Corte europea dei diritti dell’uomo
(Prima Sezione)
24 gennaio
2019
AFFAIRE CORDELLA ET AUTRES c.
ITALIE
(Requêtes nos 54414/13 et 54264/15)
ARRÊT
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions
définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de
forme.
En l’affaire Cordella et
autres c. Italie,
La Cour
européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre
composée de :
Linos-Alexandre Sicilianos, président,
Guido Raimondi,
Ledi
Bianku,
Aleš
Pejchal,
Krzysztof Wojtyczek,
Tim Eicke,
Gilberto Felici, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,
Après en
avoir délibéré en chambre du conseil le 18 décembre 2018,
Rend
l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de
l’affaire se trouvent deux requêtes (no 54414/13 et no 54264/15)
dirigées contre la République italienne et dont des ressortissants de cet État
(« les requérants »), figurant dans la liste en annexe, ont saisi la
Cour le 29 juillet 2013 et le 21 octobre 2015 respectivement, en vertu de
l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants de
la requête no 54414/13 ont été représentés par Me S. Maggio, avocat à Tarente, et par Mme D. Spera. Cette dernière, qui est aussi partie requérante, a
été représentée en cette qualité par Mes S. Maggio
et L. La Porta.
3. Les requérants de
la requête no 54264/15 ont été représentés par Me A. Saccucci, avocat à Rome.
4. Le gouvernement
italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son ancien agent,
Mme E. Spatafora, et par son coagent, Mme M.L. Aversano.
5. Dénonçant les
effets des émissions de l’usine sidérurgique Ilva de Tarente sur leur santé et
sur l’environnement, les requérants alléguaient, entre autres, une violation de
leurs droits à la vie, au respect de la vie privée et à un recours effectif
(articles 2, 8 et 13 de la Convention).
6. Le 27 avril 2016,
les griefs tirés des articles 2, 8 et 13 de la Convention ont été communiqués
au Gouvernement et les requêtes ont été déclarées irrecevables pour le surplus
conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.
7. En outre, l’ISDE
(International Society of Doctors for Environment), le Clinical Program
(faculté de jurisprudence, université de Turin), la société Riva Fire S.p.a. et les consorts Riva,
autorisés par le président à intervenir dans la procédure, ont présenté des
observations en qualité de tiers intervenants (article 36 § 2 de la Convention
et article 44 § 3 du règlement de la Cour). Le 13 septembre 2018, le président
a toutefois décidé de ne pas verser au dossier les observations de la société
Riva Fire S.p.a. et des
consorts Riva, celles-ci ne remplissant pas les conditions prévues pour la
tierce intervention (article 44 § 5 du règlement de la Cour).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. La
société Ilva S.p.a. (« la société Ilva »)
8. Spécialisée dans
la production et la transformation de l’acier, la société Ilva commença à
opérer dans le secteur sidérurgique au début du XXe siècle à Gênes
(Ligurie). L’État devint ensuite son principal actionnaire.
9. L’établissement de
Tarente (Pouilles) commença à opérer en 1965.
10. En 1995, la
société Ilva fut privatisée, achetée par le groupe Riva. Compte tenu de son
état d’insolvabilité, elle fut ensuite placée sous administration provisoire (amministrazione straordinaria)
(paragraphe 60 ci-dessous).
11. L’impact des
émissions produites par les usines de la société Ilva sur l’environnement et
sur la population locale fait l’objet d’un important débat depuis de nombreuses
années. En 2002, les autorités judiciaires ordonnèrent la fermeture de la
cokerie[1] de l’un
des établissements de la société Ilva, situé à Cornigliano
(Gênes), des études épidémiologiques ayant démontré un lien entre les
particules émises par l’usine et le taux de mortalité de la population,
largement supérieur dans le quartier concerné par rapport à celui observé dans
les autres quartiers de la ville. En 2005, l’un des hauts fourneaux de l’usine
de Cornigliano fut également fermé.
12. L’ensemble de la
production de la zone à chaud de cette usine fut alors transféré à Tarente.
L’établissement qui se trouve dans cette ville constitue le site le plus
important de la société et le plus grand complexe sidérurgique industriel en
Europe. Il s’étend aujourd’hui sur une surface d’environ 1 500 hectares et
compte environ onze mille employés.
B. La
situation des requérants et les études scientifiques
13. Les requérants
résident ou ont résidé dans la ville de Tarente (qui compte environ 200 000
habitants) ou dans des communes voisines. Les détails concernant leurs lieux de
résidence sont indiqués dans la liste en annexe.
14. L’impact des
émissions produites par l’usine sur l’environnement et sur la santé de la
population locale fut à l’origine de plusieurs rapports scientifiques, dont les
informations principales sont résumées ci‑dessous.
1. Les rapports
du Centre européen de l’environnement et de la santé (organisme de l’OMS -
Organisation mondiale pour la Santé)
15. En 1997, le Centre
européen de l’environnement et de la santé publia un rapport faisant état d’une
situation de risque pour la santé de la population résidant dans les communes
qui avaient été classifiées « à haut risque environnemental » par une
délibération du Conseil des Ministres du 30 novembre 1990 (paragraphe 32 ci-dessous), en raison notamment de la pollution
industrielle générée par la société Ilva, pour la période 1980-1987.
16. Un autre rapport
émanant du même organisme, publié en 2002, actualisa les résultats de ce
premier rapport, jusqu’à l’année 1994. Selon ce deuxième rapport, le taux de
mortalité masculine pour tumeurs dans la zone de Tarente était supérieur de
10,6 % au taux observé dans la région, et le risque de mortalité féminine était
également plus élevé par rapport à la moyenne régionale, entre autres pour
causes tumorales.
2. Le rapport de
2002 de l’ARPA (l’agence régionale pour la prévention et la protection
environnementale)
17. L’ARPA fut
instituée dans les Pouilles en 1999. Selon son rapport de 2002, différentes
études publiées par des organismes locaux (l’observatoire épidémiologique des
Pouilles et l’AUSL, l’autorité sanitaire locale), nationaux (l’Institut
supérieur de la santé et l’ENEA, l’Agence nationale pour les nouvelles
technologies, l’énergie et le développement économique et durable) et
internationaux (l’Organisation mondiale pour la Santé) avaient démontré une
augmentation des tumeurs (notamment du poumon, de la plèvre et de l’appareil
digestif) dans la zone dite « à haut risque environnemental » à
partir des années 70.
18. Selon ce même
rapport, d’autres études avaient aussi démontré la présence dans l’air d’une
concentration élevée d’un nombre de substances polluantes, dont la dangerosité
pour la santé humaine était reconnue[2].
3. L’étude épidémiologique
de 2009
19. En 2009, une étude
épidémiologique publiée dans une revue spécialisée (« Analyse statistique
de l’incidence de certaines pathologies cancéreuses dans la province de
Tarente, 1999-2002 » - EP année 33 (1-2) janvier-avril 2009) fut réalisée
par des membres de l’observatoire épidémiologique des Pouilles, de l’université
de Bari et de l’agence régionale pour la protection de l’environnement. Elle
mit en évidence une augmentation des tumeurs du poumon, de la vessie et de la
plèvre chez les hommes dans la région concernée. La zone géographiquement visée
était la province de Tarente (environ 580 000 habitants), comprenant
29 communes[3].
4. Le rapport
« Environnement et santé à Tarente : preuves disponibles et indications
concernant la santé publique » en date du 22 octobre 2012, dit
« rapport SENTIERI » (Studio Epidemiologico
Nazionale del Territorio e degli Insediamenti Esposti a Rischio Inquinamento) de 2012
20. Le rapport
SENTIERI de 2012, préparé par l’Institut supérieur de la santé à la demande du
ministère de la Santé, formula des recommandations d’interventions en matière
de santé publique sur la base des données concernant les causes de mortalité
dans les sites d’intérêt national pour l’assainissement (SIN) (paragraphe 34 ci-dessous) relativement à la période 1995-2009.
21. Il en ressortait
que, compte tenu de la pollution environnementale de la région concernée
provenant des émissions de l’usine Ilva, selon la distance entre le lieu de
résidence des personnes concernées et les sites d’émissions nocives pris en
considération, il existait un lien de causalité entre l’exposition
environnementale à des substances cancérogènes inhalables et le développement
de tumeurs des poumons et de la plèvre et de pathologies du système cardiocirculatoire.
22. De manière plus
détaillée, le rapport montrait que les décès des hommes et des femmes résidant
dans la région en cause pour tumeurs, maladies du système circulatoire et
autres pathologies étaient supérieurs en nombre par rapport aux moyennes
régionale et nationale.
5. Le rapport
« Mortalité, taux de cancer et hospitalisation dans les sites d’intérêt
national pour l’assainissement » en date du 14 mai 2014, dit
« rapport SENTIERI » de 2014
23. Selon le rapport
SENTIERI de 2014, le taux de mortalité dans le SIN de Tarente était en général
plus important par rapport à la moyenne régionale, tant chez les hommes que
chez les femmes et les enfants.
24. Selon ce même
rapport, le nombre d’hospitalisations pour cancers et pathologies du système cardiocirculatoire était aussi plus important par rapport à
la moyenne régionale.
6. L’étude de
cohorte sur les effets des expositions (environnementales et sur le lieu de
travail) sur les pathologies et la mortalité de la population résidant à
Tarente, d’août 2016 (« l’étude de cohorte »)
25. Menée par
le département d’épidémiologie du service sanitaire régional du Latium, l’ARPA,
le centre pour la santé et l’environnement des Pouilles et l’ASL (l’agence
sanitaire locale) de Tarente, l’étude de cohorte concerna 321 356
personnes résidant dans les communes de Tarente, Massafra
et Statte entre le 1er janvier 1996 et le
31 décembre 2010.
26. Cette
étude démontra un lien de causalité entre l’exposition aux PM10[4] et au
SO2[5]
d’origine industrielle, due à l’activité productive de la société Ilva, et
l’augmentation de la mortalité pour causes naturelles, tumeurs, maladies
rénales et cardiovasculaires chez les résidents.
7. Le rapport du
registre des tumeurs de Tarente de 2016, concernant les années 2006-2011
27. Le rapport du
registre des tumeurs de Tarente de 2016, qui faisait suite à une première étude
de 2014, confirma une plus forte incidence néoplasique dans la commune de
Tarente par rapport au reste de la province, entre autres pour le cancer de
l’estomac, du côlon, du foie, du poumon, du rein, de la vessie, de la thyroïde,
du sein, de l’utérus et de la prostate.
8. Le rapport de
l’ARPA de 2016
28. Selon le
rapport de l’ARPA de 2016 (« Rapport complémentaire sur le contrôle des
dépôts de dioxines à Tarente »), qui faisait suite au réexamen de
l’autorisation environnementale intégrée accordée à la société Ilva
(paragraphe 45 ci‑dessous), concernant l’activité de six stations
de surveillance de la qualité de l’air, le niveau de dioxines dans le quartier Tamburi (Tarente) était excessif par rapport à celui
autorisé.
9. Le rapport de
l’ARPA de 2017
29. Se basant,
entre autres, sur les données du registre des tumeurs de Tarente, le rapport de
l’ARPA de 2017 (« Évaluation du préjudice sanitaire – Établissement de la
société Ilva de Tarente ») fit état de la permanence d’une situation de
criticité sanitaire dans la zone « à haut risque environnemental » et
dans le SIN de Tarente, où le taux de mortalité et d’hospitalisation pour
certaines pathologies oncologiques, cardiovasculaires, respiratoires et digestives
était supérieur par rapport à la moyenne régionale.
