Corte europea dei
diritti dell’uomo (Sezione II), 24 marzo 2009
(requête n. 38128/06)
AFFAIRE BEN SALAH c. ITALIE
DÉFINITIF
14/09/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Ben Salah c. Italie,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième
section), siégeant en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Danute Jociene,
Dragoljub Popovic,
András Sajó,
Isil Karakas, juges,
et de Sally Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13
octobre 2009,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3
mars 2009,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de
l’affaire se trouve une requête (no 38128/06) dirigée contre la
République italienne et dont un ressortissant tunisien, M. Ben Salah (« le requérant »), a
saisi la Cour le 25 septembre 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la
Convention »).
2. Le requérant est représenté par Mes S.
Clementi et B. Manara, avocats à Milan. Le gouvernement italien (« le
Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Spatafora
et par son co-agent adjoint, M. N. Lettieri.
3. Le requérant allégue
en particulier que la mise à exécution de la décision de l’expulser vers la
Tunisie violerait les articles 2 et 3 de la Convention et que cette décision ne
reposait pas sur des motifs de sécurité nationale.
4. Le 15 novembre 2006,
le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au
Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention, il a en outre
été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et
le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né
en 1976 et réside à Bologne.
A. Les poursuites et l’arrêté d’expulsion contre le requérant
6. Le requérant entra régulièrement en Italie en 2003.
7. En février 2006, il fut arrêté avec dix-sept autres
personnes dans le cadre d’une enquête de police concernant une association de
type terroriste. Le 11 avril 2006, le juge des investigations
préliminaires de Bologne rejeta la demande du parquet de mettre les prévenus en
détention provisoire, car il n’était pas établi que les accusés avaient formé
une association ayant pour but de commettre des actes de terrorisme. Le 27 juin 2006,
la chambre du tribunal de Bologne chargée de réexaminer les mesures de
précaution (tribunale della libertà e del riesame)
rejeta l’appel du parquet.
8. Le 1er septembre
2006, le ministre des Affaires intérieures ordonna l’expulsion du requérant
vers la Tunisie au sens de l’article 3 de la loi no 144 de 2005
(intitulée « Mesures urgentes pour combattre le terrorisme
international »). Observant qu’il ressortait du dossier de l’intéressé
qu’il avait joué un rôle significatif dans des organisations impliquées dans la
conception de projets subversifs et qu’il avait agi dans le but d’atteindre les
objectifs desdites organisations, le ministre conclut que ce comportement, par
lequel le requérant prêtait assistance au terrorisme islamiste, constituait un
trouble à l’ordre public et un danger pour la sûreté nationale.
9. Le 11 septembre 2006,
le préfet (Questore) de Bologne, relevant qu’un décret d’expulsion avait
été pris contre le requérant pour des raisons de sûreté nationale et de
protection de l’ordre public, révoqua le permis de séjour de celui-ci.
10. Le 12 septembre
2006, le requérant fut interpellé par des agents de police et transporté au
centre de rétention provisoire (Centro di Permanenza Temporanea) de
Ponte Galeria, à Rome.
11. Le 15 septembre
2006, la décision du ministre des Affaires intérieures fut validée par le juge
de paix de Rome, après examen de la légalité.
12. A la demande du
requérant, le 23 octobre 2006, la troisième section a décidé d’indiquer au
gouvernement italien, en application de l’article 39 du règlement de la Cour,
qu’il était souhaitable, dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la
procédure devant la Cour, de ne pas expulser le requérant vers la Tunisie
jusqu’à nouvel ordre. Il a appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que,
lorsqu’un Etat contractant ne se conforme pas à une mesure indiquée au titre de
l’article 39 du règlement, cela peut entraîner une violation de l’article 34 de
la Convention (voir Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos
46827/99 et 46951/99, §§ 128-129 et point 5 du dispositif, CEDH 2005-I).
B. Les assurances diplomatiques obtenues par les autorités
italiennes
13. Le 29 août 2008,
l’Ambassade d’Italie à Tunis adressa au ministère tunisien des Affaires
étrangères la note verbale (no 3124) suivante :
« L’Ambassade d’Italie
présente ses compliments au ministère des Affaires étrangères et se réfère à
ses propres notes verbales no 2738 du 21 juillet et no
2911 du 6 août derniers et à la visite en Tunisie de la délégation des
représentants des ministères italiens de l’Intérieur et de la Justice, tenue le
24 juillet dernier, concernant un examen des procédures à suivre au sujet des
recours pendants auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, présentés
par des citoyens tunisiens, ayant fait ou qui pourraient faire l’objet de
décrets d’expulsion.
