Corte di Giustizia delle Comunità europee (Terza
Sezione), 1 dicembre 2008
C-388/08 PPU, Artur Leymann, Aleksei Pustovarov
Dans l’affaire C‑388/08
PPU,
ayant pour objet une demande
de décision préjudicielle au titre de l’article 35 UE, introduite par le
Korkein oikeus (Finlande), par décision du 5 septembre 2008, parvenue à
Artur Leymann,
Aleksei Pustovarov,
composée de M. A. Rosas,
président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, Mme
P. Lindh (rapporteur) et M. A. Arabadjiev, juges,
avocat général: M. J.
Mazák,
greffier: Mme
C. Strömholm, administrateur,
vu la
demande de la juridiction de renvoi du 5 septembre 2008, parvenue à
vu la
décision du 11 septembre 2008 de la troisième chambre de faire droit à ladite
demande,
vu la
procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 novembre 2008,
considérant les observations
présentées:
– pour
M. Leymann, par Me M. Annala, asianajaja,
– pour
M. Pustovarov, par Me H. Tuominen,
asianajaja,
– pour
le gouvernement finlandais, par Mme A.
Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,
– pour
le gouvernement espagnol, par M. J. M. Rodríguez
Cárcamo, en qualité d’agent,
– pour
le gouvernement néerlandais, par Mme C. ten
Dam, en qualité d’agent,
– pour
l’avocat général entendu,
rend le présent
Arrêt
1 La
demande de décision préjudicielle porte sur
l’interprétation de l’article 27, paragraphes 2 à 4, de la décision-cadre
2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen
et aux procédures de remise entre États membres (JO L 190, p. 1,
ci-après la «décision-cadre»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une
procédure pénale engagée, en Finlande, à l’encontre de MM. Leymann et
Pustovarov, accusés d’une infraction grave («törkeä») liée aux stupéfiants et remis
aux autorités finlandaises en exécution de mandats d’arrêt européens.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union européenne
3 L’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre
prévoit:
«Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des
faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure
de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois […]»
4 L’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre
énumère 32 infractions, parmi lesquelles figure le trafic illicite de
stupéfiants et de substances psychotropes, qui, si elles sont punies dans
l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de
liberté d’un maximum d’au moins trois ans telles qu’elles sont définies par le
droit de l’État membre d’émission, donnent lieu à la remise sur la base d’un
mandat d’arrêt européen, sans contrôle de la double incrimination du fait.
5 Aux termes de l’article 2, paragraphe 4, de la
décision-cadre, le contrôle de la double incrimination du fait peut être
effectué lorsqu’il s’agit d’infractions qui n’entrent pas dans l’énumération
visée à l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre.
6 L’article 3 de la décision-cadre énumère les motifs
de non-exécution obligatoire du mandat d’arrêt européen.
7 L’article 4 de la décision-cadre énumère les motifs
de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen.
8 L’article 8 de la décision-cadre porte sur le
contenu et la forme du mandat d’arrêt européen. Les informations requises
aux termes du paragraphe 1, sous d) et e), de cette
disposition sont les suivantes:
«d) la nature et la qualification légale de l’infraction,
notamment au regard de l’article 2;
e) la description des circonstances de la commission de l’infraction,
y compris le moment, le lieu et le degré de participation de la personne
recherchée à l’infraction».
9 L’article
27, paragraphe 2, de la décision-cadre prévoit qu’«une personne qui a été
remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une
infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé sa remise»,
sauf dans le cas visé au paragraphe 1 de cet article, en vertu duquel le
consentement à une telle remise peut être présumé avoir été donné, et dans les
cas prévus au paragraphe 3 dudit article 27.
10 L’article 27, paragraphe 3, de la décision-cadre
dispose que «[l]e paragraphe 2 ne s’applique pas dans les cas suivants:
a) lorsque,
ayant eu la possibilité de le faire, la personne n’a pas quitté le territoire
de l’État membre auquel elle a été remise dans les quarante-cinq jours suivant
son élargissement définitif, ou qu’elle y est retournée après l’avoir quitté;
b) l’infraction
n’est pas punie d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté;
c) la
procédure pénale ne donne pas lieu à l’application d’une mesure restreignant la
liberté individuelle de la personne;
d) lorsque
la personne est passible d’une peine ou [d’]une mesure non privatives de
liberté, notamment une peine pécuniaire ou une mesure qui en tient lieu, même
si cette peine ou mesure est susceptible de restreindre sa liberté
individuelle;
e) lorsque
la personne a accepté d’être remise, le cas échéant en même temps qu’elle a
renoncé à la règle de la spécialité, conformément à l’article 13;
f) lorsque
la personne a expressément renoncé, après sa remise, à bénéficier de la règle
de la spécialité pour des faits spécifiques antérieurs à sa remise. […]
g) lorsque
l’autorité judiciaire d’exécution qui a remis la personne donne son
consentement conformément au paragraphe 4».