30. En outre, selon le
rapport de l’ARPA, il existait un lien de causalité entre les émissions
industrielles et le préjudice sanitaire dans la région de Tarente. Par
conséquent, ledit rapport recommandait la poursuite de la surveillance
épidémiologique de la population et la mise en place de toute mesure visant à
garantir la santé de celle-ci, au moyen notamment de l’utilisation des
« meilleures techniques disponibles » (paragraphe
44 ci‑dessous) pour la contention des émissions
industrielles polluantes.
31. De plus, toujours selon
ce rapport, au moment de la rédaction de ce dernier, les émissions
industrielles étaient réduites en raison de la fermeture provisoire d’une
grande partie de la cokerie, source majeure des polluants cancérogènes. Il
était toutefois noté que la situation pourrait changer de manière drastique
lors de la reprise de leur fonctionnement par les installations dans leur
ensemble, laquelle induirait un impact certain sur la santé des personnes.
C. Les
mesures administratives et législatives
1. L’approbation
du plan de dépollution de la province de Tarente
32. Par une délibération du 30 novembre 1990, le
Conseil des ministres identifia les communes « à haut risque
environnemental » (communes de Tarente, Crispiano,
Massafra, Montemesola et Statte) et demanda au ministère de l’Environnement de
mettre en place un plan de dépollution en vue de l’assainissement du
territoire.
33. Par un décret du 15
juin 1995, le ministère de l’Environnement institua une commission composée de
membres du gouvernement, du conseil régional des Pouilles et d’institutions
locales afin qu’il fût procédé au recueil des données nécessaires à la
réalisation dudit plan. Le ministère ordonna entre autres la réalisation
d’études épidémiologiques et la création d’un registre des tumeurs aux fins du
recueil des données statistiques concernant le développement des pathologies
tumorales dans le territoire concerné.
34. Par un
décret du ministère de l’Environnement du 10 janvier 2000, faisant suite à la
loi no 426/2008, les communes de Tarente et Statte
furent incluses parmi les SIN (paragraphe 20 ci-dessus).
35. Entre-temps, par
le décret no 196 du 30 novembre 1998, le président de la République
avait approuvé le plan de dépollution. Celui-ci concernait l’ensemble de la
zone dite « à haut risque environnemental ».
2. Les accords
entre la société Ilva et les autorités publiques
36. En 2003 et
2004, la société Ilva et les administrations locales conclurent plusieurs
accords (atti d’intesa)
afin de mettre en place des mesures visant à réduire l’impact environnemental
de l’usine.
37. Le 23 octobre
2006, le conseil régional des Pouilles et la société Ilva signèrent un accord
par lequel la société s’engageait à mesurer l’émission de dioxines et à désigner
un organisme tiers (le Conseil national des recherches) aux fins de
l’identification des principales sources d’émission de particules lourdes.
38. La première
campagne de contrôle des émissions de dioxines de la plus grande des deux cents
cheminées de l’aciérie de Tarente débuta en 2007. Les autorités régionales ne
disposant pas à l’époque des instruments permettant de mesurer les dioxines et
les autres micropolluants, l’échantillonnage fut confié à des organismes tiers.
39. En 2008, l’ARPA,
qui disposait désormais des instruments nécessaires aux contrôles, publia les
premiers résultats des contrôles effectués, lesquels attestaient que, dans le
quartier Tamburi (Tarente), les émissions de benzopyrène[6] dans
les PM10 étaient supérieures aux limites autorisées.
3. Les mesures
législatives et régionales en matière de contamination par les dioxines
40. Par la loi
régionale (legge regionale) no
44 du 19 décembre 2008, le conseil régional des Pouilles fixa pour la première
fois les limites d’émissions de dioxines autorisées dans le cadre de l’activité
industrielle.
41. Un rapport de
l’ARPA de 2010 fit état de la contamination par des dioxines de la viande
animale susceptible de rentrer dans la chaîne alimentaire humaine. Les
autorités régionales ordonnèrent en conséquence l’abattage de près de deux
mille têtes de bétail, interdirent le pâturage et ordonnèrent la destruction de
foies des cheptels ovin et caprin dans un rayon de 20 km autour de l’usine.
42. Par le décret no
155 du 13 août 2010, pris en application de la directive 2008/50/CE en matière
de qualité de l’air, le délai pour l’atteinte des limites autorisées de productions
polluantes fut fixé au 31 décembre 2012.
43. La loi régionale no
3 du 28 février 2011 indiqua que, en cas de dépassement du seuil accepté
d’émission de benzopyrène, le retour aux valeurs
autorisées devait être atteint « dans les plus brefs délais ».
4. L’AIA
(autorisation environnementale intégrée)
44. Le 4 août
2011, le ministère de l’Environnement octroya à la société Ilva une première
AIA, permettant à la société de continuer son activité de production, sous
condition de l’adoption de mesures visant à diminuer l’impact des émissions
polluantes sur l’environnement, au moyen notamment de l’utilisation des
« meilleures techniques disponibles » (best available techniques - BAT).
45. À la
demande du président de la région des Pouilles et sur la base des données
résultant du contrôle de l’ARPA (faisant état du dépassement des émissions de benzopyrène autorisées), le 27 octobre 2012, une deuxième
AIA fut accordée, modifiant la première et fixant de nouvelles conditions
(paragraphe 28 ci-dessus).
46. Ces dernières, qui
reprenaient les mesures de protection environnementale et sanitaire contenues
dans la première décision de saisie conservatoire (paragraphe
77 ci-dessous), prévoyaient notamment le respect des
limites d’émissions et des normes applicables en matière de santé et de
sécurité, ainsi que l’obligation de transmettre un rapport trimestriel relatif
à l’application des mesures nécessaires pour atteindre les résultats en termes
d’amélioration de l’impact environnemental de l’usine.
5. Les décrets-lois « salva-Ilva »,
et les textes relatifs à la mise sous administration provisoire et à la
procédure de vente de la société Ilva
47. À partir
de fin 2012, le gouvernement adopta plusieurs textes, entre autres des décrets-lois dits décrets-lois
« salva-Ilva », concernant l’activité de
la société Ilva.
a) Le décret-loi no 207 du 3
décembre 2012, converti en la loi no 231 du
24 décembre 2012
48. Le décret-loi no 207
du 3 décembre 2012, contenant des « Dispositions urgentes pour la
protection de l’environnement, de la santé et du travail dans l’activité des
entreprises d’intérêt stratégique national », autorisa la société Ilva à
continuer son activité pendant une période ne dépassant pas trente-six mois,
sous condition du respect des prescriptions imposées dans le cadre de l’AIA de
2012.
49. Le 22 janvier
2013, le juge des investigations préliminaires (« le GIP ») de
Tarente saisit la Cour constitutionnelle d’une question de constitutionnalité
concernant la partie de ce décret-loi autorisant la société à continuer son
activité, malgré les émissions nocives, et à rentrer en possession de ses biens
et de son établissement, malgré la saisie judiciaire qui avait été ordonnée
entre‑temps (paragraphe
77 ci-dessous). De l’avis du juge, le décret-loi violait,
entre autres, le droit à la santé et à un environnement sain, protégé par
l’article 32 de la Constitution.
50. Par son arrêt no
85 du 9 avril 2013, la Cour constitutionnelle déclara la question qui lui était
soumise manifestement mal fondée. Elle considéra que l’activité productive de
la société pouvait légitimement continuer, à la condition que les mesures de
contrôle et de protection prévues dans l’AIA de 2012 fussent respectées et que,
en cas d’infraction, les sanctions prévues par la loi fussent appliquées.
51. De l’avis de la
Cour constitutionnelle, le décret-loi litigieux prévoyait donc un parcours
d’assainissement environnemental prenant en compte le droit à la santé et à
l’environnement, d’une part, et le droit au travail, d’autre part, tous deux
garantis par la Constitution.
b) Le décret-loi no 61 du 4
juin 2013, converti en la loi no 89 du 3 août 2013
52. Compte tenu des
dangers graves et importants pour la santé et pour l’environnement découlant de
l’activité productive de la société Ilva ainsi que du non-respect des
prescriptions contenues dans l’AIA de 2012, constaté entre‑temps par les
autorités compétentes, le décret-loi no 61 du 4 juin 2013
disposa qu’il devait être procédé à la nomination d’un administrateur
provisoire (commissario straordinario),
lequel serait chargé de la gestion de la société, pour une période allant
jusqu’à trente-six mois.
53. Il disposa
également qu’un comité d’experts devait être désigné. Après sa mise en place,
celui-ci proposa au ministère de l’Environnement un plan prévoyant des mesures
de protection environnementale et sanitaire des travailleurs et de la
population (« le plan environnemental »), contenant aussi les actions
à entreprendre et les délais de mise en œuvre de celles-ci aux fins de garantie
du respect de l’AIA.
54. Le plan
environnemental fit l’objet d’une approbation du ministère de l’Environnement
par le décret no 53 du 3 février 2014, laquelle approbation
équivalait à une modification de l’AIA.
c) Le décret-loi no 101 du 31
août 2013, converti en la loi no 125 du 30 octobre 2013
55. Le décret-loi no
101 du 31 août 2013, prévoyant des « Dispositions en matière d’entreprises
d’intérêt stratégique national », autorisa entre autres la construction de
décharges pour les déchets spéciaux, dangereux et non dangereux, placées à
proximité du site de production de la société Ilva, afin de garantir la mise en
place des mesures prévues par le plan environnemental.
d) Le décret-loi no 136 du 10
décembre 2013, converti en la loi no 6 du 6 février 2014
56. Selon le
décret-loi no 136 du 10 décembre 2013, qui fixait des
« Dispositions urgentes pour faire face aux urgences environnementales et
industrielles et favoriser le développement des zones concernées », les
mesures prévues par le plan environnemental étaient considérées comme réalisées
lorsque : i) à la date de nomination de l’administrateur provisoire, la
qualité de l’air dans la zone située à l’extérieur de l’usine ne s’était pas
dégradée et ii) des démarches pour la réalisation d’au moins 80 % des
prescriptions contenues dans l’AIA avaient été entreprises.
e) Le décret-loi no 100 du 16
juillet 2014
57. Le décret-loi no
100 du 16 juillet 2014, prévoyant des « Mesures urgentes pour la
réalisation du plan environnemental », indiquait qu’au moins 80 % des
prescriptions prévues par le plan environnemental devaient être réalisées au 31
juillet 2015 et que toutes ces prescriptions devaient l’être au plus tard le 4
août 2016. Ce décret-loi devint caduc faute de conversion ; ses
dispositions furent toutefois reprises dans la loi no 116 de 2014.
f) Le décret-loi no 1 du 5
janvier 2015, converti en la loi no 20 du 4 mars 2015
58. Le décret-loi no 1
du 5 janvier 2015 indiquait que le plan environnemental serait considéré comme
exécuté lorsque, au 31 juillet 2015, 80 % des prescriptions prévues pour cette
date auraient été réalisées.
