CONSULTA ONLINE

 

 

Corte europea dei diritti dell’uomo

(Seconda Sezione)

 

28 agosto 2012

 

 

 

 

 

AFFAIRE SPAMPINATO c. ITALIE

 

(RequĂŞte n. 69872/01)

 

 

 

ARRĂŠT

 

(Satisfaction Ă©quitable)

 

 

STRASBOURG

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme

.


En l’affaire Spampinato c. Italie,

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme (deuxième section), siĂ©geant une chambre composĂ©e de :

          Françoise Tulkens, présidente,
          Danutė Jočienė,
          Dragoljub Popović,
          Isabelle Berro-Lefèvre,
          András Sajó,
          Işıl Karakaş,
          Guido Raimondi, juges,
          Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section.

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 juillet 2012,

Rend l’arrĂŞt que voici, adoptĂ© Ă  cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requĂŞte (no 69872/01) dirigĂ©e contre la RĂ©publique italienne et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Giuseppe et Mme Santa Spampinato (« les requĂ©rants Â»), ont saisi la Cour le 24 juin 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des LibertĂ©s fondamentales (« la Convention Â»).

2.  Par un arrĂŞt du 5 octobre 2006 (« l’arrĂŞt au principal Â»), la Cour a jugĂ© que l’ingĂ©rence litigieuse n’était pas compatible avec le principe de lĂ©galitĂ© et qu’elle avait donc enfreint le droit au respect des biens des requĂ©rants (Spampinato c. Italie, no 69872/01, § 46, 5 octobre 2006).

3.  En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requĂ©rants rĂ©clamaient une satisfaction Ă©quitable Ă©gale Ă  la diffĂ©rence entre la valeur marchande de deux terrains, actualisĂ©e Ă  la date de l’introduction de la requĂŞte devant la Cour, et les montants reconnus par les juridictions internes plus une somme pour non-jouissance des terrains. Ils demandaient une somme Ă©gale ou supĂ©rieure Ă  50 000 EUR chacun pour dommage moral et 149 087,91 EUR pour les frais de procĂ©dure.

4.  La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en Ă©tat la Cour l’a rĂ©servĂ©e et a invitĂ© le Gouvernement et les requĂ©rants Ă  lui soumettre par Ă©crit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment Ă  lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, point 4 b) du dispositif).

5.  Tant les requĂ©rants que le Gouvernement ont dĂ©posĂ© des observations.

6.  A la suite de la modification de la composition des sections de la Cour, la prĂ©sente requĂŞte a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  la deuxième section ainsi remaniĂ©e.

EN DROIT

7.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour dĂ©clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă  la partie lĂ©sĂ©e, s’il y a lieu, une satisfaction Ă©quitable. Â»

A.  Dommage matĂ©riel

8.  Les requĂ©rants rĂ©clament 350 156,09 EUR, somme Ă©gale Ă  la diffĂ©rence entre les montants reconnus par les juridictions internes et les sommes qui auraient Ă©tĂ© octroyĂ©es avant l’entrĂ©e en vigueur de la loi no 662 de 1996, rĂ©Ă©valuĂ©e et assortie d’intĂ©rĂŞts. Ils sollicitent Ă©galement le paiement d’une indemnitĂ© pour non-jouissance des terrains, correspondant Ă  593 503,27 EUR.

9.  Le Gouvernement s’oppose aux prĂ©tentions des requĂ©rants et affirme que la somme due aux requĂ©rants ne doit pas dĂ©passer 152 000 EUR.

10.  La Cour rappelle qu’un arrĂŞt constatant une violation entraĂ®ne pour l’État dĂ©fendeur l’obligation de mettre un terme Ă  la violation et d’en effacer les consĂ©quences de manière Ă  rĂ©tablir autant que faire se peut la situation antĂ©rieure Ă  celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

11.  Elle rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 58858/00, 22 dĂ©cembre 2009), la Grande Chambre a modifiĂ© la jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les affaires d’expropriation indirecte. En particulier, la Grande Chambre a dĂ©cidĂ© d’écarter les prĂ©tentions des requĂ©rants dans la mesure oĂą elles sont fondĂ©es sur la valeur des terrains Ă  la date de l’arrĂŞt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour Ă©valuer le dommage matĂ©riel, du coĂ»t de construction des immeubles bâtis par l’Etat sur les terrains.