L’Ambassade d’Italie remercie le
ministère des Affaires étrangères pour la note verbale DGAC no
011998 du 26 août dernier et par son biais le ministère de la Justice et des
droits de l’homme pour la concrète collaboration manifestée pour le cas de
M. Essid Sami Ben Khemais.
Conformément à ce qui avait été
convenu lors de la réunion du 24 juillet, les autorités italiennes ont
l’honneur de soumettre par voie diplomatique leur demande d’éléments
additionnels spécifiques, qui s’avèrent nécessaires dans le contentieux en
cours devant la Cour de Strasbourg entre l’Italie et les citoyens tunisien
cités ci-après (...): (...)
A cet effet, l’Ambassade d’Italie a l’honneur de demander au ministère
des Affaires étrangères de bien vouloir saisir les autorités tunisiennes
compétentes pour qu’elles puissent fournir par voie diplomatique les assurances
spécifiques sur chacun de ces appelants se rapportant aux arguments
suivants :
- en cas d’expulsion vers la Tunisie de l’appelant, dont les identités
seront spécifiées, il ne sera pas soumis à des tortures ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants ;
- qu’il puisse être jugé par un tribunal indépendant et impartial, selon
des procédures qui, dans l’ensemble, seront conformes aux principes d’un procès
équitable et public ;
- qu’il puisse, durant sa
détention, recevoir les visites de ses avocats y compris celui italien qui le
représente dans le procès devant la Cour de Strasbourg, ainsi que des membres
de sa famille et d’un médecin.
Puisque l’échéance pour la
présentation des observations du gouvernement italien à Strasbourg pour
lesdites affaires est fixée au 19 septembre prochain, l’Ambassade d’Italie
saurait gré au ministère des Affaires étrangères de bien vouloir lui faire
parvenir dans les plus brefs délais les éléments requis et essentiels à la
préparation de la défense du gouvernement italien et suggère que Mme
Costantini, premier secrétaire de [l’]ambassade, puisse se rendre au ministère de
la Justice et des droits de l’homme pour fournir tout éclaircissement opportun.
L’Ambassade d’Italie saurait gré en outre au ministère des Affaires
étrangères de bien vouloir vérifier si les autorités tunisiennes compétentes
jugeaient opportun que le gouvernement tunisien participe, pour lesdits
recours, aux procédures devant la Cour de Strasbourg, en tant que tiers, et ce,
conformément aux articles 36 [de la Convention], 44 du règlement de la Cour
[et] A1 paragraphe 2 de l’annexe au règlement.
L’Ambassade d’Italie remercie d’avance le ministère des Affaires
étrangères pour l’attention qui sera réservée à la présente note et saisit
l’occasion pour lui renouveler les assurances de sa haute considération. »
14. Le 5 novembre 2008, les autorités tunisiennes firent
parvenir leur réponse, signée par l’avocat général à la direction générale des
services judiciaires. En ses parties pertinentes, cette réponse se lit comme
suit :
« Dans sa note verbale en date du 29 août 2008, telle que complétée
par sa note verbale datée du 4 septembre 2008, l’ambassade d’Italie à Tunis a
sollicité, des autorités tunisiennes, les assurances, ci-après énumérées,
concernant les citoyens tunisiens Maher BEN SALAH [et autres] s’ils venaient à
être expulsés vers la Tunisie.
I. Les autorités tunisiennes
soulignent, tout d’abord, que les dénommés Maher BEN SALAH [et autres] ne font pas l’objet,
actuellement, de poursuites judiciaires en Tunisie. La justice tunisienne,
n’ayant aucune connaissance de leur éventuelle implication dans des faits
délictueux, n’a pas déclenché à leur encontre de poursuites pénales.
N’étant sous le coup d’aucune condamnation ou poursuites pénales, les
intéressés bénéficient, à l’instar de tout citoyen tunisien, et sur le même
pied d’égalité, de tous les droits qui leur sont reconnus par la constitution
tunisienne dont l’article 6 dispose que « tous les citoyens ont les mêmes
droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi ». L’article 7
de la Constitution ajoute qu’ils « exercent la plénitude de leurs droits
dans les formes et conditions prévues par la loi ». (...)
1. La garantie du respect de la dignité des intéressés :
Le respect de la dignité des intéressés est garanti, son origine réside
dans le principe du respect de la dignité de toute personne quelque soit l’état
dans lequel elle se trouve, principe fondamental reconnu par le droit tunisien
et garanti pour toute personne et plus particulièrement pour les détenus dont
le statut est minutieusement réglementé.
Il est utile à cet égard de rappeler que l’article 13 de la Constitution
tunisienne dispose dans son alinéa 2 que « tout individu ayant perdu sa
liberté est traité humainement, dans le respect de sa dignité ».
La Tunisie a par ailleurs ratifié sans réserve aucune la Convention des
Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. Elle a ainsi reconnu la compétence du comité contre la
torture pour recevoir et examiner les communications présentées par ou pour le
compte des particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes
de violation des dispositions de la Convention (ratification par la loi no
88-79 du 11 juillet 1988. Journal Officiel de la République tunisienne no
48 du 12-15 juillet 1988, page 1035).
