Corte europea dei diritti
dell’uomo, 22 ottobre 1997
(97/1996/716/913)
AFFAIRE PAPAGEORGIOU c.
GRÈCE
Cet arrêt peut subir des retouches
de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des
arrêts et décisions 1997, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger
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SOMMAIRE1
Arrêt rendu par une chambre
Grèce – ingérence du pouvoir législatif dans
l’administration de la justice et durée de la procédure devant des juridictions
civiles
I.
EXCEPTION PRéLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT (non-respect du délai de six mois)
Argument du Gouvernement selon lequel la requête
litigieuse a été enregistrée plus de six mois après l’arrêt de la Cour de
cassation : règlement intérieur de la Commission n’implique pas, comme
préalable à l’enregistrement d’une requête, la preuve que le requérant remplit
l’exigence du respect de six mois – la date de l’introduction de la requête est
celle de la première lettre du requérant à condition que celui-ci indique de
manière suffisante l’objet de sa requête.
Argument du Gouvernement selon lequel le requérant
aurait négligé de s’informer, auprès du greffe de la Cour de cassation, de la
date du prononcé de l’arrêt : on ne peut exiger du justiciable qu’il vienne
s’informer jour après jour de l’existence d’un arrêt qui ne lui a jamais été
notifié.
Conclusion : rejet (unanimité).
II. ARTICLE 6 DE LA
CONVENTION
A.
Procès équitable
Contenu
de l’article 26 de la loi n° 2020/1992 combiné avec la méthode et le moment de
son adoption : second paragraphe de cet article déclarait prescrite toute
prétention relative aux cotisations déjà versées à l’OAED et annulait
toute procédure y afférente éventuellement pendante devant toute juridiction
que ce soit – article 26 inclus dans une loi dont l’intitulé n’avait aucun
rapport avec celui-ci – adopté après l’introduction du pourvoi formé par la DEI
contre l’arrêt du tribunal de grande instance statuant en appel, et avant la
tenue de l’audience devant la Cour de cassation. L’adoption de l’article 26 à
un moment si crucial de la procédure réglait en réalité le fond du litige et
rendait vaine la continuation de celle-ci.
Conclusion : violation (unanimité).
B.
Durée de la procédure
1. Période à
prendre en considération
Début
: saisine du juge de paix d’Athènes.
Fin :
prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation.
Durée : cinq ans et onze mois.
2. Caractère raisonnable
de la durée de la procédure
Procédure devant le juge de paix d’Athènes (seize
mois) et devant le tribunal de grande instance d’Athènes statuant en appel
(dix-sept mois) : certaines lenteurs dues soit à des exigences de procédure,
soit au comportement des parties – audiences à chaque fois fixées à des dates
rapprochées et jugements rendus sans retard – durée non excessive.
Procédure devant la Cour de cassation (deux ans et
huit mois) : audience ajournée en raison de la grève des avocats du barreau
d’Athènes qui dura sept mois – nouvelle audience fixée treize mois après la
date retenue initialement – retard se conciliant mal avec l’efficacité et la
crédibilité de la justice, exigées par la Convention.
Conclusion : violation (unanimité).
III. Article 6 § 1, combiné avec l’article 14, et
article 13 de la convention
Conclusions précédentes rendent inutile l’examen
des griefs en question.
Conclusion : non-lieu à statuer (unanimité).
IV. article 50 de la convention
A. Préjudice
Dommage moral pour défaut d'un procès
équitable :octroi d’une réparation.
Dommage moral éventuellement causé par la durée de
la procédure : constat de violation suffisant pour réparer.
B. Frais et dépens
Compte tenu que le requérant n’indique aucun
montant, la Cour écarte la demande relative à ses frais et dépens.
Conclusion : Etat défendeur tenu de verser au requérant une
certaine somme pour dommage moral (unanimité).
RÉFÉRENCES
À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
24.10.1989, H. c. France ; 27.10.1993, Monnet c. France
; 9.12.1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce
En l'affaire Papageorgiou c. Grèce2,
La Cour européenne des Droits de l'Homme,
constituée, conformément à l'article 43 de la Convention de sauvegarde des
Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et
aux clauses pertinentes de son règlement A3, en une chambre
composée des juges dont le nom suit :
MM. R. Bernhardt, président,
R. Macdonald,
C.
Russo,
N.
Valticos,
I.
Foighel,
M.A. Lopes Rocha,
J. Makarczyk,
U. Lōhmus,
J. Casadevall,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier,
et P. J. Mahoney, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les
2 juin et 23 septembre 1997,
Rend
l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCéDURE
1. L'affaire
a été déférée à la Cour par le gouvernement grec (« le
Gouvernement ») le 12 août 1996, dans le délai de trois mois
qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine
se trouve une requête (n° 24628/94) dirigée contre la République
hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Christos Papageorgiou,
avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la
Commission ») le 24 mai 1994 en vertu de l'article 25.
