Corte europea dei diritti dell’uomo
(Seconda Sezione)
7 juin 2011
DÉFINITIF
28/11/2011
AFFAIRE AGRATI ET AUTRES c. ITALIE
(Requêtes nn. 43549/08, 6107/09 et 5087/09)
STRASBOURG
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 c) de la Convention.
Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Agrati et autres c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en
une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Danutė
Jočienė,
David Thór
Björgvinsson,
Dragoljub
Popović,
András
Sajó,
Işıl
Karakaş,
Guido Raimondi, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 mai 2011,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1. A
l’origine de l’affaire se trouvent trois requêtes (nos 43549/08, 6107/09
et 5087/09) dirigées contre la République italienne et dont plusieurs
ressortissants de cet Etat, (« les requérants »), ont saisi la Cour
les 15 juillet 2008, 17 décembre 2008 et 13 janvier 2009 respectivement
en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les
requérants sont représentés par Me I. Sullam,
avocat à Milan. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été
représenté par son agent, Mme E. Spatafora,
et par son ancien coagent, M. N. Lettieri.
3. Le 22 octobre 2009, la présidente de la deuxième
section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l’article
29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se
prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES
CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
Requête no 43549/08
4. Les
requérants, Antonella Agrati et 120 autres personnes (liste
en annexe), sont des ressortissants italiens résidant en Italie.
5. Les
faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se
résumer comme suit.
6. A
l’origine, les requérants étaient employés par la Province de Milan et
exerçaient les fonctions d’assistants administratifs, collaborateurs, assistants
techniques et responsables administratifs dans les écoles (le « personnel
ATA »). Ils avaient droit à un salaire de base complété par des indemnités
accessoires.
7. Suite
au transfert du personnel de la fonction publique territoriale vers la fonction
publique de l’Etat, prévu par la loi no 124 du 3 mai 1999, les
requérants furent employés, à partir du 31 décembre 1999, par le ministère
de l’Education nationale. Les employés dudit ministère exerçant les mêmes
fonctions que les requérants avaient droit à un traitement de base progressif
selon l’ancienneté de service.
8. Selon
l’article 8 de la loi no 124 du 3 mai 1999, l’ancienneté de service obtenue par les requérants auprès de l’autorité
locale d’origine était reconnue à toutes fins juridiques et économiques. Toutefois, le ministère, sans tenir aucun compte
de l’ancienneté acquise par les travailleurs au service des collectivités locales
jusqu’au 31 décembre 1999 et donc sans calculer le traitement financier
sur la base de cette ancienneté, comme l’imposait le contrat collectif national
de l’Ecole, attribua aux requérants une ancienneté fictive en transformant la rétribution
perçue auprès des collectivités locales à la date du 31 décembre 1999 en années d’ancienneté. En outre pour
transformer la rétribution de base en années d’ancienneté fictive, le ministère
enleva de la dernière fiche de paie des requérants tous les éléments du salaire
accessoire perçus de façon stable par les requérants jusqu’au 31 décembre 1999.
9. Le
26 juin 2001, les requérants saisirent le tribunal du travail de
Milan afin d’obtenir la reconnaissance juridique et économique de l’ancienneté
acquise auprès de l’autorité locale d’origine et le versement
de la différence de rétribution à partir du 1er janvier 2000.
Ils firent valoir qu’ils percevaient un salaire qui ne correspondait pas à l’ancienneté
acquise et que leur salaire était ainsi inférieur à celui des fonctionnaires
qui avaient toujours été employés par le ministère de l’Education nationale.
10. Par
un arrêt du 5 mars 2002, le tribunal du travail de Milan accueillit le recours
des requérants et condamna le ministère à reconnaître l’ancienneté acquise par
les requérants auprès de l’autorité locale.
11. Le
ministère interjeta appel de ce jugement.
12. Par
un arrêt du 9 février 2004, la cour d’appel confirma le jugement du
tribunal, au motif que le ministère n’avait pas respecté l’article 8 de la loi no
124 de 1999. Cette solution était conforme à la jurisprudence établie par de
nombreux arrêts de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat.
13. Le
12 août 2004, le ministère se pourvut en cassation. La première audience fut
fixée trois ans plus tard, le 23 octobre 2007 précisément.
14. Entre-temps
fut adoptée la loi no 266 de 2005 portant loi de finances pour 2006.
L’article 1 de ladite loi était intitulé « interprétation
authentique (interpretazione autentica) de l’article 8 de la loi no 124
de 1999 » et prévoyait que le personnel ATA devait être intégré dans les
tableaux de la nouvelle administration sur la base du traitement salarial
global au moment de la mutation.
15. Par
un arrêt du 22 février 2008, la Cour de cassation, compte tenu de la
nouvelle loi, fit droit au pourvoi du ministère et rejeta le recours des
requérants.
16. En
conséquence, les requérants ont été contraints de restituer au Gouvernement les
sommes qu’ils avaient reçues en exécution des jugements. Ils ont aussi perdu la
reconnaissance de l’ancienneté acquise auprès de l’autorité locale d’origine.