Les dispositions de ladite Convention ont été transposées en droit
interne, l’article 101 bis du code pénal définit la torture comme
étant « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës,
physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux
fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou
des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est
soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur une tierce
personne, ou lorsque la douleur ou les souffrances aiguës sont infligées pour
tout autre motif fondé sur une forme de discrimination [quelle] qu’elle
soit ».
Le législateur a prévu des peines sévères pour ce genre d’infractions,
ainsi l’article 101 bis précité dispose qu’« est puni d’un
emprisonnement de huit ans le fonctionnaire ou assimilé qui soumet une personne
à la torture et ce, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses
fonctions ».
Il est à signaler que la garde à
vue est, selon l’article 12 de la Constitution, soumise au contrôle judiciaire
et qu’il ne peut être procédé à la détention préventive que sur ordre
juridictionnel. Il est interdit de soumettre quiconque à une détention
arbitraire. Plusieurs garanties accompagnent la procédure de la garde à vue et
tendent à assurer le respect de l’intégrité physique et morale du détenu dont
notamment :
-le droit de la personne gardée à
vue d’informer, dès son arrestation, les membres de sa famille ;
- le droit de demander au cours du
délai de la garde à vue ou à son expiration d’être soumis à un examen médical.
Ce droit peut être exercé le cas échéant par les membres de la famille ;
- la durée de la détention
préventive est réglementée, son prolongement est exceptionnel et doit être
motivé par le juge .
Il y a lieu également de noter que
[la] loi du 14 mai 2001 relative à l’organisation des prisons dispose dans son
article premier qu’elle a pour objectif de régir « les conditions de
détention dans les prisons en vue d’assurer l’intégrité physique et morale du
détenu, de le préparer à la vie libre et d’aider à sa réinsertion ».
Ce dispositif législatif est
renforcé par la mise en place d’un système de contrôle destiné à assurer le
respect effectif de la dignité des détenus. Il s’agit de plusieurs types de contrôles effectués par divers organes
et institutions :
- d’abord un contrôle judiciaire assuré par le juge d’exécution des
peines tenu, selon les termes de l’article 342-3 du code de procédure pénale
tunisien, [de] visiter l’établissement pénitentiaire relevant de son ressort pour
prendre connaissance des conditions des détenus, ces visites sont dans la
pratique effectuées en moyenne à raison de deux fois par semaine.
- ensuite un contrôle effectué par le comité supérieur des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, le président de cette institution
nationale indépendante peut effectuer des visites inopinées aux établissements
pénitentiaires pour s’enquérir de l’état et des conditions des détenus.
- également un contrôle administratif interne effectué par les services
de l’inspection générale du ministère de la Justice et des droits de l’homme et
l’inspection générale relevant de la direction générale des prisons et de la
rééducation. Il est à noter dans ce cadre que l’administration pénitentiaire
relève du ministère de la Justice et que les inspecteurs dudit ministère sont
des magistrats de formation ce qui constitue une garantie supplémentaire d’un
contrôle rigoureux des conditions de détention.
- Il faut enfin signaler que le comité international de la Croix-Rouge
est habilité depuis 2005 à effectuer des visites dans les lieux de détention,
prisons et locaux de la police habilités à accueillir des détenus gardés à vue.
A l’issue de ces visites des rapports détaillés sont établis et des rencontres
sont organisées avec les services concernés pour mettre en œuvre les
recommandations formulées par le comité sur l’état des détenus.
Les autorités tunisiennes rappellent qu’elles n’hésitent point à
enquêter sur toutes les allégations de torture chaque fois qu’il y a des motifs
raisonnables laissant croire qu’un acte de mauvais traitements a été commis. On
citera en illustration deux exemples :
- le premier exemple concerne trois agents de l’administration
pénitentiaire poursuivis pour voie de fait sur un détenu ; l’enquête
diligentée à cet effet a abouti à la condamnation de trois agents des prisons à
une peine d’emprisonnement de quatre ans chacun (arrêt de la cour d’appel de
Tunis rendu le 25 janvier 2002) ;
- le deuxième exemple concerne un agent de police condamné à 15 ans d’emprisonnement
pour coups et blessures volontaires ayant causé la mort sans intention de la
donner (arrêt rendu par la cour d’appel de Tunis le 2 avril 2002).
Ces deux exemples démontrent que les autorités tunisiennes ne tolèrent
aucun mauvais traitement et n’hésitent pas à engager les poursuites nécessaires
contre les agents de l’application de la loi chaque fois qu’il y a des motifs
raisonnables laissant croire que des actes de telle nature [ont]
été commis.
Les quelques cas de condamnation pour mauvais traitements ont été
signalés dans le rapport présenté par la Tunisie devant le Conseil des droits
de l’homme et devant le Comité des droits de l’homme dénotant ainsi de la
politique volontariste de l’Etat à poursuivre et réprimer tout acte de torture
ou de mauvais traitements, ce qui est de nature à réfuter toute allégation de
violation systématique des droits de l’homme.
