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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Seconda Sezione)

 

 

24 luglio 2012

 

 

 

 

AFFAIRE FENDI ET SPERONI c. ITALIE

 

(RequĂŞte n. 37338/03)

 

 

 

ARRĂŠT

(Satisfaction Ă©quitable)

 

 

 

 

STRASBOURG

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Fendi et Speroni c. Italie,

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme (deuxième section), siĂ©geant une chambre composĂ©e de :

          Françoise Tulkens, présidente,
          Danutė Jočienė,
          Dragoljub Popović,
          Işıl Karakaş,
          Guido Raimondi,
          Paulo Pinto de Albuquerque,
          Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 juillet 2012,

Rend l’arrĂŞt que voici, adoptĂ© Ă  cette date :

PROCÉDURE

1A l’origine de l’affaire se trouve une requĂŞte (no 37338/03) dirigĂ©e contre la RĂ©publique italienne et dont deux ressortissants de cet État, M. Candido Speroni et Mme Carla Fendi (« les requĂ©rants Â»), ont saisi la Cour le 25 novembre 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des LibertĂ©s fondamentales (« la Convention Â»).

2.  Par un arrĂŞt du 5 octobre 2006 (« l’arrĂŞt au principal Â»), la Cour a jugĂ© que l’ingĂ©rence litigieuse n’était pas compatible avec le principe de lĂ©galitĂ© et qu’elle avait donc enfreint le droit au respect des biens des requĂ©rants (Fendi et Speroni c. Italie, no 37338/03, § 38, 5 octobre 2006).

3.  En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requĂ©rants rĂ©clamaient une satisfaction Ă©quitable Ă©gale Ă  la diffĂ©rence entre la valeur marchande du terrain dont ils avaient Ă©tĂ© privĂ©s, rĂ©Ă©valuĂ©e et assortie d’intĂ©rĂŞts, et le montant des indemnisations reconnues par la cour d’appel en application de la loi no 662 de 1996. Ils demandaient un dĂ©dommagement Ă  titre de prĂ©judice moral, ainsi qu’une somme Ă  titre de remboursement des frais encourus devant les juridictions internes puis devant la Cour.

4.  La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en Ă©tat, la Cour l’a rĂ©servĂ©e et a invitĂ© le Gouvernement et les requĂ©rants Ă  lui soumettre par Ă©crit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment Ă  lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, point 4 b) du dispositif).

5 Le délai fixé pour permettre aux parties de parvenir à un accord amiable était venu à échéance sans que les parties n’aboutissent à un tel accord.

6.   Le 12 mars 2007, le prĂ©sident de la chambre a dĂ©cidĂ© de demander aux parties de nommer chacune un expert chargĂ© d’évaluer le prĂ©judice matĂ©riel et de dĂ©poser un rapport d’expertise avant le 14 juin 2007.

7.  Lesdits rapports d’expertise ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s dans le dĂ©lai imparti.

8.  A la suite de la modification de la composition des sections de la Cour, la prĂ©sente requĂŞte a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  la deuxième section ainsi remaniĂ©e.

EN FAIT

9.  Les faits survenus après l’arrĂŞt au principal peuvent se rĂ©sumer comme suit.

10.  Le 18 mars 2010, la cour d’appel de Rome condamna l’administration Ă  payer aux requĂ©rants une somme correspondant Ă  la valeur vĂ©nale du terrain plus l’indemnitĂ© d’occupation. Cette somme devait ĂŞtre rĂ©Ă©valuĂ©e et assortie d’intĂ©rĂŞts. Par consĂ©quent, la cour ordonna Ă  l’administration de payer aux requĂ©rants 1 740 028,38 EUR plus les intĂ©rĂŞts Ă  partir du 5 novembre 1993.

EN DROIT

11.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour dĂ©clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă  la partie lĂ©sĂ©e, s’il y a lieu, une satisfaction Ă©quitable. Â»

A.  Dommage matĂ©riel

12.  Les requĂ©rants dans leur requĂŞte sollicitent le versement de la somme de 1 410 000 EUR, Ă©gale Ă  la diffĂ©rence entre la valeur marchande du terrain dont ils ont Ă©tĂ© privĂ©s, rĂ©Ă©valuĂ©e et assortie d’intĂ©rĂŞts, et le montant des indemnisations reconnues par la cour d’appel en application de la loi no 662 de 1996, par arrĂŞt du 31 juillet 2000.

13.  Le Gouvernement reconnaĂ®t que l’effacement des consĂ©quences de la violation doit consister en un dĂ©dommagement intĂ©gral, Ă©gal Ă  la valeur du terrain expropriĂ©, mais conteste les prĂ©tentions des requĂ©rants.