11 L’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre est
libellé comme suit:
«La
demande de consentement est présentée à l’autorité judiciaire d’exécution,
accompagnée des informations mentionnées à l’article 8, paragraphe 1, ainsi que
d’une traduction comme indiqué à l’article 8, paragraphe 2. Le consentement est
donné lorsque l’infraction pour laquelle il est
demandé entraîne elle-même l’obligation de remise aux termes de la présente
décision-cadre. Le consentement est refusé pour les raisons
mentionnées à l’article 3 et, sinon, il ne peut l’être que pour les raisons
mentionnées à l’article 4. La décision est prise au
plus tard trente jours après la réception de la demande.
[…]»
12 En
vertu de son article 31, paragraphe 1, la décision-cadre remplace les
dispositions correspondantes de plusieurs conventions applicables en matière
d’extradition entre les États membres, notamment la convention européenne
d’extradition, signée le 13 décembre 1957, la convention établie sur la base de
l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la procédure
simplifiée d’extradition entre les États membres de l’Union européenne, signée
le 10 mars 1995 (JO C 78, p. 2), et la convention établie sur la base
de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à l’extradition
entre les États membres de l’Union européenne, signée le 27 septembre 1996 (JO
C 313, p. 12, ci-après la «convention de 1996»).
13 Il
ressort de l’information relative à la date d’entrée en vigueur du traité
d’Amsterdam, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du
1er mai 1999 (JO L 114, p. 56), que
Le droit national
14 Selon
l’article 1er figurant au chapitre 50 du code pénal (rikoslaki dans
sa version résultant de la loi 1304/1993), en vigueur à l’époque des faits
visés dans l’acte d’accusation, se rend coupable d’une infraction liée aux
stupéfiants, notamment, celui qui introduit ou tente d’introduire illégalement
dans le pays, transporte, fait transporter, vend, négocie, cède à autrui ou de
toute autre manière diffuse ou tente de diffuser ou qui détient ou tente de se
procurer des stupéfiants.
15 En
vertu de l’article 2 figurant au chapitre 50 de ce code, l’infraction liée aux
stupéfiants est dite «grave» si, notamment, elle porte sur une substance
stupéfiante particulièrement dangereuse ou sur une grande quantité de
substances stupéfiantes et que l’infraction, considérée dans sa globalité, est
grave. L’auteur d’une infraction grave liée aux stupéfiants est
condamné à une peine d’emprisonnement d’un an au moins et de dix ans au plus.
16 La
loi 1286/2003 relative à la remise entre
17 L’article 58, paragraphe 1, de ladite loi dispose
que la personne remise à
Le litige au
principal et les questions préjudicielles
18 La demande de décision préjudicielle porte sur la
procédure pénale engagée contre MM. Leymann et
Pustovarov, poursuivis par les autorités finlandaises pour avoir commis une
infraction grave liée aux stupéfiants. Les intéressés ont été mis en détention,
M. Leymann sur la base d’une décision par défaut du Helsingin käräjäoikeus
(tribunal de première instance de Helsinki) du 21 mars 2006 et
M. Pustovarov sur la base d’une décision par défaut de cette même
juridiction du 5 mai 2006.
En ce qui concerne M.
Leymann
19 Par un mandat d’arrêt européen du 21 mars 2006, le
procureur du district de Helsinki a demandé à l’autorité judiciaire polonaise
l’arrestation et la remise pour l’exercice de poursuites pénales de
M. Leymann, soupçonné d’avoir commis une infraction grave relative au
trafic de stupéfiants entre le 1er janvier 2005 et le 21 mars 2006.
Selon ce mandat d’arrêt, M. Leymann aurait introduit illégalement en
Finlande, avec l’aide de complices, une grande quantité d’amphétamines,
substance considérée comme étant un stupéfiant
particulièrement dangereux, dans le but de la revendre.