(...)
2. La garantie
d’un procès équitable aux intéressés :
S’ils [sont] expulsés en Tunisie, les intéressés bénéficieront de
procédures de poursuite, d’instruction et de jugement offrant toutes les
garanties nécessaires à un procès équitable, notamment :
- le respect du principe de la séparation entre les autorités de
poursuite, d’instruction et de jugement ;
- l’instruction en matière de crimes est obligatoire. Elle obéit au
principe du double degré de juridiction (juge d’instruction et chambre
d’accusation) ;
- les audiences de jugement sont publiques et respectent le principe du
contradictoire ;
- toute personne soupçonnée de crime a obligatoirement droit à
l’assistance d’un ou plusieurs avocats. Il lui en est, au besoin, commis un
d’office et les frais sont supportés par l’Etat. L’assistance de l’avocat se
poursuit pendant toutes les étapes de la procédure : instruction
préparatoire et phase de jugement ;
- l’examen des crimes est de la compétence des cours criminelles qui
sont formées de cinq magistrats, cette formation élargie renforce les garanties
du prévenu ;
- le principe du double degré de juridiction en matière criminelle est
consacré par le droit tunisien. Le droit de faire appel des jugements de
condamnation est donc un droit fondamental pour le prévenu ;
- toute condamnation ne peut être rendue que sur la base de preuves
solides ayant fait l’objet de débats contradictoires devant la juridiction
compétente. Même l’aveu du prévenu n’est pas considéré comme une preuve
déterminante. Cette position a été confirmée par l’arrêt de la Cour de
cassation tunisienne no 12150 du 26 janvier 2005 par lequel la Cour
a affirmé que l’aveu extorqué par violence est nul et non avenu et ce, en
application de l’article 152 du code de procédure pénale qui dispose que :
« l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation
des juges ». Le juge doit donc apprécier toutes les preuves qui lui sont
présentées afin de décider de la force probante à conférer auxdites preuves
d’après son intime conviction.
3. La garantie du droit de recevoir des visites :
Si l’arrestation des intéressés [est] décidée par l’autorité judiciaire
compétente, ils bénéficieront des droits garantis aux détenus par la loi du 14
mai 2001 relative à l’organisation des prisons. Cette loi consacre le droit de tout
prévenu à recevoir la visite de l’avocat chargé de sa défense, sans la présence
d’un agent de la prison ainsi que la visite des membres de leurs familles. Si
leur arrestation [est] décidée, les intéressés jouiront de ce droit
conformément à la réglementation, en vigueur et sans restriction aucune.
Concernant la demande de visite des
intéressés par les avocats qui les représentent dans la procédure en cours
devant la Cour européenne des droits de l’homme, les autorités tunisiennes
observent qu’une telle visite ne peut être autorisée en l’absence de convention
ou de cadre légal interne qui l’autoriserait.
En effet la loi relative aux
prisons détermine les personnes habilitées à exercer ce droit : il s’agit
notamment des membres de la famille du détenu et de son avocat tunisien.
La Convention d’entraide judiciaire
conclue entre la Tunisie et l’Italie le 15 novembre 1967 ne prévoit pas la
possibilité pour les avocats italiens de rendre visite à des détenus tunisiens.
Toutefois les intéressés pourront, s’ils le
souhaitent, charger des avocats tunisiens de leur choix [de] leur rendre visite
et de procéder, avec leurs homologues italiens, à la coordination de leurs
actions dans la préparation des éléments de leur défense devant la Cour
européenne des droits de l’homme.
4. La garantie du droit de bénéficier des soins médicaux :
La loi précitée relative à l’organisation des prisons dispose que tout
détenu a droit à la gratuité des soins et des médicaments à l’intérieur des
prisons et, à défaut, dans les établissement hospitaliers. En outre,
l’article 336 du code de procédure pénale autorise le juge d’exécution des
peines à soumettre le condamné à un examen médical.
Si l’arrestation des intéressés
[est] décidée, ils seront soumis à un examen médical dès leur admission dans
l’unité pénitentiaire. Ils pourront, d’autre part, bénéficier ultérieurement
d’un suivi médical dans le cadre d’examens périodiques. En conclusion, les
intéressés bénéficieront d’un suivi médical régulier à l’instar de tout détenu
et il n’y a pas lieu de ce fait d’autoriser leur examen par un autre médecin.
Les autorités tunisiennes réitèrent
leur volonté de coopérer pleinement avec la partie italienne en lui fournissant
toutes les informations et les données utiles à sa défense dans la procédure en
cours devant la Cour européenne des droits de l’homme ».
II. LE DROIT INTERNE
PERTINENT
15. Les recours qu’il
est possible de former contre un arrêté d’expulsion en Italie et les règles
régissant la réouverture d’un procès par défaut en Tunisie sont décrits dans Saadi
c. Italie ([GC], no 37201/06, §§ 58-60, 28 février 2008).