59. En outre,
ce texte prévoyait que les mesures mises en place dans le cadre dudit plan ne
pouvaient pas être à l’origine d’une mise en jeu de la responsabilité pénale ou
administrative de l’administrateur provisoire, puisque ces mesures
constituaient la mise en œuvre des meilleures règles de prévention en matière
environnementale, et de protection de la santé, de la sécurité publique et sur
le lieu de travail.
g) Le décret du ministère du
Développement économique du 21 janvier 2015
60. Par un décret
en date du 21 janvier 2015, le ministère du Développement économique admit la
société Ilva au bénéfice de la procédure d’administration provisoire en raison
de son insolvabilité, qui avait été constatée entre-temps.
h) Le décret-loi no 92/2015
61. Le 18 juin 2015,
l’un des fourneaux de l’aciérie de Tarente fit l’objet d’une saisie judiciaire
dans le cadre d’une procédure pénale portant sur le décès d’un ouvrier, qui
avait été renversé par une projection de matières incandescentes.
62. Le décret-loi no
92/2015 autorisa l’usine à poursuivre son activité pendant une période de douze
mois à partir de la saisie du fourneau, en attendant l’adaptation des normes en
matière de sécurité sur le lieu de travail.
63. Ce texte fit
ensuite l’objet d’un arrêt de la Cour constitutionnelle (no 58
du 23 mars 2018) qui conclut à son inconstitutionnalité en ce que les autorités
avaient fini par privilégier de façon excessive la continuation de l’activité
productive au détriment de la protection des droits à la santé et à la vie,
garantis par la Constitution.
Entre-temps,
les dispositions de ce décret-loi, qui était devenu caduc faute de conversion,
avaient été reprises dans la loi no 132 de 2015.
i) Le décret-loi no 191 du 4
décembre 2015, converti en la loi no 13 du 1er février
2016
64. En application du
décret-loi no 191 du 4 décembre 2015, prévoyant des
« Dispositions urgentes pour la cession des activités d’entreprise de la
société Ilva », l’administrateur provisoire se vit octroyer la somme de
300 000 000 euros (EUR) pour faire face à ses impératifs financiers.
65. En outre, toujours
en application de ce décret-loi, le délai pour la mise en œuvre du plan
environnemental fut reporté au 30 juin 2017.
j) Le décret-loi no 98 du 9
juin 2016, converti en la loi no 151 du 1er août 2016
66. À partir de 2016,
la société Ilva fit l’objet d’une procédure de vente par la voie d’un appel
d’offres international, qui est actuellement en cours.
67. Dans le cadre des
« Dispositions urgentes pour la mise en place de la procédure de cession
des activités d’entreprise de la société Ilva » prévues par le décret-loi
no 98 du 9 juin 2016, il fut décidé que le délai pour
l’exécution du plan environnemental pourrait être prorogé par le futur
acquéreur pour une période ne dépassant pas dix‑huit mois. Il fut aussi
décidé que ce délai serait appliqué à toute autre mesure de gestion
environnementale concernant la société Ilva et qu’il remplacerait tout autre
délai non encore échu à la date d’entrée en vigueur du décret-loi.
68. Il fut
également établi que le futur acquéreur de la société Ilva pourrait subordonner
l’offre d’achat à des modifications du plan environnemental, lesquelles seraient
soumises à un comité de trois experts. Enfin, selon ledit décret-loi, les
immunités administratives et pénales étaient étendues au futur acquéreur de
l’établissement.
6. Le décret du
président du Conseil des ministres du 29 septembre 2017
69. En
application du décret du président du Conseil des ministres du
29 septembre 2017, le délai pour l’exécution des mesures prévues dans le
plan environnemental fut reporté au mois d’août 2023.
70. Dans le cadre d’un
recours en annulation et en sursis à exécution de ce décret, la région des
Pouilles et la mairie de Tarente dénoncèrent devant le tribunal administratif
régional des Pouilles les conséquences, en matière d’environnement et de santé,
de la prorogation continue des délais pour l’exécution des prescriptions
environnementales. Une question de constitutionnalité fut également soulevée à
ce sujet. Selon les informations résultant des dossiers, les procédures y
afférentes sont actuellement pendantes.
D. Les
procédures pénales
1. Les
procédures pénales terminées
71. Plusieurs
procédures pénales furent ouvertes à l’encontre des dirigeants de la société
Ilva pour catastrophe écologique, empoisonnement de substances alimentaires, omission
de prévention d’accidents sur le lieu de travail, dégradation de biens publics,
émission de substances polluantes et pollution atmosphérique. Certaines de ces
procédures aboutirent à des condamnations en 2002, 2005 et 2007.
72. Entre autres, par
l’arrêt no 38936 du 28 septembre 2005, la Cour de cassation condamna
les dirigeants de l’usine Ilva de Tarente pour pollution atmosphérique, rejet
de matières dangereuses et émission de particules. Elle releva notamment que la
production de particules avait continué malgré les nombreux accords conclus
avec les autorités territoriales en 2003 et 2004 (paragraphe 36 ci-dessus).
2. Les
procédures pénales pendantes
a) La procédure no 938/10 et
l’ordonnance de saisie conservatoire
73. La procédure no
938/10 fut entamée devant la cour d’assises de Tarente à l’encontre de
quarante-quatre personnes physiques et de trois personnes juridiques, visées
par trente-quatre chefs d’inculpation pour des faits ayant eu lieu entre 1995
et 2013 et ayant trait, entre autres, à : i) l’émission de substances
nocives pour la santé et pour l’environnement entraînant un risque sérieux pour
la santé publique, et ayant causé la mort de certaines personnes résidant dans
les quartiers limitrophes au site de production de la société Ilva de Tarente
et provoqué des pathologies chez d’autres personnes ; ii) la contamination
de l’eau, de produits de la terre et d’animaux destinés à l’alimentation
humaine ; iii) la pollution environnementale de l’air ; iv) la
diffusion d’informations confidentielles de la part d’agents du ministère des
Affaires étrangères chargés de l’octroi de l’AIA.
74. Dans le
cadre de cette procédure, plusieurs chefs d’inculpation furent formulés, entre
autres, à l’encontre de la société Ilva et du groupe Riva, concernant notamment
le non-respect des obligations de protection de la sécurité et de l’environnement.
Neuf cent deux personnes, parmi lesquelles huit requérants[7],
se constituèrent parties civiles dans cette procédure.
75. Le 30 mars 2012,
le GIP de Tarente ordonna une expertise chimique et une expertise
épidémiologique, aux fins de l’évaluation de l’impact des émissions de l’usine
sur l’environnement et sur la santé des personnes.
76. Selon le
rapport d’expertise chimique, la société Ilva produisait des gaz et des vapeurs
dangereux pour la santé des travailleurs et pour la population locale. Ce
rapport établissait en outre que les mesures imposées pour éviter la dispersion
des fumées et particules nocives n’avaient pas été respectées et que les
valeurs de dioxines, de benzopyrène et d’autres
substances dangereuses pour la santé n’étaient pas conformes aux exigences
établies par les dispositions régionales, nationales et européennes. Selon le
rapport d’expertise épidémiologique, les pathologies cardiovasculaires,
respiratoires et cancéreuses avaient augmenté en raison des émissions
polluantes produites par la société Ilva.
77. Sur la base de ces rapports, le 25 juillet
et le 26 novembre 2012, le GIP ordonna la saisie conservatoire de six ateliers
de l’usine ainsi que de l’acier produit à partir de la date d’exécution de la
première saisie.
78. Entre-temps, le 26
juillet 2012, plusieurs ministères et autorités territoriales[8] avaient
signé un protocole d’entente afin de mettre en place des interventions urgentes
d’assainissement de la ville de Tarente, lequel prévoyait, à cet effet, la
création d’un fonds d’un montant de 336 668 320 EUR et la
nomination d’un administrateur provisoire pour la gestion de la comptabilité de
celui-ci.
79. Le 30 novembre
2012, le juge rejeta une demande de levée de la saisie conservatoire introduite
par la société Ilva, notant, entre autres, que les exigences d’intervention
urgente pour la protection de la population locale n’avaient pas été prises en
compte dans le cadre de l’AIA.
b) La procédure no 9693/14
80. La procédure no
9693/14 fut diligentée à la suite du dépôt par un groupe de citoyens d’une
plainte dirigée contre l’administrateur provisoire et le directeur de
l’établissement de Tarente pour émissions dangereuses et gestion de déchets non
autorisées.
81. Le parquet demanda
le classement sans suite de l’affaire, le délai pour la mise en place de l’AIA
étant pendant à l’époque. Le 12 octobre 2016, le GIP décida toutefois de
continuer les investigations.
c) La plainte déposée en 2013 par un
groupe de citoyens
82. Le 5 avril 2013,
sept personnes, dont la requérante figurant sous le numéro 43 (requête no 54414/13),
introduisirent une plainte auprès du parquet de Tarente pour dénoncer les
émissions polluantes de l’usine Ilva et les effets de celles-ci sur
l’environnement et sur la santé des personnes. L’issue de cette plainte n’est
pas connue.
E. Les
procédures devant l’Union européenne
1. L’arrêt de la
Cour de justice de l’Union européenne (« la CJUE ») du 31 mars
2011 (affaire C-50/10)
83. Par un arrêt du 31
mars 2011, la CJUE conclut que l’Italie avait manqué aux obligations qui lui
incombaient en vertu de la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du
Conseil relative à la prévention et à la réduction intégrées de la
pollution.
84. La CJUE souligna
que l’Italie avait omis d’adopter les mesures nécessaires qui auraient permis aux
autorités compétentes de veiller à ce que les installations industrielles
fussent exploitées conformément à un système d’autorisations prévu par cette
même directive.
2. L’avis motivé
de la Commission européenne du 16 octobre 2014
85. Dans le cadre
d’une procédure d’infraction ouverte à l’encontre de l’Italie, le 16 octobre
2014, la Commission européenne émit un avis motivé demandant aux autorités
italiennes de remédier aux graves problèmes de pollution constatés sur le site
de la société Ilva de Tarente. Elle observa que l’Italie avait manqué à ses
obligations de garantir la conformité de l’aciérie aux exigences de la
directive sur les émissions industrielles (directive no 2010/75/UE,
ayant remplacé la directive 2008/1/CE à partir du 7 janvier 2014).
86. La Commission
européenne constata que le niveau élevé des émissions résultant du processus de
production de l’acier n’avait pas baissé et que des fumées denses de particules
et de poussières industrielles se dégageaient du site, ce qui entraînait de
graves conséquences pour l’environnement et pour la santé de la population
locale. Elle releva aussi que des tests avaient révélé l’existence d’une forte
pollution de l’air, des sols, des eaux de surface et des eaux souterraines sur
le site de la société Ilva ainsi que dans les environs de la ville de Tarente.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
87. L’article
452 quater du code pénal (inséré dans
le code pénal par la loi no 68 du 22 mai 2015) dispose que
toute personne causant illégalement une catastrophe écologique est punie par
une peine de réclusion de cinq à quinze ans.
88. L’article 844 du
code civil dispose que le propriétaire d’un terrain ne peut empêcher les
nuisances provenant d’un terrain voisin si celles-ci ne dépassent pas un seuil
supportable.
89. L’article 2043 du
code civil énonce le principe du neminem laedere, c’est-à-dire le devoir général de ne pas
causer de dommage à autrui. Quiconque allègue avoir subi un dommage en
violation de ce principe peut engager une action en responsabilité.
90. L’article 2050 du
même civil consacre le principe général de la responsabilité du fait des
« activités dangereuses ».
91. Les articles 309
et 310 du décret législatif no 152/2006 prévoient la possibilité de
présenter des plaintes et observations devant le ministère de l’Environnement
en cas de violation des normes environnementales et rappellent la possibilité
d’entamer des procédures en dédommagement devant les juridictions compétentes.