20 Le 28 juin 2006, l’autorité judiciaire polonaise a
décidé de remettre M. Leymann à
21 Le 2 octobre 2006, le procureur du district de
Helsinki a poursuivi M. Leymann devant le Helsingin käräjäoikeus pour
infraction grave relative au trafic de stupéfiants commise entre le 15 et le 26
février 2006. L’acte d’accusation indiquait que M. Leymann avait, avec
M. Pustovarov et d’autres personnes, introduit en Finlande
22 Le procureur du district de Helsinki a déclaré avoir
reçu, avant le début de l’examen de l’affaire par le Helsingin käräjäoikeus, une
information d’un représentant de
23 Le 7 novembre 2006, le Helsingin käräjäoikeus,
devant lequel aucune objection n’avait été soulevée quant à la remise ou à
l’accusation des prévenus, a déclaré coupables les auteurs présumés de
l’infraction, dont M. Leymann, et a condamné ce dernier à une peine
d’emprisonnement.
24 M. Leymann a fait appel de cette condamnation devant
le Helsingin hovioikeus (cour d’appel de Helsinki), soutenant qu’il n’aurait
pas dû être poursuivi pour l’infraction grave relative au trafic de stupéfiants
(haschisch) commise entre le 15 et le 26 février 2006 étant donné qu’il n’avait
pas été remis à l’autorité judiciaire finlandaise pour cette infraction. Par
une décision du 16 août 2007, cette juridiction a considéré que le Helsingin
käräjäoikeus avait obtenu le consentement de l’autorité judiciaire polonaise,
par l’intermédiaire de son représentant auprès
d’Eurojust, à la mise en accusation de M. Leymann pour cette infraction.
25 Le 30 novembre 2007, le Helsingin hovioikeus a jugé
l’affaire au fond et M. Leymann a été condamné à une peine
d’emprisonnement de trois ans et quatre mois. Bien que, selon la décision de
renvoi, M. Leymann ait été privé de sa liberté depuis le moment où il a été
arrêté dans le cadre de la procédure de remise, son représentant a indiqué,
lors de l’audience devant
En ce qui concerne M.
Pustovarov
26 Par un mandat d’arrêt européen du 8 mai 2006, le
procureur du district de Helsinki a demandé à l’autorité judiciaire espagnole
l’arrestation et la remise pour l’exercice de poursuites pénales de
M. Pustovarov, soupçonné d’avoir commis une infraction grave relative au
trafic de stupéfiants entre le 19 et le 25 février 2006. Selon ce mandat d’arrêt, M. Pustovarov aurait introduit
illégalement en Finlande, avec l’aide de complices, une grande quantité
d’amphétamines considérées comme étant des stupéfiants particulièrement
dangereux, dans le but de la revendre. L’intéressé était présenté
comme ayant organisé l’importation et la revente.
Ledit mandat d’arrêt portait également sur deux autres infractions graves
relatives au trafic de stupéfiants consistant dans l’importation de grandes
quantités de haschisch en vue de leur revente, l’une commise au cours des mois
de septembre et d’octobre 2005, l’autre au cours du mois de novembre de la même
année.
27 Le 20 juin 2006, l’autorité judiciaire espagnole a
décidé de remettre M. Pustovarov à
28 Le
2 octobre 2006, le procureur du district de Helsinki a poursuivi
M. Pustovarov devant le Helsingin käräjäoikeus dans les termes le
concernant, figurant au point 21 du présent arrêt.
29 Le
24 octobre 2006, alors que l’examen de l’affaire par cette juridiction était en
cours, ledit procureur a émis un nouveau mandat d’arrêt européen, par lequel il
a été demandé à l’autorité judiciaire espagnole son consentement afin que
M. Pustovarov puisse être poursuivi pour une infraction grave relative au
trafic de stupéfiants commise entre le 19 et le 25 février 2006, consistant
dans l’importation, en vue de la revente, d’une grande quantité de haschisch,
et non plus d’amphétamines ainsi qu’il avait été mentionné dans le mandat
d’arrêt initial.
30 Par
un jugement du 7 novembre 2006, intervenu avant que le consentement de
l’autorité judiciaire espagnole sur le second mandat d’arrêt ait été obtenu, le
Helsingin käräjäoikeus a condamné M. Pustovarov à une peine de prison pour
avoir commis les faits, décrits dans l’acte d’accusation, qualifiés
d’infraction grave relative au trafic de stupéfiants entre le 15 et le 26
février 2006, ainsi que les deux autres infractions graves relatives au trafic
de stupéfiants qui lui étaient reprochées.