Leur salaire s’en trouve par ailleurs inférieur à celui d’autres anciens membres
du personnel ATA qui avaient obtenu gain de cause par
des décisions ayant acquis l’autorité de la chose jugée avant l’entrée
en vigueur de la nouvelle loi.
Requête no 6107/09
17. Les requérants, Antonio Cioffi, Giovanna Francesca Cioffi,
Luigina Cioffi, Luciana Molinari, Paolo Rossi et Renato Zonca sont des ressortissants
italiens, résidant à
Bolzano Novarese.
18. A
l’origine, les requérants étaient employés par la Province de Novare et exerçaient
les fonctions d’assistants administratifs, collaborateurs, assistants
techniques et responsables administratifs dans les écoles (personnel ATA). Ils
avaient droit à un salaire de base complété par des indemnités accessoires.
19. Le 28 février 2003, les requérants saisirent le tribunal du travail
de Verbania afin d’obtenir la reconnaissance
juridique et économique de l’ancienneté acquise auprès de l’autorité locale d’origine
et obtenir le versement de la différence de rétribution à partir du 1er
janvier 2000. Ils firent valoir qu’ils percevaient un salaire qui ne
correspondait pas à l’ancienneté acquise et que leur salaire était ainsi
inférieur à celui des fonctionnaires qui avaient toujours été employés par le
ministère de l’Éducation nationale.
20. Par plusieurs arrêts du 19 juin 2003, le tribunal
du travail de Verbania rejeta le recours des
requérants au motif que, par un accord entre l’agence pour la représentation
des administrations publiques (ARAN) et les organisations syndicales, il avait
été dérogé à l’article 8 de la loi nº 124 de 1999. Les requérants interjetèrent
appel de ces jugements. Ils faisaient valoir que les jugements n’étaient pas
conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle il ne
pouvait être dérogé à l’article 8 de la loi
nº 124 de 1999.
21. Par plusieurs arrêts du 25 janvier 2005 et du 28 avril
2005, la cour d’appel de Turin confirma le jugement du tribunal.
22. En
2005, les requérants se pourvurent en cassation. La première audience fut fixée
deux ans plus tard, le 23 octobre 2007.
23. Par un arrêt du 22 février 2008, la Cour de cassation,
compte tenu de la nouvelle loi, rejeta le recours des requérants.
Requête no 5087/09
24. La
requérante, Angela Carlucci, est une ressortissante
italienne, née en 1947 et résidant à Casarile
(Milan).
25. A l’origine, la requérante était employée par la Province
de Milan et exerçait les fonctions de collaboratrice dans les écoles, faisant
ainsi partie du « personnel ATA ». Elle avait droit à un salaire de
base complété par des indemnités accessoires.
26. Le 21 mars 2003, la requérante saisit le tribunal du
travail de Milan afin d’obtenir la reconnaissance juridique et économique de l’ancienneté
acquise auprès de l’autorité locale d’origine et, en conséquence, le versement
de la différence de rétribution à partir du 1er janvier 2000. Elle
fit valoir qu’elle percevait un salaire qui ne correspondait pas à l’ancienneté
acquise et que son salaire était ainsi inférieur à celui des fonctionnaires qui
avaient toujours été employés par le ministère de l’Education nationale.
27. Par un arrêt du 10 février 2004, le tribunal du travail de
Milan accueillit le recours de la requérante et condamna le ministère à
reconnaître l’ancienneté acquise par la requérante auprès de l’autorité locale.
28. Le ministère interjeta appel de ce jugement. Par un arrêt du
17 mai 2005, la cour d’appel confirma le jugement du tribunal, au motif que le
ministère n’avait pas respecté l’article 8 de la loi nº 124 de 1999. Cette
solution était conforme à la jurisprudence établie par de nombreux arrêts de la
Cour de cassation et du Conseil d’Etat.
29. Le 17 mai 2006, le ministère se pourvut en cassation. La
première audience fut fixée deux ans plus tard, le 17 janvier 2008 précisément.
30. Par un arrêt du 14 juillet 2008, la Cour de cassation,
compte tenu de la nouvelle loi, fit droit au pourvoi du ministère et rejeta le
recours de la requérante.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
31. Jusqu’au
31 décembre 1999 une partie du personnel technique et auxiliaire (en
abrégé, personnel ATA) et des enseignants technico-praticiens des établissements
scolaires italiens dépendait du ministère de l’Instruction publique, qui le rémunérait
directement sur la base du contrat collectif national de travail de l’Ecole,
tandis qu’une autre partie dépendait et était rémunérée sur la base du contrat
collectif des régions autonomes locales, par les communes ou les provinces.
32. La
loi no 124 du 3 mai 1999 prévoit dans son article 8 alinéa 2
que le personnel des collectivités locales en service dans les institutions
scolaires publiques à la date de son entrée en vigueur est transféré dans les corps
du personnel ATA de la fonction publique (...). Il est reconnu à ce personnel,
à toutes fins juridiques et financières, l’ancienneté acquise auprès de la
collectivité locale de provenance.