La
requête du Gouvernement renvoie aux articles 44 et 48 b) de la Convention
et 32 du règlement A. Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le
point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat
défendeur aux exigences des articles 6 § 1, 13 et 14 de la
Convention.
2. En
réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du
règlement A, le requérant a déclaré qu'il souhaitait participer à
l'instance et désigné ses conseils (article 30).
3. La
chambre à constituer comprenait de plein droit M. N. Valticos, juge élu de
nationalité grecque (article 43 de la Convention), et
M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour
(article 21 § 4 b) du règlement A). Le 2 septembre
1996, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a tiré au sort le nom des
sept autres membres, à savoir MM. R. Macdonald, C. Russo, I. Foighel, M.A.
Lopes Rocha, J. Makarczyk, U. Lōhmus et J. Casadevall, en présence du
greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du
règlement A).
4. En
sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du
règlement A), M. Bernhardt a consulté, par l'intermédiaire du
greffier, l'agent du Gouvernement, les conseils du requérant et le délégué de la
Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 37
§ 1 et 38). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, le greffier
a reçu le mémoire du Gouvernement le 12 mars 1997 et celui du requérant le
13 mars.
5. Ainsi
qu'en avait décidé le président, les débats se sont déroulés en public le
26 mai 1997, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait
tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu :
- pour
le Gouvernement
MM. V. Kondolaimos, assesseur auprès du Conseil
juridique de l’Etat, délégué
de l'agent,
K. Georgiadis, auditeur auprès du Conseil
juridique de l’Etat, conseiller ;
- pour
la Commission
M. C.L. Rozakis, délégué ;
- pour le
requérant
Mes D. Nicopoulos, avocat au barreau de Thessalonique,
D. Tsourkas, avocat au barreau de Thessalonique
et maître de conférences à l'université
de Thessalonique, conseils.
La Cour a entendu en leurs
déclarations M. Rozakis, Me Tsourkas et M. Kondolaimos,
ainsi qu'en leurs réponses à ses questions.
EN FAIT
I. Les circonstances
de l'espèce
A. La
procédure devant le tribunal de paix d'Athènes
6. Le
23 décembre 1987, M. Papageorgiou et cent neuf autres personnes
saisirent le tribunal de paix (Eirinodikeio) d'Athènes, d'une action
contre l'Entreprise publique d'électricité (Dimossia Epikheirissi
Ilektrismou, « la DEI »), dont ils étaient salariés, en
vue d'obtenir chacun 268 800 drachmes (GRD). Cette somme correspondait à celle
que la DEI, se fondant sur les dispositions de la loi n° 1483/1984,
avait retenu sur leurs salaires, entre le 1er janvier 1982 et
le 31 décembre 1987, au profit de l'Organisme pour l'emploi de la
main-d'œuvre (Organismos Apascholissis Ergatikou Dynamikou, « l'OAED »).
L'audience devant le tribunal de paix fut fixée au 8 février 1988.
7. Le
4 février 1988, la DEI saisit le tribunal de paix d'une demande
tendant à assigner l'OAED en intervention forcée (anakoinossi dikis
meta prosepiklisseos is paremvassi). Elle soutenait en particulier qu'au
cas où elle perdrait le procès, elle aurait le droit d'exiger un dédommagement
par l'OAED au profit duquel elle avait retenu les sommes revendiquées. L'audience fut fixée au 16 mars 1988.
8. Le 8 février 1988, l'audience
relative à la première action fut reportée au 16 mars 1988, afin que les
deux instances soient jointes. Toutefois, le 16 mars 1988, elle fut
annulée car les avocats des parties ne s'étaient pas présentés.
9. Souhaitant
poursuivre seul désormais l'action introduite le 23 décembre 1987, le
requérant invita, le 26 octobre 1988, le tribunal de paix à tenir une
nouvelle audience qui fut fixée au 14 décembre 1988.
10. Le
12 décembre 1988, la DEI saisit derechef le tribunal de paix d'une
demande tendant à assigner l'OAED en intervention forcée. L'audience fut fixée au 7 février 1989.
11. Le 14 décembre 1988, les
débats furent ajournés jusqu'au 7 février 1989, afin que les deux
instances soient jointes.
12. Par
un jugement (n° 749/1989) du 20 avril 1989, le tribunal de paix accueillit
en partie la demande du requérant et ordonna à la DEI de verser à
celui-ci la somme de 190 383 GRD ; il enjoignit en outre à l'OAED
de rembourser la DEI pour cette somme.
B. La
procédure devant le tribunal de grande instance d'Athènes
13. Les
26 juin et 10 juillet 1989 respectivement, la DEI et l'OAED
interjetèrent appel de ce jugement auprès du tribunal de grande instance (Polymeles
protodikeio) d'Athènes. A la demande du requérant, l'audience fut fixée au
12 janvier 1990.