31 M.
Pustovarov a fait appel de ce jugement devant le Helsingin hovioikeus en
soutenant qu’il n’aurait pas dû être poursuivi pour l’infraction grave relative
au trafic de stupéfiants (haschisch) commise entre le 15 et le 26 février 2006,
étant donné qu’il n’avait pas été remis à l’autorité judiciaire finlandaise
pour cette infraction.
32 Le
11 juillet 2007, l’autorité judiciaire espagnole a donné son consentement afin
que M. Pustovarov puisse être poursuivi pour les motifs spécifiés dans le
second mandat d’arrêt européen.
33 Le
Helsingin hovioikeus a considéré que le consentement de l’autorité judiciaire
espagnole, bien qu’ayant été obtenu après le jugement du Helsingin
käräjäoikeus, lui permettait de statuer sur l’infraction grave relative au
trafic de stupéfiants commise entre le 15 et le 26 février 2006, et reprochée à
M. Pustovarov.
34 Le
30 novembre
Le recours devant la
juridiction de renvoi
35 Le
28 mai
Les questions
préjudicielles
36 C’est
dans ces conditions que le Korkein oikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à
«1) Comment
convient-il d’interpréter l’expression ‘infraction […] autre que celle qui a
motivé [la] remise’, qui est employée à l’article 27, paragraphe 2, de la
décision-cadre et, plus précisément, quels sont les critères pertinents pour
déterminer si la description des faits qui est à la base de la mise en
accusation diffère de celle qui a été à la base de la remise, de sorte qu’il faille
considérer qu’il s’agit d’une ‘autre infraction’, pour laquelle on ne peut être
poursuivi qu’avec le consentement qui est visé à l’article 27, paragraphes 3,
sous g), et 4?
2) Convient-il
d’interpréter l’article 27, paragraphe 2, de la décision-cadre en ce sens que
la procédure de consentement qui est visée aux paragraphes 3, sous g), et 4 du
même article doit s’appliquer dans un cas où tant le mandat d’arrêt que
l’accusation définitive [portaient] sur une infraction grave liée aux
stupéfiants mais que la description des faits reprochés a été, par la suite,
modifiée de sorte que l’accusation portait sur une autre catégorie de
stupéfiants que celle qui était mentionnée dans le mandat d’arrêt?
3) Comment
convient-il d’interpréter l’article 27, paragraphe 2, de la décision-cadre
d’après lequel une personne qui a été remise ne peut être poursuivie, condamnée
ou privée de liberté pour une autre infraction, au regard notamment de la
procédure de consentement visée au paragraphe 4 du même article et compte tenu
de la disposition de l’article 27, paragraphe 3, sous c), selon laquelle la
‘règle de spécialité’ ne s’applique pas lorsque la procédure pénale ne donne
pas lieu à l’application d’une mesure restreignant la liberté individuelle de
la personne?
a) Dans
les cas relevant de la procédure de consentement, convient-il d’interpréter les
dispositions susmentionnées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce que
l’infraction en cause donne lieu à des poursuites, qu’un procès ait lieu et
qu’un jugement soit rendu avant la réception du consentement, à condition que
la personne soupçonnée de l’infraction ne soit pas, sur la base de ce soupçon,
soumise à des mesures privatives ou restrictives de liberté?
b) Quelle
importance faut-il accorder à la circonstance qu’une procédure pénale qui
implique une restriction de la liberté porte sur plusieurs infractions dont
l’une relève de la procédure de consentement? Faut-il alors interpréter les
dispositions susmentionnées en ce sens qu’elles ne
s’opposent pas à ce que cette dernière infraction donne lieu à des poursuites,
qu’un procès ait lieu et qu’un jugement soit rendu avant la réception du
consentement, et ce bien que le suspect ait été soumis au cours de la procédure
à une mesure restrictive de liberté, dès lors que cette restriction était
légalement justifiée par d’autres chefs d’accusation?»
