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Corte europea dei diritti dell’uomo, 22 ottobre 1997

(97/1996/716/913)

 

 

AFFAIRE PAPAGEORGIOU c. GRÈCE

 

 

Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1997, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.

 

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SOMMAIRE1

Arrêt rendu par une chambre

Grèce – ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice et durée de la procédure devant des juridictions civiles

I.      EXCEPTION PRéLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT (non-respect du délai de six mois)

Argument du Gouvernement selon lequel la requête litigieuse a été enregistrée plus de six mois après l’arrêt de la Cour de cassation : règlement intérieur de la Commission n’implique pas, comme préalable à l’enregistrement d’une requête, la preuve que le requérant remplit l’exigence du respect de six mois – la date de l’introduction de la requête est celle de la première lettre du requérant à condition que celui-ci indique de manière suffisante l’objet de sa requête.

Argument du Gouvernement selon lequel le requérant aurait négligé de s’informer, auprès du greffe de la Cour de cassation, de la date du prononcé de l’arrêt : on ne peut exiger du justiciable qu’il vienne s’informer jour après jour de l’existence d’un arrêt qui ne lui a jamais été notifié.

Conclusion : rejet (unanimité).

II.      ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

A.      Procès équitable

Contenu de l’article 26 de la loi n° 2020/1992 combiné avec la méthode et le moment de son adoption : second paragraphe de cet article déclarait prescrite toute prétention relative aux cotisations déjà versées à l’OAED et annulait toute procédure y afférente éventuellement pendante devant toute juridiction que ce soit – article 26 inclus dans une loi dont l’intitulé n’avait aucun rapport avec celui-ci – adopté après l’introduction du pourvoi formé par la DEI contre l’arrêt du tribunal de grande instance statuant en appel, et avant la tenue de l’audience devant la Cour de cassation. L’adoption de l’article 26 à un moment si crucial de la procédure réglait en réalité le fond du litige et rendait vaine la continuation de celle-ci.

Conclusion : violation (unanimité).

B.      Durée de la procédure

1. Période à prendre en considération

Début : saisine du juge de paix d’Athènes.

Fin : prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation.

Durée : cinq ans et onze mois.

2. Caractère raisonnable de la durée de la procédure

Procédure devant le juge de paix d’Athènes (seize mois) et devant le tribunal de grande instance d’Athènes statuant en appel (dix-sept mois) : certaines lenteurs dues soit à des exigences de procédure, soit au comportement des parties – audiences à chaque fois fixées à des dates rapprochées et jugements rendus sans retard – durée non excessive.

Procédure devant la Cour de cassation (deux ans et huit mois) : audience ajournée en raison de la grève des avocats du barreau d’Athènes qui dura sept mois – nouvelle audience fixée treize mois après la date retenue initialement – retard se conciliant mal avec l’efficacité et la crédibilité de la justice, exigées par la Convention.

Conclusion : violation (unanimité).

III. Article 6 § 1, combiné avec l’article 14, et article 13 de la convention

Conclusions précédentes rendent inutile l’examen des griefs en question.

Conclusion : non-lieu à statuer (unanimité).

IV.  article 50 de la convention

A. Préjudice

Dommage moral pour défaut d'un procès équitable :octroi d’une réparation.

Dommage moral éventuellement causé par la durée de la procédure : constat de violation suffisant pour réparer.

B. Frais et dépens

Compte tenu que le requérant n’indique aucun montant, la Cour écarte la demande relative à ses frais et dépens.

Conclusion : Etat défendeur tenu de verser au requérant une certaine somme pour dommage moral (unanimité).

RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR

24.10.1989, H. c. France ; 27.10.1993, Monnet c. France ; 9.12.1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce

 

En l'affaire Papageorgiou c. Grèce2,

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A3, en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM. R. Bernhardt, président,

R. Macdonald,

C. Russo,

N. Valticos,

I. Foighel,

M.A. Lopes Rocha,

J. Makarczyk,

U. Lōhmus,

J. Casadevall,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P. J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 2 juin et 23 septembre 1997,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1.  L'affaire a été déférée à la Cour par le gouvernement grec (« le Gouvernement ») le 12 août 1996, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 24628/94) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Christos Papageorgiou, avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 24 mai 1994 en vertu de l'article 25.

La requête du Gouvernement renvoie aux articles 44 et 48 b) de la Convention et 32 du règlement A. Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences des articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention.

2.  En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du règlement A, le requérant a déclaré qu'il souhaitait participer à l'instance et désigné ses conseils (article 30).