14. A
cette date, le tribunal de grande instance releva que la tenue des débats avait
été accélérée par le requérant lui-même, lequel n'avait pas cependant cité à
comparaître la DEI estimant que l'appel de l'OAED était
irrecevable dans la mesure où il visait aussi la DEI. Il décida alors,
d'une part, de déclarer l'appel irrecevable dans la mesure où celui-ci se
dirigeait contre la DEI et, d'autre part, de reporter les débats en ce
qui concernait M. Papageorgiou, afin d'éviter le risque de rendre deux
décisions contradictoires, (arrêt n° 2371/1990).
15. Le
3 avril 1990, le requérant, ayant assigné à la fois l'OAED et la DEI,
demanda une nouvelle audience devant le tribunal de grande instance, qui eut
lieu le 28 septembre 1990.
16. Par
un arrêt (n° 9189/1990) du 30 novembre 1990, le tribunal de grande
instance réduisit la somme accordée au requérant par le tribunal de paix à 117
213 GRD.
C. La
procédure devant la Cour de cassation
17. Le
13 mars 1991, la DEI se pourvut en cassation ; l'OAED
intervint pour appuyer les prétentions de celle-ci. Dans l'un de ses moyens, la
DEI contestait la compétence du tribunal de grande instance ; selon
elle, la question de l'obligation de cotiser relèverait du contentieux des assurances
et devrait donc être soumise aux juridictions administratives.
Toutefois, l'audience, fixée initialement au
29 septembre 1992, dut être ajournée en raison de la grève des avocats du
barreau d'Athènes, qui dura jusqu'en avril 1993.
18. Le
21 octobre 1992, le requérant demanda la tenue d'une nouvelle audience qui
fut fixée au 19 octobre 1993.
19. Le
23 novembre 1993, la Cour de cassation, se fondant sur les dispositions de
l'article 26 de la loi n° 2020/1992 – adopté par le Parlement le
28 février 1992 (paragraphe 25 ci-dessous) –, cassa l'arrêt attaqué, par
les motifs suivants (arrêt n° 1120/1993) :
« (...) 3. Il
résulte du principe de la séparation des pouvoirs (...) que le pouvoir
législatif n'est pas empêché de supprimer en se fondant sur de nouvelles règles
de droit – par voie de prescription – des droits qui ont été acquis
conformément à des règles juridiques en vigueur dans le passé, même si ces
droits ont été reconnus par des décisions judiciaires définitives. Il en va,
toutefois, autrement si la nouvelle réglementation n'a pas un caractère général
et méconnaît par conséquent le principe d'égalité (article 4 § 1 de
la Constitution) ou le droit de propriété (article 17 de la
Constitution) ; dans ce cas, elle ne peut pas être appliquée par les
tribunaux (...). En l'occurrence, après le prononcé de l'arrêt attaqué
(30.11.1990) et l'introduction du pourvoi en cassation (14.3.1991), fut votée
et adoptée la loi n° 2020 du 28 février 1992 dont l'article 26
dispose (...). Ainsi qu'il ressort de l'arrêt attaqué (9189/1990), le tribunal
de grande instance qui s'est prononcé en appel, a reconnu que [le requérant]
était un employé titulaire de la DEI, lié à celle-ci par un contrat de
travail et rémunéré par un salaire mensuel ; entre le 8 octobre 1984
et le 31 décembre 1987, les organes compétents de la DEI ont
illégalement prélevé (puisque l'assurance complémentaire des employés de la DEI
est incompatible en ce qui concerne les branches d'assurance susmentionnées
(...) ) sur ses revenus mensuels et au
profit de l'OAED 1 % pour le chômage et 1 % pour le DLOEM, soit
au total 117 213 drachmes qui furent versées à l'OAED. [Le tribunal de
grande instance] a adjugé par la suite cette somme au [requérant]. Toutefois,
après l'entrée en vigueur de l'article 26 § 2 de la loi
n° 2020/1992, qui n'est pas contraire aux dispositions des articles 4
et 17 de la Constitution, l'arrêt attaqué doit être cassé et la procédure doit
être déclarée abrogée. (...) »
20. Il
semblerait que cet arrêt ne fut jamais notifié au requérant qui allègue en
avoir pris connaissance le 22 décembre 1993.
II. Le droit interne pertinent
A. La
Constitution
21. Aux
termes de l'article 74 § 5 de la Constitution,
« Un projet ou une proposition de loi contenant
des dispositions sans rapport avec son objet principal n'est pas mis en
discussion.
Aucune disposition additionnelle et aucun amendement
n'est mis en discussion s'il est sans rapport avec l'objet principal du projet
ou de la proposition de loi.
En cas de
contestation, c'est à la Chambre des députés de trancher. »
B. Le
code de procédure civile
22. Les
dispositions pertinentes du code de procédure civile se lisent ainsi :
Article 108
« Les actes
de procédure sont effectués à l'initiative et à la diligence des parties, sauf si
la loi en dispose autrement. »
Article 310
« 1. Les arrêts sont notifiés à la diligence des
parties.
