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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Prima Sezione)

 

22 giugno 2017

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE BARTESAGHI GALLO ET AUTRES c. ITALIE

 

(RequĂȘte nn. 12131/13 et 43390/13)

 

 

 

 

Cet arrĂȘt deviendra dĂ©finitif dans les conditions dĂ©finies Ă  l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 

En l’affaire Bartesaghi Gallo et autres c. Italie,

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme (premiĂšre section), siĂ©geant en une chambre composĂ©e de :

          Linos-Alexandre Sicilianos, président,
          Kristina Pardalos,
          Guido Raimondi,
          Ledi Bianku,
          Aleƥ Pejchal,
          Armen Harutyunyan,
          Pauliine Koskelo, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

AprÚs en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 avril et le 30 mai 2017,

Rend l’arrĂȘt que voici, adoptĂ© Ă  cette derniĂšre date :

PROCÉDURE

1.  Ă€ l’origine de l’affaire se trouvent deux requĂȘtes (no 12131/13 et no 43390/13) dirigĂ©es contre la RĂ©publique italienne et dont quarante-deux ressortissants de diffĂ©rentes nationalitĂ©s (« les requĂ©rants Â»), dont les noms figurent Ă  l’annexe I, ont saisi la Cour respectivement le 3 janvier 2013 et le 30 mars 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales (« la Convention Â»).

2.  Les requĂ©rants ont Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©s, dans la requĂȘte no 12131/13, par Me N. Paoletti, avocat Ă  Rome, et, dans la requĂȘte no 43390/13, par Mes V. Onida et B. Randazzo, avocats Ă  Milan. Le gouvernement italien (« le Gouvernement Â») a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© par son agente, Mme E. Spatafora. InformĂ©s de leur droit d’intervenir dans la procĂ©dure, les gouvernements allemand, britannique, espagnol, polonais, suĂ©dois, suisse et turc n’ont pas usĂ© de leur droit d’intervenir dans la procĂ©dure (article 36 § 1 de la Convention).

3.  Le 10 novembre 2015, les griefs concernant les articles 3 et 13 de la Convention ont Ă©tĂ© communiquĂ©s au Gouvernement et la requĂȘte no 43390/13 a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e irrecevable pour le surplus conformĂ©ment Ă  l’article 54 Â§ 3 du RĂšglement de la Cour.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont Ă©tĂ© exposĂ©s par les requĂ©rants et qu’ils ressortent des documents pertinents dans les diffĂ©rentes affaires concernĂ©es par les faits Ă  l’origine du prĂ©sent litige[1], peuvent se rĂ©sumer comme suit.

A.  Le contexte gĂ©nĂ©ral

5.  Les 19, 20 et 21 juillet 2001, la ville de GĂȘnes accueillit le vingt-septiĂšme sommet des huit pays les plus industrialisĂ©s (G8), sous la prĂ©sidence du gouvernement italien. De nombreuses organisations non gouvernementales, rassemblĂ©es sous la banniĂšre du groupe de coordination « Genoa Social Forum – GSF Â» (« le GSF Â»), organisĂšrent un sommet « altermondialiste Â» qui se dĂ©roula Ă  la mĂȘme pĂ©riode. Il a Ă©tĂ© estimĂ© que 200 000 personnes (selon le ministĂšre de l’IntĂ©rieur) Ă  300 000 personnes (selon le GSF) participĂšrent Ă  l’évĂ©nement.

6.  Un vaste dispositif de sĂ©curitĂ© fut mis en place par les autoritĂ©s italiennes (arrĂȘts Giuliani et Gaggio c. Italie [GC], no 23458/02, § 12, CEDH 2011, et Cestaro c. Italie, no 6884/11, §§ 11-12, 23-24, 7 avril 2015). Celles-ci divisĂšrent la ville en trois zones concentriques : la « zone rouge Â», de surveillance maximale, oĂč le sommet devait se dĂ©rouler et oĂč les dĂ©lĂ©gations devaient loger ; la « zone jaune Â», une zone tampon oĂč les manifestations Ă©taient en principe interdites, sauf autorisation du chef du bureau de la police (questore) ; et la « zone blanche Â», oĂč les principales manifestations Ă©taient programmĂ©es.

7.  Les autoritĂ©s attribuĂšrent une couleur Ă  chaque groupe organisĂ©, Ă  chaque association, Ă  chaque syndicat et Ă  chaque ONG, en fonction de sa dangerositĂ© potentielle : le « bloc rose Â», non dangereux ; le « bloc jaune Â» et le « bloc bleu Â», considĂ©rĂ©s comme comprenant des auteurs potentiels d’actes de vandalisme, de blocage de rues et de rails, et Ă©galement d’affrontements avec la police ; et enfin, le « bloc noir Â», dont faisaient partie plusieurs groupes, anarchistes ou plus gĂ©nĂ©ralement violents, ayant pour but de commettre des saccages systĂ©matiques.

8.  La journĂ©e du 19 juillet se dĂ©roula dans une ambiance relativement calme, sans Ă©pisodes particuliĂšrement significatifs. Par contre, les journĂ©es des 20 et 21 juillet furent marquĂ©es par des accrochages de plus en plus violents entre les forces de police et certains manifestants appartenant essentiellement au « bloc noir Â». Au cours de ces incidents, plusieurs centaines de manifestants et de membres des forces de l’ordre furent blessĂ©s ou intoxiquĂ©s par du gaz lacrymogĂšnes. Des quartiers entiers de la ville de GĂȘnes furent dĂ©vastĂ©s (pour une analyse plus dĂ©taillĂ©e, voir Giuliani et Gaggio, prĂ©citĂ©, §§ 12-30, et Cestaro, prĂ©citĂ©, §§ 9-17).

B.  Les faits ayant prĂ©cĂ©dĂ© l’irruption dans l’école Diaz-Pertini

9.  Le 21 juillet, le chef de la police ordonna au prĂ©fet A., chef adjoint de la police et chargĂ© de l’ordre public pendant le sommet, de confier la responsabilitĂ© de la perquisition de l’école Paul Klee Ă  F.G., chef du service central opĂ©rationnel de la police criminelle (« le SCO Â» ; voir l’arrĂȘt no 4252/08 du tribunal de GĂȘnes, rendu le 13 novembre 2008 et dĂ©posĂ© le 11 fĂ©vrier 2009, p. 190). À l’issue de l’intervention, la police procĂ©da Ă  l’arrestation d’une vingtaine de personnes. Celles-ci furent aussitĂŽt remises en libertĂ© sur ordre du parquet ou du juge des investigations prĂ©liminaires.

10.  Le mĂȘme jour, le prĂ©fet L.B. arriva Ă  GĂȘnes, sur ordre du chef de la police, afin de suivre les opĂ©rations de police. Selon les dĂ©clarations du prĂ©fet A., confirmĂ©es par le directeur central de la police criminelle A.M., les ordres du chef de la police s’expliquaient par la volontĂ© de changer de stratĂ©gie et de passer Ă  une approche plus « incisive Â», dans le but d’effacer l’image d’une police inerte face aux Ă©pisodes de pillage et de dĂ©vastation. En ce sens, le chef de la police donna l’instruction de former des unitĂ©s spĂ©ciales (pattuglioni) – placĂ©es sous la direction du SCO et de fonctionnaires des unitĂ©s mobiles –, chargĂ©es d’arrĂȘter les membres du Â« bloc noir Â».

11.  Toujours le mĂȘme jour, en dĂ©but de soirĂ©e, une de ces unitĂ©s transita par la rue Cesare Battisti, devant les Ă©coles Diaz-Pertini et Pascoli. Ces deux Ă©coles avaient Ă©tĂ© mises Ă  la disposition du GSF par la municipalitĂ© de GĂȘnes : la premiĂšre Ă©tait utilisĂ©e comme lieu d’hĂ©bergement et point d’accĂšs internet, la deuxiĂšme abritait la salle de presse et le bureau du service lĂ©gal du GSF. Le passage de la patrouille, composĂ©e de quatre vĂ©hicules, provoqua une intense rĂ©action verbale de la part des personnes qui se trouvaient devant les deux Ă©coles. En outre, une bouteille vide fut lancĂ©e en direction des vĂ©hicules de police (voir le jugement du tribunal de GĂȘnes, pp. 244-249, et l’arrĂȘt de la Cour de cassation, p.122).