3.  La chambre à constituer comprenait de plein droit M. N. Valticos, juge élu de nationalité grecque (article 43 de la Convention), et M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 2 septembre 1996, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. R. Macdonald, C. Russo, I. Foighel, M.A. Lopes Rocha, J. Makarczyk, U. Lōhmus et J. Casadevall, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).

4.  En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Bernhardt a consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du Gouvernement, les conseils du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du Gouvernement le 12 mars 1997 et celui du requérant le 13 mars.

5.  Ainsi qu'en avait décidé le président, les débats se sont déroulés en public le 26 mai 1997, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu :

pour le Gouvernement 
MM. V. Kondolaimos, assesseur auprès du Conseil 
         juridique de l’Etat, délégué de l'agent
    K. Georgiadis, auditeur auprès du Conseil 
         juridique de l’Etat, conseiller ;

pour la Commission 
M. C.L. Rozakis, délégué ;

-      pour le requérant 
Mes D. Nicopoulos, avocat au barreau de Thessalonique, 
    D. Tsourkas, avocat au barreau de Thessalonique 
   et maître de conférences à l'université 
   de Thessalonique, conseils.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Rozakis, Me Tsourkas et M. Kondolaimos, ainsi qu'en leurs réponses à ses questions.

EN FAIT

I. Les circonstances de l'espèce

A. La procédure devant le tribunal de paix d'Athènes

6.  Le 23 décembre 1987, M. Papageorgiou et cent neuf autres personnes saisirent le tribunal de paix (Eirinodikeio) d'Athènes, d'une action contre l'Entreprise publique d'électricité (Dimossia Epikheirissi Ilektrismou, « la DEI »), dont ils étaient salariés, en vue d'obtenir chacun 268 800 drachmes (GRD). Cette somme correspondait à celle que la DEI, se fondant sur les dispositions de la loi n° 1483/1984, avait retenu sur leurs salaires, entre le 1er janvier 1982 et le 31 décembre 1987, au profit de l'Organisme pour l'emploi de la main-d'œuvre (Organismos Apascholissis Ergatikou Dynamikou, « l'OAED »). L'audience devant le tribunal de paix fut fixée au 8 février 1988.

7.  Le 4 février 1988, la DEI saisit le tribunal de paix d'une demande tendant à assigner l'OAED en intervention forcée (anakoinossi dikis meta prosepiklisseos is paremvassi). Elle soutenait en particulier qu'au cas où elle perdrait le procès, elle aurait le droit d'exiger un dédommagement par l'OAED au profit duquel elle avait retenu les sommes revendiquées. L'audience fut fixée au 16 mars 1988.

8.  Le 8 février 1988, l'audience relative à la première action fut reportée au 16 mars 1988, afin que les deux instances soient jointes. Toutefois, le 16 mars 1988, elle fut annulée car les avocats des parties ne s'étaient pas présentés.

9.  Souhaitant poursuivre seul désormais l'action introduite le 23 décembre 1987, le requérant invita, le 26 octobre 1988, le tribunal de paix à tenir une nouvelle audience qui fut fixée au 14 décembre 1988.

10.  Le 12 décembre 1988, la DEI saisit derechef le tribunal de paix d'une demande tendant à assigner l'OAED en intervention forcée. L'audience fut fixée au 7 février 1989.

11.  Le 14 décembre 1988, les débats furent ajournés jusqu'au 7 février 1989, afin que les deux instances soient jointes.

12.  Par un jugement (n° 749/1989) du 20 avril 1989, le tribunal de paix accueillit en partie la demande du requérant et ordonna à la DEI de verser à celui-ci la somme de 190 383 GRD ; il enjoignit en outre à l'OAED de rembourser la DEI pour cette somme. 

B.  La procédure devant le tribunal de grande instance d'Athènes

13.  Les 26 juin et 10 juillet 1989 respectivement, la DEI et l'OAED interjetèrent appel de ce jugement auprès du tribunal de grande instance (Polymeles protodikeio) d'Athènes. A la demande du requérant, l'audience fut fixée au 12 janvier 1990.

14.  A cette date, le tribunal de grande instance releva que la tenue des débats avait été accélérée par le requérant lui-même, lequel n'avait pas cependant cité à comparaître la DEI estimant que l'appel de l'OAED était irrecevable dans la mesure où il visait aussi la DEI. Il décida alors, d'une part, de déclarer l'appel irrecevable dans la mesure où celui-ci se dirigeait contre la DEI et, d'autre part, de reporter les débats en ce qui concernait M. Papageorgiou, afin d'éviter le risque de rendre deux décisions contradictoires, (arrêt n° 2371/1990).

