Corte
europea dei diritti dell’uomo
(Seconda Sezione)
24 giugno 2014
AFFAIRE ALBERTI c. ITALIE
(Requête no 15397/11)
ARRÊT
STRASBOURG
Cet
arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la
Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Alberti c.
Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant
en une chambre composée de :
Işıl Karakaş, présidente,
Guido Raimondi,
András Sajó,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Robert Spano,
Jon Fridrik
Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 juin 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve
une requête (no 15397/11) dirigée contre la République italienne et
dont un ressortissant de cet État, M. Dimitri Alberti (« le
requérant »), a saisi la Cour le 28 février 2011 en vertu de l’article 34
de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me A.
Mascia, avocate à Strasbourg. Le gouvernement italien
(« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme
E. Spatafora.
3. Le requérant allègue en particulier
avoir fait l’objet de mauvais traitements infligés par les carabiniers et de ne
pas avoir bénéficié d’une enquête conforme aux exigences de l’article 3 de la
Convention.
4. Le 14 mai 2012, la requête a été
communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I.
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1971 et
réside à Vérone. Au moment des faits il était sans domicile fixe.
A. L’arrestation du requérant
6. Le 11 mars 2010, vers 17
heures, le requérant se trouvait dans un bar à Cerea.
Il demanda à la gérante du bar, M.T., à pouvoir utiliser son téléphone portable
afin de passer un appel urgent. Celle-ci y consentit et lui prêta son
téléphone. Après quelques minutes, ayant remarqué que la conversation se
prolongeait, elle demanda au requérant de lui rendre le téléphone, mais
celui-ci refusa. Le requérant s’adressa à la gérante sur un ton arrogant et
provocateur, de sorte qu’un autre client du bar appela les carabiniers.
7. Après quelques minutes, deux
carabiniers, S.R. et L.B., arrivèrent sur les lieux et demandèrent au requérant
de présenter une pièce d’identité, ce qu’il refusa. Les carabiniers
enjoignirent au requérant de les suivre au poste mais l’intéressé refusa et se
mit à crier et à les insulter. Les carabiniers procédèrent alors à l’arrestation
en flagrant délit du requérant et l’amenèrent au poste de Cerea
(comando dei carabinieri)
en voiture.
8. Le procès-verbal relatif à l’arrestation
du requérant, daté du même jour, fait état de ce que S.R. et L.B. s’étaient
rendus sur les lieux à la demande d’une personne qui avait signalé que le
requérant était en train de menacer la gérante du bar. Arrivés sur place, ils
avaient vu que le requérant insultait la gérante. Invité à présenter une pièce
d’identité, le requérant avait refusé et – défiant leur présence (sprezzante della loro presenza) – il s’était
assis sur une chaise et avait résisté passivement. Invité à nouveau à présenter
une pièce d’identité par les deux carabiniers, le requérant avait répondu
« j’ai une maîtrise en droit et vous ne pouvez rien me demander, je peux
faire ce que je veux et vous ne devez pas me casser les c.(....).
Je suis dans ce café, je lis un livre et vous me cassez les c.(...)
». Étant donné le refus du requérant et vu la présence d’autres clients dans le
café, les carabiniers demandèrent au requérant de sortir du bar pour le
conduire au poste. Le requérant refusa, il s’adressa à L.B. et le menaça en lui
disant « je te tue, je tue ta fille et ta femme, je te trouverai car je
suis dans les parages et je viendrai te chercher pour te tuer ».
Soudainement, le requérant essaya de frapper L.B. ; il n’y arriva pas
grâce à la prompte réaction de S.R. Les deux carabiniers étaient parvenus
difficilement (a fatica) à le maîtriser grâce à la pose de menottes. Une
fois sorti du bar, alors qu’il montait dans la voiture des carabiniers, le
requérant avait essayé de se débattre et de frapper L.B. au visage. Ce dernier
avait réussi à éviter le coup. Pendant le trajet vers le poste des carabiniers,
le requérant avait continué à invectiver et à menacer les carabiniers. Arrivé à
la station, le requérant avait été identifié. Il maintenait une conduite
agressive et violente au motif qu’il s’agitait par terre, qu’il proférait des
phrases injurieuses et menaçantes envers tous et il tentait de donner des coups
de pieds à ceux qu’il voyait. À l’aide d’autres membres du personnel, les
carabiniers étaient parvenus à faire entrer le requérant dans la cellule de
sûreté (camera di sicurezza).
Le requérant s’infligea des blessures en donnant des coups de tête dans la
porte de la cellule. Les carabiniers avaient contacté le ministère public.
Celui-ci avait ordonné le placement du requérant en cellule de sûreté au poste
des carabiniers et son transfert au tribunal le lendemain matin, pour qu’il
soit présenté au juge en procédure de comparution immédiate (direttissima). À
la suite des coups reçus, L.B. s’était rendu à l’hôpital de Legnago,
où le médecin avait constaté des excoriations aux poignets, guérissables en
cinq jours. L.B. avait porté plainte contre le requérant pour les lésions
subies. Étant donné le flagrant délit (violence et menace dirigées contre un
officier public, opposition aux actes de l’autorité, outrage d’un officier
public, lésions corporelles simples, refus de fournir son identité), ainsi que
la gravité des faits reprochés, compte tenu de la dangerosité sociale de l’intéressé,
des graves soupçons pesant à son encontre, de son casier judiciaire et du fait
qu’il était sans domicile fixe, le requérant fut arrêté à 17h30.
En outre, le procès-verbal faisait état de ce
que le ministère public avait finalement décidé de transférer le requérant à la
maison d’arrêt de Vérone Montorio. Le lendemain matin,
l’intéressé serait conduit au tribunal de Vérone par le personnel de la prison.
9. Il ressort du dossier que M.G. – le
commandant du poste des carabiniers de Cerea –
contacta le ministère public pour savoir s’il pouvait conduire le requérant à
la maison d’arrêt de Vérone Montorio pour qu’il y passe
la nuit plutôt que dans un poste des carabiniers. Le ministère public refusa.
Le commandant décida alors de transférer le requérant pour la nuit au poste des
carabiniers de Legnago, et de s’arrêter en cours de
route aux urgences de l’hôpital de Legnago.
10. Le service des urgences de l’hôpital
de Legnago enregistra l’arrivée du requérant à 20h29.
Le certificat médical établi par le praticien du service des urgences mentionne
que le requérant avait été amené par les forces de l’ordre à cause de son état
d’agitation. Le diagnostic confirma l’agitation psychomotrice du
requérant. Par ailleurs, l’intéressé présentait un traumatisme crânien, un
hématome sur le front et des excoriations sur les mains. L’examen du thorax et
de l’abdomen ne révéla aucun problème (obiettività toracicoaddominale negativa).