2. Lorsque les arrêts ne sont pas définitifs, la
présence pendant le prononcé des parties ou de leurs représentants légaux (...)
ou de leurs avocats équivaut à une notification. »
C. Les dispositions relatives aux cotisations
de salariés au profit de l'OAED
23. L'article 18
§ 4 de la loi n° 1346 des 13–14 avril 1983 est ainsi
libellé :
« Les salariés soumis aux dispositions du décret
législatif 3868/1958 (...) et qui perçoivent un salaire mensuel, n'ont pas
droit aux allocations familiales susmentionnées, si et pour aussi longtemps
qu'ils reçoivent de leur employeur – sur le fondement des dispositions de lois
ou de conventions collectives, de décisions arbitrales, règlements
d'entreprises ou d'autres dispositions (...) – des allocations pour enfants à
charge supérieures à celles versées par l'OAED. (...) »
24. Les cotisations à l'OAED
font l'objet de l'article 20 de la loi n° 1483/1984, aux termes
duquel :
« 1. Les cotisations des employeurs et des
travailleurs à l'OAED (...) constituent un prélèvement social au profit
des organismes susmentionnés qui exercent une politique sociale, et continuent
à être versées même si les travailleurs bénéficiaires ont droit à des
allocations similaires de la part de leurs employeurs ou d'autres institutions.
2. Les cotisations mentionnées au
paragraphe précédent, qui ont été versées à l'OAED (...), jusqu'à
la publication de la présente loi, ne peuvent en aucun cas être revendiquées.
Toute procédure éventuellement pendante devant les tribunaux afin de
revendiquer ces cotisations est annulée.
(...) »
25. Le 28 février 1992, le
Parlement adopta une loi (n° 2020/1992) intitulée « réglementation de
l'impôt spécial unique de consommation de produits pétroliers et autres
dispositions » et dont l'article 26 dispose :
« 1. Les cotisations des employeurs et des
travailleurs aux branches d'assurance relevant de la compétence de l'OAED
(...) sont considérées comme un prélèvement social au profit de ces organismes
et sont versées même si les assurés ont droit à des allocations similaires de
la part de leurs employeurs ou d'autres institutions.
2. Les cotisations mentionnées au
paragraphe précédent, qui ont été versées à l'OAED (...), jusqu'à
la publication de la présente loi, ne peuvent pas être revendiquées, toute
prétention y relative est prescrite et toute procédure judiciaire pendante
devant toute juridiction que ce soit afin de revendiquer ces cotisations est
annulée.
(...) »
Le rapport explicatif à cette disposition
précisait que celle-ci avait pour but de lever la contestation existante sur le
point de savoir si les cotisations au profit de l'OAED (en particulier
celles versées au titre des allocations pour enfants à charge) constituaient un
« prélèvement social », c'est-à-dire une cotisation qui s'imposait à
ceux qui en étaient redevables même au cas où le risque couvert par l'assurance
ne devait jamais se réaliser.
D. La
jurisprudence de la Cour de cassation
26. Par
deux arrêts des 30 juin 1988 (n° 1288/1988) et 17 décembre 1990
(n° 1989/1990) – à l'occasion des deux litiges opposant respectivement les
Postes helléniques (« l'ELTA ») et l'Organisme des chemins de
fer de Grèce (« l'OSE ») à leurs salariés –, la Cour de
cassation a clarifié le sens de l'article 20 de la loi n° 1483/1984
et notamment des termes « continuent à être versées» qui figurent au
paragraphe 1 de cet article. Par là même, elle a confirmé les décisions
des juridictions du fond qui condamnaient l'OSE et l'ELTA à
accorder à certains de leurs salariés une indemnité pour avoir retenu une
partie des salaires de ceux-ci au profit de l'OAED.
Plus
particulièrement, dans l'arrêt du 30 juin 1988, la Cour de cassation
s'exprima ainsi :
« (...)
Il ressort des
dispositions susmentionnées et compte tenu du fait que le personnel de l'ELTA
bénéficie d'une retraite et d'une couverture médicale par l’Etat (...), que
l'assurance complémentaire de ce personnel à l'OAED pour le chômage et
pour l'attribution d'une allocation familiale n'est ni concevable ni voulue par
le législateur (...). Avant l'adoption de la loi n° 1483/1984, et comme la
formation plénière de la Cour de cassation a jugé dans son arrêt
n° 403/1981, les salariés de l'ELTA n'avaient pas l'obligation, par
la loi, de cotiser à l'OAED ; l'article 20 de la loi précitée,
et ainsi qu'il en résulte des termes « continuent à être versées »,
n'impose pas une telle obligation aux travailleurs. Par conséquent, cet
article ne s'applique pas lorsqu'il n'existe pas d'obligation de cotiser,
comme c'est le cas du personnel de l'ELTA (...) »
Dans
l'arrêt du 12 décembre 1990, la Cour de cassation souligna qu'aucune
obligation de cotiser n'a été créée à partir de l'entrée en vigueur de
l'article 20 de la loi n° 1483/1984. En effet, ledit article
précisait que les cotisations continuaient à être versées, ce qui signifiait
que s'il n'y avait pas jusqu'alors de versement, la loi précitée n'introduisait
pas une telle obligation.
PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION
27. M. Papageorgiou
a saisi la Commission le 24 mai 1994. Il soutenait que l'adoption et
l'application à son encontre de la loi n° 2020/1992, alors que les
procédures judiciaires qu'il avait engagées étaient encore pendantes,
enfreignaient les articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention, ainsi
que l'article 1 du Protocole n° 1.
28. Le
24 octobre 1995, la Commission (première chambre) a retenu la requête
(n° 24628/94) quant aux articles 6 § 1, 13 et 14 de la
Convention ; elle l'a déclarée irrecevable pour le surplus. Dans son
rapport du 15 mai 1996 (article 31), elle conclut à l'unanimité qu'il
y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui
concerne le caractère équitable et la durée de la procédure et qu'aucune
question distincte ne se pose sous l'angle des articles 6 § 1,
combiné avec l'article 14, et 13 de la Convention4.
CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR
29. Dans son mémoire, le Gouvernement
invite la Cour « à rejeter la requête de M. Christos Papageorgiou
dans son ensemble ».
30. De
son côté, le requérant prie la Cour de déclarer que la République hellénique a
« 1.
transgressé le principe de la prééminence du droit ;
2. transgressé
l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le droit à un
procès équitable et, plus particulièrement, a) le droit à ne pas être soustrait
aux juges que la loi a assignés, b) la règle imposant l'égalité des armes des
justiciables devant la justice, c) le principe de l'impartialité fonctionnelle
de la justice et d) l'obligation de motivation complète et explicite des
arrêts ;
3. transgressé
l'article 6 § 1 en ce qui concerne le droit à une protection
judiciaire dans un délai raisonnable (...) »
EN DROIT
I. SUR L'EXCEPTION PRéLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT
31. En
premier lieu, le Gouvernement plaide, comme déjà devant la Commission,
l'irrecevabilité de la requête pour non-respect du délai de six mois. La
date de l'introduction d'une requête ne saurait produire aucun effet juridique
tant que la Commission n'a pas vérifié le respect des exigences de
l'article 44 de son règlement intérieur, opération nécessaire aux
fins de l'enregistrement. Or la requête litigieuse fut enregistrée le
18 juillet 1994, donc plus de six mois après l'arrêt de la Cour de
cassation du 23 novembre 1993 (paragraphe 19 ci-dessus).
A
supposer même – comme le fait la Commission – que le point d'arrivée dudit
délai se place dès la date de l'introduction de la requête, à savoir le
24 mai 1994, la condition posée par l'article 26 de la Convention ne
serait pas non plus observée par le requérant en l'espèce : en fait, si
celui-ci n'a pris connaissance de l'arrêt de la Cour de cassation, comme il le
prétend, que le 22 décembre 1993, cela serait dû à sa propre négligence
car il lui incombait de s'informer, auprès du greffe de la Cour de cassation,
de la date du prononcé de l'arrêt.
32. La
Cour ne peut suivre le Gouvernement sur ce terrain. En effet, l'article 44
§ 3 du règlement intérieur de la Commission n'implique pas, comme
préalable à l'enregistrement de la requête, la preuve que le requérant remplit
l'exigence du respect de six mois. La date de l'introduction de la requête est
celle de la première lettre du requérant à condition que celui-ci indique de
manière suffisante l'objet de sa requête. L'enregistrement, dont la date est
celle à laquelle le secrétaire de la Commission reçoit le dossier complet
relatif à la requête, entraîne seulement une conséquence pratique ; il
détermine l'ordre dans lequel les requêtes seront examinées par la Commission.
Quant
à la prétendue négligence du requérant, la Cour considère que l’on ne peut
exiger du justiciable qu’il vienne s’informer jour après jour de l’existence
d’un arrêt qui ne lui a jamais été notifié.
A
l'instar de la Commission, elle estime donc qu'il échet de rejeter l'exception
dont il s'agit.
II. SUR LA VIOLATION ALLéguée DE L'ARTICLE 6
§ 1 DE LA CONVENTION
33. Le
requérant allègue une double violation de l'article 6 § 1 de la
Convention, ainsi libellé :
« Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un
délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations
sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
D'abord,
l'adoption de l'article 26 de la loi n° 2020/1992 et son application
dans son cas par la Cour de cassation l'aurait privé d'un procès équitable.
Ensuite, la durée de la procédure qu'il avait engagée, afin d'obtenir le
remboursement de la somme que son employeur, la DEI, avait retenu sur
son salaire, aurait dépassé le « délai raisonnable ».