15.  Le 3 avril 1990, le requérant, ayant assigné à la fois l'OAED et la DEI, demanda une nouvelle audience devant le tribunal de grande instance, qui eut lieu le 28 septembre 1990.

16.  Par un arrêt (n° 9189/1990) du 30 novembre 1990, le tribunal de grande instance réduisit la somme accordée au requérant par le tribunal de paix à 117 213 GRD.

C. La procédure devant la Cour de cassation

17.  Le 13 mars 1991, la DEI se pourvut en cassation ; l'OAED intervint pour appuyer les prétentions de celle-ci. Dans l'un de ses moyens, la DEI contestait la compétence du tribunal de grande instance ; selon elle, la question de l'obligation de cotiser relèverait du contentieux des assurances et devrait donc être soumise aux juridictions administratives.

Toutefois, l'audience, fixée initialement au 29 septembre 1992, dut être ajournée en raison de la grève des avocats du barreau d'Athènes, qui dura jusqu'en avril 1993.

18.  Le 21 octobre 1992, le requérant demanda la tenue d'une nouvelle audience qui fut fixée au 19 octobre 1993.

19.  Le 23 novembre 1993, la Cour de cassation, se fondant sur les dispositions de l'article 26 de la loi n° 2020/1992 – adopté par le Parlement le 28 février 1992 (paragraphe 25 ci-dessous) –, cassa l'arrêt attaqué, par les motifs suivants (arrêt n° 1120/1993) :

« (...) 3. Il résulte du principe de la séparation des pouvoirs (...) que le pouvoir législatif n'est pas empêché de supprimer en se fondant sur de nouvelles règles de droit – par voie de prescription – des droits qui ont été acquis conformément à des règles juridiques en vigueur dans le passé, même si ces droits ont été reconnus par des décisions judiciaires définitives. Il en va, toutefois, autrement si la nouvelle réglementation n'a pas un caractère général et méconnaît par conséquent le principe d'égalité (article 4 § 1 de la Constitution) ou le droit de propriété (article 17 de la Constitution) ; dans ce cas, elle ne peut pas être appliquée par les tribunaux (...). En l'occurrence, après le prononcé de l'arrêt attaqué (30.11.1990) et l'introduction du pourvoi en cassation (14.3.1991), fut votée et adoptée la loi n° 2020 du 28 février 1992 dont l'article 26 dispose (...). Ainsi qu'il ressort de l'arrêt attaqué (9189/1990), le tribunal de grande instance qui s'est prononcé en appel, a reconnu que [le requérant] était un employé titulaire de la DEI, lié à celle-ci par un contrat de travail et rémunéré par un salaire mensuel ; entre le 8 octobre 1984 et le 31 décembre 1987, les organes compétents de la DEI ont illégalement prélevé (puisque l'assurance complémentaire des employés de la DEI est incompatible en ce qui concerne les branches d'assurance susmentionnées (...) ) sur ses revenus mensuels et au profit de l'OAED 1 % pour le chômage et 1 % pour le DLOEM, soit au total 117 213 drachmes qui furent versées à l'OAED. [Le tribunal de grande instance] a adjugé par la suite cette somme au [requérant]. Toutefois, après l'entrée en vigueur de l'article 26 § 2 de la loi n° 2020/1992, qui n'est pas contraire aux dispositions des articles 4 et 17 de la Constitution, l'arrêt attaqué doit être cassé et la procédure doit être déclarée abrogée. (...) »

20.  Il semblerait que cet arrêt ne fut jamais notifié au requérant qui allègue en avoir pris connaissance le 22 décembre 1993.

II. Le droit interne pertinent

A. La Constitution

21.  Aux termes de l'article 74 § 5 de la Constitution,

« Un projet ou une proposition de loi contenant des dispositions sans rapport avec son objet principal n'est pas mis en discussion.

Aucune disposition additionnelle et aucun amendement n'est mis en discussion s'il est sans rapport avec l'objet principal du projet ou de la proposition de loi.

En cas de contestation, c'est à la Chambre des députés de trancher. »

B.  Le code de procédure civile

22.  Les dispositions pertinentes du code de procédure civile se lisent ainsi :

Article 108

« Les actes de procédure sont effectués à l'initiative et à la diligence des parties, sauf si la loi en dispose autrement. »

Article 310

« 1. Les arrêts sont notifiés à la diligence des parties.