Le médecin soigna la blessure au front et fit au requérant une injection
intraveineuse (Propofol 150 mg et Midazolam
3 mg[1])
afin d’obtenir la sédation de l’intéressé. Le pronostic pour la guérison fut
établi à « zéro jour ». La consultation se termina à 20h44 et
les carabiniers et le requérant quittèrent l’hôpital.
11. Une fois sortis de l’hôpital, les
carabiniers sollicitèrent pour la deuxième fois l’accord du ministère public
pour conduire le requérant à la maison d’arrêt de Vérone plutôt que dans une de
leurs casernes. A l’appui de leur demande, ils alléguaient que, malgré la
sédation, le requérant les menaçait de se venger et avait, de ce fait, toujours
une conduite agressive.
12. Le ministère public donna son
accord au placement du requérant à la maison d’arrêt de Vérone Montorio et les carabiniers l’y amenèrent.
13. Legnago
est situé à une distance de 44 kilomètres par la route par rapport à Vérone, et
de 51 kilomètres par rapport à Montorio. L’hôpital de
Legnago et le poste des carabiniers sis dans la même
ville sont à 1,7 km de distance.
14. Le Gouvernement a fait savoir que
les carabiniers n’ont pas rédigé de rapport de service concernant les
évènements du 11 mars 2010.
B. Le placement du requérant à la
maison d’arrêt de Vérone
15. À son entrée à la maison d’arrêt,
le requérant fut examiné par le service médical avant 22 heures (l’horaire
indiqué sur la fiche médicale est de 21h00 (...) – les minutes n’étant pas
lisibles). Il ressort du compte-rendu médical que le requérant était conscient,
lucide et tranquille. Il présentait un hématome sur le front au niveau de l’arcade
sourcilière droite ; que ses membres étaient mobiles ; qu’il n’y
avait pas de fractures manifestes ; qu’il y avait des égratignures sur les
mains ; qu’il n’y avait rien de pathologique à l’appareil uro-génital. Le
médecin prescrivit un médicament (nom illisible) sous forme de pilules. Il
ressort en outre d’un document manuscrit, non daté et vraisemblablement rédigé
par le même médecin qui rédigea la fiche relative à la consultation médicale,
que le requérant déclara avoir été frappé par les carabiniers durant l’arrestation
(nelle fasi dell’arresto) et qu’il ressentait des douleurs à la
quatrième et à la cinquième côte gauche.
16. Le requérant fut placé dans une
cellule individuelle, située dans un quartier de la prison où l’administration
pénitentiaire était certaine qu’il n’y aurait pas de risque de bagarres.
17. Le 13 mars 2010, en raison de
fortes douleurs à l’aine et au thorax, le requérant demanda à voir en urgence
le médecin de la prison. Ce dernier l’examina, rédigea un compte-rendu à 12h00
et envoya l’intéressé d’urgence à l’hôpital de Borgo Trento. Le requérant fut
examiné par un médecin des urgences de l’hôpital à 14h15. Les examens pratiqués
sur le requérant mirent en évidence la fracture de trois côtes et un hématome
du testicule gauche entraînant une incapacité temporaire totale de vingt jours.
Ces lésions étaient compatibles avec une origine traumatique.
18. Rentré à la maison d’arrêt le soir
du 13 mars 2010, le requérant déclara à la police pénitentiaire de la maison d’arrêt
de Vérone que les lésions qui venaient d’être constatées à l’hôpital lui
avaient été infligées par les carabiniers pendant qu’il était entre leurs
mains. Ces lésions avaient déjà été signalées au médecin de la prison au moment
de son arrivée le soir du 11 mars 2010. La déclaration faisait état de ce
que le requérant avait demandé à voir le médecin de la prison en urgence le 13
mars au matin et que celui-ci l’avait fait conduire à l’hôpital en fin de
matinée. Le requérant précisa que pendant son séjour à la maison d’arrêt, il n’avait
eu aucune bagarre ou accrochage, ce qui renforçait ses allégations selon
lesquelles ces lésions étaient survenues antérieurement.
19. Le 17 mars 2010, l’urologue
de l’hôpital examina le requérant et confirma que l’hématome au testicule
gauche pouvait résulter d’un traumatisme. Le 18 mars 2010, le requérant fut
conduit à nouveau à l’hôpital pour des examens radiologiques au thorax.
C. L’audience du 12 mars 2010
20. Le 12 mars 2010, le requérant
fut amené au tribunal de Vérone pour la validation de l’arrestation en flagrant
délit (menaces et résistance à l’égard de L.B. et S.R., ainsi que coups et
blessures infligées à L.B.) et pour la procédure de comparution immédiate (per direttissima).
Il était assisté d’un avocat commis d’office.
21. Pendant l’audience, le requérant
admit qu’il avait été verbalement agressif vis-à-vis des carabiniers mais nia
avoir été physiquement violent, arguant du fait qu’il avait été menotté tout le
temps. Il avait été agressé et frappé à répétition (ripetutamente) par les
carabiniers qui l’avaient menotté dans le dos. Il portait encore les traces des
menottes et avait les côtes cassées. Il savait que sa parole ne valait rien
face à celle d’un carabinier. Suite à cette plainte, le tribunal transmit le
dossier au procureur de la République.
22. Par ailleurs, le juge valida l’arrestation
et ordonna le placement du requérant en détention provisoire.
23. Les parties n’ont pas informé la
Cour sur l’issue de la procédure pénale ouverte à l’encontre du requérant.
D. L’enquête ouverte suite aux
déclarations de mauvais traitements
24. Le 16 mars 2010, l’administration
pénitentiaire de Vérone adressa au tribunal de Vérone un dossier concernant le
requérant au motif que celui-ci présentait au moment de son arrivée en prison
des signes des lésions. Le dossier contenait les déclarations du requérant et
les documents médicaux pertinents (paragraphes 15 et 17 ci-dessus).
25. Le 24 mars 2010, des poursuites
pour coups et blessures furent ouvertes contre X.
26. Pendant l’enquête, M.G., le
commandant du poste des carabiniers de Cerea, fut
entendu en tant que personne informée des faits. Il déclara se souvenir de l’état
agité du requérant et avait estimé que l’intéressé était vraisemblablement sous
l’effet de l’alcool. Bien que menotté, le requérant avait jeté sa tête contre
un mur et s’était blessé au front. Pour éviter que des doutes surgissent quant
à l’origine des blessures du requérant, M.G. avait décidé de le conduire à l’hôpital
de Legnago. Le requérant ne s’était pas plaint de
mauvais traitements. Une fois sorti de l’hôpital, pendant qu’il était conduit
vers les cellules de sûreté du poste des carabiniers de Legnago,
le requérant avait recommencé à donner des coups de pied, ce qui pour M.G.
indiquait que l’effet des calmants était déjà terminé. Ce n’est qu’au moment où
il avait été conduit à la maison d’arrêt de Vérone que le requérant avait dit
qu’il dénoncerait les coups subis lors de son arrestation. M.G. fit remarquer
que le requérant avait indiqué avoir été frappé par les carabiniers sans
fournir de précisions sur l’identité de ceux-ci. En outre, il était notoire que
l’intéressé s’adonnait à l’alcool.
