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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Seconda Sezione)

 

26 giugno 2012

 

RequĂŞte n. 77156/01

 

 

 

 

AFFAIRE MILAZZO c. ITALIE

 

 

 

 

ARRĂŠT

(Satisfaction Ă©quitable)

 

 

 

STRASBOURG

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 

 


En l’affaire Milazzo c. Italie,

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme (deuxième section), siĂ©geant une chambre composĂ©e de :

          Françoise Tulkens, présidente,
          Danutė Jočienė,
          Dragoljub Popović,
          Işıl Karakaş,
          Guido Raimondi,
          Paulo Pinto de Albuquerque,
          Helen Keller, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 juin 2012,

Rend l’arrĂŞt que voici, adoptĂ© Ă  cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requĂŞte (no 77156/01) dirigĂ©e contre la RĂ©publique italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Silvio Milazzo (« le requĂ©rant Â»), a saisi la Cour le 16 octobre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des LibertĂ©s fondamentales (« la Convention Â»).

2.  Par un arrĂŞt du 2 novembre 2006 (« l’arrĂŞt au principal Â»), la Cour a jugĂ© que la perte de toute disponibilitĂ© du terrain, combinĂ©e avec l’impossibilitĂ© de remĂ©dier Ă  la situation incriminĂ©e, avait engendrĂ© des consĂ©quences assez graves pour que le requĂ©rant ait subi une expropriation de fait, incompatible avec son droit au respect de ses biens (Milazzo c. Italie, no 77156/01, § 51, 2 novembre 2006).

3.  En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, le requĂ©rant rĂ©clamait une satisfaction Ă©quitable de 521 516 EUR, Ă  savoir la somme correspondant Ă  la diffĂ©rence entre la valeur vĂ©nale du terrain, rĂ©Ă©valuĂ©e et augmentĂ©e de la plus-value dĂ©rivant de la rĂ©alisation de l’ouvrage public, et le montant obtenu suite au jugement du tribunal de Caltagirone. Il demandait Ă©galement un dĂ©dommagement Ă  titre de prĂ©judice moral, ainsi qu’une somme Ă  titre de remboursement des frais encourus devant la Cour.

4.  La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en Ă©tat, la Cour l’a rĂ©servĂ©e et a invitĂ© le Gouvernement et le requĂ©rant Ă  lui soumettre par Ă©crit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment Ă  lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, point 4 b) du dispositif).

5.  Tant le requĂ©rant que le Gouvernement ont dĂ©posĂ© des observations.

6.  A la suite de la modification de la composition des sections de la Cour, la prĂ©sente requĂŞte a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  la deuxième section ainsi remaniĂ©e.

EN DROIT

7.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour dĂ©clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă  la partie lĂ©sĂ©e, s’il y a lieu, une satisfaction Ă©quitable. Â»

EN FAIT

8.  Les faits survenus après l’arrĂŞt au principal peuvent se rĂ©sumer comme suit.

9.  Par un arrĂŞt du 30 mai 2006, la cour d’appel de Catane condamna la ville de Rome Ă  verser au requĂ©rant et aux autres copropriĂ©taires la somme la somme de 101 355,96 EUR, au titre de dĂ©dommagement calculĂ© aux termes de la loi no 662 de 1996 plus intĂ©rĂŞts et rĂ©Ă©valuation.

A.  Dommage matĂ©riel

8.  Pour prĂ©judice matĂ©riel, le requĂ©rant sollicite la restitution du terrain. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse oĂą la restitutio in integrum ne serait pas possible en l’espèce, le requĂ©rant rĂ©clame 521 516 EUR, Ă  savoir la somme correspondant Ă  la diffĂ©rence entre la valeur vĂ©nale du terrain, rĂ©Ă©valuĂ©e et augmentĂ©e de la plus-value dĂ©rivant de la rĂ©alisation de l’ouvrage public, et le montant obtenu suite Ă  l’arrĂŞt de la cour d’appel de Catane.

9.  Le Gouvernement s’y oppose et estime que la somme due au requĂ©rant ne doit pas dĂ©passer 87 457,40 EUR.

10.  La Cour rappelle qu’un arrĂŞt constatant une violation entraĂ®ne pour l’État dĂ©fendeur l’obligation de mettre un terme Ă  la violation et d’en effacer les consĂ©quences de manière Ă  rĂ©tablir autant que faire se peut la situation antĂ©rieure Ă  celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

11.  Elle rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 58858/00, 22 dĂ©cembre 2009), la Grande Chambre a modifiĂ© la jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les affaires d’expropriation indirecte. En particulier, la Grande Chambre a dĂ©cidĂ© d’écarter les prĂ©tentions des requĂ©rants dans la mesure oĂą elles sont fondĂ©es sur la valeur des terrains Ă  la date de l’arrĂŞt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour Ă©valuer le dommage matĂ©riel, du coĂ»t de construction des immeubles bâtis par l’Etat sur les terrains.