12.  Ă€ la suite de cet Ă©pisode, une rĂ©union se tint Ă  la prĂ©fecture en prĂ©sence des plus hauts fonctionnaires de police prĂ©sents Ă  GĂȘnes. AprĂšs avoir pris contact avec le membre du GSF en charge de la sĂ©curitĂ© de l’école Diaz-Pertini, ils dĂ©cidĂšrent qu’il serait procĂ©dĂ© Ă  une perquisition (perquisizione ad iniziativa autonoma) pour recueillir des Ă©lĂ©ments de preuve et, le cas Ă©chĂ©ant, arrĂȘter les membres du « bloc noir Â» responsables de dĂ©vastations et de saccages. Il fut dĂ©cidĂ© de procĂ©der Ă  une premiĂšre phase de « sĂ©curisation Â» des lieux par une unitĂ© composĂ©e majoritairement d’agents appartenant Ă  une division spĂ©cialisĂ©e dans les opĂ©rations antiĂ©meutes et ayant suivi une formation ad hoc (le VII Nucleo antisommossa, constituĂ© au sein de l’unitĂ© mobile de Rome). La deuxiĂšme phase, correspondant Ă  la perquisition proprement dite, fut attribuĂ©e Ă  une autre unitĂ© de la police. Enfin, une unitĂ© de carabinieri fut chargĂ©e d’encercler le bĂątiment afin d’empĂȘcher la fuite Ă©ventuelle des suspects. Le chef de la police fut informĂ© de l’opĂ©ration (jugement du tribunal de GĂȘnes, pp. 226 et 249-252, et « Rapport final de l’enquĂȘte parlementaire d’information sur les faits survenus lors du G8 de GĂȘnes Â», pp. 29-31). D’aprĂšs l’arrĂȘt de la Cour de cassation, environ 500 agents furent mobilisĂ©s pour cette opĂ©ration (arrĂȘt de la Cour de cassation, p. 204).

C.  L’irruption de la police dans l’école Diaz-Pertini

13.  Vers minuit, une fois arrivĂ©s Ă  proximitĂ© des deux Ă©coles, les membres du VII Nucleo antisommossa, munis de casques, de boucliers et de matraques de type tonfa, suivis par d’autres agents Ă©quipĂ©s Ă  l’identique, commencĂšrent Ă  avancer au pas de course. Un journaliste britannique et un conseiller municipal, qui se trouvaient Ă  l’extĂ©rieur des deux Ă©coles, furent frappĂ©s par des agents de police (jugement du tribunal de GĂȘnes, pp. 253-261).

14.  Au mĂȘme moment, certains des occupants de l’école Diaz-Pertini qui se trouvaient Ă  l’extĂ©rieur regagnĂšrent alors le bĂątiment et en fermĂšrent la grille et les portes d’entrĂ©e, essayant de les bloquer avec des bancs et des planches en bois. La grille fut rapidement forcĂ©e Ă  l’aide d’un engin blindĂ©, puis les agents de police enfoncĂšrent les portes d’entrĂ©e (ibidem).

15.  Les agents se rĂ©partirent dans les Ă©tages du bĂątiment, partiellement plongĂ©s dans le noir. La plupart d’entre eux avaient le visage masquĂ© par un foulard. Ils commencĂšrent Ă  frapper les occupants Ă  coups de poing, de pied et de matraque, en criant et en menaçant les victimes. Des groupes d’agents s’acharnĂšrent mĂȘme sur certaines personnes qui Ă©taient assises ou allongĂ©es par terre. Certains des occupants, rĂ©veillĂ©s par le bruit de l’assaut, furent frappĂ©s alors qu’ils se trouvaient encore dans leur sac de couchage ; d’autres le furent alors qu’ils se tenaient les bras levĂ©s en signe de capitulation ou qu’ils montraient leurs papiers d’identitĂ©. Certains essayĂšrent de s’enfuir et de se cacher dans les toilettes ou dans des dĂ©barras du bĂątiment, mais ils furent rattrapĂ©s, battus, parfois tirĂ©s hors de leurs cachettes par les cheveux (jugement de premiĂšre instance, pp. 263-280, et arrĂȘt d’appel, pp. 205-212).

16.  Les tribunaux internes ont Ă©tabli avec exactitude, au-delĂ  de tout doute raisonnable, les mauvais traitements dont avaient fait l’objet les personnes prĂ©sentes Ă  l’intĂ©rieur de l’école Diaz-Pertini. Les tĂ©moignages des victimes ont Ă©tĂ© confirmĂ©s par les dĂ©positions des membres des forces de l’ordre et de l’administration publique, les reconnaissances partielles des faits par les accusĂ©s, les enregistrements audiovisuels ainsi que par les documents Ă  disposition des magistrats, notamment les rapports mĂ©dicaux et les expertises judiciaires. À partir de cette multitude d’informations, il est possible de dĂ©crire les Ă©pisodes de violence dont les requĂ©rants firent l’objet :

1.  RequĂȘte no 12131/13

17.  Mme S. Bartesaghi Gallo fut battue avec une matraque, Ă  la tĂȘte, aux jambes, Ă  l’épaule gauche et au bras gauche. Le rapport mĂ©dical indiquait qu’elle prĂ©sentait un traumatisme crĂąnien avec lacĂ©ration et une contusion Ă  la jambe droite.

18.  Mme N.A. Doherty fut rouĂ©e de coups de matraque. Le rapport mĂ©dical faisait Ă©tat d’un traumatisme crĂąnien, d’une fracture distale du radius droit, d’un hĂ©matome dans la rĂ©gion fessiĂšre, ainsi que de contusions au visage et au bras droit. Il constatait une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours.

19.  M. J.F. Galloway fut battu Ă  coups de matraque. Le rapport mĂ©dical indiquait qu’il prĂ©sentait un traumatisme crĂąnien, des contusions multiples, en particulier sur la partie gauche du thorax, mais Ă©galement dans la rĂ©gion rĂ©troauriculaire gauche, sur le dos et dans la rĂ©gion lombaire, et des excoriations au genou gauche.

20.  M. R.R. Moth reçut des coups de matraque et des coups de pied des agents des forces de l’ordre qui lui causĂšrent des blessures au cuir chevelu et Ă  la jambe droite ainsi qu’un traumatisme crĂąnien.

21.  M. A. Nathrath subit des contusions au bras droit et Ă  la hanche droite.

22.  Mme A.K. Zeuner fut battue avec une matraque, ce qui lui causa des excoriations aux lĂšvres et des contusions au bras droit.

23.  Mme T. Treiber essaya sans succĂšs, lors de l’irruption de la police, de s’enfuir par une fenĂȘtre du deuxiĂšme Ă©tage en montant sur un Ă©chafaudage. Lorsqu’elle fut rentrĂ©e dans l’école, les policiers l’obligĂšrent Ă  s’asseoir et la rouĂšrent de coups. Ils la conduisirent ensuite dans le gymnase de l’école oĂč elle vit de nombreux blessĂ©s. Un policier lui ordonna de se mettre Ă  genoux, de courber la tĂȘte et de se taire. Elle allĂšgue souffrir de sĂ©quelles psychologiques en raison de cet Ă©pisode et avoir dĂ» entreprendre une thĂ©rapie.

2.  RequĂȘte no 43390/13

24.  M. D.T. Albrecht se trouvait au premier Ă©tage de l’école lorsque la police y fit irruption. Il fut battu avec une matraque de type tonfa et reçut Ă©galement des coups de poing et de pied. Le rapport mĂ©dical faisait Ă©tat d’un traumatisme crĂąnien avec formation d’un hĂ©matome Ă©pidural, ainsi que de nombreuses blessures, notamment dans la rĂ©gion pariĂ©tale et occipitale gauche, dans la rĂ©gion coronarienne droite et au thorax. Conduit Ă  l’hĂŽpital San Martino de GĂȘnes, il subit une opĂ©ration d’urgence en vue de l’aspiration de l’hĂ©matome intracrĂąnien. PlacĂ© en rĂ©animation le dimanche 22 juillet, il fut surveillĂ© par des agents de police. Il quitta l’hĂŽpital le 1er aoĂ»t.

25.  Mme R. Allueva Fortea fut battue avec une matraque, et du mobilier fut jetĂ© sur elle. Ces violences lui causĂšrent un hĂ©matome Ă  la cuisse gauche, une contusion Ă  l’os pyramidal, ainsi que des blessures Ă  l’épaule gauche, au genou droit et au coude droit.