Sur la procédure d’urgence
37 Par une lettre du 5 septembre 2008, déposée au
greffe de
38 La juridiction de renvoi a motivé cette demande en
faisant valoir que M. Pustovarov purge actuellement une peine de prison
pour différentes infractions, dont celle relative à l’importation illégale de
39 Sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général
entendu, la troisième chambre de
Sur les questions
préjudicielles
40 À titre liminaire, il convient de rappeler que,
ainsi qu’il ressort du point 13 du présent arrêt,
Sur la première question
41 Par sa première question, la juridiction de renvoi
demande, en substance, quels sont les critères pertinents permettant de
déterminer si la personne remise est poursuivie pour une «infraction autre» que
celle qui a motivé sa remise, au sens de l’article 27, paragraphe 2, de la
décision-cadre, nécessitant la mise en œuvre de la procédure de consentement
visée à cet article 27, paragraphes 3, sous g), et 4.
42 Il ressort de l’article 1er, paragraphes
1 et 2, ainsi que des cinquième à septième et onzième considérants de la
décision-cadre que celle-ci a pour objet de remplacer le système d’extradition
multilatéral entre États membres par un système de remise entre autorités
judiciaires de personnes condamnées ou soupçonnées aux fins d’exécution de
jugements ou de poursuites fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle. La
décision-cadre tend notamment à faciliter et à accélérer la coopération
judiciaire (voir arrêt du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, C‑303/05,
Rec. p. I‑3633, point 28).
43 L’article 27, paragraphe 2, de la décision-cadre
énonce la règle de spécialité selon laquelle une personne qui a été remise ne
peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction
commise avant sa remise autre que celle qui a motivé sa remise.
44 Cette règle est liée à la souveraineté de l’État
membre d’exécution et confère à la personne recherchée le droit de n’être
poursuivie, condamnée ou privée de liberté que pour l’infraction ayant motivé
sa remise.
45 Les États membres peuvent renoncer à l’application
de la règle de spécialité, conformément à l’article 27, paragraphe 1, de la
décision-cadre. Ladite règle comporte, par ailleurs, plusieurs exceptions prévues au
paragraphe 3 de ce même article.
46 Afin d’apprécier la portée de l’article 27,
paragraphe 2, de la décision-cadre et, plus particulièrement, des termes
«infraction autre» que celle qui a motivé la remise, il importe de tenir compte
de l’objectif poursuivi par la décision-cadre.
47 À cet égard, il convient de rappeler que le
cinquième considérant de la décision-cadre souligne que l’objectif assigné à
l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à
supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de
remise entre autorités judiciaires.
48 Ce
même considérant ajoute que, aux relations de coopération classiques entre
États membres, il convient de substituer un système de
libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant
présentencielles que définitives.
49 Le sixième considérant de la décision-cadre expose
que le mandat d’arrêt européen constitue la première concrétisation, dans le
domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil
européen a qualifié de «pierre angulaire» de la coopération judiciaire.
50 Selon le dixième considérant de la décision-cadre,
la mise en œuvre du mécanisme du mandat d’arrêt européen requiert un degré de
confiance élevé entre les États membres.
51 Le principe de reconnaissance mutuelle, qui sous-tend
l’économie de la décision-cadre, implique également, en vertu de l’article 1er,
paragraphe 2, de cette dernière, que les États membres sont en principe tenus
de donner suite à un mandat d’arrêt européen. En effet, ceux-ci doivent ou ne peuvent refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas
énumérés aux articles 3 et 4 de ladite décision-cadre.
52 Pour décider de la remise de la personne recherchée
aux fins de poursuites pour une infraction définie par la loi nationale
applicable dans l’État membre d’émission, l’autorité judiciaire de l’État
membre d’exécution, se fondant sur les dispositions de l’article 2 de la
décision-cadre, examine la description de l’infraction présentée dans le mandat
d’arrêt européen. Cette description doit, conformément au formulaire figurant à
l’annexe de la décision-cadre, contenir les informations mentionnées à
l’article 8 de cette dernière, à savoir, notamment, la
nature et la qualification légale de l’infraction, la description des
circonstances de la commission de l’infraction, y compris le moment, le lieu et
le degré de participation de la personne recherchée à l’infraction, ainsi que
l’échelle des peines prévues pour l’infraction.
53 Ainsi
que
54 Les
termes «poursuivie», «condamnée» ou «privée de liberté» figurant à l’article
27, paragraphe 2, de la décision-cadre indiquent que la notion d’«infraction
autre» que celle qui a motivé la remise doit être appréciée eu égard aux
différentes phases de la procédure et au vu de chaque acte de procédure
susceptible de modifier la qualification juridique de l’infraction.