27. La gérante du bar, M.T., fut
également entendue. Elle affirma que, le 11 mars 2010, le requérant était passé
en fin de matinée pour boire un café. Il était revenu dans l’après-midi et
avait demandé à pouvoir utiliser son portable pour un appel urgent. Lorsqu’elle
lui avait demandé le téléphone en retour, le requérant lui avait répondu sur un
ton de défi et de menace et avait ajouté qu’il ne craignait pas les carabiniers
au cas où elle souhaitait les appeler. Un des clients avait appelé les
carabiniers. Le requérant avait refusé de montrer ses papiers et avait essayé
de frapper l’un des carabiniers lorsque ceux-ci voulaient le menotter. Il avait
été nécessaire d’utiliser force et fermeté pour menotter le requérant.
Toutefois, les carabiniers n’avaient pas été violents.
28. Le carabinier L.B. ne fut pas entendu.
29. Le carabinier S.R. fut entendu en
tant que personne informée des faits. Avec L.B., il avait reçu l’ordre de se
rendre au bar T. car un individu dérangeait les clients et menaçait la gérante.
Arrivé sur place, S.R. avait constaté que le requérant avait une conversation
animée avec la gérante du bar. S.R. lui avait intimé de montrer ses papiers,
et, après trois refus, l’avait invité à le suivre au poste. S.R. relata les
mots du requérant (paragraphe 8 ci-dessus). Lorsque le requérant avait menacé
L.B. et avait tenté de le frapper au visage, ce geste avait laissé tout le
monde perplexe car L.B. n’avait rien dit et rien fait vis-à-vis de l’intéressé.
Les deux carabiniers avaient alors essayé de le maîtriser et avaient
réussi à le menotter nonobstant la résistance opposée. Pendant le trajet en
voiture, le requérant avait à nouveau proféré des menaces et avait tenté de
frapper L.B. avec les menottes, car il était assis dans le véhicule avec les
bras devant. Une fois au poste de Cerea, le requérant
s’était jeté par terre et avait tenté de donner des coups de pied à tous ceux
qui s’approchaient. À l’aide d’autres collègues, les carabiniers avaient réussi
à le maîtriser et à le placer en cellule de sûreté. Une fois enfermé, il avait commencé
à donner des coups avec son front et ses pieds contre la porte et les murs, en
se faisant une blessure au front. S.R. déclara qu’aucune violence n’avait été
utilisée envers le requérant et confirma que le magistrat avait été mis au
courant des réactions violentes et auto-mutilantes du requérant. Il avait, dans
un premier temps, refusé de placer le requérant à la maison d’arrêt de Vérone.
S.R. était alors resté au poste de Cerea, tandis que
le commandant M.G. accompagné de L.B. et G.D. étaient partis avec le requérant
en direction du poste des carabiniers de Legnago.
S.R. précisa que le requérant était connu comme quelqu’un de violent et qui s’adonnait
à l’alcool.
30. Enfin, l’autorité judiciaire
entendit le carabinier G.D. Ce dernier avait pris l’appel provenant du bar et
avait demandé à la patrouille de service d’intervenir. Au moment de son arrivée
au poste de Cerea, le requérant était menotté. Il s’était
mis à hurler et s’était jeté par terre. G.D. relata les coups de pied, les
insultes et les menaces à l’égard de L.B. G.D. était intervenu pour aider les
collègues et immobiliser le requérant qui avait été conduit en cellule de
sûreté. Retourné à son poste, il entendait le requérant qui hurlait des phrases
incohérentes et donnait des coups à la porte métallique de la cellule. G.D.
avait ensuite remarqué une blessure au front que le requérant n’avait pas à son
arrivée. Le commandant M.G. avait ordonné de préparer un véhicule pour
transférer le requérant au poste des carabiniers de Legnago,
ce qui était une procédure habituelle lorsque le poste de Cerea
était fermé pour la nuit. G.D. était parti avec le commandant M.G. et LB.
Durant le trajet, M.G. avait ordonné de passer par l’hôpital de Legnago qui était sur le chemin. Le requérant avait fait l’objet
d’une sédation en raison de son agressivité et avait reçu des soins pour la
blessure au front. Lors de la consultation à l’hôpital le requérant n’était pas
menotté. Après les soins, les carabiniers avaient dû utiliser assez de force et
de fermeté pour pouvoir le menotter à nouveau. Une fois en voiture, M.G. avait
demandé pour la deuxième fois eu ministère public l’autorisation de conduire le
requérant à la maison d’arrêt de Vérone Montorio et
avait obtenu son accord. Le requérant avait été directement conduit à la maison
d’arrêt.
E. Le classement sans suite de l’enquête
31. Le 29 avril 2010, le
procureur de la République demanda au juge des investigations préliminaires
(GIP) de classer l’enquête. Selon lui, les éléments recueillis ne permettaient
pas d’engager une action pénale. Les faits relatés par le requérant n’étaient
corroborés par aucun des témoignages. La gérante du bar avait déclaré que le
requérant, au moment de l’arrestation, était très agité, agressif et insultant
à l’égard des carabiniers et d’elle-même et qu’il n’y avait pas eu de
comportements violents de la part de carabiniers. Selon le procureur, la nature
des blessures du requérant était compatible avec l’intervention des carabiniers
pour maîtriser son agressivité et pour se défendre au moment où ils le
menottaient pour le conduire dans la cellule de sûreté.
Ensuite, il fallait prendre en compte le fait
que la crédibilité du requérant était entachée en raison de son casier
judiciaire, par ses antécédents et par sa personnalité. Il ressortait en fait d’un
compte-rendu rédigé par une psychothérapeute, que fin 2009-début 2010, le
requérant avait vécu dans une communauté d’accueil. L’intéressé était atteint d’un
trouble de la personnalité qui le rendait antisocial, intolérant aux règles de
la cohabitation et provocateur. Il avait abusé deux fois de l’alcool et avait
été admis d’urgence à l’unité psychiatrique de l’hôpital suite à une rixe dans
un bar avec des immigrés. Le séjour en communauté avait pris fin le jour où le
requérant avait agressé verbalement un autre hôte et avait provoqué une rixe.
Il ressortait en outre d’une note rédigée par la police judiciaire le 21 avril
2010 que le requérant devenait agressif sous l’effet de l’alcool et cherchait
la vengeance. Il avait une personnalité difficile, car il était incapable d’avoir
de bonnes relations avec les autres ; il provoquait des rixes et, entre le
17 et le 18 février 2010, les carabiniers avaient été appelés trois fois. Selon
la police, il se pouvait que les lésions du requérant soient la conséquence de
quelque rixe ayant eu lieu avant l’arrestation et que le requérant ait décidé
de les utiliser comme prétexte pour se venger des carabiniers venus l’arrêter
au bar. En outre, le requérant avait parlé des coups prétendument subis
seulement pendant le trajet vers la prison de Montorio,
et avait menacé les carabiniers de les dénoncer. Enfin, il ressortait du casier
judiciaire du requérant qu’il avait été condamné pour les infractions suivantes
: conduite en état d’ébriété en 1995, 2000 et 2005 ; résistance à l’autorité
et coups et blessures en 2006 ; mauvais traitements en 2008.