2. Lorsque les arrêts ne sont pas définitifs, la présence pendant le prononcé des parties ou de leurs représentants légaux (...) ou de leurs avocats équivaut à une notification. »

C. Les dispositions relatives aux cotisations de salariés au  profit de l'OAED

23.  L'article 18 § 4 de la loi n° 1346 des 13–14 avril 1983 est ainsi libellé :

« Les salariés soumis aux dispositions du décret législatif 3868/1958 (...) et qui perçoivent un salaire mensuel, n'ont pas droit aux allocations familiales susmentionnées, si et pour aussi longtemps qu'ils reçoivent de leur employeur – sur le fondement des dispositions de lois ou de conventions collectives, de décisions arbitrales, règlements d'entreprises ou d'autres dispositions (...) – des allocations pour enfants à charge supérieures à celles versées par l'OAED. (...) »

24.  Les cotisations à l'OAED font l'objet de l'article 20 de la loi n° 1483/1984, aux termes duquel :

« 1. Les cotisations des employeurs et des travailleurs à l'OAED (...) constituent un prélèvement social au profit des organismes susmentionnés qui exercent une politique sociale, et continuent à être versées même si les travailleurs bénéficiaires ont droit à des allocations similaires de la part de leurs employeurs ou d'autres institutions.

2. Les cotisations mentionnées au paragraphe précédent, qui ont été versées à l'OAED (...), jusqu'à la publication de la présente loi, ne peuvent en aucun cas être revendiquées. Toute procédure éventuellement pendante devant les tribunaux afin de revendiquer ces cotisations est annulée.

(...) »

25.  Le 28 février 1992, le Parlement adopta une loi (n° 2020/1992) intitulée « réglementation de l'impôt spécial unique de consommation de produits pétroliers et autres dispositions » et dont l'article 26 dispose :

« 1. Les cotisations des employeurs et des travailleurs aux branches d'assurance relevant de la compétence de l'OAED (...) sont considérées comme un prélèvement social au profit de ces organismes et sont versées même si les assurés ont droit à des allocations similaires de la part de leurs employeurs ou d'autres institutions.

2. Les cotisations mentionnées au paragraphe précédent, qui ont été versées à l'OAED (...), jusqu'à la publication de la présente loi, ne peuvent pas être revendiquées, toute prétention y relative est prescrite et toute procédure judiciaire pendante devant toute juridiction que ce soit afin de revendiquer ces cotisations est annulée.

(...) »

Le rapport explicatif à cette disposition précisait que celle-ci avait pour but de lever la contestation existante sur le point de savoir si les cotisations au profit de l'OAED (en particulier celles versées au titre des allocations pour enfants à charge) constituaient un « prélèvement social », c'est-à-dire une cotisation qui s'imposait à ceux qui en étaient redevables même au cas où le risque couvert par l'assurance ne devait jamais se réaliser.

D. La jurisprudence de la Cour de cassation

26.  Par deux arrêts des 30 juin 1988 (n° 1288/1988) et 17 décembre 1990 (n° 1989/1990) – à l'occasion des deux litiges opposant respectivement les Postes helléniques (« l'ELTA ») et l'Organisme des chemins de fer de Grèce (« l'OSE ») à leurs salariés –, la Cour de cassation a clarifié le sens de l'article 20 de la loi n° 1483/1984 et notamment des termes « continuent à être versées» qui figurent au paragraphe 1 de cet article. Par là même, elle a confirmé les décisions des juridictions du fond qui condamnaient l'OSE et l'ELTA à accorder à certains de leurs salariés une indemnité pour avoir retenu une partie des salaires de ceux-ci au profit de l'OAED.

Plus particulièrement, dans l'arrêt du 30 juin 1988, la Cour de cassation s'exprima ainsi :

«  (...)

Il ressort des dispositions susmentionnées et compte tenu du fait que le personnel de l'ELTA bénéficie d'une retraite et d'une couverture médicale par l’Etat (...), que l'assurance complémentaire de ce personnel à l'OAED pour le chômage et pour l'attribution d'une allocation familiale n'est ni concevable ni voulue par le législateur (...). Avant l'adoption de la loi n° 1483/1984, et comme la formation plénière de la Cour de cassation a jugé dans son arrêt n° 403/1981, les salariés de l'ELTA n'avaient pas l'obligation, par la loi, de cotiser à l'OAED ; l'article 20 de la loi précitée, et ainsi qu'il en résulte des termes « continuent à être versées », n'impose pas une telle obligation aux travailleurs. Par conséquent, cet article ne s'applique pas lorsqu'il n'existe pas d'obligation de cotiser, comme c'est le cas du personnel de l'ELTA (...) »

Dans l'arrêt du 12 décembre 1990, la Cour de cassation souligna qu'aucune obligation de cotiser n'a été créée à partir de l'entrée en vigueur de l'article 20 de la loi n° 1483/1984. En effet, ledit article précisait que les cotisations continuaient à être versées, ce qui signifiait que s'il n'y avait pas jusqu'alors de versement, la loi précitée n'introduisait pas une telle obligation.