55 Pour apprécier, en vue de l’exigence du
consentement, si un acte de procédure conduit à une «infraction autre» que
celle qui figure dans le mandat d’arrêt européen, il importe de comparer la
description de l’infraction mentionnée dans le mandat d’arrêt européen avec
celle figurant dans l’acte de procédure ultérieur.
56 Exiger le consentement de l’État membre d’exécution
pour tout changement dans la description des faits irait au-delà des
implications de la règle de spécialité et porterait atteinte à l’objectif
poursuivi consistant à accélérer et à simplifier la coopération judiciaire
entre les États membres visée dans la décision-cadre.
57 Pour déterminer s’il s’agit ou non d’une «infraction
autre» que celle qui a motivé la remise, il y a lieu de vérifier si les
éléments constitutifs de l’infraction, selon la description légale qui est
faite de cette dernière dans l’État membre d’émission, sont ceux pour lesquels
la personne a été remise et s’il existe une correspondance suffisante entre les
données figurant dans le mandat d’arrêt et celles mentionnées dans l’acte de
procédure ultérieur. Des changements dans les circonstances de temps et de
lieu sont admis, pour autant qu’ils découlent des éléments collectés au cours
de la procédure suivie dans l’État membre d’émission relativement aux
comportements décrits dans le mandat d’arrêt, qu’ils n’altèrent pas la nature
de l’infraction et qu’ils n’emportent pas de motifs de non-exécution au titre
des articles 3 et 4 de la décision-cadre.
58 Il
appartient à la juridiction nationale compétente de vérifier, à la lumière des
critères mentionnés au point précédent du présent arrêt, si l’infraction
décrite dans l’acte d’accusation constitue une infraction autre que celle
décrite dans les mandats d’arrêt émis à l’égard de MM. Leymann et Pustovarov.
59 Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la
première question que, afin de déterminer si l’infraction considérée n’est pas
une «infraction autre» que celle qui a motivé la remise, au sens de l’article
27, paragraphe 2, de la décision-cadre, nécessitant la mise en œuvre de la
procédure de consentement visée à l’article 27, paragraphes 3, sous g), et 4,
de la décision-cadre, il importe de vérifier si les éléments constitutifs de
l’infraction, selon la description légale qui est faite de cette dernière dans
l’État membre d’émission, sont ceux pour lesquels la personne a été remise et
s’il existe une correspondance suffisante entre les données figurant dans le
mandat d’arrêt et celles mentionnées dans l’acte de procédure ultérieur. Des changements
dans les circonstances de temps et de lieu sont admis, pour autant qu’ils
découlent des éléments collectés au cours de la procédure suivie dans l’État
membre d’émission relativement aux comportements décrits dans le mandat
d’arrêt, qu’ils n’altèrent pas la nature de l’infraction et qu’ils n’emportent
pas de motifs de non-exécution au titre des articles 3 et 4 de la
décision-cadre.
Sur la deuxième
question
60 Par
sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si un
changement dans la description de l’infraction, portant uniquement sur la
catégorie de stupéfiants en cause, sans que soit modifiée la qualification
juridique de l’infraction, est de nature à définir une «infraction autre» que
celle qui a motivé la remise, au sens de l’article 27, paragraphe 2, de la
décision-cadre, et à rendre nécessaire le recours à la procédure de consentement
visée à l’article 27, paragraphes 3, sous g), et 4, de celle-ci.
61 Dans
l’affaire au principal, l’acte d’accusation porte sur
une importation de haschisch, alors que les mandats d’arrêt visent une
importation d’amphétamines.
62 Toutefois,
il s’agit toujours d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement d’un
maximum d’au moins trois ans et entrant dans la rubrique «trafic illicite de
stupéfiants» visée à l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre.
63 Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la
deuxième question que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au
principal, un changement dans la description de l’infraction, portant sur la
catégorie de stupéfiants concernée, n’est pas, à lui seul, de nature à caractériser
une «infraction autre» que celle qui a motivé la remise, au sens de l’article
27, paragraphe 2, de la décision-cadre.