EN DROIT
I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES
92. Compte tenu de la
similitude des requêtes, la Cour estime approprié de les examiner conjointement
en un seul arrêt.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 2, 8 ET 13 DE LA
CONVENTION
93. Invoquant les
articles 2 et 8 de la Convention, les requérants se plaignent d’une violation
de leurs droits à la vie et au respect de leur vie privée. Ils reprochent à
l’État de ne pas avoir adopté les mesures juridiques et réglementaires visant à
protéger leur santé et l’environnement, et d’avoir omis de leur fournir des
informations concernant la pollution et les risques corrélatifs pour leur
santé.
94. Maîtresse de la
qualification juridique des faits, la Cour constate que ces griefs se
confondent. Elle juge approprié d’examiner les allégations des requérants uniquement
sous l’angle de l’article 8 de la Convention (Radomilja
et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, 20 mars
2018). Cette disposition est ainsi libellée :
« 1. Toute
personne a droit au respect de sa vie privée (...).
2. Il
ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit
que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue
une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la
défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection
de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés
d’autrui. »
95. Sur le fondement
de l’article 13 de la Convention, les requérants soutiennent avoir subi une
violation de leur droit à un recours effectif. Cette disposition est ainsi
libellée :
« Toute
personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été
violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale,
alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans
l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Sur
les exceptions préliminaires du Gouvernement
1. Sur la
qualité de « victime » des requérants
a) La thèse du Gouvernement
96. Le Gouvernement
conteste la qualité de victime des requérants. Il indique à cet égard que
celle-ci ne peut être établie qu’à l’issue de procédures internes portant sur
les griefs soulevés ensuite devant la Cour.
97. Il dit par
ailleurs que les doléances des requérants n’ont qu’un caractère général et ne
se réfèrent pas à des situations particulières, et qu’elles n’apportent aucun
élément factuel de nature à étayer la thèse d’un dommage que les intéressés
auraient concrètement subi. Les présentes requêtes ne seraient donc qu’une actio popularis.
98. Le Gouvernement
dit en outre que la plupart des requérants habitent dans des municipalités
autres que celle directement touchée par la pollution environnementale, à
savoir la ville de Tarente.
b) La thèse des requérants
99. Les requérants
répliquent qu’ils résident tous ou ont tous résidé dans la ville de Tarente ou
dans des communes voisines, et que la pollution de ces villes par les émissions
nocives de l’usine Ilva est une certitude reconnue par les autorités publiques.
En outre, certains d’entre eux ont produit des certificats médicaux attestant
les maladies contractées par eux‑mêmes ou par leurs proches.
c) L’appréciation de la Cour
100. La Cour rappelle
que le mécanisme de contrôle de la Convention ne saurait admettre l’actio popularis (Perez
c. France [GC], no 47287/99, § 70, CEDH 2004-I, et Di Sarno et
autres c. Italie, no 30765/08, § 80, 10 janvier 2012). Par
ailleurs, ni l’article 8 ni aucune autre disposition de la Convention ne
garantissent spécifiquement une protection générale de l’environnement en tant
que tel (Kyrtatos c. Grèce, no 41666/98, § 52, CEDH 2003‑VI (extraits)).
101. Selon la
jurisprudence de la Cour, l’élément crucial qui permet de déterminer si, dans
les circonstances d’une affaire, des atteintes à l’environnement ont emporté violation
de l’un des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 8 est l’existence
d’un effet néfaste sur la sphère privée ou familiale d’une personne, et non
simplement la dégradation générale de l’environnement (Fadeïeva c. Russie, no 55723/00, § 88, CEDH 2005‑IV).
102. Dans la présente
espèce, la Cour relève que les requérants dénoncent le préjudice découlant des
émissions nocives de l’usine Ilva de Tarente. Les communes touchées par ces
émissions ont été identifiées par une délibération du Conseil des ministres du
30 novembre 1990 : il s’agit des villes de Tarente, Crispiano,
Massafra, Montemesola et Statte, qui ont été classifiées « à haut risque
environnemental ». De plus, les communes de Tarente et Statte
ont été incluses parmi les SIN par un décret du ministère de l’Environnement du
10 janvier 2000 (paragraphe 34 ci-dessus).
103. La zone directement
touchée par les nuisances de la société Ilva ayant ainsi été définie par des
mesures internes, la Cour constate que dix‑neuf requérants résident dans
des communes autres que Tarente, Crispiano, Massafra, Montemesola et Statte[9] et que
ces requérants n’ont pas présenté d’éléments de nature à mettre en question
l’étendue de cette zone.
104. S’agissant des
autres requérants, la Cour rappelle que la pollution dans un secteur déterminé
devient potentiellement dangereuse pour la santé et le bien-être de ceux qui y
sont exposés. Il s’agit en tout cas d’une présomption, qui peut ne pas se
vérifier dans un cas déterminé.
105. Il n’en reste pas
moins que, en l’espèce, il ressort des éléments de preuve dont la Cour dispose
que la pollution a rendu inévitablement les personnes qui y étaient exposées
plus vulnérables à diverses maladies.
106. Les nombreux
rapports et études scientifiques dont la Cour dispose (voir notamment le
rapport SENTIERI, paragraphes 20 et suivants ci-dessus) attestent en effet l’existence
d’un lien de causalité entre l’activité productive de la société Ilva de
Tarente et la compromission de la situation sanitaire, notamment dans les
communes susmentionnées. Pour l’étude la plus récente en cette matière, la Cour
se réfère aussi au rapport de l’ARPA de 2017, réitérant le constat du lien de
causalité mentionné ci-dessus et attestant la permanence d’un état de criticité
sanitaire dans la zone « à haut risque environnemental » et dans le
SIN de Tarente, où le taux de mortalité et d’hospitalisation pour certaines
pathologies oncologiques, cardiovasculaires, respiratoires et digestives était
supérieur par rapport à la moyenne régionale (paragraphe 29 ci-dessus).
107. Cette pollution a
ainsi indubitablement eu des conséquences néfastes sur le bien‑être des
requérants concernés (voir, a contrario,
Kyrtatos,
précité, § 53, et voir, mutatis mutandis,
Fadeïeva,
précité, §§ 87‑88 et Di Sarno, précité, § 81).
108. En revanche, les
requérants mentionnés au paragraphe 103 ci‑dessus n’ont pas démontré avoir été
personnellement affectés par la situation dénoncée. La Cour accepte donc
l’exception soulevée à cet égard par le Gouvernement pour autant que ces
requérants sont concernés.
109. La Cour estime
qu’il y a lieu de rejeter l’exception du gouvernement défendeur s’agissant des
autres requérants.
2. Sur le non-épuisement
des voies de recours internes
110. Le
Gouvernement estime que les requérants auraient pu porter plainte au pénal
(entre autres, pour catastrophe écologique, sur le fondement de l’article 452 quater du code pénal) et se constituer
ensuite parties civiles.
111. Il se réfère
ensuite aux deux procédures pénales pendantes entamées à l’encontre des
dirigeants de la société Ilva pour dire que les questions soumises à l’examen
de la Cour font l’objet de procédures nationales actuellement en cours. Il
ajoute, s’agissant de la première desdites procédures, que huit requérants se
sont constitués parties civiles et qu’il serait loisible aux autres d’en faire
autant.
112. Il considère en
outre que les requérants avaient aussi la possibilité d’engager diverses
actions sur la base du code civil et des normes en matière environnementale
(paragraphes 87 et suivants ci-dessus), en sus d’une action en référé
sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et d’une action
collective (class action) au sens de
la loi no 15/2009.
113. Enfin, il estime
que les requérants pouvaient soulever une question de constitutionnalité dans
le cadre d’une procédure judiciaire.
b) La thèse des requérants
114. Les requérants
récusent l’exception de non-épuisement des voies de recours internes, indiquant
qu’aucun des remèdes évoqués par le Gouvernement ne répond à leurs doléances.
Ils précisent que celles-ci consistent non pas en la réclamation d’une
réparation financière, mais en la dénonciation d’un défaut d’adoption par
l’État de mesures administratives et législatives visant à protéger leur santé
et l’environnement, d’une part, et en la contestation de l’application de
mesures ayant permis la continuation par la société Ilva de son activité
polluante, d’autre part.
115. Les requérants
soutiennent en outre que ceux d’entre eux s’étant constitués parties civiles
dans la procédure no 938/10 ont été privés de la possibilité
d’obtenir une compensation en raison du placement de la société Ilva sous
administration provisoire. En tout état de cause, ils disent que les autres
requérants ne pourraient plus – contrairement aux affirmations du Gouvernement
– se constituer parties civiles dans cette procédure, les délais pour ce faire
ayant expiré.
116. Concernant la
procédure no 9693/14, les requérants exposent que le procureur de
Tarente a demandé le classement de celle-ci en raison, d’une part, du report du
délai pour la mise en œuvre de l’AIA et, d’autre part, de la reconnaissance de
l’immunité aux parties en cause dans le cadre des décrets-lois
« salva-Ilva ».
117. Quant à l’article
452 quater du code pénal, les
requérants indiquent qu’il est dépourvu d’effectivité dans leur cas car, selon
eux, cette disposition concerne des situations dans lesquelles, contrairement à
la situation en l’espèce, les faits se déroulent en l’absence d’une
autorisation légale ou administrative.
118. Ils ajoutent que, en
tout état de cause, les tribunaux internes ont jusqu’à présent rejeté les
demandes en dédommagement introduites au civil et condamné les demandeurs aux
frais et dépens (les requérants font mention d’un jugement du tribunal de
Tarente, no 2375, en date du 20 juillet 2016).
119. De plus, ils
estiment que le recours administratif indiqué par le Gouvernement (article 309
du décret législatif no 152/2006) n’aurait pas non plus de
chances de succès, puisque, selon eux, le ministère de l’Environnement serait
appelé à remettre en question des décrets-lois émis
par le gouvernement. De plus, l’action en annulation d’actes administratifs
(article 29 du code de procédure administrative) ne pourrait pas être exercée
pour contester des décrets.
120. Enfin, les
requérants disent qu’une action collective ne pourrait pas remédier à leurs
griefs au motif qu’ils demandent l’adoption d’actes normatifs, laquelle serait
explicitement exclue par le décret législatif no 198/2009 (introduisant
ce moyen de recours).
c) L’appréciation de la Cour
121. La Cour rappelle
que la règle de l’épuisement des voies de recours internes inscrite à l’article
35 § 1 de la Convention vise à ménager aux États contractants l’occasion de
prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que
celles-ci ne lui soient soumises. Cette règle se fonde sur l’hypothèse, objet
de l’article 13 de la Convention – et avec lequel elle présente
d’étroites affinités – que l’ordre interne offre un recours effectif quant
à la violation alléguée. De la sorte, elle constitue un aspect important du
principe voulant que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention
revête un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie
des droits de l’homme (Vučković et autres c. Serbie (exception
préliminaire) [GC], nos 17153/11 et 29 autres, §§ 69-77, 25 mars
2014).
122. La Cour rappelle
en outre que, en vertu de la règle de l’épuisement des voies de recours
internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention, un requérant doit se
prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants pour lui permettre
d’obtenir réparation des violations qu’il allègue, étant entendu qu’il incombe
au Gouvernement excipant du non‑épuisement de la convaincre que le
recours évoqué était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à
l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible et susceptible d’offrir
au requérant le redressement de ses griefs et qu’il présentait des perspectives
raisonnables de succès (voir, parmi d’autres, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, Recueil, § 66, et Giacobbe et autres c.