PROCéDURE DEVANT LA COMMISSION

27.  M. Papageorgiou a saisi la Commission le 24 mai 1994. Il soutenait que l'adoption et l'application à son encontre de la loi n° 2020/1992, alors que les procédures judiciaires qu'il avait engagées étaient encore pendantes, enfreignaient les articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention, ainsi que l'article 1 du Protocole n° 1.

28.  Le 24 octobre 1995, la Commission (première chambre) a retenu la requête (n° 24628/94) quant aux articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention ; elle l'a déclarée irrecevable pour le surplus. Dans son rapport du 15 mai 1996 (article 31), elle conclut à l'unanimité qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le caractère équitable et la durée de la procédure et qu'aucune question distincte ne se pose sous l'angle des articles 6 § 1, combiné avec l'article 14, et 13 de la Convention4.

CONCLUSIONS PRéSENTéES à LA COUR

29.  Dans son mémoire, le Gouvernement invite la Cour « à rejeter la requête de M. Christos Papageorgiou dans son ensemble ».

30.  De son côté, le requérant prie la Cour de déclarer que la République hellénique a

« 1. transgressé le principe de la prééminence du droit ;

2. transgressé l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le droit à un procès équitable et, plus particulièrement, a) le droit à ne pas être soustrait aux juges que la loi a assignés, b) la règle imposant l'égalité des armes des justiciables devant la justice, c) le principe de l'impartialité fonctionnelle de la justice et d) l'obligation de motivation complète et explicite des arrêts ;

3. transgressé l'article 6 § 1 en ce qui concerne le droit à une protection judiciaire dans un délai raisonnable (...) »

EN DROIT

I. SUR L'EXCEPTION PRéLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT

31.  En premier lieu, le Gouvernement plaide, comme déjà devant la Commission, l'irrecevabilité de la requête pour non-respect du délai de six mois. La date de l'introduction d'une requête ne saurait produire aucun effet juridique tant que la Commission n'a pas vérifié le respect des exigences de l'article 44 de son règlement intérieur, opération nécessaire aux fins de l'enregistrement. Or la requête litigieuse fut enregistrée le 18 juillet 1994, donc plus de six mois après l'arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 1993 (paragraphe 19 ci-dessus).

A supposer même – comme le fait la Commission – que le point d'arrivée dudit délai se place dès la date de l'introduction de la requête, à savoir le 24 mai 1994, la condition posée par l'article 26 de la Convention ne serait pas non plus observée par le requérant en l'espèce : en fait, si celui-ci n'a pris connaissance de l'arrêt de la Cour de cassation, comme il le prétend, que le 22 décembre 1993, cela serait dû à sa propre négligence car il lui incombait de s'informer, auprès du greffe de la Cour de cassation, de la date du prononcé de l'arrêt.

32.  La Cour ne peut suivre le Gouvernement sur ce terrain. En effet, l'article 44 § 3 du règlement intérieur de la Commission n'implique pas, comme préalable à l'enregistrement de la requête, la preuve que le requérant remplit l'exigence du respect de six mois. La date de l'introduction de la requête est celle de la première lettre du requérant à condition que celui-ci indique de manière suffisante l'objet de sa requête. L'enregistrement, dont la date est celle à laquelle le secrétaire de la Commission reçoit le dossier complet relatif à la requête, entraîne seulement une conséquence pratique ; il détermine l'ordre dans lequel les requêtes seront examinées par la Commission.

Quant à la prétendue négligence du requérant, la Cour considère que l’on ne peut exiger du justiciable qu’il vienne s’informer jour après jour de l’existence d’un arrêt qui ne lui a jamais été notifié.

A l'instar de la Commission, elle estime donc qu'il échet de rejeter l'exception dont il s'agit.

II. SUR LA VIOLATION ALLéguée DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

33.  Le requérant allègue une double violation de l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

D'abord, l'adoption de l'article 26 de la loi n° 2020/1992 et son application dans son cas par la Cour de cassation l'aurait privé d'un procès équitable. Ensuite, la durée de la procédure qu'il avait engagée, afin d'obtenir le remboursement de la somme que son employeur, la DEI, avait retenu sur son salaire, aurait dépassé le « délai raisonnable ».