32. Le requérant fit opposition à la
demande de classement du procureur. Il arguait que ses lésions n’avaient pas
été provoquées au moment où les carabiniers étaient dans le bar mais plus tard,
de sorte que le témoignage de la gérante ne voulait rien dire. Il se pouvait
que les carabiniers aient eu recours à la violence pendant le trajet vers le
poste de Cerea, au poste lui-même pendant qu’il se
trouvait en cellule de sûreté, pendant le trajet vers Legnago
ou pendant le trajet vers la maison d’arrêt de Vérone. Les lésions encourues
étaient attestées par les certificats médicaux de l’hôpital de Borgo Trento et
du médecin de la prison de Vérone Montorio. Il s’agissait
de lésions souvent observées chez les gens arrêtés et menottés. Les lésions
litigieuses ne pouvaient être le résultat d’une automutilation, car il n’était
pas crédible qu’on puisse se casser trois côtes et se faire un hématome au
testicule en se jetant contre le mur. Invoquant l’article 3
de la Convention et rappelant l’obligation positive de conduire une enquête
officielle effective visant à l’identification et à la punition des
responsables, le requérant demandait : à être entendu ; une expertise
pour vérifier la compatibilité de ses lésions avec l’action des
carabiniers ; qu’une expertise soit faite sur les lésions prétendument
infligées par lui au carabinier L.B. ; d’entendre à nouveau la gérante du bar
et d’entendre les autres clients afin de vérifier comment le requérant avait
été menotté ; que le résultat du test d’alcoolémie du 11 mars 2010 fait à l’hôpital
de Legnago soit versé au dossier. Le requérant
rappela en outre que L.B. n’avait pas été entendu, tout comme les médecins.
33. Par une ordonnance du 1er
septembre 2010, le GIP de Vérone classa l’enquête sans suite. En utilisant un
formulaire standard pré-rempli, le GIP estima que les allégations du requérant
n’étaient pas prouvées et que les compléments d’enquête demandés par celui-ci n’étaient
pas pertinents. En effet, l’élément décisif était le témoignage de la gérante
du bar, seul témoin étranger aux faits. Le GIP adhérait ainsi complètement au
raisonnement formulé par le procureur de la République.
EN DROIT
I. SUR
LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
34. Le requérant allègue avoir été
victime de traitements inhumains ou dégradants de la part des carabiniers qui l’ont
arrêté. Il fait valoir également que les autorités nationales ont manqué à leur
obligation de mener une enquête diligente, rapide et indépendante sur ses
allégations de mauvais traitements. Le requérant invoque l’article 3 de la
Convention, ainsi libellé :
« Nul
ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants. »
35. Le Gouvernement s’oppose à la thèse
du requérant.
A. Grief tiré du volet matériel de l’article
3
1. Sur la recevabilité
36. La Cour constate que ce grief n’est
pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention.
Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
Il convient donc de le déclarer recevable.
2. Sur le fond
a) Thèses
des parties
37. Le requérant observe d’emblée que
le Gouvernement n’a pas fourni d’explications convaincantes quant à l’origine
des lésions qu’il a encourues et qui ont été constatées tant à la maison d’arrêt
de Vérone qu’à l’hôpital de Borgo Trento. En effet, dans le bar en question,
les carabiniers n’eurent pas recours à la violence, comme cela fut confirmé par
le témoignage de la gérante du bar. Le requérant fut menotté et sortit du bar,
indemne. La violence survint par la suite.
Toujours menotté, le requérant fut conduit au
poste des carabiniers de Cerea. Il resta menotté dans
le dos jusqu’à son transfert à l’hôpital de Legnago
(20h29). Dans une telle situation, le requérant ne pouvait pas être considéré
comme posant une menace, les carabiniers avaient le contrôle total sur lui et
la violence qui fut employée fut sans justification. Le requérant estime que
les mauvais traitements lui furent infligés dans une cellule de sureté, au
poste des carabiniers de Cerea.
Par ailleurs, le requérant souligne que les
lésions qu’il a encourues, bien que guérissables en 20 jours, atteignent le
seuil de gravité suffisant pour tomber sous le coup de l’article 3 de la
Convention (Rivas c. France, no 9584/00,
§ 39, 1er avril 2004). Elles étaient aptes à provoquer des
souffrances physiques et mentales et à créer des sentiments de peur, d’angoisse
et d’infériorité propres à humilier, avilir et briser éventuellement sa
résistance physique et mentale.
38. Le Gouvernement soutient que les
allégations du requérant n’ont aucun fondement car, d’une part, elles ne sont
pas corroborées par des éléments de preuve et, d’autre part, elles sont
ambiguës. À cet égard, le Gouvernement observe que, devant les juridictions
nationales, le requérant n’a pas donné d’indications précises quant au lieu où
se serait déroulé l’épisode violent ; il a au contraire déclaré que les
actes de violence pouvaient avoir eu lieu au poste des carabiniers ou lors des
trajets en voiture. Devant la Cour, il soutient par contre que les mauvais
traitements lui ont été infligés en cellule de sûreté.
Il conviendrait également de prendre en compte
le casier judiciaire du requérant et le tempérament violent, provocateur et
colérique de l’intéressé. Dans le bar en question, le requérant a eu un
comportement arrogant, a été menaçant et s’est opposé violemment à l’intervention
des carabiniers. Ces circonstances sont clairement établies par les témoins et
les pièces versées au dossier. Les circonstances de l’espèce appelaient donc à
l’usage de la force physique à l’encontre du requérant. Le recours à la force
par les carabiniers a été légitime au vu de la conduite du requérant et de la
résistance physique opposée par celui-ci.
S’agissant des lésions que le requérant a
encourues, le Gouvernement estime que le minimum de gravité n’est pas atteint,
car il n’y a pas eu de perte fonctionnelle durable. Au demeurant, les
certificats médicaux n’indiquent nullement la cause probable des blessures.
Quant à l’origine des lésions en question, selon le Gouvernement toutes les
lésions encourues par le requérant, telles qu’elles ont été constatées à la
maison de d’arrêt de Vérone et à l’hôpital de Borgo Trento, sont compatibles
avec le corps-à-corps nécessaire pour menotter le requérant. Elles ont dès lors
été occasionnées par les carabiniers à la suite d’un usage de la force
nécessaire et proportionné en vue de maîtriser et menotter le requérant afin de
le conduire en cellule de sûreté.