12.  Selon les nouveaux critères fixĂ©s par la Grande Chambre, l’indemnisation doit correspondre Ă  la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriĂ©tĂ©, telle qu’établie par l’expertise ordonnĂ©e par la juridiction compĂ©tente au cours de la procĂ©dure interne. Ensuite, une fois que l’on aura dĂ©duit la somme Ă©ventuellement octroyĂ©e au niveau national, ce montant doit ĂŞtre actualisĂ© pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi de l’assortir d’intĂ©rĂŞts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s’est Ă©coulĂ© depuis la dĂ©possession des terrains. Ces intĂ©rĂŞts doivent correspondre Ă  l’intĂ©rĂŞt lĂ©gal simple appliquĂ© au capital progressivement rĂ©Ă©valuĂ©.

13.  En l’espèce, le requĂ©rant a perdu la propriĂ©tĂ© du terrain en 1983 (§ 24 de l’arrĂŞt au principal). Il ressort de l’expertise dĂ©posĂ©e devant les juridictions internes que la valeur du bien Ă  cette dernière date Ă©tait de 356 809 968 ITL (environ 184 277 EUR). Par ailleurs, la Cour doit prendre en compte le fait qu’en plus du requĂ©rant, des tierces personnes peuvent Ă©galement revendiquer des droits par rapport au terrain objet de la cause (§ 6 de l’arrĂŞt au principal). En l’absence d’indications contraires, la Cour estime que le requĂ©rant n’est fondĂ© Ă  recevoir une satisfaction Ă©quitable qu’à concurrence de 25 % par rapport Ă  la valeur de ce terrain.

14.  Compte tenu de ces Ă©lĂ©ments et statuant en Ă©quitĂ©, la Cour estime raisonnable d’accorder au requĂ©rant 110 000 EUR pour le prĂ©judice matĂ©riel, plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t sur cette somme.

B.  Dommage moral

15.  Le requĂ©rant demande 70 000 EUR pour le prĂ©judice moral.

16.  Le Gouvernement s’y oppose et estime qu’aucune somme n’est due au titre du prĂ©judice moral, puisque ce type de prĂ©judice a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© rĂ©parĂ© par la satisfaction Ă©quitable accordĂ© lors du constat de violation de l’article 6 § 1 dan l’arrĂŞt au principal (§ 80 de l’arrĂŞt au principal).

17.  La Cour rappelle tout d’abord que la somme accordĂ©e Ă  titre de dommage moral dans l’arrĂŞt au principal se rapportait uniquement au grief tirĂ© de la durĂ©e de la procĂ©dure. En l’espèce, elle estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face Ă  la dĂ©possession illĂ©gale de son bien a causĂ© au requĂ©rant un prĂ©judice moral important, qu’il y a lieu de rĂ©parer de manière adĂ©quate.

18.  Statuant en Ă©quitĂ©, la Cour accorde au requĂ©rant 10 000 EUR au titre du prĂ©judice moral.

C.     Frais et dĂ©pens

19.  Justificatifs Ă  l’appui, le requĂ©rant demande le remboursement des frais encourus devant la Cour, soit 43 122,13 EUR.

20.  Le Gouvernement s’y oppose et observe que les prĂ©tentions du requĂ©rant sont exorbitantes.

21.  La Cour rappelle que l’allocation des frais et dĂ©pens au titre de l’article 41 prĂ©suppose que se trouvent Ă©tablis leur rĂ©alitĂ©, leur nĂ©cessitĂ© et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure oĂą ils se rapportent Ă  la violation constatĂ©e (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII).

22.  La Cour ne doute pas de la nĂ©cessitĂ© d’engager des frais, mais elle trouve excessifs les honoraires totaux revendiquĂ©s Ă  ce titre. Elle considère dès lors qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer un montant de 15 000 EUR pour l’ensemble des frais exposĂ©s.

D.  IntĂ©rĂŞts moratoires

23.  La Cour juge appropriĂ© de calquer le taux des intĂ©rĂŞts moratoires sur le taux d’intĂ©rĂŞt de la facilitĂ© de prĂŞt marginal de la Banque centrale europĂ©enne majorĂ© de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Dit

a)  que l’Etat dĂ©fendeur doit verser au requĂ©rant, dans les trois mois Ă  compter du jour oĂą l’arrĂŞt sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă  l’article 44 Â§ 2 de la Convention, les sommes:

i.  110 000 EUR (cent dix mille euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t, pour dommage matĂ©riel ;

ii.  10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t, pour dommage moral ;

iii.  15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t au requĂ©rant, pour frais et dĂ©pens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit dĂ©lai et jusqu’au versement, ces montants seront Ă  majorer d’un intĂ©rĂŞt simple Ă  un taux Ă©gal Ă  celui de la facilitĂ© de prĂŞt marginal de la Banque centrale europĂ©enne applicable pendant cette pĂ©riode, augmentĂ© de trois points de pourcentage ;

 

2.  Rejette la demande de satisfaction Ă©quitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 juin 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-Passos                                                         Françoise Tulkens
    Greffière adjointe                                                                     Présidente