III. TEXTES ET DOCUMENTS INTERNATIONAUX
16. On trouve dans l’arrêt Saadi précité une
description des textes, documents internationaux et sources d’informations
suivants : l’accord de coopération en matière de lutte contre la
criminalité signé par l’Italie et la Tunisie et l’accord d’association entre la
Tunisie, l’Union européenne et ses Etats membres (§§ 61-62) ; les
articles 1, 32 et 33 de la Convention des Nations unies de 1951 relative au
statut des réfugiés (§ 63) ; les lignes directrices du Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe (§ 64) ; les rapports relatifs à la Tunisie
d’Amnesty International (§§ 65-72) et de Human Rights Watch
(§§ 73-79) ; les activités du Comité international de la Croix-Rouge
(§§ 80-81) ; le rapport du Département d’Etat américain relatif aux droits
de l’homme en Tunisie (§§ 82-93) ; les autres sources d’informations
relatives au respect des droits de l’homme en Tunisie (§ 94).
17. Après l’adoption de l’arrêt Saadi, Amnesty
International a publié son rapport annuel 2008. Les parties pertinentes de la
section de ce rapport consacrée à la Tunisie sont relatées dans Ben Khemais c. Italie, no
246/07, § 34, ... 2009).
18. Dans sa résolution 1433(2005), relative à la légalité de
la détention de personnes par les Etats-Unis à Guantánamo Bay,
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé au gouvernement
américain, entre autres, « de ne pas renvoyer ou transférer les détenus en
se fondant sur des « assurances diplomatiques » de pays connus pour
recourir systématiquement à la torture et dans tous les cas si l’absence de
risque de mauvais traitement n’est pas fermement établie ».
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 2 ET 3 DE LA
CONVENTION
19. Le requérant considère que l’exécution de son expulsion
l’exposerait à un risque de traitements contraires aux articles 2 et 3 de la
Convention. Ces dispositions se lisent comme suit :
Article 2
« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par
la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en
exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit
est puni de cette peine par la loi.
2. La mort n’est pas
considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle
résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :
a) pour assurer la
défense de toute personne contre la violence illégale ;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher
l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une
insurrection. »
Article 3
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants. »
20. Le Gouvernement
s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
21. La Cour constate que
ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la
Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il
convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
22. Le requérant renvoie aux enquêtes menées par Amnesty International
et par le Département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique, qui démontreraient que
la torture est pratiquée en Tunisie et que certaines personnes soupçonnées de
terrorisme et expulsées vers cet Etat ont purement et simplement disparu.
23. Selon le requérant, le simple rappel des traités
internationaux signés par la Tunisie ne peut suffire à écarter tout risque de
violation des droits conventionnels.
24. Le Gouvernement souligne que les allégations relatives à un
danger de mort ou au risque d’être exposé à la torture ou à des traitements
inhumains et dégradants doivent être étayées par des éléments de preuve
adéquats, et estime que cela n’a pas été le cas en l’espèce, le requérant
s’étant borné à décrire une situation prétendument généralisée en Tunisie.
25. Le Gouvernement note également que la Tunisie a ratifié
plusieurs instruments internationaux en matière de protection des droits de
l’homme, y compris un accord d’association avec l’Union européenne, organisation
internationale qui, selon la jurisprudence de la Cour, est présumée offrir une
protection des droits fondamentaux « équivalente » à celle assurée
par la Convention. Il souligne par ailleurs que les autorités tunisiennes
permettent à la Croix Rouge internationale de visiter les prisons.
26. De l’avis du Gouvernement, on peut présumer que la
Tunisie ne s’écartera pas des obligations qui lui incombent en vertu des
traités internationaux. De plus, le système juridique italien prévoirait
des garanties pour l’individu – y compris la possibilité d’obtenir le statut de
réfugié – qui rendraient un refoulement contraire aux exigences de la
Convention « pratiquement impossible ».
27. Le Gouvernement renvoie aux assurances diplomatiques
fournies par les autorités tunisiennes, en lesquelles il voit le résultat d’un
dialogue intergouvernemental très fructueux. Ces assurances garantiraient une
protection adéquate du requérant contre le risque de subir, en Tunisie, des
traitements interdits par la Convention.
28. Il souligne que les autorités tunisiennes ont accompagné
lesdites assurances d’une « longue et rassurante explication, en fait et
en droit, des raisons pour lesquelles il faut y croire », et estime que
leur bonne foi ne devrait pas être mise en doute. Il ajoute que le respect
effectif de ces assurances pourra être vérifié lors des contrôles du Comité
supérieur des droits de l’homme et de la Croix-Rouge, ainsi que des visites des
avocats et des proches du requérant.