26.  M. A.R. Balbas fut frappĂ© Ă  coups de matraque, Ă  coups de pied et Ă  coups de poing. Une chaise fut Ă©galement jetĂ©e sur lui. Le rapport mĂ©dical mentionnait plusieurs contusions, notamment au bras, Ă  l’épaule, Ă  la cuisse gauche et Ă  la cheville gauche, ainsi que dans la rĂ©gion dorsale.

27.  M. M. Bertola fut rouĂ© de coups de matraque qui lui causĂšrent un traumatisme crĂąnien, des blessures au cuir chevelu et au front. Le rapport mĂ©dical mentionnait Ă©galement l’existence d’une dorsalgie.

28.  Mme V. Bruschi fut battue avec une matraque dans le gymnase de l’école, ce qui lui causa des contusions sur tout le corps.

29.  M. M. Chmielewski fut battu avec une matraque de type tonfa et reçut des coups de pied et des coups de poing. Selon le rapport mĂ©dical, il prĂ©sentait un traumatisme crĂąnien, une blessure au pavillon auriculaire gauche et des contusions sur tout le corps.

30.  M. B. Coelle reçut des coups de matraque sur tout le corps qui lui causĂšrent une double fracture de la mandibule et du condyle gauches, ainsi qu’une fracture de la pommette droite. Il fut hospitalisĂ© du 22 au 30 juillet. Le rapport mĂ©dical constatait une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours et un affaiblissement permanent de l’organe de la mastication.

31.  Mme S. Digenti reçut des coups de matraque sur la tĂȘte et sur le dos. Le rapport mĂ©dical faisait Ă©tat d’hĂ©matomes au cou, aux Ă©paules, dans la rĂ©gion dorsale, Ă  la main droite, ainsi que d’excoriations Ă  l’arcade sourciliĂšre gauche.

32.  M. M. Gieser fut frappĂ© Ă  coups de pied et Ă  coups de matraque qui lui causĂšrent un traumatisme crĂąnien et de multiples contusions sur tout le corps, notamment dans la rĂ©gion occipitale.

33.  Mme Y.S. Gol fut rouĂ©e de coups de pied et de coups de matraque Ă  la tĂȘte, au dos et aux jambes. D’aprĂšs le rapport mĂ©dical, elle prĂ©sentait un traumatisme crĂąnien et des contusions sur le cĂŽtĂ© droit du corps.

34.  M. L. Guadagnucci Pancioli fut battu Ă  coups de matraque. Le rapport mĂ©dical mentionnait qu’il souffrait d’une fracture du scaphoĂŻde ainsi que de nombreuses contusions et blessures.

35.  M. J. Hermann fut battu Ă  coups de matraque et Ă  coups de pied, ce qui lui causa un traumatisme crĂąnien, des blessures et des hĂ©matomes, en particulier dans la rĂ©gion frontale, aux Ă©paules et au thorax. Il souffrit d’une diminution temporaire de l’ouĂŻe.

36.  Mme L. Jaeger fut battue avec une matraque. Un agent de police l’obligea Ă  s’accroupir au sol puis lui marcha sur les mains. Le rapport mĂ©dical mentionnait la prĂ©sence de contusions au bras droit et Ă  l’épaule droite.

37.  M. H. Kress fut battu Ă  coups de matraque et Ă  coups de pied. Le rapport mĂ©dical indiquait qu’il prĂ©sentait un traumatisme crĂąnien, une blessure au nez et une Ă  la lĂšvre supĂ©rieure, un traumatisme facial et des contusions sur tout le corps.

38.  Mme A.J. Kutschkau fut violemment battue Ă  coups de matraque et Ă  coups de pied. Le rapport mĂ©dical faisait Ă©tat d’un traumatisme crĂąnien, d’une fracture de l’os maxillaire, de la perte de deux dents, de la subluxation de deux autres, ainsi que d’un affaiblissement permanent de l’organe de la mastication.

39.  M. F.J. Madrazo Sanz fut rouĂ© de coups de matraque, ce qui lui causa des contusions et des blessures aux jambes.

40.  M. F.P. Marquello fut violemment battu avec une matraque, ce qui lui causa une blessure au vertex, un traumatisme avec commotion cĂ©rĂ©brale ainsi que la fracture de deux cĂŽtes et d’un doigt.

41.  M. N. Martensen fut battu Ă  coups de matraque. Un agent de police lui dĂ©versa le contenu d’un extincteur sur le corps. Le rapport mĂ©dical mentionnait la prĂ©sence de contusions au visage, au menton, Ă  l’épaule et Ă  la jambe droite, ainsi que l’existence d’un traumatisme crĂąnien. Il constatait une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours.

42.  Mme A.F. Martinez fut rouĂ©e de coups de matraque et un agent de police jeta volontairement un siĂšge sur elle. Selon le rapport mĂ©dical, elle prĂ©sentait une fracture de la main gauche, de nombreuses contusions et lĂ©sions sĂ©rieuses, qui entraĂźnĂšrent une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours.

43.  M. G.P. MassĂł fut battu avec une matraque, ce qui lui causa un traumatisme crĂąnien avec Ă©tat de choc et une blessure au vertex.

44.  M. C. Mirra fut battu avec une matraque, ce qui lui causa un traumatisme crĂąnien, des contusions et des blessures, notamment au cuir chevelu et Ă  l’arcade sourciliĂšre droite.

45.  M. D. Moret Fernandez subit la fracture d’un doigt de la main gauche et du condyle du coude droit, ainsi qu’un traumatisme crĂąnien et plusieurs hĂ©matomes. Le rapport mĂ©dical constatait une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours.

46.  M. F.C. Nogueras Corral fut battu et une chaise et un banc en bois furent jetĂ©s sur lui. Il subit un traumatisme crĂąnien, de nombreux contusions et hĂ©matomes et une fracture du pĂ©ronĂ© de la jambe droite. Le rapport mĂ©dical constatait une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours.

47.  Mme K. Ottovay fut battue avec une matraque, ce qui lui causa des contusions, une myalgie et une fracture du cubitus.

48.  M. V. Perrone subit un traumatisme crĂąnien et des contusions Ă  l’épaule gauche, au thorax et Ă  la main droite.

49.  M. R. Pollok fut battu sur tout le corps Ă  coups de matraque, Ă  coups de poing et Ă  coups de pied. Le rapport mĂ©dical indiquait qu’il prĂ©sentait un traumatisme crĂąnien, une fracture du cubitus droit, une contusion au thorax, une blessure au cuir chevelu et une blessure Ă  la jambe droite.

50.  M. F. Primosig reçut plusieurs coups de matraque aux jambes et Ă  la tĂȘte. D’aprĂšs le rapport mĂ©dical, il prĂ©sentait un traumatisme crĂąnien, une fracture au doigt et des blessures au cuir chevelu. Il fut hospitalisĂ© du 22 juillet au 1er aoĂ»t 2001.

51.  M. B.F.J. Samperiz reçut des coups de matraque qui lui causĂšrent des contusions ainsi qu’une blessure au genou gauche.

52.  M. S. Sibler fut battu avec une matraque. Il subit un traumatisme crĂąnien, ainsi que des blessures Ă  la tĂȘte et au tibia droit.

53.  M. J.L. Sicilia fut frappĂ© Ă  coups de matraque et Ă  coups de pied, ce qui lui causa un traumatisme crĂąnien, un hĂ©matome sous-cutanĂ©, plusieurs contusions et la fracture de deux cĂŽtes. Le rapport mĂ©dical mentionnait une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours.

54.  M. J. Szabo s’échappa du pĂ©rimĂštre de l’école Ă  l’arrivĂ©e de la police pour se cacher dans un terrain Ă  proximitĂ©. DĂ©couvert par des agents qui ratissaient les environs, il reçut des coups de matraque. Le rapport mĂ©dical constatait la prĂ©sence de contusions Ă  l’épaule gauche et au flanc droit, ainsi que d’excoriations dans la rĂ©gion frontale.

55.  Mme D. Herrero Villamor reçut deux coups de matraque qui lui causĂšrent la fracture du cubitus droit. Le rapport mĂ©dical faisait Ă©galement Ă©tat d’un traumatisme crĂąnien.