Italie, no 16041/02, § 63, 15 décembre 2005). De plus,
selon les « principes de droit international généralement reconnus »,
certaines circonstances particulières peuvent dispenser le requérant de
l’obligation d’épuiser les recours internes qui s’offrent à lui (Selmouni, précité, § 75).
123. En l’occurrence, la
Cour relève que les griefs des requérants portent sur l’absence de mesures
visant à assurer la dépollution du territoire concerné. Elle relève aussi que
l’assainissement de la zone touchée est un objectif poursuivi depuis plusieurs
années par les autorités compétentes, toutefois sans succès. Compte tenu aussi
des éléments soumis par les requérants et en l’absence de précédents
jurisprudentiels pertinents, la Cour estime qu’aucune démarche de nature
pénale, civile ou administrative ne saurait répondre à cet objectif dans la
présente espèce.
124. Dans ce contexte,
la Cour ne saurait faire abstraction de l’immunité pénale et administrative
accordée à l’administrateur provisoire dans la mise en place des mesures préconisées
par le plan environnemental (prévue par le décret‑loi no 1 du
5 janvier 2015 – paragraphe 59 ci-dessus) et de l’élargissement de cette immunité au
futur acquéreur de l’établissement (paragraphe 68 ci-dessus).
125. Quant à la
possibilité de soulever les griefs devant la Cour constitutionnelle, il suffit
de rappeler que la Cour a indiqué à
maintes reprises que, dans l’ordre juridique italien, le justiciable ne
jouit pas d’un accès direct à la Cour constitutionnelle : en effet, seule
une juridiction qui connaît du fond d’une affaire a la faculté de saisir cette
haute juridiction, à la demande d’un plaideur ou d’office. Dès lors, pareille
demande ne saurait s’analyser en un recours dont la Convention exige l’exercice
(voir, entre autres, Brozicek c. Italie no 10964/84,
19 décembre 1989, § 34, série A no 167, Immobiliare Saffi
c. Italie [GC], no 22774/93, § 42, CEDH 1999‑V, C.G.I.L. et Cofferati
c. Italie, no 46967/07, § 48, 24 février 2009, Scoppola c. Italie (no 2) [GC],
no 10249/03, § 75, 17 septembre 2009, et M.C. et autres c. Italie, no 5376/11, § 47,
3 septembre 2013).
126. La Cour note aussi
que, selon le décret-loi no 152/06, seul le ministère de
l’Environnement peut demander réparation du préjudice écologique, les
particuliers ne pouvant que l’inviter à saisir les autorités judiciaires. Il
s’ensuit que, en tout état de cause, les recours prévus par les dispositions en
question n’auraient pas permis aux requérants de se prévaloir du préjudice
découlant des dommages à l’environnement. En conséquence, ces recours ne
sauraient passer pour des recours utiles au sens de l’article 35 § 1 de la Convention
(Di Sarno,
précité, § 89).
127. Eu égard à ce qui
précède, la Cour estime qu’il y a lieu de rejeter l’exception du Gouvernement
tirée du non-épuisement des voies de recours internes.
3. Sur
l’observation du délai de six mois
a) La thèse du Gouvernement
128. Le Gouvernement
indique que les requérants ont vécu pendant des décennies dans les zones
concernées, et que, jusque-là, ils n’ont jamais soulevé leurs griefs. Ainsi,
les intéressés n’auraient pas respecté la règle des six mois prévue par
l’article 35 de la Convention.
b) La thèse des requérants
129. Les requérants
contestent avoir introduit tardivement leurs requêtes. Ils soutiennent ne
disposer d’aucun remède effectif pour se plaindre des effets nocifs de
l’activité productive de la société Ilva sur leur santé et sur l’environnement.
Ils allèguent d’ailleurs que les procédures entamées par certains d’entre eux
pour faire valoir leurs droits (paragraphe 74 ci‑dessus) ont été dépourvues d’effectivité.
130. Les requérants
indiquent que, en tout état de cause, les violations dénoncées par eux ont un
caractère continu, car elles découleraient d’un manquement de l’État à mettre
en place les mesures prévues par l’AIA et par le plan environnemental. Ils
estiment par conséquent que le délai de six mois ne devrait courir, dans ce
cas, qu’à partir de la cessation des violations alléguées.
c) L’appréciation de la Cour
131. La Cour relève que
les requérants ne se plaignent pas d’un acte instantané mais d’une situation de
pollution environnementale perdurant depuis des décennies. Elle rappelle que,
lorsque la violation alléguée constitue, comme en l’espèce, une situation
continue, le délai de six mois ne commence à courir qu’à partir du moment où
cette situation continue a pris fin (voir, parmi d’autres, Çınar c. Turquie,
no 17864/91, décision de la Commission du 5 septembre 1994, et Ülke c. Turquie (déc.), no
39437/98, 1er juin 2004).
132. Dès lors, elle
estime qu’il y a lieu de rejeter l’exception du Gouvernement.
4. Sur
l’existence d’un préjudice important
a) La thèse du Gouvernement
133. Se fondant sur
l’article 35 § 3 b) de la Convention, le Gouvernement soutient enfin que la
référence faite selon lui en termes généraux à la pollution et à son impact sur
la santé des requérants, sans l’indication d’éléments factuels étayant la thèse
des intéressés, n’est pas suffisante pour que le préjudice allégué puisse être
qualifié d’important.
b) La thèse des requérants
134. Les requérants
contestent cette thèse.
c) L’appréciation de la Cour
135. La Cour rappelle
que le critère du manque de préjudice important a été conçu pour lui permettre
de traiter rapidement les requêtes à caractère futile afin de se concentrer sur
sa mission essentielle, qui est d’assurer au niveau européen la protection
juridique des droits garantis par la Convention et ses Protocoles (Stefanescu c. Roumanie (déc.), no 11774/04,
12 avril 2011, § 35).
136. Issue du principe de
minimis non curat praetor, la condition de recevabilité renvoie à l’idée
que la violation d’un droit, quelle que soit sa réalité d’un point de vue
strictement juridique, doit atteindre un seuil minimum de gravité pour
justifier un examen par une juridiction internationale (Korolev
c. Russie (déc), nº 25551/05, 1 juillet 2010).
L’appréciation de ce seuil est, par nature, relative et dépend des
circonstances de l’espèce (Korolev, précitée,
et, mutatis mutandis, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, §
100, série A no 161). Cette appréciation doit tenir compte tant de la
perception subjective du requérant que de l’enjeu objectif du litige.
137. La Cour rappelle
qu’afin de vérifier si la violation d’un droit a atteint le seuil minimum de
gravité il y a lieu de prendre en compte notamment les éléments suivants : la
nature du droit prétendument violé, la gravité de l’incidence de la violation
alléguée dans l’exercice d’un droit et/ou les conséquences éventuelles de la
violation sur la situation personnelle du requérant (Giusti c. Italie, no 13175/03, § 34, 18 octobre 2011).
138. En l’espèce,
compte tenu de la nature des griefs soulevés par les requérants et des nombreux
rapports scientifiques attestant l’impact des nuisances de la société Ilva sur
l’environnement et sur la santé des personnes, la Cour estime que la première
condition de l’article 35 § 3 b) de la Convention, à savoir l’absence de
préjudice important, n’est pas remplie.
139. Compte tenu de ce
qui précède, la Cour estime qu’il y a lieu de rejeter l’exception du
Gouvernement.
B. Conclusion
sur la recevabilité des requêtes
140. Tout en rappelant
ses conclusions concernant l’irrecevabilité d’une partie des requêtes
(paragraphe 103 ci-dessus), la Cour constate que l’autre partie de
celles-ci n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35
§ 3 de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif
d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
C. Sur
le fond
1. Article 8 de
la Convention
a) Les thèses des parties
i. Les
requérants
141. Les requérants
réitèrent leurs griefs, et ils maintiennent que les autorités italiennes ont
omis de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger leur vie et leur
santé. Ils soutiennent être affectés par la pollution et être plus susceptibles
de contracter diverses pathologies, tel que cela aurait été démontré par de
nombreux rapports.
142. Les requérants
disent aussi que la présente affaire diffère de l’affaire Smaltini c. Italie ((déc.) no 43961/09, 24 mars 2015) en ce
que, dans cette dernière espèce, contrairement à eux, la requérante se
plaignait d’avoir contracté une pathologie en raison de son exposition à la
pollution causée par la société Ilva. Cette affaire aurait donc porté sur le
lien de causalité entre la maladie de cette requérante et les émissions
nocives, et non, comme en l’espèce, sur un manquement de l’État à prendre les
mesures visant à protéger la santé des requérants et leur environnement.
ii. Le
Gouvernement
143. Le Gouvernement soutient
que les juridictions nationales ont mené des procédures impartiales en
poursuivant les responsables des conduites délictueuses concernant
l’environnement et la santé des personnes.
144. De plus, il dit que,
selon un rapport du ministère de la Santé de 2014, le taux de PM10 a diminué.
145. Le Gouvernement
indique en outre que dans l’affaire Smaltini
c. Italie, précitée, la Cour avait conclu à l’absence de preuve d’un
lien de causalité entre la pathologie contractée par la requérante et les
émissions nocives de l’usine Ilva et, par conséquent, au défaut manifeste de
fondement de la requête. À plus forte raison, cette conclusion est, selon lui,
valable dans le cas présentement soumis à la Cour.
146. Le Gouvernement
soutient également que la société Ilva a toujours mené son activité de
production en se conformant aux autorisations accordées par la municipalité, la
région et la province. Il ajoute que des plans de prévention de la pollution et
d’adoption de mesures visant à assurer la qualité de l’air dans le quartier Tamburi (Tarente) ont été mis en place. Plusieurs mesures
auraient d’ailleurs été adoptées, permettant une amélioration considérable de
la qualité de l’air.
b) Les observations des tiers
intervenants
i. Le Clinical
program
147. Le Clinical program reprend la chronologie des décrets-lois « salva-Ilva »
et pointe du doigt l’immunité judiciaire reconnue aux personnes chargées de
garantir le respect des prescriptions en matière environnementale, ainsi que la
prorogation continue des délais pour la mise en œuvre du plan environnemental.
148. Selon le
Gouvernement, les informations fournies par cette tierce partie ne sont pas
pertinentes et font tout au plus état des actions de prévention et de
réparation des problèmes environnementaux menées par les autorités.
149. Les requérants
partagent la position de cette tierce partie.
ii. L’ISDE
150. L’ISDE se réfère à
plusieurs études attestant la pollution dans des zones se situant à proximité
de la région concernée.
151. Cette tierce
partie se reporte aussi à certaines données du rapport SENTIERI de 2014,
faisant état d’un taux de mortalité infantile plus élevé dans la région de
Tarente par rapport au taux des autres régions (taux supérieur de 20 %
s’agissant des décès dans la première année de vie et de 45 % s’agissant
des décès in utero) ainsi que d’un
risque de cancer plus élevé dans la tranche d’âge des 0‑14 ans.
152. L’ISDE se réfère
également à l’étude de cohorte, concernant le lien de causalité entre la
pollution et la survenue de nombreuses pathologies (paragraphe 25 ci-dessus), et indique que, selon des données du
registre régional des malformations congénitales, dans la région de Tarente,
lesdites malformations sont supérieures de 10 % par rapport à la moyenne
régionale.