33. Le
20 juillet 2000, l’association représentant l’administration (ARAN) conclut
un accord avec les organisations syndicales afin de déroger au principe de la
conservation de l’ancienneté. Cet accord fut ensuite intégré dans un décret
ministériel du 5 avril 2001.
34. Par
des notes des 27 février 2003 et 12 septembre 2003 envoyées
au tribunal de Milan, l’ARAN nia par ailleurs que cet acte puisse constituer un
accord collectif et précisa qu’elle entendait déroger au principe de la
conservation de l’ancienneté.
35. La
loi no 266 de 2005 portant loi de finances pour 2006 prévoit dans
son article 1 que l’alinéa 2 de l’article 8 de la loi du 3 mai 1999 (no 124)
doit être interprété dans le sens que le personnel des collectivités locales
transféré dans l’effectif du personnel administratif, technique et auxiliaire (ATA)
de la fonction publique de l’Etat est classé, dans les qualifications
fonctionnelles et les profils professionnels des effectifs correspondants de la
fonction publique, sur la base du traitement financier. Dans le système
juridique italien, les lois dites d’interprétation authentique ont un effet
rétroactif, en ce sens que l’interprétation qu’elles fournissent est considérée
comme intégrée aux dispositions interprétées depuis l’entrée en vigueur de
celles-ci.
36. L’article
2112 du code civil dispose que le contrat de travail continue avec le
cessionnaire éventuel et que le travailleur conserve tous les droits qui en
dérivent.
Jurisprudence de la
Cour de cassation avant l’adoption de la loi no 266 de 2005
37. Avant
l’intervention de la loi en question, la jurisprudence civile déclarait nul l’accord
entre l’ARAN et les organisations syndicales car il était en contradiction avec
le principe du classement dans les corps ministériels sur la base de l’ancienneté
prévue par l’article 8 de la loi no 124 du 3 mai 1999.
38. En
2005, la Cour de cassation avait rejeté tous les pourvois formés par le ministère,
avec quinze arrêts qui confirmaient le droit au classement dans les corps de
fonctionnaires de l’Etat sur la base de l’ancienneté acquise avant le transfert
(Cassation, chambre sociale, arrêts no 4722 du
4 mars 2005, nos 18652-18657 du 23 septembre 2005, no 18829
du
27 septembre 2005).
39. Le
Conseil d’Etat s’est prononcé dans le même sens dans ses arrêts no 4142/2003
du 6 juillet 2005 et no 5371 du 6 décembre 2006.
Les arrêts de la Cour constitutionnelle
40. La
Cour constitutionnelle italienne, dans son arrêt 234 de 2007, a déclaré conforme
à la Constitution la loi de finances pour 2006, se basant sur le fait qu’à la
base du système juridique italien, le législateur pourrait édicter même des
lois interprétatives incompatibles avec le texte de la loi interprétée et que
la disposition de l’article 8 alinéa 2 de la loi no 124 de 1999 représentait une dérogation au principe général
applicable à l’époque de son entrée en vigueur, dérogation par rapport à
laquelle la norme à présent censurée se présente comme un rétablissement de la
règle générale. La Cour constitutionnelle a également estimé que la loi no 266
de 2005 ne créait pas une différence de traitement entre les travailleurs qui
avaient fait l’objet d’un arrêt définitif favorable et ceux qui n’avaient pas
encore obtenu un jugement définitif.
41. Le
3 juin 2008, la Chambre sociale de la Cour de cassation invita la Cour
constitutionnelle à revoir sa position, compte tenu de l’article 6 § 1 de la Convention.
42. Par
un arrêt du 26 novembre 2009 (no 311), la Cour
constitutionnelle a rejeté le renvoi décidé par la Cour de cassation. Elle a
considéré que l’interdiction de l’ingérence du législateur dans les affaires
pendantes auxquelles l’Etat est partie n’était pas absolue ; selon elle,
en effet, la Cour européenne n’avait pas voulu poser une interdiction absolue d’ingérence
du législateur puisque, dans différentes affaires (voir par Forrer-Niedenthal
c. Allemagne, no 47316/99, 20 février 2003, National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building
Society et Yorkshire Building Society c. Royaume-Uni, 23 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII ; OGIS-Institut Stanislas, OGEC Saint-Pie X et Blanche de Castille et autres c. France,
nos 42219/98 et 54563/00, 27 mai 2004), elle avait considéré
comme non contraires à l’article 6 de la Convention des interventions
rétroactives des législateurs nationaux. La légalité de telles interventions avait
notamment été reconnue lorsque se présentaient certaines circonstances historiques,
comme dans le cas de la réunification allemande. Quant à la ratio de la nouvelle loi, la Cour constitutionnelle a rappelé qu’il y avait l’exigence
d’harmoniser le système de rétribution du personnel ATA indépendamment de la
provenance des salariés. De surcroît, la Cour constitutionnelle
a fait référence à la nécessité de remédier à la faille technique de la loi
originaire, qui prévoyait la possibilité de laisser cette matière à l’autonomie
des parties et du pouvoir réglementaire.