Sur la troisième question
64 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi
demande, en substance, comment l’exception à la règle de spécialité figurant à
l’article 27, paragraphe 3, sous c), de la décision-cadre doit être
interprétée, compte tenu de la procédure de consentement visée à l’article 27,
paragraphe 4, de la décision-cadre. Elle demande en particulier si ces
dispositions permettent de poursuivre et de condamner une personne pour une
«infraction autre» que celle qui a motivé la remise, exigeant le consentement
de l’État membre d’exécution, avant d’avoir reçu ce
consentement pour autant que la personne n’est pas soumise à une mesure
restrictive de liberté. Elle demande également si la
circonstance que la personne concernée soit, par ailleurs, détenue pour
d’autres chefs d’accusation justifiant légalement sa détention exerce une
influence sur la possibilité de la poursuivre et de la condamner pour cette
«infraction autre».
65 À titre liminaire, il convient de préciser que la
troisième question ne se pose que si les autorités judiciaires compétentes sont
saisies d’une «infraction autre» que celle qui a motivé la remise, puisque, par
définition, les exceptions à la règle de spécialité ne s’appliquent que dans
cette hypothèse.
66 Pour déterminer la portée de l’article 27,
paragraphe 3, de la décision-cadre, il y a lieu d’interpréter cette disposition
en tenant compte de l’objet, de l’économie et de la finalité de la
décision-cadre.
67 Les
exceptions énoncées à l’article 27, paragraphes 1 et 3, sous a) à g), de la
décision-cadre reprennent les exceptions figurant dans les conventions
d’extradition antérieures, notamment celles mentionnées dans la convention de
1996. Les exceptions citées à cet article 27,
paragraphe 3, sous b) à d), correspondent aux exceptions prévues à l’article
10, paragraphe 1, sous a) à c), de cette convention.
68 Ces
exceptions traduisent des motivations diverses. Les exceptions énoncées à
l’article 27, paragraphes 1 et 3, sous e) à g), de la décision-cadre sont
fondées sur le consentement des États membres concernés ou sur celui des
autorités judiciaires de l’État membre d’exécution ou encore sur le
consentement de la personne concernée par le mandat d’arrêt européen. Les
exceptions prévues à cet article 27, paragraphe 3,
sous b) et d), visent les peines ou les mesures applicables. L’exception
figurant audit paragraphe 3, sous c), se réfère à la procédure pénale.
69 Les
exceptions fondées sur le consentement s’appliquent indépendamment de la
procédure suivie et de la nature de la peine encourue.
70 Les
exceptions énoncées à l’article 27, paragraphe 3, sous b) à d), de la
décision-cadre comportent également des régimes différenciés. Ainsi,
l’exception figurant à cet article 27, paragraphe 3,
sous b), vise les situations où l’infraction n’est pas punie d’une peine ou
d’une mesure de sûreté privatives de liberté. Celle figurant audit article 27,
paragraphe 3, sous c), concerne les situations dans lesquelles la procédure
pénale, selon la loi ou selon l’appréciation de l’autorité judiciaire, ne donne
pas lieu à l’application d’une mesure restreignant la liberté individuelle de
la personne concernée. L’article 27, paragraphe 3, sous d), de la
décision-cadre a trait à des situations dans lesquelles la personne est
passible d’une peine ou d’une mesure non privatives de liberté, même si cette
peine ou cette mesure sont susceptibles de restreindre sa liberté individuelle.
Sont visés, dans cette dernière hypothèse, les cas dans lesquels sont
applicables des sanctions pécuniaires, notamment des amendes, ou des mesures,
telles que le travail d’intérêt général, ou encore des injonctions de faire ou
de ne pas faire, dont, par exemple, l’interdiction de fréquenter certains lieux
ou l’obligation de ne pas quitter l’État membre concerné.
71 Lorsque
la procédure a conclu à l’existence d’une «infraction autre» que celle ayant
motivé la remise, cette infraction ne peut être poursuivie sans que le
consentement ait été obtenu, sauf si les exceptions prévues à l’article 27,
paragraphe 3, sous a) à f), de la décision-cadre trouvent à s’appliquer.
72 L’exception prévue à l’article 27, paragraphe 3,
sous c), de la décision-cadre est relative à une situation dans laquelle la
procédure pénale ne donne pas lieu à l’application d’une mesure restreignant la
liberté individuelle.
73 Il s’ensuit que, dans le cadre de cette exception,
une personne peut être poursuivie et condamnée pour une «infraction autre» que
celle qui a motivé sa remise, donnant lieu à une peine ou à une mesure
privatives de liberté, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à la
procédure de consentement, pour autant qu’aucune mesure restrictive de liberté
n’est appliquée pendant la procédure pénale. Si toutefois, à l’issue de la
phase de jugement, ladite personne est condamnée à une peine ou à une mesure
restrictives de liberté, le consentement est exigé pour que cette peine puisse
être exécutée.