153. L’ISDE indique en
outre que, selon une étude concernant des femmes résidant dans cinq villes
industrielles des Pouilles, dont Tarente, il existe une corrélation entre, d’une
part, la présence de PM10 et les niveaux d’ozone et, d’autre part, le taux de
fausses couches.
154. L’ISDE indique
aussi que l’observatoire régional des troubles autistiques a conclu en 2016 à un
taux de troubles plus important dans la province de Tarente par rapport au taux
moyen de la région et au taux d’autres provinces des Pouilles.
155. L’ISDE renvoie
enfin aux décrets-lois « salva-Ilva », en particulier au décret-loi no 98/2016
ayant décidé d’un nouveau report du délai de mise en œuvre du plan
environnemental.
156. Le Gouvernement
estime que l’ISDE a présenté des allégations de nature générale concernant le
lien de causalité entre les pathologies indiquées et les émissions de l’usine
Ilva, et que cette tierce partie n’a pas fourni une preuve scientifique
irréfutable.
c) L’appréciation de la Cour
i. Principes
généraux
157. La Cour rappelle
que des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être des
personnes et les priver de la jouissance de leur domicile de manière à nuire à
leur vie privée (Lόpez Ostra
c. Espagne, 9 décembre 1994, série A no 303-C, § 51, et Guerra et autres c. Italie,
19 février 1998, § 60, Recueil 1998‑I).
À cet égard
la Cour rappelle également que, dans les affaires où la notion de seuil de
gravité a été spécifiquement examinée en matière d’environnement, la Cour a
jugé que un grief défendable sur le terrain de l’article 8 peut naître si un
risque écologique atteint un niveau de gravité diminuant notablement la
capacité du requérant à jouir de son domicile ou de sa vie privée ou familiale.
L’appréciation de ce niveau minimum dans ce type d’affaires est relative et
dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de l’intensité et de la
durée des nuisances ainsi que de leurs conséquences physiques ou psychologiques
sur la santé ou la qualité de vie de l’intéressé (Fadeïeva,
précité, §§ 68 et 69, Dubetska et autres c.
Ukraine, no 30499/03, § 105, 10 février 2011, et Grimkovskaya c. Ukraine, no 38182/03,
§ 58, 21 juillet 2011).
158. L’article 8 ne se
borne pas à astreindre l’État à s’abstenir d’ingérences arbitraires :
à cet engagement plutôt négatif peuvent s’ajouter des obligations
positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée. En tout état de
cause, que l’on aborde la question sous l’angle de l’obligation positive de
l’État d’adopter des mesures raisonnables et adéquates pour protéger les droits
de l’individu, en vertu du premier paragraphe de l’article 8, ou sous celui
d’une ingérence d’une autorité publique, à justifier selon le second
paragraphe, les principes applicables sont assez voisins. Dans les deux cas, il
faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de
l’individu et de la société dans son ensemble, l’État jouissant en toute
hypothèse d’une certaine marge d’appréciation (López Ostra, précité, § 51, et Guerra et autres, précité, § 58).
159. Les États ont
avant tout l’obligation positive, en particulier dans le cas
d’une activité dangereuse, de mettre en place une réglementation
adaptée aux spécificités de ladite activité, notamment au niveau du risque qui
pourrait en résulter. Cette règlementation doit régir l’autorisation, la mise
en fonctionnement, l’exploitation, la sécurité et le contrôle de l’activité en
question, ainsi qu’imposer à toute personne concernée par celle-ci l’adoption
de mesures d’ordre pratique propres à assurer la protection effective des
citoyens dont la vie risque d’être exposée aux dangers inhérents au domaine en
cause (voir, mutatis mutandis, Oneryildiz c. Turquie, [GC], no 48939/99,
§ 90, CEDH 2004-XII, et Brincat et autres c. Malte, nos
60908/11 et 4 autres, §§ 101-102, 24 juillet 2014).
160. Enfin, il est
souvent impossible de quantifier les effets d’une pollution industrielle
importante dans chaque situation individuelle et de distinguer l’influence
d’autres facteurs, tels que, par exemple, l’âge et la profession. Il en va de
même chose s’agissant de la dégradation de la qualité de vie résultant de la
pollution industrielle. La « qualité de vie » est un concept très
subjectif qui ne se prête pas à une définition précise. Partant, en vue de
l’établissement des circonstances factuelles des affaires qui lui sont
soumises, la Cour n’a pas d’autre choix que celui de se baser avant tout, bien
que non exclusivement, sur les conclusions des juridictions et des autres autorités
internes compétentes (Lediaïeva et autres c. Russie, nos 53157/99
et 3 autres, § 90, 26 octobre 2006, et Jugheli
et autres c. Géorgie, no 38342/05, § 63, 13 juillet 2017).
ii. Application
des principes précités en l’espèce
161. La Cour
relève que, s’il ne lui appartient pas de déterminer précisément les mesures
qu’il aurait fallu prendre en l’espèce pour réduire plus efficacement le niveau
de la pollution, il lui incombe sans conteste de rechercher si les autorités
nationales ont abordé la question avec la diligence voulue et si elles ont pris
en considération l’ensemble des intérêts concurrents. À ce propos, la Cour
rappelle qu’il revient à l’État de justifier par des éléments précis et
circonstanciés les situations dans lesquelles certains individus se trouvent
devoir supporter de lourdes charges au nom de l’intérêt de la société. L’examen
de la présente affaire sous cet angle conduit la Cour à formuler les
observations qui suivent (Fadeïeva, précité, § 128).
162. À titre liminaire,
la Cour convient avec les requérants que l’objet de la présente affaire diffère
de celui de l’affaire Smaltini,
précitée, dans laquelle la requérante, décédée d’une leucémie au cours de la
procédure devant elle, reprochait aux autorités nationales de ne pas avoir
reconnu, à l’issue de la procédure pénale engagée par elle, l’existence d’un
lien de causalité entre les émissions de l’usine Ilva de Tarente et sa
pathologie. Dans cette affaire, la Cour avait notamment souligné que, à la
lumière des connaissances scientifiques disponibles à l’époque des faits et
sans préjudice des résultats des études scientifiques à venir, les décisions
internes avaient été dûment motivées. Or, dans la présente affaire, les
requérants dénoncent l’absence de mesures étatiques visant à protéger leur
santé et l’environnement. C’est uniquement sur cette dernière question,
différente de celle en cause dans l’affaire Smaltini, précitée, que la Cour
est appelée à statuer.
163. La Cour constate
que, depuis les années 1970, des études scientifiques font état des effets
polluants des émissions de l’usine Ilva de Tarente sur l’environnement et sur
la santé des personnes (paragraphes 15 et suivants ci‑dessus). Les résultats de ces
rapports, émanant en grande partie d’organismes étatiques et régionaux, ne font
d’ailleurs pas l’objet de contestation entre les parties.
164. Dans ce contexte,
il convient de rappeler en particulier le rapport SENTIERI de 2012, attestant
l’existence d’un lien de causalité entre l’exposition environnementale aux
substances cancérogènes inhalables produites par la société Ilva et le
développement de tumeurs des poumons et de la plèvre ainsi que de pathologies
du système cardiocirculatoire chez les personnes
résidant dans les zones touchées (paragraphes 20 et suivants ci-dessus).
165. Par ailleurs, une
étude de cohorte effectuée en 2016 a démontré un lien de causalité entre
l’exposition aux PM10 et au SO2 d’origine industrielle, due à
l’activité productive de la société Ilva, et l’augmentation de la mortalité
pour causes naturelles, tumeurs, maladies rénales et cardiovasculaires chez les
personnes résidant à Tarente (paragraphes 25 et 26 ci-dessus).
166. Enfin, le même
lien entre les émissions industrielles de la société Ilva et le préjudice
sanitaire dans la région de Tarente est attesté dans le rapport de l’ARPA de
2017. Ce dernier fait d’ailleurs aussi état de la permanence d’une situation de
criticité sanitaire dans la zone « à haut risque environnemental » et
dans le SIN de Tarente, où le taux de mortalité et d’hospitalisation pour
certaines pathologies oncologiques, cardiovasculaires, respiratoires et
digestives était supérieur par rapport à la moyenne régionale (paragraphe 29 ci-dessus).
167. Il y a lieu de
relever que, malgré les tentatives des autorités nationales d’aboutir à la
dépollution de la région concernée, les projets mis en place n’ont, à ce jour,
pas produit les effets escomptés.
168. Les mesures
préconisées à partir de 2012 dans le cadre de l’AIA afin d’améliorer l’impact
environnemental de l’usine n’ont finalement pas été réalisées ; cette
défaillance a été du reste à l’origine d’une procédure d’infraction devant les
instances de l’Union européenne. Par ailleurs, la réalisation du plan
environnemental approuvé en 2014 a été reportée au mois d’août 2023 (paragraphe
69 ci-dessus). La procédure permettant d’atteindre les
objectifs d’assainissement poursuivis se révèle donc d’une lenteur extrême (Fadeïeva,
précité, §§ 126-127).
169. Entre-temps, le
gouvernement est intervenu à maintes reprises par le biais de mesures urgentes
(les décrets-lois « salva-Ilva » – paragraphes 47 et suivants ci-dessus) afin de garantir la continuation
de l’activité de production de l’aciérie, et ce en dépit du constat par les
autorités judiciaires compétentes, fondé sur des expertises chimiques et
épidémiologiques, de l’existence de risques graves pour la santé et pour
l’environnement (paragraphe 76 ci-dessus, et, en ce qui concerne le rejet de la
question de constitutionnalité, paragraphe 51 ci‑dessus). Qui plus est, une immunité
administrative et pénale a été reconnue aux personnes chargées de garantir le
respect des prescriptions en matière environnementale, à savoir
l’administrateur provisoire et le futur acquéreur de la société (paragraphes 59 et 68 ci-dessus).
170. À cela s’ajoute
une situation d’incertitude découlant, d’une part, de la débâcle financière de
la société (paragraphe 60 ci-dessus) et, d’autre part, de la possibilité, accordée
au futur acquéreur, de reporter la réalisation de l’assainissement de l’usine
(paragraphe 67 ci-dessus).
171. Le fait est que la
gestion de la part des autorités nationales des questions environnementales
tenant à l’activité de production de la société Ilva de Tarente est,
aujourd’hui, dans l’impasse.
172. La Cour ne peut
que constater la prolongation d’une situation de pollution environnementale mettant
en danger la santé des requérants et, plus généralement, celle de l’ensemble de
la population résidant dans les zones à risque, laquelle reste, en l’état
actuel, privée d’informations quant au déroulement de l’assainissement du
territoire concerné, notamment pour ce qui est des délais de mise en œuvre des
travaux y afférents.
173. Eu égard à ce qui
précède, la Cour constate que les autorités nationales ont omis de prendre
toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection effective du droit
des intéressés au respect de leur vie privée.
174. Ainsi, le juste
équilibre à ménager entre, d’une part, l’intérêt des requérants de ne pas subir
des atteintes graves à l’environnement pouvant affecter leur bien-être et leur
vie privée et, d’autre part, l’intérêt de la société dans son ensemble n’a pas
été respecté. Dès lors, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention en
l’espèce.