A. Procès
équitable
34. Le
requérant dénonce une immixtion du pouvoir législatif dans le fonctionnement du
pouvoir judiciaire, en ce qui concerne tant la détermination de l'ordre des
juridictions saisies que le fond même du litige. En qualifiant, dans l'article 26, les cotisations versées à l'OAED,
de « prélèvement social », le pouvoir politique tentait de soustraire
les litiges en cours et à venir à la compétence des juridictions civiles et de
les soumettre à celle des juridictions administratives ; il attribuait
ainsi à ces litiges un caractère de droit public auquel il ajoutait un effet
rétroactif car le rapport explicatif précisait que ledit article visait à
clarifier le sens de certains termes « mal compris » de la loi
n° 1483/1984 (paragraphe 25 ci-dessus). En outre, par son arrêt
n° 1120/1993, la Cour de cassation, se fondant sur ce même article, se bornait
à déclarer la procédure abrogée, sans motiver sa décision et sans se soucier
d'examiner la constitutionnalité des dispositions de celui-ci.
35. La
Commission estime aussi que l’Etat a méconnu l'article 6 de la Convention,
en ce qui concerne le caractère équitable de la procédure, car il a « jugé
par voie législative une affaire à laquelle il était partie ».
36. Selon
le Gouvernement, l'article 26 de la loi n° 2020/1992 n'a pas été
adopté afin de résoudre le litige qui opposait le requérant à la DEI
devant les tribunaux. Formulé en des
termes objectifs et impersonnels, cet article réglemente toute affaire
tombant sous le coup de celui-ci, et son application au cas du requérant serait
accidentelle et fortuite. Le fait que les tribunaux ont appliqué en l'espèce un
texte qui ne favorisait pas M. Papageorgiou ne saurait passer pour
contraire à l'article 6 de la Convention, sans quoi on devrait conclure à
la violation de cet article chaque fois qu'une réforme législative modifie
la situation légale existante de façon à avantager l'une des parties au procès.
Enfin, le Gouvernement souligne la nécessité d'adopter une disposition
interprétative de l'article 20 de la loi n° 1483/1984
(paragraphe 24 ci-dessus), telle que l'article 26, afin de consolider
en Grèce le développement de l’Etat social : cet article tendrait à
octroyer une aide aux chômeurs et des allocations familiales à ceux des
salariés qui n'en recevaient pas d'une autre source.
37. La Cour convient avec le
Gouvernement qu'en principe le pouvoir législatif n'est pas empêché de
réglementer, par de nouvelles dispositions, des droits découlant de lois
antérieurement en vigueur.
Toutefois, dans l'affaire Raffineries grecques
Stran et Stratis Andreadis c. Grèce (arrêt du 9 décembre 1994,
série A n° 301-B), la Cour a jugé que le principe de la prééminence
du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6
s'opposaient à l’ingérence du pouvoir législatif grec dans l'administration de
la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige. Elle a conclu que
l’Etat avait porté atteinte aux droits des requérants, garantis par
l'article 6, en intervenant d'une manière décisive pour orienter en sa
faveur l'issue imminente de l'instance à laquelle il était partie (ibidem,
p. 82, §§ 49–50)
38. Or,
en l'espèce, comme dans l'affaire susmentionnée, la Cour ne peut pas perdre de
vue l'effet produit par le contenu de l'article 26 de la loi
n° 2020/1992 combiné avec la méthode et le moment de son adoption.
D'abord,
si le premier paragraphe de l'article 26 clarifiait le sens de
l'article 20 de la loi n° 1483/1984, le second déclarait prescrite
toute prétention relative aux cotisations déjà versées à l'OAED et
annulait toute procédure y afférente éventuellement pendante devant toute
juridiction que ce soit (paragraphe 25 ci-dessus).
Ensuite,
l'article 26 était inclus dans une loi dont l'intitulé
(« réglementation de l'impôt spécial unique de consommation de produits
pétroliers et autres dispositions ») n'avait aucun rapport avec celui-ci,
ce qui, et le requérant le souligne, est interdit par l'article 74
§ 5 de la Constitution grecque (paragraphe 21 ci-dessus).
Enfin
et surtout, l'article 26 fut adopté après l'introduction du pourvoi formé
par la DEI, avec l'intervention de l'OAED, contre l'arrêt du
tribunal de grande instance d'Athènes, statuant en appel, et avant la tenue de
l'audience devant la Cour de cassation, fixée initialement au
29 septembre 1992 (paragraphe 17 ci-dessus) ; à ce
moment-là il était certainement prévisible que celle-ci suivrait sa
jurisprudence récente (paragraphe 26 ci-dessus) qui clarifiait déjà le
sens de l'article 20 de la loi n° 1483/1984 et qui était favorable au
requérant.
Dans
les circonstances de l'espèce, l'adoption de l'article 26 à un moment si
crucial de la procédure devant la Cour de cassation réglait en réalité le fond
du litige et rendait vaine la continuation de celle-ci.
39. Quant
à l'argument du Gouvernement selon lequel il ne s'agissait pas d'un litige
opposant M. Papageorgiou à l’Etat, la DEI étant une personne morale
de droit privé et non de droit public, la Cour note que les sommes retenues par
la DEI sur les salaires de ses employés étaient versées à l'OAED,
organisme public de sécurité sociale. Or, si la Cour de cassation donnait gain
de cause à l'intéressé, c'est l’Etat grec qui serait tenu de le rembourser.