Jurisprudence de la
Cour de cassation après l’adoption de la loi no 266 de 2005
43. Après
l’entrée en vigueur de la loi litigieuse, la Cour de cassation a cassé tous les
arrêts favorables aux travailleurs et a rejeté toutes les demandes présentées
contre le ministère.
EN DROIT
I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES
44. Compte tenu de la similitude des
requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime
nécessaire de les joindre et décide de les examiner conjointement dans un seul
arrêt.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
6 § 1 DE LA CONVENTION
45. Les requérants se plaignent de l’intervention
législative en cours de procédure qui, selon eux, a porté atteinte à leur droit
à un procès équitable. Ils indiquent que la jurisprudence avait déjà reconnu
que les anciens fonctionnaires territoriaux avaient droit à la reconnaissance,
à toutes fins juridiques et économiques, de l’ancienneté acquise auprès de l’autorité
locale. Sans intervention législative, ils pouvaient donc avoir une espérance légitime,
pratiquement une certitude, d’obtenir satisfaction. Les requérants estiment que
seul l’intérêt financier de l’administration, qui ne suffisait pas à
caractériser un motif impérieux d’intérêt général, a motivé l’intervention
législative en question.
Ils
dénoncent une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes
duquel :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations
sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
46. La Cour constate que ce grief n’est
pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle
relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il
convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
47. A
titre liminaire, les requérants contestent l’affirmation du Gouvernement selon
laquelle, dans le secteur des activités locales, l’ancienneté n’aurait eu
aucune répercussion sur le plan financier. A cet égard, les requérants
rappellent que l’article 5 du contrat du 31 mars 1999 des collectivités
locales prévoit que l’expérience acquise par le personnel, une fois l’ancienneté
de service déduite, est un moment décisif aux fins de la progression économique
à l’intérieur des secteurs de classement. Par conséquent, le traitement à payer
pour les collectivités locales est déterminé aussi bien par l’ancienneté que
par d’autres éléments du traitement accessoire, alors que dans le contrat national
pour les salariés de l’Ecole, le traitement financier à l’intérieur de chaque
secteur dépend exclusivement de l’ancienneté.
48. Les
requérants font valoir que suite au transfert, ils ont perçu un traitement
financier globalement inférieur à celui perçu avant leur transfert, car ils ont
perdu tous les éléments du traitement accessoire. De surcroît, contrairement à
ce que le Gouvernement affirme, les requérants n’ont pas pu s’opposer à leur transfert
au service de l’Etat comme l’a d’ailleurs reconnu la Cour de cassation dans l’arrêt
du 7 mars 2007.
49. Les
requérants réaffirment qu’ils ont perdu toute augmentation contractuelle et les
éléments accessoires du salaire prévus seulement dans les contrats des
collectivités locales (à savoir l’indemnité de qualification, l’indemnité de
repas, l’indemnité de roulement, l’indemnité de risque, l’indemnité de
disponibilité, la prime de présence etc...).
50. Ils
rappellent que la Cour de cassation avait souligné officiellement, par une
jurisprudence claire et consolidée, que « la loi est sans équivoque pour attacher
au transfert l’effet de reconnaissance de l’ancienneté ». A cet égard, ils
rappellent que le rôle d’une juridiction suprême est précisément de régler ces
contradictions (Zielinski et Pradal et
Gonzalez et autres c. France [GC], no 24846/94 et
34165/96 à 34173/96, § 59, CEDH 1999-VII).
51. Selon
les requérants, il n’y avait aucun motif impérieux d’intérêt général pouvant
justifier l’ingérence dans la gestion du contentieux judiciaire. Ils affirment qu’il
y a eu violation de l’article 6 § 1 étant donné que l’Etat a violé le principe
de l’égalité des armes en promulguant une loi rétroactive pour influer sur l’issue
des procédures judiciaires engagées à son encontre par le personnel ATA. L’Etat
aurait également méconnu l’autonomie de la fonction juridictionnelle réservée à
la Cour de cassation en s’ingérant dans l’administration de la justice (Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres, précité, §§ 58-59).
Le Gouvernement aurait, selon les requérants,
violé le principe de l’égalité des armes entre les deux parties (Vezon c. France, no 66018/01, §§ 31-35,
18 avril 2006). A ce propos, les requérants rappellent que la loi no 266
de 2005 est intervenue presque six ans après la décision de transférer le
personnel et alors que le transfert lui-même avait déjà été complètement réalisé
depuis plus de cinq ans, et que la Cour de cassation avait déjà éliminé toute
incertitude éventuelle d’interprétation. De plus, la norme interprétative avait
été insérée dans une loi de finances.