A. Procès équitable

34.  Le requérant dénonce une immixtion du pouvoir législatif dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire, en ce qui concerne tant la détermination de l'ordre des juridictions saisies que le fond même du litige. En qualifiant, dans l'article 26, les cotisations versées à l'OAED, de « prélèvement social », le pouvoir politique tentait de soustraire les litiges en cours et à venir à la compétence des juridictions civiles et de les soumettre à celle des juridictions administratives ; il attribuait ainsi à ces litiges un caractère de droit public auquel il ajoutait un effet rétroactif car le rapport explicatif précisait que ledit article visait à clarifier le sens de certains termes « mal compris » de la loi n° 1483/1984 (paragraphe 25 ci-dessus). En outre, par son arrêt n° 1120/1993, la Cour de cassation, se fondant sur ce même article, se bornait à déclarer la procédure abrogée, sans motiver sa décision et sans se soucier d'examiner la constitutionnalité des dispositions de celui-ci.

35.  La Commission estime aussi que l’Etat a méconnu l'article 6 de la Convention, en ce qui concerne le caractère équitable de la procédure, car il a « jugé par voie législative une affaire à laquelle il était partie ».

36.  Selon le Gouvernement, l'article 26 de la loi n° 2020/1992 n'a pas été adopté afin de résoudre le litige qui opposait le requérant à la DEI devant les tribunaux. Formulé en des termes objectifs et impersonnels, cet article réglemente toute affaire tombant sous le coup de celui-ci, et son application au cas du requérant serait accidentelle et fortuite. Le fait que les tribunaux ont appliqué en l'espèce un texte qui ne favorisait pas M. Papageorgiou ne saurait passer pour contraire à l'article 6 de la Convention, sans quoi on devrait conclure à la violation de cet article chaque fois qu'une réforme législative modifie la situation légale existante de façon à avantager l'une des parties au procès. Enfin, le Gouvernement souligne la nécessité d'adopter une disposition interprétative de l'article 20 de la loi n° 1483/1984 (paragraphe 24 ci-dessus), telle que l'article 26, afin de consolider en Grèce le développement de l’Etat social : cet article tendrait à octroyer une aide aux chômeurs et des allocations familiales à ceux des salariés qui n'en recevaient pas d'une autre source.

37.  La Cour convient avec le Gouvernement qu'en principe le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer, par de nouvelles dispositions, des droits découlant de lois antérieurement en vigueur.

Toutefois, dans l'affaire Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce (arrêt du 9 décembre 1994, série A n° 301-B), la Cour a jugé que le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 s'opposaient à l’ingérence du pouvoir législatif grec dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige. Elle a conclu que l’Etat avait porté atteinte aux droits des requérants, garantis par l'article 6, en intervenant d'une manière décisive pour orienter en sa faveur l'issue imminente de l'instance à laquelle il était partie (ibidem, p. 82, §§ 49–50)

38.  Or, en l'espèce, comme dans l'affaire susmentionnée, la Cour ne peut pas perdre de vue l'effet produit par le contenu de l'article 26 de la loi n° 2020/1992 combiné avec la méthode et le moment de son adoption.

D'abord, si le premier paragraphe de l'article 26 clarifiait le sens de l'article 20 de la loi n° 1483/1984, le second déclarait prescrite toute prétention relative aux cotisations déjà versées à l'OAED et annulait toute procédure y afférente éventuellement pendante devant toute juridiction que ce soit (paragraphe 25 ci-dessus).

Ensuite, l'article 26 était inclus dans une loi dont l'intitulé (« réglementation de l'impôt spécial unique de consommation de produits pétroliers et autres dispositions ») n'avait aucun rapport avec celui-ci, ce qui, et le requérant le souligne, est interdit par l'article 74 § 5 de la Constitution grecque (paragraphe 21 ci-dessus).

Enfin et surtout, l'article 26 fut adopté après l'introduction du pourvoi formé par la DEI, avec l'intervention de l'OAED, contre l'arrêt du tribunal de grande instance d'Athènes, statuant en appel, et avant la tenue de l'audience devant la Cour de cassation, fixée initialement au 29 septembre 1992 (paragraphe 17 ci-dessus) ; à ce moment-là il était certainement prévisible que celle-ci suivrait sa jurisprudence récente (paragraphe 26 ci-dessus) qui clarifiait déjà le sens de l'article 20 de la loi n° 1483/1984 et qui était favorable au requérant.

Dans les circonstances de l'espèce, l'adoption de l'article 26 à un moment si crucial de la procédure devant la Cour de cassation réglait en réalité le fond du litige et rendait vaine la continuation de celle-ci.

39.  Quant à l'argument du Gouvernement selon lequel il ne s'agissait pas d'un litige opposant M. Papageorgiou à l’Etat, la DEI étant une personne morale de droit privé et non de droit public, la Cour note que les sommes retenues par la DEI sur les salaires de ses employés étaient versées à l'OAED, organisme public de sécurité sociale. Or, si la Cour de cassation donnait gain de cause à l'intéressé, c'est l’Etat grec qui serait tenu de le rembourser.