56.  Mme G.G. Zapatero fut tabassĂ©e avec une matraque, ce qui lui causa une contusion Ă  l’épaule droite.

57.  M. S. Zehatschek fut rouĂ© de coups de matraque. Le rapport mĂ©dical indiquait qu’il souffrait d’un traumatisme crĂąnien et de contusions multiples, notamment au thorax.

58.  Mme L. Zuhlke reçut plusieurs coups de matraque Ă  la tĂȘte et aux Ă©paules. TombĂ©e Ă  terre, elle fut rouĂ©e de coups sur le dos et sur la poitrine. TirĂ©e par les cheveux et soulevĂ©e, elle reçut encore des coups Ă  l’entrejambe. PoussĂ©e contre un mur, elle fut frappĂ©e Ă  la poitrine et au ventre, puis traĂźnĂ©e dans les escaliers oĂč elle fut de nouveau frappĂ©e. Elle fut hospitalisĂ©e du 22 au 31 juillet 2001. Selon le rapport mĂ©dical, elle prĂ©sentait un traumatisme au thorax et Ă  l’abdomen, des fractures Ă  l’arc costal avec pneumothorax et contusion pulmonaire, un traumatisme crĂąnien et de multiples contusions. Ce rapport faisait Ă©galement Ă©tat d’un affaiblissement permanent du mouvement du bras et du cou, et d’un affaiblissement permanent de la fonction respiratoire d’environ 30 %, et constatait une incapacitĂ© totale de travail de quarante jours.

D.  L’irruption de la police dans l’école Pascoli

59.  Quelque temps aprĂšs l’irruption dans l’école Diaz-Pertini, une unitĂ© d’agents pĂ©nĂ©tra dans l’école Pascoli, qui hĂ©bergeait la salle de presse et le bureau des avocats. Depuis les fenĂȘtres des Ă©tages supĂ©rieurs, des journalistes filmaient les Ă©vĂ©nements en train de se dĂ©rouler dans l’école Diaz-Pertini et, simultanĂ©ment, une station de radio relatait tous ces Ă©vĂ©nements en direct.

60.  Ă€ l’arrivĂ©e des agents de police, les journalistes furent forcĂ©s de mettre fin aux prises de vue et Ă  l’émission de radio. Les tribunaux internes ont Ă©tabli que des cassettes vidĂ©o, contenant les reportages filmĂ©s pendant les trois jours du sommet, avaient Ă©tĂ© saisies pendant l’opĂ©ration. Il a Ă©galement Ă©tĂ© prouvĂ© que les disques durs des ordinateurs des avocats du GSF ont Ă©tĂ© gravement endommagĂ©s (voir, en particulier, le jugement du tribunal de GĂȘnes, pp. 300‑310).

E.  Les Ă©vĂ©nements qui suivirent l’irruption dans les Ă©coles Diaz-Pertini et Pascoli

61.  Une fois terminĂ©e la phase de perquisition de l’école Diaz-Pertini, les forces de l’ordre rĂ©unirent les objets trouvĂ©s dans le gymnase, sans chercher Ă  en identifier les propriĂ©taires ni Ă  informer les personnes prĂ©sentes de la nature de l’opĂ©ration en cours (jugement du tribunal de GĂȘnes, pp. 285-300). La police procĂ©da Ă  l’arrestation des 93 personnes qui occupaient l’école, pour association de malfaiteurs visant au saccage et Ă  la dĂ©vastation, rĂ©sistance aggravĂ©e aux forces de l’ordre et port abusif d’armes. Parmi ces personnes, 78 furent secourues par le personnel sanitaire arrivĂ© sur place puis hospitalisĂ©es, tandis que les autres furent transfĂ©rĂ©es dans la caserne de Bolzaneto.

62.  Dans la nuit du 21 au 22 juillet, le chef du service de communication de la police italienne, interviewĂ© Ă  proximitĂ© des Ă©coles, dĂ©clara que la police venait de trouver des vĂȘtements et des cagoules noirs similaires Ă  ceux utilisĂ©s par le « bloc noir Â». Il ajouta que les nombreuses taches de sang dans le bĂątiment s’expliquaient par les blessures subies par la plupart des occupants de l’école Diaz-Pertini au cours de la journĂ©e (jugement de premiĂšre instance, pp. 170-172).

63.  Le 22 juillet, Ă  la prĂ©fecture de police de GĂȘnes, la police montra Ă  la presse les objets saisis lors de la perquisition, en particulier deux cocktails Molotov et une tenue d’agent de police qui prĂ©sentait une dĂ©chirure nette pouvant avoir Ă©tĂ© causĂ©e par un coup de couteau (ibidem).

64.  Les poursuites engagĂ©es contre les occupants des chefs d’association de malfaiteurs visant au saccage et Ă  la dĂ©vastation, de rĂ©sistance aggravĂ©e aux forces de l’ordre et de port abusif d’armes ont abouti Ă  l’acquittement des intĂ©ressĂ©s.

F.  La procĂ©dure pĂ©nale engagĂ©e contre des membres des forces de l’ordre pour l’irruption dans les Ă©coles Diaz-Pertini et Pascoli

65.  Le parquet de GĂȘnes ouvrit une enquĂȘte en vue d’établir les Ă©lĂ©ments sur lesquels s’était fondĂ©e la dĂ©cision de faire irruption dans l’école Diaz‑Pertini, et d’éclaircir les modalitĂ©s d’exĂ©cution de l’opĂ©ration, l’agression au couteau qui aurait Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©e contre l’un des agents et la dĂ©couverte des deux cocktails Molotov, ainsi que les Ă©vĂ©nements qui avaient eu lieu dans l’école Pascoli.

66.  En dĂ©cembre 2004, aprĂšs environ trois ans d’investigations, vingt-huit personnes parmi les fonctionnaires, cadres et agents des forces de l’ordre furent renvoyĂ©es en jugement. Par la suite, deux autres procĂ©dures concernant trois autres agents furent jointes Ă  la premiĂšre.

67.  Les requĂ©rants se constituĂšrent parties civiles (au total, les parties civiles furent au nombre de 119). La procĂ©dure pĂ©nale relative aux Ă©vĂ©nements survenus dans les Ă©coles Diaz-Pertini et Pascoli requit l’examen d’un abondant matĂ©riel audiovisuel, deux expertises et l’audition de plus de 300 personnes parmi les accusĂ©s et les tĂ©moins (dont beaucoup de ressortissants Ă©trangers).

1.  Sur les Ă©vĂ©nements de l’école Diaz-Pertini

68.  Les chefs d’accusation retenus relativement aux Ă©vĂ©nements de l’école Diaz-Pertini furent les suivants : faux intellectuel, calomnie simple et aggravĂ©e, abus d’autoritĂ© publique (notamment du fait de l’arrestation illĂ©gale des occupants), lĂ©sions corporelles simples et aggravĂ©es ainsi que port abusif d’armes de guerre.

a)  Le jugement de premiĂšre instance

69.  Le 11 fĂ©vrier 2009, par un jugement no 4252/08, le tribunal de GĂȘnes condamna douze des prĂ©venus Ă  des peines comprises entre deux et quatre ans d’emprisonnement et, solidairement avec le ministĂšre de l’IntĂ©rieur, au paiement des frais et dĂ©pens et au versement de dommages-intĂ©rĂȘts aux parties civiles, auxquelles le tribunal accorda des provisions allant de 2 500 Ă  50 000 EUR. Un condamnĂ© bĂ©nĂ©ficia de la suspension conditionnelle de sa peine et de la non-mention dans le casier judiciaire. Par ailleurs, en application de la loi no 241 du 29 juillet 2006 Ă©tablissant les conditions Ă  remplir pour l’octroi d’une remise gĂ©nĂ©rale des peines (indulto), dix des condamnĂ©s bĂ©nĂ©ficiĂšrent d’une remise totale de leur peine principale et l’un d’eux, condamnĂ© Ă  quatre ans d’emprisonnement, bĂ©nĂ©ficia d’une remise de peine de trois ans (pour une analyse plus dĂ©taillĂ©e, voir Cestaro c. Italie, prĂ©citĂ©, §§ 49‑58).