12.  Selon les nouveaux critères fixĂ©s par la Grande Chambre, l’indemnisation doit correspondre Ă  la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriĂ©tĂ©, telle qu’établie par l’expertise ordonnĂ©e par la juridiction compĂ©tente au cours de la procĂ©dure interne. Ensuite, une fois que l’on aura dĂ©duit la somme Ă©ventuellement octroyĂ©e au niveau national, ce montant doit ĂŞtre actualisĂ© pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi de l’assortir d’intĂ©rĂŞts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s’est Ă©coulĂ© depuis la dĂ©possession des terrains. Ces intĂ©rĂŞts doivent correspondre Ă  l’intĂ©rĂŞt lĂ©gal simple appliquĂ© au capital progressivement rĂ©Ă©valuĂ©.

13.  En l’espèce, les requĂ©rants ont perdu la propriĂ©tĂ© du leurs terrains en juillet 1967. Il ressort de l’expertise effectuĂ©e au cours de la procĂ©dure nationale que la valeur des terrains Ă  cette date Ă©tait de 34 300 000 ITL (17 714 EUR) (paragraphe 18 de l’arrĂŞt au principal).

14.  Compte tenu de ces Ă©lĂ©ments et statuant en Ă©quitĂ©, la Cour estime raisonnable d’accorder conjointement aux requĂ©rants 185 000 EUR pour la perte des terrains, plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t sur cette somme.

15.  Reste Ă  Ă©valuer la perte de chances subie Ă  la suite de l’expropriation litigieuse (Guiso-Gallisay c. Italie prĂ©citĂ©, § 107). La Cour juge qu’il y a lieu de prendre en considĂ©ration le prĂ©judice dĂ©coulant de l’indisponibilitĂ© des terrains pendant la pĂ©riode allant du dĂ©but de l’occupation lĂ©gitime (1965) jusqu’au moment de la perte de propriĂ©tĂ© (1967). Du montant ainsi calculĂ© sera dĂ©duite la somme dĂ©jĂ  obtenue par les requĂ©rants au niveau interne Ă  titre d’indemnitĂ© d’occupation. Statuant en Ă©quitĂ©, la Cour alloue conjointement aux requĂ©rants 1 300 EUR.

B.  Dommage moral

16.  Les requĂ©rants demandent Ă  une somme Ă©gale ou supĂ©rieure Ă  50 000 EUR chacun.

17.  Le Gouvernement s’y oppose.

18.  La Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face Ă  la dĂ©possession illĂ©gale de leurs biens a causĂ© aux requĂ©rants un prĂ©judice moral important, qu’il y a lieu de rĂ©parer de manière adĂ©quate.

19.  Statuant en Ă©quitĂ©, la Cour accorde conjointement aux requĂ©rants 10 000 EUR pour le dommage moral.

C.  Frais et dĂ©pens

20.  Justificatifs Ă  l’appui, les requĂ©rants demandent 109 087,91 EUR pour frais de procĂ©dure devant les juridictions internes et 40 000 EUR pour frais de procĂ©dure devant la Cour.

21.  Le Gouvernement soutient que les sommes rĂ©clamĂ©es par les requĂ©rants Ă  titre de frais et dĂ©pens sont excessives et basĂ©es sur des calculs erronĂ©s.

22.  La Cour rappelle que l’allocation des frais et dĂ©pens au titre de l’article 41 prĂ©suppose que se trouvent Ă©tablis leur rĂ©alitĂ©, leur nĂ©cessitĂ© et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure oĂą ils se rapportent Ă  la violation constatĂ©e (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII).

23.  La Cour ne doute pas de la nĂ©cessitĂ© d’engager des frais, mais elle trouve excessifs les honoraires totaux revendiquĂ©s Ă  ce titre. Elle considère dès lors qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer un montant de 15 000 EUR pour l’ensemble des frais exposĂ©s.

D.  IntĂ©rĂŞts moratoires

24.  La Cour juge appropriĂ© de calquer le taux des intĂ©rĂŞts moratoires sur le taux d’intĂ©rĂŞt de la facilitĂ© de prĂŞt marginal de la Banque centrale europĂ©enne majorĂ© de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Dit

a)  que l’Etat dĂ©fendeur doit verser conjointement aux requĂ©rants, dans les trois mois Ă  compter du jour oĂą l’arrĂŞt sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă  l’article 44 Â§ 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i.  186 300 EUR (cent quatre-vingt-six mille trois cents euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t, pour dommage matĂ©riel ;

ii.  10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t, pour dommage moral ;

iii.  15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t aux requĂ©rants, pour frais et dĂ©pens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit dĂ©lai et jusqu’au versement, ces montants seront Ă  majorer d’un intĂ©rĂŞt simple Ă  un taux Ă©gal Ă  celui de la facilitĂ© de prĂŞt marginal de la Banque centrale europĂ©enne applicable pendant cette pĂ©riode, augmentĂ© de trois points de pourcentage ;

 

2.  Rejette la demande de satisfaction Ă©quitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 août 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-Passos                                                        Françoise Tulkens
  Greffière adjointe                                                                    Président