52. Le Gouvernement s’oppose à la thèse des requérants. Il
affirme qu’à la suite du transfert les requérants continuèrent à exercer les
mêmes fonctions avec le même salaire, et que toute l’ancienneté acquise a
toujours continué d’être reconnue aux fins de la retraite. La seule différence,
selon le Gouvernement, était que l’ancienneté acquise pendant le service accompli
dans la fonction publique territoriale ne pouvait pas entraîner une augmentation
salariale par rapport au traitement économique dont les intéressés jouissaient au
moment du transfert, compte tenu de l’applicabilité, à ce moment-là, des règles
sur le traitement économique progressif dans les rapports de travail avec l’Etat.
53. En outre, le Gouvernement affirme que cette interprétation
de la loi no 124 de 1999 fut entérinée par un des accords entre
l’administration (ARAN) et les syndicats des employés et ensuite reprise dans
le décret ministériel du 5 avril 2001.
54. Le
Gouvernement fait valoir que, étant donné que les contentieux s’étaient
multipliés sur l’ensemble du territoire, le législateur est intervenu avec une
loi interprétative afin de combler le vide juridique qui s’était créé, compte
tenu de la difficulté pour les accords collectifs et le pouvoir réglementaire de
régler cette matière et afin d’éviter des augmentations injustifiées des
salaires et une disparité de traitement entre les employés. Selon le Gouvernement
on ne saurait parler de reformatio in peius de
la position de requérants.
55. A
cet égard le Gouvernement rappelle les grandes lignes de la jurisprudence de la
Cour en matière d’interventions législatives. Il se réfère à cet égard aux
arrêts suivants : Raffineries
grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, série A no 301-B ;
National & Provincial Building
Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society c. Royaume-Un,i précité ; Zielinski et Pradal et Gonzalez et
autres, précité ; Forrer-Niedenthal
c. Allemagne, précité; OGIS-Institut Stanislas et autres c. France,
précité).
56. Dans
la présente affaire, selon le Gouvernement, les requérants ne disposaient pas d’un
arrêt définitif et exécutoire. De plus, il fait valoir que les requérants
avaient essayé de profiter d’une aubaine et d’un vide juridique compte tenu de
l’insuffisance des accords collectifs et du pouvoir réglementaire à régler cette
matière. L’intervention du législateur était donc parfaitement prévisible et
répondait à une évidente impérieuse justification d’intérêt général (OGIS-Institut Stanislas et autres c. France,
précité). Selon le Gouvernement, cette situation s’apparente
à celle du législateur dans l’affaire Building
Societies c. Royaume-Uni, précitée.
Il estime qu’en plus, dans la présente affaire, l’intervention du législateur a
permis de prévenir la création de situations discriminatoires au sein du
personnel ATA. Il en conclut qu’il existait un impérieux motif d’intérêt public
au sens de la jurisprudence de la Cour.
57. Enfin, le Gouvernement rappelle que la Cour constitutionnelle
italienne a jugé que l’intervention du législateur n’était contraire ni à la
Constitution italienne ni à la Convention.
2. Appréciation de la Cour
58. La
Cour réaffirme que si, en principe, le pouvoir législatif n’est pas empêché de
réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée
rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de la
prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6
s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du
pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer
sur le dénouement judiciaire d’un litige (arrêts Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis précité, § 49, série A no 301-B;
Zielinski et Pradal
& Gonzalez et autres précité, § 57). La Cour rappelle en outre
que l’exigence de l’égalité des armes implique l’obligation d’offrir à chaque
partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions
qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à la
partie adverse (voir notamment les arrêts Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas
du 27 octobre 1993, § 33, série A no
274, et Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis, précité, § 46).
59. En
l’espèce, la Cour note que l’article 1 de la loi de finances pour 2006 comportait
une interprétation authentique de l’article 8
de la loi no 124 de 1999 » et prévoyait que le personnel ATA
devait être intégré dans les tableaux de la nouvelle administration sur la base
du traitement salarial global au moment de la mutation. Elle remarque également
que les lois dites d’interprétation authentique ont un effet rétroactif, en ce
sens que l’interprétation qu’elles fournissent est considérée comme intégrée
avec les dispositions interprétées depuis l’entrée en vigueur de celles-ci.
60. Dans
les circonstances de l’espèce, l’article 1 de la loi de finances pour 2006, qui
n’excluait de son champ d’application que les décisions de justice passées en
force de chose jugée, fixait définitivement les termes du débat soumis aux
juridictions de l’ordre judiciaire et ce, de manière rétroactive. Force est de
constater que les actions introduites par l’intégralité des présents requérants
devant les juridictions internes étaient alors pendantes.
61. En
conséquence, l’adoption de la loi de finances pour 2006 réglait le fond du
litige et rendait vaine toute continuation des procédures.
62. Quant à l’« impérieux motif d’intérêt général »,
évoqué par le Gouvernement et rappelé par la Cour constitutionnelle dans son
arrêt du 26 novembre 2009, il résulterait de la nécessité de
remédier à une faille technique de la loi originaire et de prévenir la création
de situations discriminatoires entre les employés provenant de l’Etat et des
collectivités locales. S’agissant de la décision
de la Cour constitutionnelle, la Cour rappelle qu’elle ne saurait suffire à
établir la conformité de la loi no 266 de 2005 avec les dispositions de la Convention (Zielinski
et Pradal et Gonzalez et autres, précité,
§ 59).