40.  Par conséquent, il y a eu violation de l'article 6 § 1 en ce qui concerne le droit à un procès équitable.

B.  Durée de la procédure

41.  Reste à savoir s'il y a eu dépassement du « délai raisonnable » comme le prétend le requérant.

42.  La Commission conclut qu’il y a eu violation, tandis que le Gouvernement conteste celle-ci.

1. Période à prendre en considération

43.  La procédure litigieuse a débuté le 23 décembre 1987, avec la saisine par les cent-dix employés de la DEI – dont le requérant – du juge de paix d'Athènes (paragraphe 6 ci-dessus), et s'est terminée le 23 novembre 1993, avec le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation (paragraphe 19 ci-dessus).

Elle a donc duré cinq ans et onze mois.

2. Caractère raisonnable de la durée de la procédure

44.  Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie à l'aide des critères qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour et suivant les circonstances de la cause.

45.  D'après le Gouvernement, la durée de la procédure litigieuse est due, d'une part, au comportement des parties au procès – et notamment à celui du requérant – et, d'autre part, à la grève des avocats du barreau d'Athènes, événement qui échappe au contrôle des tribunaux. Plus particulièrement, il souligne le caractère contradictoire de la procédure civile qu'a engagée le requérant et suivant laquelle l'assignation de la partie adverse, la fixation des audiences, la signification des arrêts et le respect des délais pour l'exercice des voies de recours relèvent de la responsabilité des parties au procès ; il appartient donc à celles-ci de veiller à assurer un examen rapide de leur cause.

46.  La Cour rappelle que seules les lenteurs imputables à l’Etat peuvent amener à constater un dépassement du délai raisonnable (voir, parmi beaucoup d'autres, l'arrêt Monnet c. France du 27 octobre 1993, série A n° 273-A, p. 12, § 30).

Elle note, en premier lieu, que la durée de la procédure devant le juge de paix d'Athènes (seize mois) et devant le tribunal de grande instance d'Athènes statuant en appel (dix-sept mois) n'est pas excessive. Certaines lenteurs étaient dues soit à des exigences de procédure, soit au comportement des parties. Plus particulièrement, l'audience devant le juge de paix d'Athènes fut reportée à deux reprises (paragraphes 8 et 11 ci-dessus) pour les besoins de la jonction des causes, à la suite de la demande de la DEI en intervention forcée de l'OAED ; elle fut aussi une fois annulée en raison de la non-comparution des avocats des parties (paragraphe 8 ci-dessus) ; enfin, le requérant attendit près de sept mois, du 16 mars au 26 octobre 1988, pour demander la fixation d'une nouvelle audience (paragraphe 9 ci-dessus). Quant aux débats devant le tribunal de grande instance d'Athènes, ils furent ajournés, le 12 janvier 1990, dans la mesure où ils concernaient le requérant, car celui-ci avait omis de citer la DEI (paragraphe 14 ci-dessus).

En revanche, les audiences ont été à chaque fois fixées à des dates rapprochées et les jugements ont été rendus sans retard.

47.  Reste la procédure devant la Cour de cassation, qui s'étala du 20 février 1991 jusqu'au 23 novembre 1993, soit deux ans et huit mois. Il s'agit assurément d'une période assez longue.

La Cour relève que l'audience, fixée à l'origine au 29 septembre 1992, fut ajournée en raison de la grève des avocats du barreau d'Athènes, qui commença en septembre 1992 et se termina en avril 1993 (paragraphe 17 ci-dessus).

A n'en pas douter, pareil événement à lui seul ne saurait engager la responsabilité d'un Etat contractant au regard de l'exigence du délai raisonnable ; toutefois, les efforts déployés par celui-ci pour résorber tout retard qui en serait résulté entrent en ligne de compte aux fins du contrôle du respect de cette exigence.

48.  Le 21 octobre 1992, alors que la Cour de cassation n'était raisonnablement pas en mesure de prévoir la fin de la grève – qui aurait pu être imminente –, elle fixa une nouvelle audience au 19 octobre 1993, c'est-à-dire douze mois plus tard et treize mois après la date retenue initialement (paragraphe 18 ci-dessus).

La Cour n'ignore pas les complications qu'une grève aussi persistante que celle de l'espèce risque de provoquer quant à l'encombrement du rôle d'une juridiction comme la Cour de cassation. Il n'en demeure pas moins qu'aux termes de l'article 6 § 1 les causes doivent être entendues « dans un délai raisonnable ».