2. Article 13 de
la Convention
175. La Cour rappelle
que l’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un
recours permettant à l’autorité nationale compétente de connaître du contenu
d’un « grief défendable » fondé sur la Convention (Z. et autres c. Royaume-Uni [GC], no
29392/95, § 108, CEDH 2001‑V). L’objet de cet article est de fournir
un moyen au travers duquel les justiciables peuvent obtenir, au niveau
national, le redressement des violations de leurs droits garantis par la
Convention, avant d’avoir à mettre en œuvre le mécanisme international de
plainte devant la Cour (Kudła c. Pologne [GC], no
30210/96, § 152, CEDH 2000‑XI).
176. Eu égard aux
conclusions auxquelles elle est parvenue quant à l’existence de voies de
recours utiles et effectives permettant de soulever, devant les autorités
nationales, des griefs ayant trait à l’impossibilité d’obtenir des mesures
garantissant la dépollution des zones concernées par les émissions nocives de
l’usine Ilva (paragraphes 110 et suivants ci‑dessus), la Cour estime
qu’il y a lieu de conclure à la violation de l’article 13 de la Convention
en l’espèce (Di Sarno,
précité, §§ 116-118).
III. APPLICATION DE L’ARTICLE 46 DE LA CONVENTION
177. Les requérants de
la requête no 54264/15 sollicitent l’application de la
procédure d’arrêt pilote, compte tenu du nombre de personnes potentiellement
touchées par la situation en cause. Ils demandent notamment à ce que les
autorités italiennes adoptent toutes les mesures législatives et administratives
afin, d’une part, de cesser les activités à l’origine des violations qu’ils
allèguent et, d’autre part, d’éliminer les conséquences dérivant de celles-ci.
Les requérants demandent notamment que les autorités nationales procèdent à la
suspension immédiate de l’activité la plus polluante (à savoir l’activité de
six secteurs de l’établissement) et à la mise en place d’un plan de
décontamination de l’usine et de la région limitrophe.
178. Le Gouvernement
conteste cette demande et allègue avoir déjà adopté toutes les mesures
nécessaires afin de faire face aux conséquences environnementales de l’activité
de l’usine Ilva. Il fait aussi valoir que la solution de cette question
environnementale implique une connaissance accrue de son contexte et du
territoire qui ne peut être assurée que par l’État lui-même.
179. La Cour rappelle
qu’un arrêt constatant une violation de la Convention entraîne pour l’État
défendeur l’obligation juridique non seulement de verser aux intéressés les
sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi de choisir, sous
le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales à adopter dans son
ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la
Cour et d’en effacer autant que possible les conséquences. Il appartient au
premier chef à l’État en cause de choisir, sous réserve du contrôle du Comité
des Ministres, les moyens à utiliser dans son ordre juridique interne pour
s’acquitter de son obligation au regard de l’article 46 de la Convention.
Toutefois, pour aider l’État défendeur à remplir ses obligations au titre de
l’article 46, la Cour peut chercher à lui indiquer le type de mesures
générales, qu’il pourrait prendre pour mettre un terme à la situation constatée
(Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96,
§ 194, CEDH 2004‑V; Scoppola c. Italie (no 2) [GC], no
10249/03, § 148, 17 septembre 2009 et Volokitin
et autres c. Russie, nos 74087/10 et 13 autres, § 46, 3
juillet 2018).
180. Or, à la lumière
de ces principes, compte tenu de l’ensemble des circonstances de cette affaire
et en particulier de la complexité technique des mesures nécessaires à
l’assainissement de la zone concernée, qui relève de la compétence des
autorités internes, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer la
procédure d’arrêt pilote (voir, mutatis
mutandis, Lakatos c. Hongrie,
no 21786/15, §§ 89-91, 26 juin 2018).
181. En effet, il ne
revient pas à la Cour d’adresser au Gouvernement des recommandations détaillées
et à contenu prescriptif, telles que celles indiquées par les requérants. C’est
au Comité des Ministres, agissant au sens de l’article 46 de la Convention,
qu’il appartient d’indiquer au gouvernement défendeur les mesures qui, en
termes pratiques, doivent être adoptées par celui-ci afin d’assurer l’exécution
de ce jugement.
182. Dans ce contexte,
il convient en tout cas de souligner que les travaux d’assainissement de
l’usine et du territoire touché par la pollution environnementale occupent une
place primordiale et urgente (voir, mutatis
mutandis, Torreggiani et autres c. Italie, nos
43517/09 et 6 autres, § 99, 8 janvier 2013). Ainsi, le plan
environnemental approuvé par les autorités nationales, et contenant
l’indication des mesures et des actions nécessaires à assurer la protection
environnementale et sanitaire de la population, devra être mis en exécution
dans les plus brefs délais.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
183. Aux termes de
l’article 41 de la Convention,
« Si
la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles,
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer
qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la
partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
184. Les requérants de
la requête no 54414/13 et ceux de la requête no 54264/15
réclament respectivement 100 000 euros (EUR) et 20 000 EUR chacun
pour dommage moral.
185. De plus, les
requérants de la requête no 54264/15 demandent une somme
supplémentaire de 20 000 EUR, également pour dommage moral, pour
chacun de ceux d’entre eux qui souffrent d’une pathologie ou qui ont perdu un
proche en raison des émissions nocives de l’usine Ilva.
186. Le Gouvernement
conteste ces prétentions.
187. Dans les circonstances
de l’espèce, la Cour estime que les constats de violation de la Convention
auxquels elle est parvenue constituent une réparation suffisante pour le
dommage moral subi par les requérants.
B. Frais
et dépens
188. Dans le cadre de
la requête no 54414/13, Mes Maggio
et La Porta demandent respectivement 96 807,51 EUR et 29 335,61 EUR
pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
189. Quant aux
requérants de la requête no 54264/15, ils réclament 41 535
EUR au même titre.
190. Le Gouvernement
conteste ces prétentions.
191. Selon la
jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses
frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur
nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu
des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime
raisonnable la somme de 5 000 EUR par requête pour la procédure devant elle
et l’accorde aux requérants.
C. Intérêts
moratoires
192. La Cour juge
approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de
la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois
points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare les requêtes irrecevables quant
à la partie de celles-ci introduite par les requérants de la requête no 54414/13
figurant sous les numéros 23, 35, 43 et 45 et par ceux de la
requête no 54264/15 figurant sous les numéros 4, 9,
18, 24, 25, 34, 40, 41, 42, 56, 88, 107, 111, 113 et 128 ;
3. Déclare le restant des requêtes
recevable ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article
8 de la Convention ;
5. Dit qu’il y a eu violation de l’article
13 de la Convention ;
6. Dit que le constat d’une violation
fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi
par les requérants concernés ;
7. Dit
a) que
l’État défendeur doit verser par requête, dans les trois mois à compter du jour
où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2
de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros) aux requérants concernés,
plus tout montant pouvant être dû par ceux-ci à titre d’impôt, pour frais et
dépens,
b) qu’à
compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à
majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt
marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période,
augmenté de trois points de pourcentage ;
8. Rejette la demande de satisfaction
équitable pour le surplus.
Fait en
français, puis communiqué par écrit le 24 janvier 2019, en application de
l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Renata Degener Linos-Alexandre Sicilianos
Greffière adjointe Président
A
N N E X E
Requête no 54414/13
No. |
Prénom NOM |
Date
de naissance |
Lieu
de résidence |
|
Francesco CORDELLA |
29/01/1979 |
Tarente |
|
Livianna
ANNICCHIARICO |
24/04/1984 |
Tarente |
|
Mario BOJANO |
02/04/1966 |
Tarente |
|
Pietro CAROLI |
20/08/1949 |
Tarente |
|
Daniela CASAVOLA |
04/10/1971 |
Tarente |
|
Milena CASTANEDA |
07/03/1975 |
Tarente |
|
Maria Giovanna CHIARELLI |
28/02/1958 |
Tarente |
|
Maddalena
CIFARELLI |
29/06/1976 |
Tarente |
|
Rossano Rocco
COPPARI |
08/08/1973 |
Tarente |
|
Derna
D’ALTRI |
07/07/1975 |
Tarente |
|
Rosa D’AMATO |
30/03/1969 |
Tarente |
|
Ida D’ANGELO |
11/01/1974 |
Tarente |
|
Emanuele DE GASPERIS |
27/02/1970 |
Tarente |
|
Adele DE GIORGIO |
22/01/1972 |
Tarente |
|
Serena DE SIATI |
17/09/1977 |
Tarente |
|
Claudio D’INGEO |
05/04/1971 |
Tarente |
|
Laura EPIFANI |
18/12/1978 |
Tarente |
|
Ivana ETTORRE |