70.  Dans les motifs du jugement, le tribunal considĂ©ra que les forces de l’ordre pouvaient croire, compte tenu des Ă©vĂ©nements qui avaient prĂ©cĂ©dĂ© l’irruption (paragraphe 11 ci-dessus), que l’école Diaz-Pertini hĂ©bergeait aussi des membres du « bloc noir Â». Il estima cependant que les Ă©vĂ©nements litigieux constituaient une violation claire Ă  la fois de la loi, « de la dignitĂ© humaine et du respect de la personne Â» (di ogni principio di umanitĂ  e di rispetto delle persone). En outre, selon lui, les auteurs matĂ©riels avaient agi avec la conviction que leurs supĂ©rieurs tolĂ©raient leurs actes car certains fonctionnaires et cadres de la police, prĂ©sents sur les lieux dĂšs le dĂ©but des opĂ©rations, n’avaient pas immĂ©diatement empĂȘchĂ© la poursuite des violences.

b)  L’arrĂȘt d’appel

71.  Le 31 juillet 2010, la cour d’appel de GĂȘnes, par son arrĂȘt no 1530/10, rĂ©forma partiellement le jugement entrepris (voir Cestaro, prĂ©citĂ©, §§ 59-74).

72.  En particulier, en raison de l’arrivĂ©e Ă  Ă©chĂ©ance du dĂ©lai de prescription, elle prononça un non-lieu pour les dĂ©lits de calomnie aggravĂ©e (quatorze accusĂ©s), d’abus d’autoritĂ© publique du fait de l’arrestation illĂ©gale des occupants de l’école Diaz-Pertini (douze accusĂ©s) et de lĂ©sions simples (neuf accusĂ©s).

73.  Selon la cour d’appel, plusieurs Ă©lĂ©ments dĂ©montraient que le but principal de toute l’opĂ©ration Ă©tait de procĂ©der Ă  de nombreuses arrestations, mĂȘme en l’absence de finalitĂ© d’ordre judiciaire, l’essentiel Ă©tant que les forces de l’ordre parviennent Ă  restaurer auprĂšs des mĂ©dias l’image d’une police perçue comme impuissante. Les plus hauts fonctionnaires des forces de l’ordre auraient donc rassemblĂ© autour du VII Nucleo antisommossa une unitĂ© lourdement armĂ©e, Ă©quipĂ©e de matraques de type tonfa dont les coups pouvaient ĂȘtre mortels, et lui auraient donnĂ© pour unique consigne de neutraliser les occupants de l’école Diaz-Pertini, en stigmatisant ceux-ci comme Ă©tant de dangereux casseurs, auteurs des saccages des jours prĂ©cĂ©dents. Ainsi, d’aprĂšs la cour d’appel, au moins tous les fonctionnaires en chef et les cadres du VII Nucleo antisommossa Ă©taient coupables des lĂ©sions infligĂ©es aux occupants. Quant aux responsables de la police de rangs plus Ă©levĂ©s, la cour d’appel prĂ©cisa que la dĂ©cision de ne pas demander leur renvoi en jugement empĂȘchait d’apprĂ©cier leur responsabilitĂ© au pĂ©nal.

74.  Dans la dĂ©termination des peines Ă  infliger, la cour d’appel, s’appuyant notamment sur les dĂ©clarations recueillies, souligna que les agents des forces de l’ordre s’étaient transformĂ©s en « matraqueurs violents Â», indiffĂ©rents Ă  toute vulnĂ©rabilitĂ© physique liĂ©e au sexe et Ă  l’ñge ainsi qu’à tout signe de capitulation, mĂȘme de la part de personnes que le bruit de l’assaut venait de rĂ©veiller brusquement. Elle indiqua que, Ă  cela, les agents avaient ajoutĂ© injures et menaces. Ce faisant, ils auraient jetĂ© sur l’Italie le discrĂ©dit de l’opinion publique internationale. De surcroĂźt, une fois les violences perpĂ©trĂ©es, les forces de l’ordre auraient avancĂ© toute une sĂ©rie de circonstances Ă  la charge des occupants, inventĂ©es de toutes piĂšces.

c)  L’arrĂȘt de la Cour de cassation

75.  Par un arrĂȘt no 38085 du 5 juillet 2012, dĂ©posĂ© le 2 octobre 2012, la Cour de cassation confirma pour l’essentiel l’arrĂȘt entrepris, dĂ©clarant toutefois prescrit le dĂ©lit de lĂ©sions aggravĂ©es (pour une analyse plus dĂ©taillĂ©e, voir Cestaro, prĂ©citĂ©, §§ 75-80).

76.  Elle observa que – comme les dĂ©cisions de premiĂšre et de deuxiĂšme instance l’auraient constatĂ© et comme, d’ailleurs, cela n’aurait jamais Ă©tĂ© contestĂ© – « les violences perpĂ©trĂ©es par la police au cours de leur irruption dans l’école Diaz-Pertini [avaient] Ă©tĂ© d’une gravitĂ© inhabituelle Â» et « absolue Â». Pareille gravitĂ© aurait tenu Ă  ce que ces violences gĂ©nĂ©ralisĂ©es, commises dans tous les locaux de l’école, s’étaient dĂ©chaĂźnĂ©es contre des personnes Ă  l’évidence dĂ©sarmĂ©es, endormies ou assises les mains en l’air.

77.  D’aprĂšs la Cour de cassation, ces violences pouvaient relever de la « torture Â» aux termes de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dĂ©gradants ou bien des « traitements inhumains ou dĂ©gradants Â» et aux termes de l’article 3 de la Convention. Toutefois, en l’absence d’une infraction pĂ©nale ad hoc dans l’ordre juridique italien, les violences en cause avaient Ă©tĂ© poursuivies au titre des dĂ©lits de lĂ©sions corporelles simples ou aggravĂ©es, lesquels, en application de l’article 157 du code pĂ©nal, avaient fait l’objet d’un non-lieu pour cause de prescription au cours de la procĂ©dure.

2.  Sur les Ă©vĂ©nements de l’école Pascoli

78.  En ce qui concerne l’école Pascoli, les chefs d’accusation retenus furent essentiellement les dĂ©lits de perquisition arbitraire et de dommages matĂ©riels.

79.  Par le jugement no 4252/08, le tribunal de GĂȘnes considĂ©ra l’irruption des forces de l’ordre dans l’école Pascoli comme Ă©tant la consĂ©quence d’une erreur dans l’identification du bĂątiment Ă  perquisitionner. Il Ă©tablit en outre qu’il n’y avait pas de preuves certaines permettant de conclure que les accusĂ©s avaient effectivement commis dans l’école Pascoli les dĂ©gĂąts dĂ©noncĂ©s.

80.  Dans son arrĂȘt no 1530/10, la cour d’appel de GĂȘnes estima, au contraire, que l’irruption des forces de l’ordre avait Ă©tĂ© volontaire et qu’elle visait Ă  supprimer toute preuve filmĂ©e de l’irruption en train de se dĂ©rouler dans l’école Diaz-Pertini. Selon la cour d’appel, la destruction des ordinateurs des avocats avait Ă©tĂ© Ă©galement volontaire. La cour d’appel prononça toutefois un non-lieu Ă  l’égard du fonctionnaire de police accusĂ© de ladite destruction pour cause de prescription des dĂ©lits litigieux.

81.  Par un arrĂȘt no 38085/12, la Cour de cassation confirma cette dĂ©cision. Elle observa que la cour d’appel avait pleinement motivĂ© ses conclusions en considĂ©rant que la police avait accompli, dans l’école Pascoli, une perquisition arbitraire ayant pour but la recherche et la destruction de tout document concernant les Ă©vĂ©nements de l’école Diaz-Pertini.

G.  L’enquĂȘte parlementaire d’information

82.  Le 2 aoĂ»t 2001, les prĂ©sidents de la Chambre des dĂ©putĂ©s et du SĂ©nat dĂ©cidĂšrent qu’une enquĂȘte d’information (indagine conoscitiva) sur les faits survenus lors du G8 de GĂȘnes serait menĂ©e par les commissions des Affaires constitutionnelles des deux chambres du Parlement. À cette fin, il fut crĂ©Ă© une commission composĂ©e de dix-huit dĂ©putĂ©s et de dix-huit sĂ©nateurs. Le 20 septembre 2001, la commission dĂ©posa un rapport contenant les conclusions de sa majoritĂ©, intitulĂ© « Rapport final de l’enquĂȘte parlementaire d’information sur les faits survenus lors du G8 de GĂȘnes Â». D’aprĂšs ce rapport, la perquisition dans l’école Diaz-Pertini « appar[aissait] comme Ă©tant peut-ĂȘtre l’exemple le plus significatif de carences organisationnelles et de dysfonctionnements opĂ©rationnels Â».