Or un tel retard dans une affaire qui se trouvait pendante devant la Cour de cassation depuis le 13 mars 1991 se concilie mal avec l'efficacité et la crédibilité de la justice, exigées par la Convention (arrêt H. c. France du 24 octobre 1989, série A n° 162-A, p. 23, § 58).

49.  La Cour conclut qu'il y a eu dépassement du délai raisonnable, donc violation de l'article 6 § 1 quant à la durée de la procédure.

III. SUR LA VIOLATION ALLéGUéE DE  L'ARTICLE 6 § 1, COMBINé AVEC L'ARTICLE 14, ET DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

50.  Le requérant se plaint aussi d'une violation de l'article  6 § 1, combiné avec l'article 14, et de l'article 13 de la Convention. Les articles 13 et 14 sont ainsi libellés :

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

Article 14

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (…) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Plus particulièrement, il dénonce l'absence, en droit grec, d'un recours effectif pour contester l'adoption de la loi n° 2020/1992 et l'application de celle-ci à son encontre, ainsi que le traitement discriminatoire dont il aurait fait l'objet.

51.  Eu égard aux constats figurant aux paragraphes 40 et 49 ci-dessus, la Cour estime qu'il ne s'impose pas de statuer sur les griefs en question.

IV. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 50 DE LA CONVENTION

52.  Aux termes de l'article 50 de la Convention,

« Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec  des  obligations  découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »

A. Préjudice

53.  Le requérant sollicite la réparation du dommage moral qu'il aurait subi, mais laisse à la Cour le soin d'en déterminer le montant.

54.  D'après le Gouvernement, le requérant aurait seulement droit au montant de 117 213 GRD qui correspond à la somme que la DEI avait retenue sur son salaire.

55.  Selon le délégué de la Commission, la Cour devrait accorder à l'intéressé une somme raisonnable pour préjudice moral, si elle constate notamment une violation du droit à un procès équitable.

56.  La Cour considère qu'il y a lieu d'octroyer au requérant une réparation pour le dommage moral  résultant de l’absence d'un procès équitable : elle lui accorde 2 500 000 GRD de ce chef. Elle estime en revanche que le constat de la violation de l'article 6 § 1 suffit à réparer le tort moral éventuellement causé par la durée de la procédure.

B.   Frais et dépens

57.  M. Papageorgiou réclame en outre le remboursement des frais qu'il a exposés devant les juridictions grecques, puis les organes de la Convention, tout en précisant que ceux-ci ont déjà été pris en charge par le syndicat de la DEI dont il était le président.

58.  Le Gouvernement se déclare prêt à verser les frais et dépens engagés devant les juridictions grecques et les organes de Strasbourg, à condition qu'ils s'avèrent nécessaires, réels et raisonnables.

59.  Selon le délégué de la Commission, le requérant sollicite à juste titre les frais de la procédure devant les juridictions nationales. N'ayant pas bénéficié de l'assistance judiciaire devant la Commission et la Cour, il aurait en outre droit au remboursement des frais encourus devant celles-ci.

60.  Compte tenu de ce que M. Papageorgiou n'indique aucun montant, la Cour écarte la demande relative à ses frais et dépens.

C.  Intérêts moratoires

61.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal applicable en Grèce à la date de l'adoption du présent arrêt était de 6 % l'an.

PAR CES MOTIFS LA COUR, à L'UNANIMITé,

1. Rejette l'exception préliminaire du Gouvernement ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le droit à un procès équitable ;

3. Dit qu'il y a eu violation du même article quant au droit à un procès dans un « délai raisonnable » ;

4. Dit qu'il ne s'impose pas de statuer sur les griefs tirés de l'article 6 § 1, combiné avec l'article 14, et de l'article 13 de la Convention ;

5. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser, dans les trois mois, 2 500 000 (deux millions cinq cent mille) drachmes au requérant pour le dommage moral subi en raison du caractère inéquitable de la procédure ;

b) que ce montant est à majorer d'un intérêt simple de 6 % l'an à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement ;

6. Dit que le présent arrêt constitue par lui-même une satisfaction équitable suffisante quant au dommage moral allégué pour la durée de la procédure ;

7. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 22 octobre 1997.

Signé : Rudolf Bernardt

Président

Signé : Herbert Petzold

Greffier

1.  Rédigé par le greffe, il ne lie pas la Cour.

 

Notes du greffier

2.  L'affaire porte le n° 97/1996/716/913. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

 

3.  Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (1er octobre 1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole. Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.

 

4.  Note du greffier : pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1997), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.