En conclusion, le Gouvernement estime que les
allégations du requérant n’ont pas été prouvées au-delà de tout doute
raisonnable.
b) Appréciation
par la Cour
i. Principes généraux
39. La Cour rappelle que l’article 3
consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans
les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et
le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les
peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 3 ne prévoit pas de
restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de
la Convention et des Protocoles nos 1 et 4, et d’après l’article 15 § 2
il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de
la nation (Selmouni c. France [GC], no
25803/94, § 95, CEDH 1999-V).
40. Un mauvais traitement doit
atteindre un minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’article 3. L’appréciation
de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des
données de la cause et, notamment, de la durée du traitement, de ses effets
physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de
santé de la victime. Pour apprécier les éléments qui lui permettent de dire s’il
y a eu violation de l’article 3, la Cour se rallie au principe de la preuve
« au-delà de tout doute raisonnable », mais ajoute qu’une telle
preuve peut résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées,
suffisamment graves, précis et concordants (Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, CEDH 2006‑IX ;
Ramirez Sanchez c. France [GC], no
59450/00, § 117, CEDH 2006‑IX).
41. En cas d’allégations sur le
terrain de l’article 3 de la Convention, la Cour doit se livrer à un examen
particulièrement approfondi (Vladimir
Romanov c. Russie, no 41461/02, § 59,
24 juillet 2008). Lorsqu’il y a eu une procédure interne, il n’entre
toutefois pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre vision
des choses à celle des cours et tribunaux internes, auxquels il appartient en
principe de peser les données recueillies par eux (Jasar c. l’ex-République yougoslave de Macédoine, no
69908/01, § 49, 15 février 2007). Même si les constatations des
tribunaux internes ne lient pas la Cour, il lui faut néanmoins des éléments
convaincants pour pouvoir s’écarter des constatations auxquelles ils sont
parvenus.
42. Un État est responsable de toute
personne placée en garde à vue car cette dernière est
entièrement aux mains des fonctionnaires de police. Lorsque les évènements en
cause, dans leur totalité ou pour une large part, sont connus exclusivement des
autorités, comme dans le cas des personnes soumises à leur contrôle, toute
blessure survenue pendante cette période donne lieu à de fortes présomptions de
fait. Il incombe au Gouvernement de produire des preuves établissant des faits
qui font peser un doute sur le récit de la victime (Tomasi c. France, no 12850/87, §§ 108-111, 27 août 1992 ;
Rivas, précité, § 38).
Quelle que soit l’issue de la procédure engagée au plan interne, un constat de
culpabilité ou non ne saurait dégager l’État défendeur de sa responsabilité au
regard de la Convention ; c’est à lui qu’il appartient de fournir une
explication plausible sur l’origine des blessures, à défaut de quoi l’article 3
trouve à s’appliquer (Selmouni, précité, §
87 ; Dembele c. Suisse, no 74010/11,
§ 40, 24 septembre 2013).
43. En ce qui concerne la question
particulière des violences survenues lors de contrôles d’identités ou d’interpellations
opérés par des agents de police, la Cour rappelle que le recours à la force
doit être proportionné et nécessaire au vu des circonstances de l’espèce (voir,
parmi beaucoup d’autres, Rehbock c. Slovénie, no 29462/95,
§ 76, CEDH 2000-XII ; Altay c. Turquie,
no 22279/93, § 54, 22 mai 2001). Par ailleurs, lorsqu’un
individu se trouve privé de sa liberté, l’utilisation à son égard de la force
physique alors qu’elle n’est pas rendue strictement nécessaire par son
comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une
violation du droit garanti par l’article 3 (Ribitsch c. Autriche, arrêt du 4 décembre 1995, série A no 336,
§ 38, et Tekin c. Turquie, arrêt du
9 juin 1998, Recueil
1998-IV, §§ 52-53).
44. La Cour a déjà admis qu’en présence d’une
résistance physique ou d’un risque de comportements violents de la part des
personnes contrôlées, une forme de contrainte de la part des agents de police
était justifiée (voir, parmi d’autres, Klaas c. Allemagne,
22 septembre 1993, § 30, série A no 269 ; Sarigiannis c. Italie, no 14569/05, §
61, 5 avril 2011). La Cour est arrivée aux mêmes conclusions dans des cas de « résistance
passive » à une interpellation (Milan
c. France, no 7549/03, § 59, 24 janvier 2008), de tentative
de fuite face à la force publique (Caloc c. France, no 33951/96,
§§ 100-101, CEDH 2000‑IX) ou d’un refus de fouille de la part d’un
détenu (Borodin c. Russie, no 41867/04,
§§ 119-121, 6 novembre 2012). Il appartient dès lors à la Cour de
rechercher si la force utilisée dans ce type de situations est proportionnée au
but recherché. À cet égard, la Cour attache une importance particulière aux
blessures qui ont été occasionnées aux personnes objet de l’intervention et aux
circonstances précises dans lesquelles elles l’ont été (voir, parmi d’autres, R.L. et M.-J.D., R.L.
et M.-J.D. c. France, no 44568/98, § 68, 19 mai
2004 ; Rehbock,
précité, § 72 ; Klaas, précité, §§ 26-30).
ii. Application de ces principes au cas d’espèce
45. La Cour relève d’emblée que le
constat médical établi à l’hôpital de Borgo Trento fait état de la fracture de
trois côtes et d’un hématome à un testicule et de ce que ces lésions sont
compatibles avec une origine traumatique (paragraphe 17 ci-dessus). Aux yeux de
la Cour, les lésions encourues par le requérant, guérissables en vingt jours,
dépassent sans aucun doute le seuil de gravité exigé pour que le traitement qui
lui a été infligé tombe sous le coup de l’article 3 de la Convention.
46. Les parties s’accordent pour dire
que les lésions en question ont été occasionnées avant l’arrivée du requérant à
la maison d’arrêt de Vérone. En effet, le requérant y a été détenu à l’isolement
pour éviter tout risque de bagarres (paragraphe 16 ci-dessus) et il avait déjà
dénoncé les mauvais traitements subis et les douleurs aux côtes au moment de
son arrivée à la maison d’arrêt au soir du 11 mars 2010 (paragraphe 15
ci-dessus).
47. Pour le Gouvernement, les lésions
subies par le requérant, telles qu’elles ont été constatées à la maison d’arrêt
de Vérone et à l’hôpital de Borgo Trento, ont été occasionnées par les
carabiniers à la suite d’un usage de la force nécessaire et proportionné en vue
de maîtriser et menotter le requérant afin de le conduire en cellule de sûreté.
Pour le ministère public qui a demandé le classement de l’enquête et pour le
juge des investigations préliminaires qui l’a classée, il y a également eu
usage proportionné de la force à laquelle les carabiniers ont dû avoir recours
dans le bar pour maîtriser l’agressivité du requérant et pour se défendre au
moment où ils le menottaient pour le conduire dans la cellule de sûreté. À cet
égard, le rôle décisif a été joué par le témoignage de la gérante du bar.