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

83.  Pour ce qui est du droit et de la pratique internes pertinents dans les prĂ©sentes affaires ainsi que du droit international, la Cour renvoie Ă  l’arrĂȘt Cestaro (prĂ©citĂ©, §§ 87-121).

84.  Une proposition de loi visant Ă  sanctionner la torture et les mauvais traitements a Ă©tĂ© votĂ©e par le SĂ©nat de la RĂ©publique italienne le 5 mars 2014 puis prĂ©sentĂ©e Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s le 6 mars 2014. Cette derniĂšre a modifiĂ© le texte le 9 avril 2015 et envoyĂ© la nouvelle proposition de loi au SĂ©nat le 13 avril 2015. Ladite proposition est toujours en cours d’examen.

EN DROIT

I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

85.  Compte tenu de la similitude des prĂ©sentes requĂȘtes quant aux faits et aux questions de fond qu’elles soulĂšvent, la Cour juge appropriĂ© de les joindre, en application de l’article 42 de son rĂšglement.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

86.  Tous les requĂ©rants se plaignent d’avoir Ă©tĂ© soumis Ă  des actes de violence qu’ils qualifient de torture et de traitements inhumains et dĂ©gradants. Ils invoquent l’article 3 de la Convention ainsi libellĂ© :

« Nul ne peut ĂȘtre soumis Ă  la torture ni Ă  des (...) traitements inhumains ou dĂ©gradants. Â»

87.  Les requĂ©rants se plaignent Ă©galement, sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention, de l’absence d’une enquĂȘte effective. En particulier, ils dĂ©noncent le dĂ©faut d’identification de la plupart des agents auteurs de violences, et l’absence, dans le systĂšme pĂ©nal italien, d’un dĂ©lit punissant la torture et les traitements inhumains et dĂ©gradants.

88.  Le Gouvernement conteste cette thĂšse.

89.  Eu Ă©gard Ă  la formulation des griefs des requĂ©rants, la Cour estime qu’il convient d’examiner la question de l’absence d’une enquĂȘte effective uniquement sous l’angle du volet procĂ©dural de l’article 3 de la Convention (Dembele c. Suisse, no 74010/11, § 33, 24 septembre 2013, et Cestaro, prĂ©citĂ©, § 129).

90.  Enfin, les requĂ©rants de la requĂȘte no 43390/13 se plaignent en outre : de ne pas avoir reçu d’informations sur les raisons de leur arrestation, le cas Ă©chĂ©ant en prĂ©sence d’un interprĂšte (article 5 Â§ 2 de la Convention) ; d’avoir subi des humiliations contraires Ă  la libertĂ© de conscience, d’expression et de rĂ©union (articles 9, 10 et 11 de la Convention) ; d’avoir Ă©tĂ© victimes de discrimination, l’irruption de la police n’étant selon eux qu’une rĂ©action contre les manifestants et leurs opinions politiques (article 14 de la Convention combinĂ© avec les articles 3, 9, 10 et 11).

91.  Eu Ă©gard Ă  la formulation de ces griefs, la Cour estime qu’ils s’inscrivent dans un cadre plus gĂ©nĂ©ral de perpĂ©tration d’actes potentiellement contraires Ă  l’article 3 de la Convention et dĂ©cide de les examiner uniquement sous l’angle de cette disposition.

A.  Sur la demande de radiation du rĂŽle de la requĂȘte no 43390/13 en ce qui concerne les requĂ©rants figurant sous les numĂ©ros 8-9, 13, 16, 20, 28-29, 32 et 33 dans la liste de l’annexe I

92.  La Cour a reçu des dĂ©clarations de rĂšglement amiable, signĂ©es par les parties requĂ©rantes le 27 juillet 2016 et par le Gouvernement le 9 septembre 2016. Ce dernier s’engage Ă  verser Ă  chaque requĂ©rant la somme de 45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) Ă  titre de prĂ©judice matĂ©riel et moral et pour les frais et dĂ©pens engagĂ©s tant devant la Cour que devant les juridictions internes, plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» Ă  titre d’impĂŽt par les intĂ©ressĂ©s, lesquels ont renoncĂ© Ă  toute autre prĂ©tention Ă  l’encontre de l’Italie au sujet des faits Ă  l’origine de leurs requĂȘtes.

Cette somme sera versĂ©e dans les trois mois suivant la date de la notification de la dĂ©cision de la Cour. À dĂ©faut de rĂšglement dans ledit dĂ©lai, le Gouvernement s’engage Ă  verser, Ă  compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au rĂšglement effectif de la somme en question, un intĂ©rĂȘt simple Ă  un taux Ă©gal Ă  celui de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale europĂ©enne, augmentĂ© de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra rĂšglement dĂ©finitif de l’affaire.

93.  La Cour prend acte du rĂšglement amiable auquel les parties sont parvenues. Elle estime que ce rĂšglement s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses Protocoles et ne voit par ailleurs aucun motif justifiant de poursuivre l’examen de la requĂȘte Ă  l’égard des requĂ©rants concernĂ©s.

94.  Partant, il convient de rayer l’affaire du rĂŽle en ce qui concerne les requĂ©rants susmentionnĂ©s. La Cour continue l’examen de la requĂȘte no 43390/13 Ă  l’égard des autres requĂ©rants.

B.  Sur la demande de radiation du rĂŽle de la requĂȘte no 43390/13 en ce qui concerne les requĂ©rants figurant sous les numĂ©ros 1, 6, 19 et 21 dans la liste de l’annexe I

95.  Les quatre requĂ©rants informent la Cour de leur souhait de se dĂ©sister de la requĂȘte no 43390/13 en raison de la rĂ©paration reçue de la part du ministĂšre de l’IntĂ©rieur pour les dommages dont ils ont Ă©tĂ© victimes.

96.  La Cour estime qu’il convient de rayer l’affaire du rĂŽle en ce qui concerne les requĂ©rants susmentionnĂ©s, en application de l’article 37 § 1 a) de la Convention.

C.  Sur les requĂȘtes no 12131/13 et no 43390/13 en ce qui concerne les requĂ©rants figurant sous les numĂ©ros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22‑27, 30-31, 34 et 35 dans la liste de l’annexe I

1.  Sur la recevabilitĂ©

97.  Le Gouvernement excipe du caractĂšre abusif de la requĂȘte no 12131/13, les requĂ©rants concernĂ©s ayant dĂ©jĂ  introduits deux autres requĂȘtes, actuellement pendantes devant la Cour (requĂȘtes nos 28923/09 et 67599/10). Il invoque Ă  ce titre l’article 35 §§ 2 b) et 3 a) de la Convention.

98.  La Cour observe d’abord que les deux requĂȘtes mentionnĂ©es par le Gouvernement portent sur des faits diffĂ©rents de ceux Ă©voquĂ©s ici par les requĂ©rants. En particulier, elles ont pour objet des allĂ©gations de mauvais traitements infligĂ©s Ă  l’intĂ©rieur de la caserne de Bolzaneto, Ă  GĂȘnes. De surcroĂźt, les Ă©vĂ©nements sur lesquels portent ces requĂȘtes sont chronologiquement postĂ©rieurs aux faits litigieux des prĂ©sentes affaires.

DĂšs lors, la Cour constate que la requĂȘte no 12131/13 n’est pas essentiellement la mĂȘme que les requĂȘtes nos 28923/09 et 67599/10 et qu’elle ne saurait ĂȘtre rejetĂ©e, en application de l’article 35 § 2 b) de la Convention. Ces mĂȘmes constats permettent de conclure au rejet de l’exception prĂ©liminaire tirĂ©e du caractĂšre abusif de la requĂȘte prĂ©citĂ©e.

99.  Constatant que ces requĂȘtes ne sont pas manifestement mal fondĂ©es au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elles ne se heurtent par ailleurs Ă  aucun autre motif d’irrecevabilitĂ©, la Cour les dĂ©clare recevables.

2.  Sur le fond

a)  ThĂšses des parties

i.  Les requĂ©rants

100.  Les requĂ©rants allĂšguent qu’ils ont subi des mauvais traitements lors de l’irruption des policiers Ă  l’intĂ©rieur de l’école Diaz-Pertini, et qu’ils ont fait l’objet d’une violence disproportionnĂ©e et non justifiĂ©e qu’ils qualifient de torture ou de traitements inhumains et dĂ©gradants.