29. Selon le Gouvernement, l’impossibilité pour le
représentant du requérant devant la Cour de visiter son client s’il était
incarcéré en Tunisie s’explique par le fait que cet Etat n’a pas adhéré à la
Convention. Il serait donc raisonnable de ne pas permettre les visites
d’avocats étrangers opérant hors du cadre national et international dans lequel
s’inscrit la Tunisie. A cet égard, le Gouvernement observe que l’intéressé
pourra, s’il le souhaite, donner mandat à des avocats tunisiens de son choix
afin qu’ils procèdent, en collaboration avec leur homologues italiens, à la
préparation de sa défense devant la Cour.
30. De l’avis du Gouvernement, les assurances données par la
Tunisie sont tranquillisantes en ce qui concerne la sécurité et le bien-être du
requérant ainsi que le respect de son droit à un procès équitable. Soulignant
que dans l’affaire Saadi précitée, la Cour elle-même a demandé si de
telles assurances avaient été sollicitées et obtenues, le Gouvernement estime
que, sans qu’il soit question de les remettre en cause, les principes affirmés
par la Grande Chambre doivent être adaptés aux circonstances factuelles
particulières du cas d’espèce.
2. Appréciation de la Cour
31. Les principes généraux relatifs à la responsabilité des
Etats contractants en cas d’expulsion, aux éléments à retenir pour évaluer le
risque d’exposition à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention
et à la notion de « torture » et de « traitements inhumains et
dégradants » sont résumés dans l’arrêt Saadi (précité, §§ 124-136),
dans lequel la Cour a également réaffirmé l’impossibilité de mettre en balance
le risque de mauvais traitements et les motifs invoqués pour l’expulsion afin
de déterminer si la responsabilité d’un Etat est engagée sur le terrain de
l’article 3 (§§ 137-141).
32. La Cour rappelle les conclusions auxquelles elle est
parvenue dans l’affaire Saadi précité (§§ 143-146), qui étaient les
suivantes :
- les textes internationaux pertinents font état de cas nombreux et
réguliers de torture et de mauvais traitements infligés en Tunisie à des personnes
soupçonnées ou reconnues coupables de terrorisme ;
- ces textes décrivent une situation préoccupante ;
- les visites du Comité international de la Croix-Rouge dans les lieux
de détention tunisiens ne peuvent dissiper le risque de soumission à des traitements
contraires à l’article 3 de la Convention.
33. La Cour ne voit en l’espèce aucune raison de revenir sur
ces conclusions, qui se trouvent d’ailleurs confirmées par le rapport 2008
d’Amnesty International relatif à la Tunisie (voir le paragraphe 16 ci-dessus).
Elle
note de surcroît qu’en Italie, le requérant a été accusé d’appartenir à une
organisation terroriste intégriste (voir le paragraphe 7 ci-dessus).
34. Dans ces conditions,
la Cour estime qu’en l’espèce, des faits sérieux et avérés justifient de
conclure à un risque réel de voir le requérant subir des traitements contraires
à l’article 3 de la Convention s’il était expulsé vers la Tunisie (voir, mutatis
mutandis, Saadi, précité, § 146). Il reste à vérifier si les assurances diplomatiques fournies par les
autorités tunisiennes suffisent à écarter ce risque.
35. A cet égard, la Cour rappelle, premièrement, que
l’existence de textes internes et l’acceptation de traités internationaux
garantissant, en principe, le respect des droits fondamentaux ne suffisent pas,
à elles seules, à assurer une protection adéquate contre le risque de mauvais
traitements lorsque, comme en l’espèce, des sources fiables font état de
pratiques des autorités – ou tolérées par celles-ci – manifestement contraires
aux principes de la Convention (Saadi, précité, § 147 in fine).
Deuxièmement, il appartient à la Cour d’examiner si les assurances données par
l’Etat de destination fournissent, dans leur application effective, une
garantie suffisante quant à la protection du requérant contre le risque de
traitements interdits par la Convention (Chahal c. Royaume-Uni, Recueil
des arrêts et décisions 1996-V, § 105, 15 novembre 1996). Le poids à
accorder aux assurances émanant de l’Etat de destination dépend en effet, dans
chaque cas, des circonstances prévalant à l’époque considérée (Saadi,
précité, § 148 in fine).
36. En la présente espèce, l’avocat général à la direction
générale des services judiciaires a assuré que la dignité humaine du requérant
serait respectée en Tunisie, qu’il ne serait pas soumis à la torture, à des
traitements inhumains ou dégradants ou à une détention arbitraire, qu’il
bénéficierait de soins médicaux appropriés et qu’il pourrait recevoir des
visites de son avocat et des membres de sa famille. Outre les lois tunisiennes
pertinentes et les traités internationaux signés par la Tunisie, ces assurances
reposent sur les éléments suivants :
- les contrôles pratiqués par le juge d’exécution des peines, par le
comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales
(institution nationale indépendante) et par les services de l’inspection
générale du ministère de la Justice et des Droits de l’homme ;
- deux cas de condamnation d’agents de l’administration pénitentiaire et
d’un agent de police pour mauvais traitements ;
- la jurisprudence interne, aux
termes de laquelle un aveu extorqué sous la contrainte est nul et non avenu.