74 Cette interprétation rappelle, par ailleurs, les
dispositions de l’article 10, paragraphe 1, sous b), de la convention de 1996,
ainsi qu’il ressort du rapport explicatif relatif à cette convention, approuvé
par le Conseil le 26 mai 1997 (JO
75 L’article 27, paragraphe 3, sous c), de la
décision-cadre ne s’oppose pas, toutefois, à ce que la personne remise soit
soumise à une mesure restrictive de liberté avant que le consentement soit
obtenu, dès lors que cette restriction est légalement justifiée par d’autres
chefs d’accusation figurant dans le mandat d’arrêt européen.
76 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question
que l’exception prévue à l’article 27, paragraphe 3, sous c), de la
décision-cadre doit être interprétée en ce sens que, en présence d’une
«infraction autre» que celle qui a motivé la remise, le consentement doit être
demandé, conformément à l’article 27, paragraphe 4, de la décision-cadre, et
obtenu s’il y a lieu de faire exécuter une peine ou une mesure privatives de
liberté. La personne remise peut être poursuivie et condamnée pour une telle
infraction avant que ce consentement ait été obtenu,
pour autant qu’aucune mesure restrictive de liberté n’est appliquée au cours de
la phase de poursuite ou de jugement relative à cette infraction. L’exception
visée à cet article 27, paragraphe 3, sous c), ne
s’oppose toutefois pas à ce que la personne remise soit soumise à une mesure
restrictive de liberté avant que le consentement soit obtenu, dès lors que
cette mesure est légalement justifiée par d’autres chefs d’accusation figurant
dans le mandat d’arrêt européen.
Sur les dépens
77 La procédure revêtant, à l’égard des parties au
principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi,
il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour
soumettre des observations à
Par ces motifs,
1) Afin
de déterminer si l’infraction considérée n’est pas une «infraction autre» que
celle qui a motivé la remise, au sens de l’article 27, paragraphe 2, de la
décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat
d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, nécessitant
la mise en œuvre de la procédure de consentement visée à l’article 27,
paragraphes 3, sous g), et 4, de cette décision-cadre, il importe de vérifier
si les éléments constitutifs de l’infraction, selon la description légale qui
est faite de cette dernière dans l’État membre d’émission, sont ceux pour
lesquels la personne a été remise et s’il existe une correspondance suffisante
entre les données figurant dans le mandat d’arrêt et celles mentionnées dans
l’acte de procédure ultérieur. Des changements dans les circonstances de temps
et de lieu sont admis, pour autant qu’ils découlent des éléments collectés au
cours de la procédure suivie dans l’État membre d’émission relativement aux
comportements décrits dans le mandat d’arrêt, qu’ils n’altèrent pas la nature
de l’infraction et qu’ils n’emportent pas de motifs de non-exécution au titre
des articles 3 et 4 de ladite décision-cadre.
2) Dans
des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, un changement
dans la description de l’infraction, portant sur la catégorie des stupéfiants
concernée, n’est pas, à lui seul, de nature à caractériser une «infraction
autre» que celle qui a motivé la remise, au sens de l’article 27, paragraphe 2,
de la décision-cadre 2002/584.
3) L’exception
prévue à l’article 27, paragraphe 3, sous c), de la décision-cadre 2002/584
doit être interprétée en ce sens que, en présence d’une «infraction autre» que
celle qui a motivé la remise, le consentement doit être demandé, conformément à
l’article 27, paragraphe 4, de cette décision-cadre, et obtenu s’il y a lieu de
faire exécuter une peine ou une mesure privatives de liberté. La personne
remise peut être poursuivie et condamnée pour une
telle infraction avant que ce consentement ait été obtenu, pour autant qu’aucune
mesure restrictive de liberté n’est appliquée au cours de la phase de poursuite
ou de jugement relative à cette infraction. L’exception visée à cet article 27,
paragraphe 3, sous c), ne s’oppose toutefois pas à ce que la personne remise
soit soumise à une mesure restrictive de liberté avant que le consentement soit
obtenu, dès lors que cette mesure est légalement justifiée par d’autres chefs
d’accusation figurant dans le mandat d’arrêt européen.
(Seguono le firme)