40. Par
conséquent, il y a eu violation de l'article 6 § 1 en ce qui concerne
le droit à un procès équitable.
B. Durée
de la procédure
41. Reste
à savoir s'il y a eu dépassement du « délai raisonnable » comme le
prétend le requérant.
42. La
Commission conclut qu’il y a eu violation, tandis que le Gouvernement conteste
celle-ci.
1. Période
à prendre en considération
43. La
procédure litigieuse a débuté le 23 décembre 1987, avec la saisine par les
cent-dix employés de la DEI – dont le requérant – du juge de paix
d'Athènes (paragraphe 6 ci-dessus), et s'est terminée le 23 novembre
1993, avec le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation (paragraphe 19
ci-dessus).
Elle a
donc duré cinq ans et onze mois.
2. Caractère
raisonnable de la durée de la procédure
44. Le
caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie à l'aide des
critères qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour et suivant les circonstances
de la cause.
45. D'après
le Gouvernement, la durée de la procédure litigieuse est due, d'une part, au
comportement des parties au procès – et notamment à celui du requérant – et,
d'autre part, à la grève des avocats du barreau d'Athènes, événement qui
échappe au contrôle des tribunaux. Plus particulièrement, il souligne le
caractère contradictoire de la procédure civile qu'a engagée le requérant et
suivant laquelle l'assignation de la partie adverse, la fixation des audiences,
la signification des arrêts et le respect des délais pour l'exercice des voies
de recours relèvent de la responsabilité des parties au procès ; il
appartient donc à celles-ci de veiller à assurer un examen rapide de leur
cause.
46. La
Cour rappelle que seules les lenteurs imputables à l’Etat peuvent amener à
constater un dépassement du délai raisonnable (voir, parmi beaucoup d'autres,
l'arrêt Monnet c. France du 27 octobre 1993, série A n° 273-A,
p. 12, § 30).
Elle
note, en premier lieu, que la durée de la procédure devant le juge de paix
d'Athènes (seize mois) et devant le tribunal de grande instance d'Athènes
statuant en appel (dix-sept mois) n'est pas excessive. Certaines lenteurs étaient dues soit à des exigences de procédure, soit
au comportement des parties. Plus particulièrement, l'audience devant le juge
de paix d'Athènes fut reportée à deux reprises (paragraphes 8 et 11
ci-dessus) pour les besoins de la jonction des causes, à la suite de la demande
de la DEI en intervention forcée de l'OAED ; elle fut aussi
une fois annulée en raison de la non-comparution des avocats des parties
(paragraphe 8 ci-dessus) ; enfin, le requérant attendit près de sept
mois, du 16 mars au 26 octobre 1988, pour demander la fixation d'une
nouvelle audience (paragraphe 9 ci-dessus). Quant aux débats devant le
tribunal de grande instance d'Athènes, ils furent ajournés, le 12 janvier
1990, dans la mesure où ils concernaient le requérant, car celui-ci avait omis
de citer la DEI (paragraphe 14 ci-dessus).
En revanche, les audiences ont été à chaque fois
fixées à des dates rapprochées et les jugements ont été rendus sans retard.
47. Reste
la procédure devant la Cour de cassation, qui s'étala du 20 février 1991
jusqu'au 23 novembre 1993, soit deux ans et huit mois. Il s'agit
assurément d'une période assez longue.
La
Cour relève que l'audience, fixée à l'origine au 29 septembre 1992, fut
ajournée en raison de la grève des avocats du barreau d'Athènes, qui commença
en septembre 1992 et se termina en avril 1993 (paragraphe 17
ci-dessus).
A n'en
pas douter, pareil événement à lui seul ne saurait engager la responsabilité
d'un Etat contractant au regard de l'exigence du délai raisonnable ;
toutefois, les efforts déployés par celui-ci pour résorber tout retard qui en
serait résulté entrent en ligne de compte aux fins du contrôle du respect de
cette exigence.
48. Le
21 octobre 1992, alors que la Cour de cassation n'était raisonnablement
pas en mesure de prévoir la fin de la grève – qui aurait pu être imminente –,
elle fixa une nouvelle audience au 19 octobre 1993, c'est-à-dire douze
mois plus tard et treize mois après la date retenue initialement
(paragraphe 18 ci-dessus).
La
Cour n'ignore pas les complications qu'une grève aussi persistante que celle de
l'espèce risque de provoquer quant à l'encombrement du rôle d'une juridiction
comme la Cour de cassation. Il n'en demeure
pas moins qu'aux termes de l'article 6 § 1 les causes doivent être
entendues « dans un délai raisonnable ».
Or un
tel retard dans une affaire qui se trouvait pendante devant la Cour de
cassation depuis le 13 mars 1991 se concilie mal avec l'efficacité et la
crédibilité de la justice, exigées par la Convention (arrêt H. c. France du
24 octobre 1989, série A n° 162-A, p. 23, § 58).
49. La
Cour conclut qu'il y a eu dépassement du délai raisonnable, donc violation de
l'article 6 § 1 quant à la durée de la procédure.