101.  Les requĂ©rants se plaignent Ă©galement de l’issue de la procĂ©dure pĂ©nale, et ce pour plusieurs raisons. En particulier, ils contestent le dĂ©faut d’identification de la plupart des auteurs matĂ©riels des faits de violence et critiquent les consĂ©quences de l’absence du dĂ©lit de torture dans le systĂšme pĂ©nal national et surtout celles de l’application de la prescription aux infractions attribuĂ©es aux inculpĂ©s, qui auraient empĂȘchĂ© les autoritĂ©s judiciaires de parvenir Ă  la reconnaissance expresse et substantielle de la violation de l’article 3 de la Convention.

102.  Ils soutiennent en outre que, nonobstant l’arrĂȘt Cestaro (prĂ©citĂ©), le lĂ©gislateur italien n’a pas encore adoptĂ© le projet de loi visant Ă  introduire dans l’ordre juridique national les dispositions punissant ce type d’infractions.

ii.  Le Gouvernement

103.  Le Gouvernement assure qu’il ne sous-estime pas l’importance des faits qui se sont dĂ©roulĂ©s dans l’école Diaz-Pertini, et admet que des actes trĂšs graves et dĂ©plorables ont Ă©tĂ© commis par les agents de police au cours de l’opĂ©ration litigieuse.

104.  Le Gouvernement dĂ©clare que l’État italien reconnaĂźt pleinement la commission des violations et il indique adhĂ©rer au jugement des autoritĂ©s judiciaires internes qui ont, Ă  ses yeux, trĂšs durement stigmatisĂ© le comportement des agents de police.

105.  S’agissant du volet procĂ©dural de l’article 3 de la Convention, le Gouvernement soutient avoir pleinement rempli son obligation positive. Il considĂšre que l’enquĂȘte officielle menĂ©e par les autoritĂ©s judiciaires a Ă©tĂ© approfondie, indĂ©pendante et impartiale.

106.  Il estime que ladite enquĂȘte a permis d’identifier et de condamner les responsables des actes dĂ©noncĂ©s. Il argue que l’absence, en tant que tel, d’un dĂ©lit de torture n’a pas empĂȘchĂ© les juges de poursuivre et de punir efficacement les responsables en appliquant les dispositions lĂ©gislatives en vigueur.

107.  Il maintient Ă©galement qu’il n’est pas possible de donner une dĂ©finition univoque du terme « torture Â» et que, en tout Ă©tat de cause, le code pĂ©nal italien contient plusieurs normes punissant les dĂ©lits contre la personne, y compris les actes les plus graves.

108.  En outre, il indique qu’une proposition de loi visant Ă  introduire le dĂ©lit de torture dans l’ordre juridique interne est actuellement en phase de discussion devant le SĂ©nat de la RĂ©publique, aprĂšs avoir Ă©tĂ© modifiĂ©e par la Chambre des dĂ©putĂ©s.

109.  Quant aux mesures prises Ă  l’encontre des fonctionnaires, le Gouvernement informe la Cour, sans plus de prĂ©cisions, que tout le personnel impliquĂ© a Ă©tĂ© soumis Ă  des procĂ©dures disciplinaires conduisant Ă  une suspension de service pour des pĂ©riodes dĂ©terminĂ©es, combinĂ©es avec des sanctions pĂ©cuniaires proportionnĂ©es au salaire individuel. Il ajoute que, dans certains cas, les agents de police concernĂ©s ont Ă©tĂ© sanctionnĂ©s par la cessation de leurs fonctions ou par le blocage de leur progression de carriĂšre pour anciennetĂ©.

110.  Enfin, le Gouvernement, sans donner plus de dĂ©tails, attire l’attention de la Cour sur les indemnitĂ©s provisionnelles reçues par les requĂ©rants, dont le montant varierait entre 10 000 et 30 000 EUR. Il ajoute que, dans certains cas, les tribunaux nationaux auraient reconnu aux victimes des indemnitĂ©s provisionnelles s’élevant Ă  210 000 EUR, sans pour autant indiquer si les requĂ©rants ont Ă©tĂ© concernĂ©s.

b)  ApprĂ©ciation de la Cour

i.  Sur le volet substantiel de l’article 3 de la Convention

α)  Principes gĂ©nĂ©raux

111.  L’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs fondamentales des sociĂ©tĂ©s dĂ©mocratiques (voir, notamment, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999‑V, Labita c. Italie [GC], n26772/95, § 119, CEDH 2000‑IV, GĂ€fgen c. Allemagne [GC], n22978/05, § 87, CEDH 2010, El-Masri c. l’ex-RĂ©publique yougoslave de MacĂ©doine [GC], no 39630/09, § 195, CEDH 2012, et Mocanu et autres c. Roumanie [GC], nos 10865/09, 45886/07 et 32431/08, § 315, CEDH (extraits)) et un droit absolu et inaliĂ©nable Ă©troitement liĂ© au respect de la dignitĂ© humaine (Aleksandr Novoselov c. Russie, no 33954/05, § 54, 28 novembre 2013, Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, § 81, CEDH 2015), qui ne prĂ©voit pas de restrictions et, d’aprĂšs l’article 15 Â§ 2, ne souffre nulle dĂ©rogation (GĂ€fgen, prĂ©citĂ©, § 87).

112.  La Cour renvoie aux principes gĂ©nĂ©raux relatifs Ă  la qualification juridique de mauvais traitement (Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 162, sĂ©rie A no 25 et Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, CEDH 2006‑IX ; pour les facteurs Ă  considĂ©rer, voir, parmi beaucoup d’autres, Aksoy c. Turquie, 18 dĂ©cembre 1996, § 64, Recueil 1996‑VI, Egmez c. Chypre, no 30873/96, § 78, CEDH 2000‑XII, Krastanov c. Bulgarie, no 50222/99, § 53, 30 septembre 2004, El Masri, prĂ©citĂ©, § 196, et Al Nashiri c. Pologne, no 28761/11, § 508, 24 juillet 2014 ; pour le contexte, telle une atmosphĂšre de vive tension et Ă  forte charge Ă©motionnelle, voir, entre autres, Selmouni, prĂ©citĂ©, § 104, et Egmez, prĂ©citĂ©, § 78 ; pour l’usage de la force physique de la part des forces de l’ordre, voir, parmi beaucoup d’autres, Ribitsch c. Autriche, 4 dĂ©cembre 1995, § 38, sĂ©rie A no 336, Mete et autres c. Turquie, no 294/08, § 106, 4 octobre 2011, El-Masri, prĂ©citĂ©, § 207, et Bouyid, § 101, prĂ©citĂ©). Plus prĂ©cisĂ©ment, en ce qui concerne la qualification juridique de torture, la Cour renvoie aux principes dĂ©gagĂ©s dans son arrĂȘt Cestaro (prĂ©citĂ©, §§ 171-176).

113.  Quant Ă  l’apprĂ©ciation des preuves, si la Cour a toujours soulignĂ© son devoir de se livrer Ă  un examen particuliĂšrement approfondi en cas d’allĂ©gations sur le terrain des articles 2 et 3 de la Convention (Matko c. SlovĂ©nie, no 43393/98, § 100, 2 novembre 2006, et Vladimir Romanov c. Russie, no 41461/02, § 59, 24 juillet 2008), elle a Ă©galement affirmĂ© que, soucieuse de respecter la nature subsidiaire de son rĂŽle, elle n’a pas pour tĂąche de substituer sa propre vision des choses Ă  celle des cours et tribunaux nationaux, auxquels il appartient en principe de peser les donnĂ©es recueillies par eux (Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, § 29, sĂ©rie A no 269, Jasar c. l’ex‑RĂ©publique yougoslave de MacĂ©doine, no 69908/01, § 49, 15 fĂ©vrier 2007, et Eski c. Turquie, no 8354/04, § 28, 5 juin 2012). MĂȘme si les constatations des tribunaux internes ne lient pas la Cour, il lui faut nĂ©anmoins d’habitude des Ă©lĂ©ments convaincants pour pouvoir s’écarter des constatations auxquelles ils sont parvenus (GĂ€fgen, prĂ©citĂ©, § 93).