25/02/1987 |
Tarente |
|
Mario FAZIO |
20/03/1939 |
Tarente |
|
Raffaele FERRETTI |
28/05/1959 |
Tarente |
|
Anna Maria FORNARO |
13/11/1975 |
Tarente |
|
Maria FORNARO |
04/02/1969 |
Tarente |
|
Danilo Luigi GIAFFREDA |
10/12/1959 |
Leporano (Tarente) |
|
Patrizia
GIANGRANDE |
05/07/1970 |
Tarente |
|
Adele LABILE |
12/09/1976 |
Tarente |
|
Giampiero
LOVELLI |
29/04/1967 |
Tarente |
|
Bartolomeo LUCARELLI |
22/01/1976 |
Tarente |
|
Francesco MARUCCI |
12/05/1977 |
Tarente |
|
Cosimo
MINETOLA |
06/11/1967 |
Tarente |
|
Nicola Alberto MORGESE |
03/04/1969 |
Tarente |
|
Marianna NARDELLI |
31/10/1983 |
Crispiano (Tarente) |
|
Armando NICOLINI |
12/05/1978 |
Tarente |
|
Annamaria
PACIFICO |
17/09/1956 |
Tarente |
|
Violetta
PAGANO |
04/11/1963 |
Tarente |
|
Lucia PALUMMIERI |
22/06/1953 |
Leporano (Tarente) |
|
Ilaria RESSA |
02/12/1984 |
Tarente |
|
Carlo RUGGIERO |
23/11/1972 |
Tarente |
|
Massimo RUGGIERO |
05/10/1975 |
Tarente |
|
Angelo SACCO |
17/04/1955 |
Tarente |
|
Gianluca
SCARAMUZZINO |
12/12/1973 |
Tarente |
|
Marco SCIALPI |
08/08/1994 |
Tarente |
|
Roberto SCIALPI |
07/11/1991 |
Tarente |
|
Daniela SPERA |
10/05/1974 |
Grottaglie (Tarente) |
|
Claudio STALLO |
08/11/1946 |
Tarente |
|
Elisa STALLO |
09/04/1982 |
Bari |
|
Alessandro TAMBORRINO |
19/11/1964 |
Tarente |
|
Antonietta TERRIBILE |
13/11/1957 |
Tarente |
|
Francesco TROCCOLI |
01/08/1981 |
Statte (Tarente) |
|
Tommaso
TROCCOLI |
20/05/1976 |
Tarente |
|
Marianna VALENTE |
26/04/1978 |
Tarente |
|
Silvio VEO |
12/09/1955 |
Tarente |
|
Filomena VITALE |
15/04/1957 |
Tarente |
requête no 54264/15
No. |
Prénom NOM |
Date
de naissance |
Lieu
de résidence |
|
Lina AMBROGI MELLE |
21/04/1955 |
Tarente |
|
Alessandro AGUSTO |
21/07/1947 |
Tarente |
|
Marco AGUSTO |
01/10/1985 |
Tarente |
|
Maria Ludovica AGUSTO |
31/05/1944 |
San Marzano di San
Giuseppe (Tarente) |
|
Pierluigi
AGUSTO |
29/08/1991 |
Tarente |
|
Stefano AGUSTO |
04/07/1982 |
Tarente |
|
Teodoro AGUSTO |
20/11/1941 |
Tarente |
|
Francesca ALBANO |
10/07/1947 |
Tarente |
|
Giuditta
ALVITO |
19/01/1957 |
S. Giorgio Ionico (Tarente) |
|
Giuseppe ARMILI |
23/02/1950 |
Tarente |
|
Umberto ATTOLINO |
25/02/1964 |
Tarente |
|
Maria Elisa BASILE |
08/05/1944 |
Tarente |
|
Maria BELLANDO RANDONE |
02/08/1947 |
Tarente |
|
Antonio BIANCHI |
02/03/1970 |
Tarente |
|
Maura BINETTI |
13/12/1986 |
Tarente |
|
Michele CAFORIO |
10/01/1957 |
Tarente |
|
Fabrizia
CARANO |
05/05/1967 |
Tarente |
|
Salvatore CARLUCCI |
10/08/1981 |
Leporano (Tarente) |
|
Anna Lucia CARRERA |
05/02/1967 |
Tarente |
|
Gianfranco CARRIGLIO |
24/07/1948 |
Tarente |
|
Gianluca
CASAMASSIMA |
28/03/1972 |
Tarente |
|
Massimo CASTELLANA |
19/02/1958 |
Tarente |
|
Egle
CAVALLO |
11/01/1962 |
Tarente |
|
Grazia Maria
CAVALLO |
03/08/1962 |
San Marzano di San
Giuseppe (Tarente) |
|
Natale
CECERE |
05/02/1958 |
Castellaneta (Tarente) |
|
Maria CHETRY |
04/07/1957 |
Statte (Tarente) |
|
Ernesta Loredana CIACCIA |
05/05/1958 |
Tarente |
|
Tommaso
CIACCIA |
13/04/1979 |
Tarente |
|
Christian CICALA |
10/10/1984 |
Tarente |
|
Monica CIRCOSTA |
24/12/1970 |
Tarente |
|
Paola CONTE |
20/03/1961 |
Tarente |
|
Saverio DE
FLORIO |
21/02/1963 |
Tarente |
|
Giuseppe DE MATTEIS |
25/04/1961 |
Tarente |
|
Francesca Maria DE PADOVA |
12/10/1966 |
San Marzano di San
Giuseppe (Tarente) |
|
Vincenzo DE PALMIS |
14/01/1956 |
Tarente |
|
Salvatore D’ERCHIA |
24/05/1953 |
Massafra (Tarente) |
|
Valeria DI GIROLAMO |
23/06/1990 |
Tarente |
|
Giovanni DI SUMMA |
27/12/1938 |
Tarente |
|
Angelina DIFESCA |
05/06/1952 |
Tarente |
|
Gabriella DINOI |
17/12/1993 |
San Marzano di San
Giuseppe (Tarente) |
|
Veronica DINOI |
05/08/1989 |
San Marzano di San
Giuseppe (Tarente) |
|
Cosima
DONATELLI |
31/03/1953 |
S. Giorgio Ionico (Tarente) |
|
Katia ELEFANTE |
17/03/1988 |
Tarente |
|
Enrica ERAMO |
06/05/1988 |
Tarente |
|
Paola ERCOLANI |
19/08/1963 |
Tarente |
|
Loredana
FABRIZIO |
10/09/1965 |
Tarente |
|
Angelo FASANELLA |
28/05/1956 |
Statte (Tarente) |
|
Danila FEDELE |
20/04/1965 |
Tarente |
|
Alessandra FIUSCO |
22/02/1973 |
Tarente |
|
Maria Luisa FORINA |
22/09/1940 |
Tarente |
|
Angelo FORNARO |
14/07/1934 |
Tarente |
|
Cosimo
FORNARO |
03/07/1962 |
Tarente |
|
Vincenzo FORNARO |
10/05/1970 |
Tarente |
|
Vittorio Domenico FORNARO |
02/11/1971 |
Tarente |
|
Alessio
GABRIELE |
05/05/1995 |
Tarente |
|
Maria GATTO |
01/01/1961 |
Lecce |
|
Luigi GIANCIPOLI |
02/08/1937 |
Tarente |
|
Oronza
GRASSI |
01/01/1960 |
Tarente |
|
Adriana LA GIOIA |
01/08/1965 |
Tarente |
|
Lucia LACARBONARA |
22/03/1982 |
Tarente |
|
Annamaria
LARIZZA |
08/06/1967 |
Tarente |
|
Davide
LEGGIERI |
30/10/1982 |
Tarente |
|
Antonio LENTI |
17/06/1991 |
Tarente |
|
Cosimina
LENTINI |
26/12/1967 |
Tarente |
|
Pierluigi
LIUZZI |
01/07/1978 |
Tarente |
|
Fabio LOVELLI |
21/12/1970 |
Tarente |
|
Giampiero
LOVELLI |
29/04/1967 |
Tarente |
|
Bartolomeo LUCARELLI |
22/01/1976 |
Tarente |
|
Arturo MANNA |
22/01/1965 |
Tarente |
|
Gaetano MANZULLI |
23/09/1957 |
Tarente |
|
Grazia
MAREMONTI |
12/05/1968 |
Tarente |
|
Attilio MARIANO |
23/08/1945 |
Tarente |
|
Marco MARIANO |
01/04/1981 |
Tarente |
|
Rosanna MARINÒ |
29/08/1969 |
Tarente |
|
Letizia MARINOSCI |
15/10/1932 |
Tarente |
|
Nicola MARZIA |
24/04/1954 |
Tarente |
|
Lucia MINERBA |
19/08/1968 |
Tarente |
|
Prospero MOBILIO |
26/02/1939 |
Tarente |
|
Marinella
MONFREDI |
27/01/1962 |
Tarente |
|
Anna MONTERVINO |
02/09/1976 |
Tarente |
|
Maria MONTERVINO |
19/07/1960 |
Tarente |
|
Franca Bruna MOTTOLESE |
27/01/1929 |
Tarente |
|
Luigi MUSIO |
11/02/1957 |
Tarente |
|
Alessia NITTI |
21/05/1985 |
Tarente |
|
Andrea OCCHINEGRO |
07/12/1970 |
Tarente |
|
Eleonora OCCHINEGRO |
10/09/1976 |
Tarente |
|
Fiorella
OCCHINEGRO |
03/08/1975 |
Tarente |
|
Valentina OCCHINEGRO |
07/10/1979 |
Martina Franca (Tarente) |
|
Emanuele PADALINO |
07/02/1959 |
Tarente |
|
Maria Pia PADOVANO |
01/01/1955 |
Tarente |
|
Vincenza
PADOVANO |
27/08/1949 |
Tarente |
|
Cinzia PALMI |
11/09/1954 |
Tarente |
|
Maria Rita PALUMBO |
08/05/1960 |
Tarente |
|
Liliana PANESSA |
08/04/1985 |
Tarente |
|
Giuseppe PESCARA |
12/09/1966 |
Tarente |
|
Maria Anna PIGNATELLI |
13/06/1949 |
Tarente |
|
Piero
PILIEGO |
11/08/1964 |
Tarente |
|
Grazia Pia
POTENZA |
07/02/1960 |
Tarente |
|
Giuseppe PRETE |
01/03/1941 |
Tarente |
|
Maria Consiglia PUGLIESE |
05/01/1963 |
Tarente |
|
Mirko
PUGLIESE |
06/04/1982 |
Crispiano (Tarente) |
|
Enrico QUARTO |
13/01/1961 |
Tarente |
|
Camilla RICCIARDI |
16/02/1947 |
Tarente |
|
Giuseppe ROBERTO |
12/08/1953 |
Tarente |
|
Maria Antonietta ROSATI |
19/08/1948 |
Tarente |
|
Daniele ROUSSIER FUSCO |
01/09/1970 |
Tarente |
|
Antonia Cira RUBINO |
10/02/1955 |
San Giorgio Ionico (Tarente) |
|
Adamaria
SANTILLI |
04/08/1968 |
Tarente |
|
Alessandro SCAPATI |
13/04/1981 |
Tarente |
|
Antonio SCARCIGLIA |
10/10/1960 |
Tarente |
|
Antonio SEMITAIO |
23/05/1947 |
Leporano (Tarente) |
|
Roberto SIGNORELLA |
09/08/1960 |
Tarente |
|
Antonella STRADA |
03/09/1979 |
San Marzano di San Giuseppe (Tarente) |
|
Vincenza
TAGARELLI |
25/10/1963 |
Tarente |
|
Carlo TAGARIELLO |
23/06/1935 |
Tarente |
|
Mario TAGARTELLI |
29/06/1978 |
Tarente |
|
Cataldo
TALAMO |
16/02/1967 |
Tarente |
|
Emma TARQUINIO |
29/05/1955 |
Tarente |
|
Corrado
TERRACCIANO |
12/02/1931 |
Tarente |
|
Laura TERRACCIANO |
02/01/1935 |
Tarente |
|
Fabiana
TERRACCINA |
21/03/1984 |
Tarente |
|
Pasquala
TODISCO |
05/12/1959 |
Tarente |
|
Santa Maria TOMASELLI |
22/03/1948 |
Tarente |
|
Christian VALENTE |
15/02/1996 |
Tarente |
|
Ciro
VALENTE |
14/07/1965 |
Tarente |
|
Cinzia
ZANINELLI |
16/03/1959 |
Tarente |
|
Donatella ZANINELLI |
26/08/1955 |
Tarente |
|
Maria Crocifissa ZITO |
04/09/1965 |
Fragagnano (Tarente) |
[1]. Usine
où l’on produit du coke, un charbon résultant de la carbonisation ou de la
distillation de certaines houilles grasses.
[2]. Notamment,
des hydrocarbures aromatiques
polycycliques, des particules et de l’anhydride sulfureux.
[3]. Tarente,
Martina Franca, Massafra, Grottaglie,
Manduria, Ginosa, Castellaneta, Palagiano, Sava, Mottola, Laterza, San Giorgio
Ionico, Statte, Crispiano, Pulsano, Lizzano, San Marzano di San Giuseppe,
Leporano, Palagianello, Carosino, Avetrana, Monteiasi, Maruggio, Fragagnano,
Torricella, Montemesola, Faggiano, Monteparano et Roccaforzata.
[4]. Particules
en suspension dans l’air, particules fines.
[5]. Dioxyde
de soufre.
[6]. Hydrocarbure
aromatique cancérogène, polluant persistant, qui est le produit d’une
combustion incomplète à des températures entre 300 °C et 600 °C (source :
Larousse et Wikipedia).
[7]. À
savoir les requérants figurant sous les numéros 13 (requête n° 54414/13) et 51,
53, 54, 62, 65, 81 et 104 (requête n° 54264/15).
[8]. À
savoir les ministères de l’Environnement, des Infrastructures et des
Transports, du Développement économique et pour la Cohésion territoriale, la
région des Pouilles, la province et la mairie de Tarente et l’administrateur
provisoire du port de Tarente.
[9]. À
savoir les requérants de la requête n° 54414/13 figurant sous les numéros
23, 35, 43 et 45 et ceux de la requête n° 54264/15 figurant sous les
numéros 4, 9, 18, 24, 25, 34, 40, 41, 42, 56, 88, 107, 111,
113 et 128.