37. La Cour note,
cependant, qu’il n’est pas établi que l’avocat général à la direction générale
des services judiciaires était compétent pour donner ces assurances au nom de
l’Etat (voir, mutatis mutandis, Soldatenko c. Ukraine, no
2440/07, § 73, 23 octobre 2008). De plus, compte tenu du fait que des sources internationales sérieuses
et fiables ont indiqué que les allégations de mauvais traitements n’étaient pas
examinées par les autorités tunisiennes compétentes (Saadi, précité,
§ 143), le simple rappel de deux cas de condamnation d’agents de l’Etat pour
coups et blessures sur des détenus ne saurait suffire à écarter le risque de
tels traitements ni à convaincre la Cour de l’existence d’un système effectif
de protection contre la torture, en l’absence duquel il est difficile de
vérifier que les assurances données seront respectées. A cet égard, la Cour
rappelle que dans son rapport 2008 relatif à la Tunisie, Amnesty International
a précisé notamment que, bien que de nombreux détenus se soient plaints
d’avoir été torturés pendant leur garde à vue, « les autorités n’ont
pratiquement jamais mené d’enquête ni pris une quelconque mesure pour traduire
en justice les tortionnaires présumés ».
38. De plus, dans l’arrêt Saadi précité (§ 146),
la Cour a constaté une réticence des autorités tunisiennes à coopérer avec les
organisations indépendantes de défense des droits de l’homme, telles que Human
Rights Watch. Dans son rapport 2008 précité, Amnesty International a par
ailleurs noté que, bien que le nombre de membres du comité supérieur des droits
de l’homme ait été accru, celui-ci « n’incluait pas d’organisations
indépendantes de défense des droits fondamentaux ». L’impossibilité pour
le représentant du requérant devant la Cour de rendre visite à son client s’il
était emprisonné en Tunisie confirme la difficulté d’accès des prisonniers
tunisiens à des conseils étrangers indépendants même lorsqu’ils sont parties à
des procédures judiciaires devant des juridictions internationales. Ces
dernières risquent donc, une fois un requérant expulsé en Tunisie, de se
trouver dans l’impossibilité de vérifier sa situation et de connaître
d’éventuels griefs qu’il pourrait soulever quant aux traitements auxquels il
est soumis (Ben Khemais, précité, § 63).
39. Dans ces circonstances, la Cour ne saurait souscrire à la
thèse du Gouvernement selon laquelle les assurances données en la présente
espèce offrent une protection efficace contre le risque sérieux que court le
requérant d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la
Convention (voir, mutatis mutandis, Soldatenko précité,
§§ 73-74). Elle rappelle au contraire le principe affirmé par l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa résolution 1433(2005), selon
lequel les assurances diplomatiques ne peuvent suffire lorsque l’absence de
danger de mauvais traitement n’est pas fermement établie.
40. Partant, la décision
d’expulser l’intéressé vers la Tunisie violerait l’article 3 de la Convention
si elle était mise à exécution.
41. Cette conclusion
dispense la Cour d’examiner la question de savoir si l’exécution de l’expulsion
violerait également l’article 2 de la Convention
II. SUR LA VIOLATION
ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
42. Le requérant allègue
que le recours devant le juge de paix de Rome n’a pas constitué un remède
effectif permettant d’obtenir la suspension de l’arrêté d’expulsion et de faire
valoir ses propres raisons. Il invoque l’article 6 de la Convention, ainsi
libellé :
« 1. Toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai
raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute
accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)
3. Tout accusé a droit
notamment à : (...)
b) disposer du temps et
des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même
ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (...) »
43. La Cour observe que
la procédure litigieuse portait sur la validation de l’arrêté ministériel
ordonnant l’expulsion du requérant. Or, selon la jurisprudence bien établie des
organes de la Convention, les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à
l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur les droits ou
obligations de caractère civil d’un requérant ni n’ont trait au bien-fondé
d’une accusation en matière pénale dirigée contre lui, au sens de l’article 6
§ 1 de la Convention (Mamatkoulov et Askarov, précité, §
82 ; Sardinas Albo c. Italie (déc.), no 56271/00,
CEDH 2004-I ; Penafiel Salgado c. Espagne (déc.),
no 65964/01, 16 avril 2002 ; Maaouia c. France
[GC], no 39652/98, § 40, CEDH 2000-X).
44. Partant, l’article 6
§ 1 de la Convention ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.
45. Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione
materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article
35 § 3 et doit être rejeté en application de
l’article 35 § 4.
