursoire soit utilisĂ©e comme instrument de pression sur l’activitĂ© juridictionnelle et pour assurer le respect des droits de la dĂ©fense du juge concernĂ© afin que se trouve Ă©cartĂ© tout doute lĂ©gitime, dans l’esprit des justiciables, quant Ă  l’impermĂ©abilitĂ© des juges Ă  l’égard d’élĂ©ments extĂ©rieurs susceptibles d’orienter leurs dĂ©cisions et exclue une absence d’apparence d’indĂ©pendance ou d’impartialitĂ© de ces juges de nature Ă  porter atteinte Ă  la confiance que la justice doit inspirer Ă  ces mĂŞmes justiciables dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique et un État de droit.

7)      Le principe de primautĂ© du droit de l’Union doit ĂŞtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu’il s’oppose Ă  une rĂ©glementation de rang constitutionnel d’un État membre, telle qu’interprĂ©tĂ©e par la juridiction constitutionnelle de celui-ci, selon laquelle une juridiction de rang infĂ©rieur n’est pas autorisĂ©e Ă  laisser inappliquĂ©e, de sa propre autoritĂ©, une disposition nationale relevant du champ d’application de la dĂ©cision 2006/928, qu’elle considère, Ă  la lumière d’un arrĂŞt de la Cour, comme Ă©tant contraire Ă  cette dĂ©cision ou Ă  l’article 19, paragraphe 1, second alinĂ©a, TUE.

Signatures


*      Langue de procĂ©dure : le roumain.