63. La Cour note en outre qu’après un délai de cinq ans
le législateur a adopté une disposition d’interprétation authentique différente
du libellé à interpréter et contraire à l’interprétation constante de la Cour
de cassation. Elle n’est donc pas
convaincue par l’argument du Gouvernement selon lequel il y avait un vide
juridique à combler.
64. La Cour estime en effet que le but
invoqué par le Gouvernement, à savoir la nécessite de combler un vide juridique
et d’éliminer les disparités de traitement entre les employés, visait en
réalité à préserver le seul intérêt financier de l’Etat en diminuant le nombre de
procédures pendantes devant les juridictions.
65. Aucun
des arguments présentés par le Gouvernement ne convainc donc la Cour de la
légitimité et de la proportionnalité de l’ingérence. Compte tenu de ce qui
précède, l’intervention législative litigieuse, qui réglait définitivement, de
manière rétroactive, le fond du litige opposant les requérants à l’Etat devant
les juridictions internes, n’était pas justifiée par d’impérieux motifs d’intérêt
général.
66. Partant,
la Cour conclut à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE
1 DU PROTOCOLE No 1 à LA
CONVENTION
67. Les
requérants estiment que le caractère rétroactif de l’article 1 de la loi de
finances pour 2006 les a privés de leurs biens dans la mesure où cette
disposition a mis fin de manière définitive au litige les opposant à l’administration.
Ils invoquent l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention qui se lit comme
suit :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses
biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique
et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit
international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que
possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires
pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour
assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
A. Sur la recevabilité
68. La Cour constate que cette partie de la requête n’est pas
manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’elle
ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la
déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
69. Les requérants font valoir qu’ils disposaient au moment de
l’introduction de leurs recours avant l’adoption de la loi litigieuse d’une
espérance légitime de les voir couronnés de succès en raison d’une jurisprudence
interne qui leur était favorable.
70. Les
requérants concluent au caractère disproportionné de la mesure litigieuse et à
la violation de l’article 1 du Protocole no 1.
71. Le Gouvernement entend faire valoir que, lors de l’adoption
de la loi de finances pour 2006, les requérants n’étaient pas titulaires d’une
créance certaine et exigible envers l’Etat puisqu’aucun jugement définitif n’avait
encore été rendu dans leur procédure. Il fait référence pour cela aux affaires
Fernandez-Molina Gonzalez et autres c. Espagne ((déc.), nº 64359/01, CEDH
2002‑IX) et Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce (9 décembre
1994, série A no 301‑B) et en
conclut que les requérants n’étaient pas titulaires d’un « bien » au
sens de l’article 1 du Protocole no 1.
72. Il
est d’avis que l’ingérence du législateur dans l’administration de la justice
était justifiée par « d’impérieux motifs d’intérêt général ».
Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il considère que l’objectif
pour le législateur n’était pas de faire échec aux procédures en cours mais d’intervenir
pour remplir un vide juridique, et souligne que ce motif a été clairement
rappelé par la Cour constitutionnelle dans sa décision du 26 novembre 2009. Il
estime qu’un tel objectif constitue, en l’espèce, un « impérieux motif d’intérêt
général ».
2. Appréciation de la Cour
a) Sur l’existence d’un bien au sens de
l’article 1 du Protocole no 1
73. La
Cour observe que les parties ont des points de vue divergents quant à la
question de savoir si les requérants disposaient d’un bien susceptible d’être
protégé par l’article 1 du Protocole no 1. Elle rappelle que, selon
sa jurisprudence, un requérant ne peut alléguer une violation de l’article 1 du
Protocole no 1 que dans la mesure où les décisions qu’il
incrimine se rapportent à ses « biens » au sens de cette disposition.
La notion de « biens » peut recouvrir tant des « biens
actuels » que des valeurs patrimoniales, y compris, dans certaines
situations bien définies, des créances. Pour qu’une créance puisse être
considérée comme une « valeur patrimoniale »
tombant sous le coup de l’article 1 du Protocole no 1, il faut
que le titulaire de la créance démontre que celle-ci a une base suffisante en
droit interne, par exemple qu’elle est confirmée par une jurisprudence bien
établie des tribunaux. Dès lors que cela est acquis, peut entrer en jeu la notion d’« espérance légitime » (Maurice c. France [GC],
n 11810/03, § 63, CEDH 2005‑IX).
74. Compte tenu des décisions juridictionnelles, et de la
jurisprudence des juridictions internes (§§ 39-40 ci-dessus), la Cour
considère, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, que les requérants
bénéficiaient, avant l’intervention de la loi de finances pour 2006, d’un
intérêt patrimonial qui constituait, sinon une créance à l’égard de la partie
adverse, du moins une « espérance légitime » de pouvoir obtenir le paiement
des sommes litigieuses, et qui avait ainsi le caractère d’un « bien »
au sens de la première phrase de l’article 1 du Protocole nº 1 (voir notamment Lecarpentier et autre c. France, no
67847/01, § 38, 14 février 2006, et S.A. Dangeville c. France, nº 36677/97, § 48, CEDH 2002‑III).