48. La Cour ne partage pas la thèse
selon laquelle les lésions résulteraient de la force utilisée lors de l’arrestation
du requérant dans le bar. En effet, il ressort du témoignage de la gérante du
bar (paragraphe 27 ci-dessus) que s’il avait bien été nécessaire d’utiliser
force et fermeté de la part des carabiniers pour maîtriser et menotter le
requérant, il n’y avait en tout cas pas eu de violence. Aux yeux de la Cour,
des manœuvres d’immobilisation effectuées par des professionnels, destinées à
menotter sans violence l’intéressé n’ont pu provoquer la fracture de trois
côtes et un hématome à un testicule. Par conséquent, la force employée par les
carabiniers au moment de l’immobilisation et de la pose des menottes ne peut
pas être à l’origine des lésions litigieuses.
49. Il en découle que les lésions
litigieuses ont été occasionnées après la pose des menottes, une fois que le
requérant était sorti du bar en question et était monté à bord de la voiture
des carabiniers le conduisant au poste de Cerea. La
période pendant laquelle le requérant est resté dans les mains des carabiniers
et au cours de laquelle l’épisode violent est survenu – soit entre la sortie du
bar et l’arrivée à la maison d’arrêt de Vérone – s’étend sur environ quatre
heures.
50. La Cour note que les carabiniers
ont déclaré qu’au poste de Cerea, le requérant avait
eu une conduite auto-mutilante. Il s’était jeté de façon répétée contre le mur
et contre la porte de la cellule de sûreté, et s’était ainsi infligé lui-même
les blessures (paragraphes 26, 29 et 30 ci-dessus). La Cour estime que cette
explication n’est pas convaincante. Elle a en effet du mal à imaginer qu’en se
conduisant de la façon décrite ci-dessus, le requérant ait pu s’occasionner les
fractures de trois côtes et un hématome au testicule. Il convient dès lors d’écarter
la thèse selon laquelle le requérant serait lui-même à l’origine des blessures
litigieuses.
51. La Cour relève
ensuite que les carabiniers qui ont été entendus en tant que personnes
informées des faits, ont expliqué qu’il aurait été nécessaire de recourir à la force
non seulement pour maitriser et menotter le requérant au bar en vue de le
conduire au poste de Cerea, mais aussi ultérieurement
: au poste même, pour faire entrer le requérant en cellule de sûreté ;
pendant le trajet vers l’hôpital de Legnago ; à
sa sortie de l’hôpital de Legnago, lorsqu’il a été
question de le menotter à nouveau (paragraphes 26 et 30 ci-dessus).
52. Dans l’hypothèse où l’épisode
violent à l’égard du requérant serait survenu avant qu’il ne soit conduit à l’hôpital
de Legnago, il est surprenant que les lésions en
question n’aient pas été constatées par ce même hôpital. En effet, le
diagnostic a exclu des problèmes au thorax et a fait état seulement d’un
traumatisme crânien, d’une blessure au front, d’excoriations aux mains et d’un
état d’agitation psychomotrice. Il y aurait donc eu une grossière erreur d’évaluation
de la part du personnel médical.
53. Il est toutefois plus plausible que
le recours à la violence ait eu lieu – à un endroit non identifié – une fois la
sédation de l’intéressé pratiquée. Il est difficile d’imaginer que, dans une
telle situation, l’intéressé ait pu conserver une agressivité justifiant une
réaction musclée de la part des carabiniers pour lui reposer les menottes à la
sortie de l’hôpital. D’autant plus qu’environ une heure plus tard, lorsque le
requérant arriva à la maison d’arrêt de Vérone et fut vu par le médecin, ce
dernier le jugea comme étant conscient, lucide et tranquille (paragraphe 15
ci-dessus).
54. Indépendamment de la cause précise
et immédiate de la fracture des côtes du requérant et de l’hématome au
testicule, la Cour considère que les modalités d’intervention des carabiniers,
dans leur ensemble, révèlent un usage injustifié de la force. En effet, il n’est
pas contesté que le requérant n’était pas armé et qu’il est resté menotté
pendant toute la période litigieuse, sauf pendant la consultation qui a eu lieu
à l’hôpital de Legnago. De plus, jusqu’au moment de
son transfert vers l’hôpital, il se trouvait dans un poste des carabiniers.
Enfin, sorti de l’hôpital en question, sous l’effet de la sédation, il a été à
nouveau menotté et mis en voiture pour être conduit à la maison d’arrêt. Les
circonstances qui entourent les évènements au cœur du dossier ne sont connues
que par les personnes impliquées, de sorte que la question de savoir à quel
moment et pour quelles raisons les blessures litigieuses ont été provoquées
demeure non résolue. La Cour peut seulement constater que les blessures du
requérant sont survenues pendant les heures qu’il a passées entièrement sous le
contrôle des carabiniers, entre le moment où il a été mis en voiture pour être
conduit au poste de Cerea et le moment où il est
arrivé à la maison d’arrêt de Vérone et qu’aucune explication plausible n’a été
fournie par le Gouvernement. Ce constat suffit pour engager la responsabilité
de l’État.
55. Au vu de ce qui précède, la Cour
considère que les autorités nationales sont responsables de traitements
inhumains et dégradants contraires à l’article 3. Partant il y a eu violation
de l’article 3 de la Convention dans son volet matériel.
B. Grief tiré du volet procédural de l’article
3
56. Le requérant soutient que l’enquête
sur ses allégations de mauvais traitements n’a pas été menée avec diligence.
Elle a été classée sans suite en raison du manque de volonté manifeste d’établir
la vérité et de poursuivre les auteurs des faits.
57. Le Gouvernement s’oppose à cette
thèse.
1. Sur la recevabilité
58. La Cour constate que le grief
soulevé par le requérant n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a)
de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il
convient donc de le déclarer recevable.
2. Sur le fond
a) Thèses
des parties
59. Le requérant observe que, depuis le
début, les autorités nationales ont fait preuve d’inertie et d’un manque
manifeste de volonté d’établir la vérité et de poursuivre les auteurs des
faits. Les auteurs des lésions encourues par le requérant ne furent jamais
identifiés. En dépit des indications de l’intéressé consignées dans sa demande
d’opposition au classement sans suite, l’autorité judiciaire a mal apprécié les
preuves en ne tenant pas compte de tous les éléments factuels du dossier,
notamment en n’auditionnant pas tous les carabiniers intervenus sur les lieux,
ni l’intéressé, ni les médecins, et en n’ordonnant pas d’expertise médico-légale.
En particulier, l’autorité judiciaire n’a pas entendu le
requérant ; n’a pas ordonné d’expertise médicale afin de voir – entre
autres éléments – si les lésions encourues par le carabinier L.B. étaient
compatibles avec le comportement prétendument violent du requérant ; elle
n’a pas entendu une deuxième fois la gérante du bar pour vérifier la manière
dont le requérant avait été menotté au moment de son interpellation ; n’a
pas entendu les autres clients présents dans le bar non plus à ce sujet ;
elle n’a pas ordonné que les résultats du test d’alcoolémie qui aurait été
effectué à l’hôpital de Legnago soient versés au
dossier.