III. SUR LA VIOLATION ALLéGUéE DE
L'ARTICLE 6 § 1, COMBINé AVEC L'ARTICLE 14, ET DE
L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
50. Le
requérant se plaint aussi d'une violation de l'article 6 § 1,
combiné avec l'article 14, et de l'article 13 de la Convention. Les articles 13 et 14 sont ainsi libellés :
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés
reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours
effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été
commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions
officielles. »
Article 14
« La jouissance des droits et libertés reconnus
dans la (…) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée
notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les
opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale,
l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute
autre situation. »
Plus particulièrement, il dénonce l'absence, en
droit grec, d'un recours effectif pour contester l'adoption de la loi
n° 2020/1992 et l'application de celle-ci à son encontre, ainsi que le traitement
discriminatoire dont il aurait fait l'objet.
51. Eu égard aux constats figurant aux
paragraphes 40 et 49 ci-dessus, la Cour estime qu'il ne s'impose pas de statuer
sur les griefs en question.
IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 50 DE LA
CONVENTION
52. Aux
termes de l'article 50 de la Convention,
« Si la
décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par
une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une Partie Contractante se
trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des
obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de
ladite Partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette
décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à
la partie lésée une satisfaction équitable. »
A. Préjudice
53. Le
requérant sollicite la réparation du dommage moral qu'il aurait subi, mais
laisse à la Cour le soin d'en déterminer le montant.
54. D'après
le Gouvernement, le requérant aurait seulement droit au montant de 117
213 GRD qui correspond à la somme que la DEI avait retenue sur son
salaire.
55. Selon
le délégué de la Commission, la Cour devrait accorder à l'intéressé une somme
raisonnable pour préjudice moral, si elle constate notamment une violation du
droit à un procès équitable.
56. La
Cour considère qu'il y a lieu d'octroyer au requérant une réparation pour le
dommage moral résultant de l’absence d'un procès équitable : elle lui
accorde 2 500 000 GRD de ce chef. Elle estime en revanche que le constat
de la violation de l'article 6 § 1 suffit à réparer le tort
moral éventuellement causé par la durée de la procédure.
B. Frais et dépens
57. M. Papageorgiou réclame en outre le
remboursement des frais qu'il a exposés devant les juridictions grecques, puis
les organes de la Convention, tout en précisant que ceux-ci ont déjà été pris
en charge par le syndicat de la DEI dont il était le président.
58. Le Gouvernement se déclare prêt à
verser les frais et dépens engagés devant les juridictions grecques et les
organes de Strasbourg, à condition qu'ils s'avèrent nécessaires, réels et
raisonnables.
59. Selon le délégué de la Commission,
le requérant sollicite à juste titre les frais de la procédure devant les
juridictions nationales. N'ayant pas bénéficié de l'assistance judiciaire
devant la Commission et la Cour, il aurait en outre droit au remboursement des
frais encourus devant celles-ci.
60. Compte tenu de ce que M.
Papageorgiou n'indique aucun montant, la Cour écarte la demande relative à ses
frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
61. Selon les informations dont dispose
la Cour, le taux légal applicable en Grèce à la date de l'adoption du présent
arrêt était de 6 % l'an.
PAR CES MOTIFS LA COUR, à L'UNANIMITé,
1. Rejette l'exception
préliminaire du Gouvernement ;
2. Dit qu'il y a eu violation de
l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le droit à un
procès équitable ;
3. Dit qu'il y a eu violation du même article
quant au droit à un procès dans un « délai raisonnable » ;
4. Dit qu'il ne s'impose pas de statuer sur les
griefs tirés de l'article 6 § 1, combiné avec l'article 14, et
de l'article 13 de la Convention ;
5. Dit
a) que l’Etat défendeur doit
verser, dans les trois mois, 2 500 000 (deux millions cinq cent mille)
drachmes au requérant pour le dommage moral subi en raison du caractère
inéquitable de la procédure ;
b) que ce montant est à
majorer d'un intérêt simple de 6 % l'an à compter de l'expiration dudit délai
et jusqu'au versement ;
6. Dit que le présent arrêt constitue par
lui-même une satisfaction équitable suffisante quant au dommage moral allégué
pour la durée de la procédure ;
7. Rejette la
demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en
anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l'Homme, à
Strasbourg, le 22 octobre 1997.
Signé : Rudolf Bernardt
Président
Signé : Herbert Petzold
Greffier
1. Rédigé par le greffe, il ne lie pas la Cour.
2. L'affaire
porte le n° 97/1996/716/913. Les deux premiers chiffres en indiquent le
rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des
saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la
Commission) correspondantes.
3. Le règlement A s'applique à toutes les
affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (1er octobre
1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés
par ledit Protocole. Il correspond au
règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à
plusieurs reprises depuis lors.
4. Note du
greffier : pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans
l'édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1997), mais chacun
peut se le procurer auprès du greffe.