L’article 1 du Protocole nº 1 est donc applicable au cas d’espèce.
b) Sur l’existence d’une ingérence
75. La
Cour estime que la loi litigieuse, en réglant définitivement le fond du litige,
a entraîné une ingérence dans l’exercice des droits que les requérants
pouvaient faire valoir en vertu de la loi et de la jurisprudence en vigueur et,
partant, de leur droit au respect de leurs biens. Il lui faut donc rechercher
si l’ingérence dénoncée se justifie sous l’angle de l’article 1 du Protocole nº
1.
c) Sur la justification de l’ingérence
i. Prévue par la loi
76. Il n’est pas contesté que l’ingérence
litigieuse était « prévue par la loi », comme le veut l’article 1 du
Protocole nº 1.
ii. « Pour cause d’utilité
publique »
77. En revanche, les avis des parties divergent quant à la
légitimité d’une telle ingérence. Dès lors, la Cour doit rechercher si celle-ci
poursuivait un but légitime, à savoir s’il existait une « cause d’utilité
publique », au sens de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1
du Protocole no 1.
78. La Cour estime que, grâce à une connaissance directe de
leur société et de ses besoins, les autorités nationales se trouvent en
principe mieux placées que le juge international pour déterminer ce qui est
« d’utilité publique ». Dans le mécanisme de protection créé par la
Convention, il leur appartient par conséquent de se prononcer les premières sur
l’existence d’un problème d’intérêt général justifiant des privations de
propriété. Dès lors, elles jouissent ici d’une certaine marge d’appréciation.
79. De plus, la notion d’« utilité publique » est
ample par nature. En particulier, la décision d’adopter des lois emportant
privation de propriété implique d’ordinaire l’examen de questions politiques,
économiques et sociales. Estimant normal que le législateur dispose d’une
grande latitude pour mener une politique économique et sociale, la Cour
respecte la manière dont il conçoit les impératifs de l’« utilité
publique », sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base
raisonnable (Pressos Compania
Naviera S.A. et autres c. Belgique, 20 novembre
1995, § 37, série A no 332, et Broniowski
c. Pologne [GC], no 31443/96, § 149, CEDH 2004-V).
80. En l’espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur le
point de savoir si le but poursuivi par l’article 1 de la loi de finances pour
2006 dépassait le simple intérêt financier de l’Etat. Elle rappelle qu’en
principe ce seul intérêt financier ne permet pas de justifier l’intervention
rétroactive d’une loi de validation (voir, mutatis mutandis, Zielinski et Pradal et Gonzalez
et autres précité, § 59,
CEDH 1999‑VII).
81. La Cour émet des doutes sur le point de savoir si l’ingérence
dans le respect des biens des requérants servait une « cause d’utilité
publique ».
82. En tout état de cause, elle rappelle qu’une ingérence dans
le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les
exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la
sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (voir, parmi d’autres, Sporrong et Lönnroth c.
Suède, 23 septembre 1982, § 69, série A n 2) et qu’un rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par
toute mesure privant une personne de sa propriété doit exister (Pressos Compania Naviera S.A. et autres, précité, § 38).
83. En l’espèce, l’intervention législative litigieuse a
définitivement empêché les requérants de se voir reconnaître l’ancienneté
acquise auprès des collectivités locales au moins
jusqu’à l’adoption de l’article 1 de la loi de finances pour 2006.
84. De l’avis de la Cour, l’adoption de l’article 1 de la loi
de finances pour 2006 a fait peser une « charge anormale et
exorbitante » sur les requérants et l’atteinte portée à leurs biens a
revêtu un caractère disproportionné, rompant le juste équilibre entre les
exigences de l’intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux des
individus (voir, mutatis mutandis, Lecarpentier
et autre, précité, §§ 48 à 53).
85. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no
1.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE
41 DE LA CONVENTION
86. Aux
termes de l’article 41 de la Convention,
« Si
la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles,
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement
les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y
a lieu, une satisfaction équitable. »
87. Les
requérants demandent une somme équivalant à la part de rétribution
définitivement perdue, c’est-à-dire de la différence entre la rétribution qu’ils
perçoivent effectivement et celle à laquelle ils auraient dû avoir droit en l’absence
de l’intervention législative litigieuse.
88. Le
Gouvernement conteste les prétentions des requérants et affirme que le dommage
matériel a été calculé sur la base d’un « critère extravagant ».
89.
S’agissant du dommage moral, les requérants demandent la somme de 5 000
EUR chacun.
90. Le
Gouvernement s’y oppose et fait valoir que cette demande n’est pas étayée.
91. Les
requérants demandent en outre le remboursement des frais de procédure devant
les juridictions internes ainsi que le remboursement des frais encourus devant
la Cour. A cet égard, les requérants demandent à la Cour de fixer cette somme
en équité.