Selon le requérant, l’autorité judiciaire a pris
en compte la thèse avancée par les carabiniers selon laquelle il s’était blessé
lui-même par des actes d’automutilation. La décision de classement sans suite a
en tout cas été rédigée sur un formulaire standard. En conclusion, le refus de
poursuivre les carabiniers donne à penser qu’il s’agit d’une volonté délibérée
et que l’enquête n’a pas été effective.
60. Le Gouvernement soutient que
le requérant n’a pas collaboré à l’enquête. Il s’est en fait borné à dénoncer
les traitements prétendument subis mais n’a pas déposé une plainte formelle et
circonstanciée, de sorte que l’enquête a été menée d’office à l’initiative des
autorités nationales. Dans cette situation, seuls les faits soumis à l’attention
de l’autorité judiciaire devaient être examinés. Le requérant s’est limité à
déclarer qu’il n’avait pas utilisé la violence physique à l’encontre des
carabiniers et qu’il avait été battu par ces derniers, sans préciser les
circonstances de lieu, de temps, ni les modalités et la description des
agresseurs présumés. Les déclarations du requérant étaient non seulement
imprécises mais également ambiguës. En effet, devant les juridictions
nationales le requérant a indiqué que la violence pouvait avoir eu lieu
lors de son transfert au poste de Cerea, ou en
cellule de sûreté, ou lors de son transfert à Legnago
ou encore lors de son transfert subséquent vers la maison d’arrêt de Vérone. En
conclusion, le requérant serait resté « spectateur » de la procédure.
Il est vrai que le requérant a demandé à être entendu et l’autorité judiciaire
ne l’a pas entendu. Cependant, l’intéressé avait la possibilité de décrire les
faits de manière précise et détaillée et il ne l’a pas fait. Par conséquent,
aucune inertie ne peut être reprochée aux juridictions nationales.
Le Gouvernement observe ensuite que l’ambiguïté
des déclarations du requérant est accrue par le fait que, devant la Cour, il a
indiqué que l’épisode violent a eu lieu dans une cellule de sûreté. Quant aux
actes d’instruction, il n’était pas nécessaire d’ordonner une expertise
médicale, car plusieurs certificats médicaux étaient disponibles. Ces derniers n’indiquent
par ailleurs nullement la cause probable des blessures du requérant. Il n’était
pas nécessaire non plus d’entendre une deuxième fois la gérante du bar afin de
savoir si le requérant avait vraiment été menotté dans le dos. La gérante du
bar avait déjà été entendue et il n’était pas essentiel d’entendre les autres
clients présents dans le bar. Quant au résultat du test d’alcoolémie qui aurait
été effectué à l’hôpital de Legnago, le requérant n’a
pas expliqué pourquoi ce résultat lui était nécessaire et il n’a pas démontré l’impossibilité
d’obtenir lui-même le résultat en question.
Le Gouvernement observe enfin que l’enquête a
été menée par la police judiciaire sous le contrôle direct du parquet. Les
cabiniers n’étaient pas impliqués dans la gestion de l’enquête.
b) Appréciation
de la Cour
Principes
généraux
61. La Cour rappelle que lorsqu’un
individu soutient de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d’autres
services comparables de l’État, un traitement contraire à l’article 3, cette
disposition, combinée avec le devoir général imposé à l’État par l’article 1 de
la Convention de « reconnaître à toute personne relevant de [sa]
juridiction les droits et libertés définis (...) [dans la] Convention »,
requiert, par implication, qu’il y ait une enquête officielle effective. Cette
enquête doit pouvoir mener à l’identification et à la punition des
responsables. S’il n’en allait pas ainsi, nonobstant son
importance fondamentale, l’interdiction légale générale de la torture et des
peines et traitements inhumains ou dégradants serait inefficace en pratique, et
il serait possible dans certains cas à des agents de l’État de fouler aux
pieds, en jouissant d’une quasi-impunité, les droits des personnes soumises à
leur contrôle (Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre
1998, § 102, Recueil des arrêts et
décisions 1998‑VIII ; Corsacov c. Moldova,
no 18944/02, § 68, 4 avril 2006 ; Georgiy Bykov c. Russie, no 24271/03,
§ 60, 14 octobre 2010 ; El
Masri c. « l’ex‑République yougoslave
de Macédoine » [GC], no 39630/09, § 182, CEDH 2012).
62. L’enquête qu’exigent des
allégations graves de mauvais traitements doit être à la fois rapide et approfondie,
ce qui signifie que les autorités doivent toujours s’efforcer sérieusement de
découvrir ce qui s’est passé et qu’elles ne doivent pas s’appuyer sur des
conclusions hâtives ou mal fondées pour clore l’enquête ou fonder leurs
décisions (El Masri,
précité § 183 ; Assenov et autres,
précité, § 103, et Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96
et 57834/00, § 136, CEDH 2004‑IV). Les autorités doivent prendre toutes
les mesures raisonnables à leur disposition pour obtenir les preuves relatives
à l’incident en question, y compris, entre autres, les dépositions des témoins
oculaires et les expertises criminalistiques (El Masri, précité § 183 ; Tanrıkulu c. Turquie [GC], no
23763/94, § 104, CEDH 1999‑IV, et Gül c. Turquie, no
22676/93, § 89, 14 décembre 2000). Toute carence de l’enquête affaiblissant sa
capacité à établir les causes du dommage ou l’identité des responsables risque
de faire conclure qu’elle ne répond pas à la norme d’effectivité requise (El Masri,
précité § 183).
63. De plus, l’enquête doit être menée
en toute indépendance par rapport au pouvoir exécutif (Oğur c. Turquie [GC], no 21594/93, §§ 91-92, CEDH 1999‑III,
et Mehmet Emin Yüksel
c. Turquie, no 40154/98, § 37, 20 juillet 2004 ; El Masri,
précité § 184). L’indépendance de l’enquête suppose non seulement l’absence de
lien hiérarchique ou institutionnel, mais aussi une indépendance concrète (Ergi c. Turquie, 28 juillet 1998, §§ 83-84,
Recueil 1998‑IV ; El Masri,
précité § 184).
64. Enfin, la victime doit être en
mesure de participer effectivement, d’une manière ou d’une autre, à l’enquête (El Masri,
précité § 185).
c) Application
de ces principes au cas d’espèce
65. La Cour note que le requérant a
dénoncé les violences subies durant les heures passées aux mains des
carabiniers au personnel médical de la maison d’arrêt de Vérone le soir du 11
mars 2010 ; à l’autorité judiciaire, le 12 mars 2010 ; et aux
autorités pénitentiaires, le 13 mars 2010. Ses allégations, corroborées par le
constat médical des lésions encourues par lui, ont amené l’autorité judiciaire
à ouvrir une enquête contre X en date du 24 mars 2010.