III. SUR LA VIOLATION
ALLÉGUÉE DES ARTICLES 1 DU PROTOCOLE No 7 ET 13 DE LA CONVENTION
46. Le requérant allègue
que la décision de l’expulser ne reposait pas sur des exigences de protection
de la sécurité nationale et allègue que la mise à exécution de ladite décision
violerait l’article 1 du Protocole no 7. Invoquant également
l’article 13 de la Convention, il considère qu’il n’a pas bénéficié de la
possibilité de faire valoir les raisons militant contre son expulsion. Ces
dispositions sont ainsi libellées :
Article 1 du Protocole no
7
« 1. Un étranger
résidant régulièrement sur le territoire d’un Etat ne peut en être expulsé
qu’en exécution d’une décision prise conformément à la loi et doit pouvoir :
a) faire valoir les raisons qui militent contre son
expulsion,
b) faire examiner son cas, et
c) se faire représenter à ces fins devant l’autorité
compétente ou une ou plusieurs personnes désignées par cette autorité.
2. Un étranger peut être expulsé avant l’exercice des droits
énumérés au paragraphe 1 a), b) et c) de cet article
lorsque cette expulsion est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public ou est
basée sur des motifs de sécurité nationale. »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...)
Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une
instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des
personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
47. Le Gouvernement
conteste cette thèse. Il soutient que le requérant a bénéficié des garanties
procédurales requises par le Protocole no 7 dans la mesure où il a
été représenté par un conseil de son choix qui a pu faire valoir devant le juge
de paix les raisons militant contre l’expulsion. Il ajoute que l’expulsion en
question reposait sur des motifs de sécurité nationale et d’ordre public.
48. La Cour observe que
l’expulsion du requérant, ordonnée par le ministre des Affaires intérieures, a
été examinée par le juge de paix de Rome, qui pouvait soit l’annuler soit la
valider (voir le paragraphe 11 ci-dessus). Devant cette juridiction, l’intéressé a joui de garanties procédurales
suffisantes et eu la possibilité de présenter tous les arguments militant contre
son expulsion.
49. En outre, la Cour
rappelle que le droit à un recours efficace au sens de l’article 13 de la
Convention ne saurait être interprété comme donnant droit à ce qu’une demande
soit accueillie dans le sens dans lequel l’entend l’intéressé (Surmeli c.
Allemagne [GC], no 75529/01, § 98, 8 juin 2006).
50. Dans ces
circonstances, aucune apparence de violation des articles 1 du Protocole no
7 et 13 de la Convention ne saurait être décelée.
51. Il s’ensuit que
cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en
application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV. SUR LA VIOLATION
ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 4
52. Le requérant se
plaint également de ce que la révocation de son permis de séjour aurait entravé
son droit de circuler librement garanti par l’article 2 du Protocole no 4,
aux termes duquel :
« 1. Quiconque se
trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler
librement et d’y choisir librement sa résidence.
(...)
3. L’exercice de ces
droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par
la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à
la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la
prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la
morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
(...) »
53. La Cour rappelle que
l’article 2 § 1 n’est applicable qu’à une personne qui se trouve régulièrement sur
le territoire d’un Etat, les critères et les exigences de régularité du séjour
relevant en premier lieu du droit interne. Elle rappelle également que cette
disposition ne concerne que le droit de circuler à l’intérieur d’un Etat
et ne régit en aucune manière les conditions dans lesquelles une personne a le
droit de résider dans un Etat (Szyszkowski c. Saint-Marin (déc.), no
76966/01, 6 mars 2003 ; Sisojeva et autres c. Lettonie (déc.),
no 60654/00, 28 février 2002).
54. Partant, l’article 2
du Protocole no 4 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.
55. Dès lors, ce grief est incompatible ratione materiae
avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et
doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
V. SUR L’APPLICATION DE
L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
56. Aux termes de
l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a
eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de
la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les
conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a
lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
57. Le requérant sollicite une indemnisation pour le dommage
moral qu’il estime avoir subi en raison des violations alléguées, sans
toutefois chiffrer ses prétentions.
58. Le Gouvernement s’y
oppose.
59. La Cour estime que
le constat que l’expulsion, si elle était menée à exécution, constituerait une
violation de l’article 3 de la Convention représente une satisfaction équitable
suffisante (Saadi précité, § 188).
B. Frais et dépens
60. Le requérant n’a présenté aucune demande de remboursement
au titre des frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de
lui octroyer de somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés
des articles 2 et 3 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit que, dans
l’éventualité de la mise à exécution de la décision d’expulser le requérant
vers la Tunisie, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention ;
3. Dit qu’il n’y
a pas lieu d’examiner également si la mise à exécution de la décision
d’expulser le requérant vers la Tunisie violerait aussi l’article 2 de la
Convention ;
4. Dit que le
constat d’une violation constitue une satisfaction équitable suffisante au
titre du dommage moral subi par le requérant ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le
surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 mars 2009, en
application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Sally Dollé Françoise Tulkens
Greffière Présidente