92. Quant
aux frais de la procédure, le Gouvernement expose que les requérants n’ont pas
chiffré leurs prétentions.
93. La
Cour estime que la question de l’application de l’article 41 ne se trouve pas
en état. En conséquence, elle la réserve et fixera la procédure ultérieure,
compte tenu de la possibilité que le Gouvernement et les requérants parviennent
à un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes et de les examiner
conjointement dans un seul arrêt ;
2. Déclare les requêtes recevables ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la
Convention ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1
à la Convention ;
5. Dit que la
question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouve pas en
état ; en conséquence,
a) la réserve en
entier ;
b) invite le
Gouvernement et les requérants à lui adresser par écrit, dans le délai de un
mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2
de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment à lui
donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) réserve la
procédure ultérieure et délègue la
présidente de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 juin 2011,
en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley Naismith Françoise
Tulkens
Greffier Présidente
REQUÊTE No 43549/08
AGRATI
ET AUTRES c. ITALIE
Liste des requérants
AGRATI ANTONELLA
ALDEGHI ROSANGELA
AMBIVERI RITA GIULIANA
BACCHIN MARISA LUCIAN
BAFFA GIUSEPPE
BALBI GIUSEPPE
BARBAGLIO ERNESTO
BALCONI ORNELLA
BARRECA MARIA
BELLONI ANTONELLA
BELLONI FRANCESCA
BELMONTE ALBA
BENENATI PATRIZIA
BONFANTI ANSELMO
BONFANTI SILVANA
BOSANI MARIA ROSA
BOSI FABIO
BRAMBILLA GIOVANNI
BUONO ANNAMARIA
CADEI OLIVIERO
CAPELLI MARIA ROSA
CASADEI ETTORE
CASALI ALESSANDRA
CASATI DANIELA
CASATI SERENA
CECCHI DARIO
CERONE MARIA
CICHETTI GABRIELLA
CIVITAQUALE ASSUNTA
COLOMBO MARIA LUISA
CONTI SEBASTIANO
CORRENGIA RENATO
CROCIFISSO VINCENZA
CRISTIANO
PATRIZIA
CUSANO RAFFAELA
CUVIELLO ELISABETTA
D’ALESSANDRO VENERA
DAMATO SERAFINA
D’ANGELO
DORIANA
D’ANGELO PIERINA
DE FELICE CARMELA
DE SCISCIOLO FEDELE
DI GAUDIO ANGELO
DI NUNNO MARIA ANTONIETTA
D’IZZIA FRANCESCA MARIA
ERRICO ANTONIO
FACCHINI FULVIA
FARINELLA VIALE GAETANO
FOGLIA ROSARIA MARIA
FRANCAVIGLIA ROSA
FRIGO MARIA STELLA
GARIBOLDI PIO EUGENIO MARIA
GHIDINI FRANCESCA
GOLLES ANNUNZIATA
GUSELLA LORENA
IOVINO LUISA
LAVIGNA RAFFAELA
LAZZARI BRUNA
LEMMA CINZIA
LO IACONO GIUSEPPA
LORETO FRANCESCO IVAN
LOSIO FRANCESCA
MAGNI ROSSANA
MANCINA ELENA
MANDELLI FLAVIA
MANIERO LUCA
MARALDI MARIA TERESA
MARIANI MASSIMO
MARINI DANIELA
MARINI SILVIA
MARTELLO MARTA
MASCIA ANTONIA
MASTINO GAVINA VITTORIA
MASTRANDREA GIACOMA
MAURI CARLA
MELIS EVELINA
MIGLIAZZA SIMONA ROSA ANNA
MITTI GRAZIA
MONACO PETRONILLA
MORA VALERIA
MUZZUPAPPA ADRIANA
OCCELLO ADELE
OLIVA TIZIANA
ORLANDINO PATRIZIA
PANEFORTE MARILENA
PANINI MARINA
PASCARELLA ANNA
PASQUALINI
MARILISA
PATELLA ANGELA
PECORI SERENELLA
PEDRONI MARIELLA ENRICA
PEROTTO CECILIA
PEZZOTTA GIANPAOLA
PIPITONE CONCETTA
PUCCI FAUSTO ROCCO
RANCILIO MAURIZIO
REA COLOMBA
REINA ANGELO
ROMANELLI MARIA GRAZIA
RONCHI GERMANA
ROTA LILIANA
SAPERE EMILIA
SCANZIANI GIANCARLO
SCHIAVO ANNA
SCIUTO SALVATORE
SETTI MARIA ANGELA
SFERRAZZA MARISA
SFREGOLA MARIA
SGROI FEDERICO
SPITALI CARMELA
SPIZZICO ANGELA
TAGLIABUE GIANMARIO
TARRICONE ANTONIA
TATOLI GINA
TODARO GIGLIOLA
TODISCO CARMELO
TORRETTA GIUSEPPINA
TUCCI GENNARO
VENUTO VINCENZA
VIMERCATI EMANUELA VIRGINIA
ZAPPA GIANCARLO