14.  La Cour rappelle qu’un arrĂŞt constatant une violation entraĂ®ne pour l’État dĂ©fendeur l’obligation de mettre un terme Ă  la violation et d’en effacer les consĂ©quences de manière Ă  rĂ©tablir autant que faire se peut la situation antĂ©rieure Ă  celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

15.  Elle rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 58858/00, 22 dĂ©cembre 2009), la Grande Chambre a modifiĂ© la jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les affaires d’expropriation indirecte. En particulier, la Grande Chambre a dĂ©cidĂ© d’écarter les prĂ©tentions des requĂ©rants dans la mesure oĂą elles sont fondĂ©es sur la valeur des terrains Ă  la date de l’arrĂŞt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour Ă©valuer le dommage matĂ©riel, du coĂ»t de construction des immeubles bâtis par l’État sur les terrains.

16.  Selon les nouveaux critères fixĂ©s par la Grande Chambre, l’indemnisation doit correspondre Ă  la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriĂ©tĂ©, telle qu’établie par l’expertise ordonnĂ©e par la juridiction compĂ©tente au cours de la procĂ©dure interne. Ensuite, une fois que l’on aura dĂ©duit la somme Ă©ventuellement octroyĂ©e au niveau national, ce montant doit ĂŞtre actualisĂ© pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi de l’assortir d’intĂ©rĂŞts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s’est Ă©coulĂ© depuis la dĂ©possession des terrains. Ces intĂ©rĂŞts doivent correspondre Ă  l’intĂ©rĂŞt lĂ©gal simple appliquĂ© au capital progressivement rĂ©Ă©valuĂ©.

17.  En l’espèce, les requĂ©rants ont perdu la propriĂ©tĂ© du leur terrain le 28 septembre 1983. La Cour observe qu’ils ont reçu au niveau national une somme correspondant Ă  la valeur vĂ©nale de leur terrain, rĂ©Ă©valuĂ©e et assortie d’intĂ©rĂŞts Ă  compter de la date de la perte de la propriĂ©tĂ©, (paragraphe 10 ci‑dessus). Selon elle, les intĂ©ressĂ©s ont ainsi dĂ©jĂ  obtenu une somme suffisante Ă  satisfaire les critères d’indemnisation suscitĂ©s.

B.  Dommage moral

18.  Les requĂ©rants demandent la somme de 80 000 EUR pour dommage moral.

19.  Le Gouvernement s’y oppose et estime qu’aucune somme n’est due au titre du prĂ©judice moral, puisque ce type de prĂ©judice ne saurait dĂ©couler de la violation de l’article 1 du Protocole no 1 mais uniquement de la violation du « dĂ©lai raisonnable Â».

20.  La Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face Ă  la dĂ©possession illĂ©gale de leurs biens a causĂ© aux requĂ©rants un prĂ©judice moral important, qu’il y a lieu de rĂ©parer de manière adĂ©quate.

21.  Statuant en Ă©quitĂ©, la Cour accorde conjointement aux requĂ©rants 15 000 EUR au titre du prĂ©judice moral.

C.  Frais et dĂ©pens

22.  Justificatifs Ă  l’appui, les requĂ©rants demandent 46 300 EUR pour les frais de procĂ©dure devant les juridictions internes puis la Cour.

23.  Le Gouvernement s’y oppose et observe que les prĂ©tentions des requĂ©rants sont exorbitantes.

24.  La Cour rappelle que l’allocation des frais et dĂ©pens au titre de l’article 41 prĂ©suppose que se trouvent Ă©tablis leur rĂ©alitĂ©, leur nĂ©cessitĂ© et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure oĂą ils se rapportent Ă  la violation constatĂ©e (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction Ă©quitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII).

25.  La Cour ne doute pas de la nĂ©cessitĂ© d’engager des frais, mais elle trouve excessifs les honoraires totaux revendiquĂ©s Ă  ce titre. Elle considère dès lors qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer un montant de 25 000 EUR pour l’ensemble des frais exposĂ©s.

D.  IntĂ©rĂŞts moratoires

26.  La Cour juge appropriĂ© de calquer le taux des intĂ©rĂŞts moratoires sur le taux d’intĂ©rĂŞt de la facilitĂ© de prĂŞt marginal de la Banque centrale europĂ©enne majorĂ© de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ

1.  Dit :

a)  que l’État dĂ©fendeur doit verser conjointement aux requĂ©rants, dans les trois mois Ă  compter du jour oĂą l’arrĂŞt sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă  l’article 44 Â§ 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i.  15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t, pour dommage moral ;

ii.  25 000 EUR (vingt-cinq mille euros), plus tout montant pouvant ĂŞtre dĂ» Ă  titre d’impĂ´t, pour frais et dĂ©pens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit dĂ©lai et jusqu’au versement, ces montants seront Ă  majorer d’un intĂ©rĂŞt simple Ă  un taux Ă©gal Ă  celui de la facilitĂ© de prĂŞt marginal de la Banque centrale europĂ©enne applicable pendant cette pĂ©riode, augmentĂ© de trois points de pourcentage ;

 

2.  Rejette la demande de satisfaction Ă©quitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 juillet 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

         Stanley Naismith   Françoise Tulkens
         Greffier                 Président