Le procureur de la République de Vérone chargé
de l’enquête a entendu, en tant que personnes informées des faits, quatre
témoins : la gérante du bar, un des carabiniers s’étant rendu sur les
lieux et deux autres carabiniers qui étaient présents ce soir-là au poste de Cerea, puis lors des transferts du requérant vers l’hôpital
de Legnago et vers la maison d’arrêt de Vérone. Le
requérant n’a pas été entendu. Le 29 avril 2010, le procureur de la République
a demandé le classement sans suite de l’enquête, au motif que les allégations
du requérant n’étaient pas prouvées et compte tenu de la personnalité et des
antécédents de l’intéressé. La conduite violente et menaçante du requérant à l’égard
de la gérante du bar et des carabiniers expliquait la force utilisée par ces
derniers afin de le menotter, sans qu’il ne soit cependant fait recours à la
violence. Les lésions encourues par le requérant découlaient de cette force
nécessaire et justifiée. Le 1er septembre 2010, le GIP de
Vérone a rejeté l’opposition du requérant et a classé sans suite l’enquête au
motif qu’il partageait entièrement les conclusions du procureur de la
République et que le témoignage décisif était celui de la gérante du bar.
66. La Cour remarque la superficialité
de l’enquête, à commencer par le fait que la victime des mauvais traitements n’a
même pas été entendue. Elle note qu’en dépit de la gravité des lésions
constatées à l’arrivée du requérant à la maison d’arrêt de Vérone et puis à l’hôpital
de Borgo Trento (trois côtes cassées et un hématome à un testicule), les
autorités judiciaires ont focalisé leur attention sur les évènements survenus
dans le bar. Elles ont estimé que les manoeuvres d’immobilisation
et la pose de menottes, qui avaient été effectuées sans violence, étaient à l’origine
des blessures encourues par le requérant. La Cour remarque que l’autorité judiciaire
n’a pas essayé de reconstituer les faits qui se sont déroulés ultérieurement
afin d’identifier l’origine et les responsables des lésions litigieuses.
67. La Cour relève ensuite la grande
importance qui a été attribuée par l’autorité judiciaire aux antécédents et à
la personnalité du requérant, ce qui a eu pour conséquence que l’intéressé et les
allégations de mauvais traitements qu’il a formulées ont été considérées comme
étant a priori peu crédibles
(paragraphe 32 ci-dessus).
68. S’agissant du caractère peu
détaillé des allégations du requérant, la Cour constate qu’à aucun moment les
autorités ne se sont penchées sur la question de savoir si la sédation dont l’intéressé
avait fait l’objet à l’hôpital de Legnago pouvait
avoir joué un rôle sur ses capacités à livrer un récit précis et circonstancié
des violences subies.
69. Au vu de ce qui précède, et sans qu’il
soit nécessaire de se pencher sur les autres défaillances de l’instruction
invoquées par le requérant, la Cour considère que l’enquête menée sur l’incident
du 11 mars 2010 n’a pas été menée avec la diligence nécessaire.
70. Partant, il y a eu violation du volet
procédural de l’article 3.
II. SUR
LES AUTRES VIOLATIONS
71. Le requérant dénonce une violation ultérieure de l’article 3 de la Convention au motif qu’il y aurait eu des
retards dans sa prise en charge médicale à la maison d’arrêt de Vérone. Il
allègue notamment avoir appelé en urgence le médecin de la prison et avoir dû
attendre des heures avant d’être conduit à l’hôpital.
72. Le Gouvernement conteste cette
thèse et fait remarquer que le requérant a été vu par un médecin le 11 mars
2010 à son arrivée vers 21h00 à la maison d’arrêt de Vérone. En outre, il a été
examiné en urgence le 13 mars 2010 au matin par le médecin de la
prison ; il a été conduit le même jour vers 14 heures à l’hôpital de Borgo
Trento pour une consultation en urgence et des examens. Ensuite, il a été
conduit dans ce même hôpital pour consultations et examens complémentaires les
17 et 18 mars 2010. Ceci montre que la prise en charge médicale du requérante a
été adéquate.
73. La Cour note qu’il ressort du
dossier que le requérant demanda à voir en urgence le médecin de la prison, en
raison de fortes douleurs, le matin du 13 mars 2010. Ce dernier l’examina,
rédigea un compte-rendu à 12h00 et envoya l’intéressé d’urgence à l’hôpital de
Borgo Trento. Le requérant fut examiné par un urgentiste de l’hôpital à 14h15.
Le soir, le requérant fut de retour à la maison d’arrêt. Compte tenu de ces
éléments, la Cour n’aperçoit pas de retards susceptibles d’engager la
responsabilité des autorités italiennes. Par ailleurs, elle prend en compte le
fait que le requérant a été à nouveau conduit à l’hôpital pour des examens
complémentaires de sorte que le suivi médical semble avoir été adéquat
également après le 13 mars 2010.
74. Dès lors, la Cour estime que cette
partie de la requête est manifestement mal fondée et qu’elle doit être déclarée
irrecevable conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR
L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
75. Aux termes de l’article 41 de la
Convention,
« Si
la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles,
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement
les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y
a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
76. Le requérant réclame 20 000
euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi. Il observe que les
circonstances de l’espèce ont été de nature à provoquer désespoir, angoisse et
tension.
77. Le Gouvernement réitère sa thèse
selon laquelle la requête est manifestement mal fondée. Subsidiairement, il
observe que les montants réclamés sont disproportionnés et que l’éventuel
constat de violation permettrait d’effacer parfaitement les conséquences de
celle-ci.
78. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer
au requérant 15 000 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
79. Le requérant demande également 9
500 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
80. Le Gouvernement estime qu’aucune
somme ne doit être octroyée et qu’en tout cas le montant réclamé n’est pas
proportionné aux circonstances de l’espèce.
81. Selon la jurisprudence de la Cour,
un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans
la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère
raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa
possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 4 000
EUR au titre des frais et dépens pour la procédure devant la Cour et l’accorde
au requérant.
C. Intérêts moratoires
82. La Cour juge approprié de calquer
le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt
marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de
pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête
recevable quant au grief concernant le traitement infligé par les carabiniers
et au grief tiré de l’absence d’une enquête effective et irrecevable pour
le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu
violation de l’article 3 de la Convention dans son volet matériel ;
3. Dit qu’il y a eu
violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural ;
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au
requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu
définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les
sommes suivantes :
i) 15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant
être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii) 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant
être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit
délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple
à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de
pourcentage ;
5. Rejette la demande
de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 juin 2014, en application
de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Abel Campos Işıl Karakaş
Greffier adjoint Présidente
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rapide. Le Midazolam a une action sédative et
hypnotique intense et de courte durée. Après une administration de Midazolam, apparaît une amnésie antérograde de courte
durée, à savoir le patient ne se souvient plus des évènements qui se sont
produits lors de l’activité maximale du produit.