β)  Application de ces principes aux circonstances des prĂ©sentes espĂšces

114.  La Cour note d’emblĂ©e que les tribunaux internes ont Ă©tabli les faits de maniĂšre dĂ©taillĂ©e et approfondie (paragraphes 69-77 ci-dessus), ce qui n’est d’ailleurs pas contestĂ© par le Gouvernement. En particulier, les juges nationaux ont constatĂ© ce qui suit :

–  la dĂ©cision de procĂ©der Ă  l’irruption Ă  l’intĂ©rieur des Ă©coles Diaz-Pertini et Pascoli a Ă©tĂ© prise par les hauts fonctionnaires de police prĂ©sents Ă  GĂȘnes (paragraphe 12 ci-dessus). Cette opĂ©ration de perquisition (perquisizione ad iniziativa autonoma) visant Ă  la recherche d’armes, bien que pleinement lĂ©gitime (paragraphe 70 ci-dessus), devait en mĂȘme temps permettre des arrestations « mĂ©diatisĂ©es Â» afin d’effacer l’image d’une police inerte face aux trĂšs graves Ă©pisodes de dĂ©vastation et de pillage survenus les 20 et 21 juillet (paragraphe 73 ci-dessus) ;

–  au cours de l’irruption dans l’école Diaz-Pertini, les agents ont frappĂ© la quasi-totalitĂ© des occupants Ă  coups de poing, Ă  coups de pied et Ă  coups de matraque, en profĂ©rant des insultes et des menaces ;

–  Ă  l’issue de l’opĂ©ration, les 93 occupants ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, 78 d’entre eux ont Ă©tĂ© hospitalisĂ©s en raison des blessures subies (paragraphe 61 ci-dessus) ;

–  les violences commises, multiples et rĂ©pĂ©tĂ©es, ont atteint un niveau de gravitĂ© absolue car commises dans tous les locaux de l’école et Ă  l’égard de personnes Ă  l’évidence dĂ©sarmĂ©es, endormies ou assises les mains en l’air (paragraphe 76 ci-dessus) ;

–  lesdites violences Ă©taient injustifiĂ©es et ont Ă©tĂ© exercĂ©es dans un but punitif et de reprĂ©sailles, visant Ă  provoquer l’humiliation et la souffrance physique et morale des victimes. D’aprĂšs la Cour de cassation, ces actes pouvaient relever de la « torture Â» aux termes de la Convention contre la torture des Nations unies et aux termes de l’article 3 de la Convention (paragraphe 77 ci-dessus).

115.  En tenant compte de ces Ă©lĂ©ments comme toile de fond, la Cour observe que la planification de l’opĂ©ration de police s’est bornĂ©e Ă  prĂ©voir de maniĂšre gĂ©nĂ©rale la sĂ©quence des phases opĂ©rationnelles (« sĂ©curisation Â» et perquisition proprement dite) sans pour autant prĂ©ciser en dĂ©tail les modalitĂ©s d’engagement et d’utilisation Ă©ventuelle de la force (paragraphe 12 ci-dessus). Elle rappelle Ă©galement que la tĂąche d’intervenir en premier, afin de contrer toute hypothĂ©tique forme de rĂ©sistance et de violence de la part des occupants de l’école, a Ă©tĂ© attribuĂ©e au VII Nucleo antisommossa. En particulier, elle note que les agents de cette unitĂ© sont arrivĂ©s sur les lieux au pas de course et en tenue antiĂ©meute, munis de casques, de boucliers et de matraques de type tonfa. La police a fait irruption dans l’enceinte de l’école en enfonçant la grille d’entrĂ©e Ă  l’aide d’un engin blindĂ©. Les portes d’entrĂ©e ont Ă©tĂ© rapidement forcĂ©es et, une fois Ă  l’intĂ©rieur, les agents ont fait un usage indiscriminĂ©, systĂ©matique et disproportionnĂ© de la force (paragraphe 15 ci-dessus).

116.  La Cour estime que ces Ă©lĂ©ments montrent les dĂ©faillances de la planification de l’opĂ©ration de police. Les forces de l’ordre ne se trouvaient pas face Ă  une situation d’urgence, Ă  une menace immĂ©diate empĂȘchant de prĂ©voir une intervention adĂ©quate, adaptĂ©e au contexte et proportionnĂ©e aux menaces potentielles. La Cour considĂšre que les hauts responsables avaient la possibilitĂ© de planifier l’intervention de la police, d’analyser l’ensemble des informations disponibles et de tenir compte de la situation de tension et de stress Ă  laquelle les agents de police avaient Ă©tĂ© soumis depuis quarante-huit heures (voir, mutatis mutandis, Egmez, § 78, prĂ©citĂ©). La Cour souligne en particulier le fait que, malgrĂ© la prĂ©sence Ă  GĂȘnes de fonctionnaires expĂ©rimentĂ©s faisant partie de la haute hiĂ©rarchie policiĂšre, aucune directive spĂ©cifique sur l’utilisation de la force n’a Ă©tĂ© Ă©mise et qu’aucune consigne n’a Ă©tĂ© donnĂ©e aux agents sur cet aspect dĂ©cisif (voir, pour le mĂȘme constat, Cestaro, § 182, prĂ©citĂ©).

117.  En ce qui concerne les actes de violence subis par les requĂ©rants, la Cour tient Ă  souligner que les agressions infligĂ©es Ă  chaque individu l’ont Ă©tĂ© dans un contexte gĂ©nĂ©ral d’emploi excessif, indiscriminĂ© et manifestement disproportionnĂ©e de la force. En effet, les requĂ©rants ont Ă©tĂ© Ă  la fois victimes et tĂ©moins d’une utilisation incontrĂŽlĂ©e de la violence par la police, les agents passant Ă  tabac de maniĂšre systĂ©matique chacun des occupants, y compris ceux allongĂ©s par terre ou assis mains en l’air (paragraphe 15 ci-dessus). La Cour rappelle Ă  cet Ă©gard que les occupants de l’école n’ont commis aucun acte de violence ni de rĂ©sistance Ă  l’encontre des forces de l’ordre.

118.  S’agissant des rĂ©cits individuels, la Cour ne peut que constater la gravitĂ© des faits dĂ©crits par les requĂ©rants et confirmĂ©s par les tribunaux nationaux. Chaque requĂ©rant a Ă©tĂ© frappĂ© de maniĂšre violente, la plupart a reçu des coups de matraque, des coups de pied et des coups de poing et, dans certains cas, du mobilier a Ă©tĂ© jetĂ© sur eux. Les coups reçus ont provoquĂ© des hĂ©matomes, des blessures et, dans certains cas, des fractures sĂ©rieuses laissant des sĂ©quelles physiques permanentes (paragraphes 17 Ă  58 ci-dessus).

119.  Eu Ă©gard Ă  l’ensemble des Ă©lĂ©ments exposĂ©s ci-dessus, la Cour est convaincue que les actes de violence commis Ă  l’encontre des requĂ©rants ont provoquĂ© des souffrances physiques et psychologiques « aiguĂ«s Â», et qu’ils revĂȘtaient un caractĂšre particuliĂšrement grave et cruel (Cestaro, prĂ©citĂ©, §§ 177‑190).

120.  DĂšs lors, la Cour conclut que les traitements subis par les requĂ©rants Ă  l’intĂ©rieur de l’école Diaz-Pertini doivent ĂȘtre regardĂ©s comme des actes de torture. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet matĂ©riel.

ii.  Sur le volet procĂ©dural de l’article 3 de la Convention

121.  La Cour observe que la mĂȘme procĂ©dure interne est Ă  l’origine du constat de violation du volet procĂ©dural de l’article 3 de la Convention dans l’affaire Cestaro (prĂ©citĂ© §§ 204-236). DĂšs lors, elle ne voit pas de motif de s’écarter des conclusions auxquelles elle est parvenue dans ladite affaire, y compris pour ce qui est de l’insuffisance de l’ordre juridique italien concernant la rĂ©pression de la torture, et conclut Ă  la violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procĂ©dural.

III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

122.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour dĂ©clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă  la partie lĂ©sĂ©e, s’il y a lieu, une satisfaction Ă©quitable. Â»

A.  Dommage

123.  Les requĂ©rants de la requĂȘte no 12131/13 rĂ©clament chacun 150 000 EUR pour prĂ©judice moral tandis que les requĂ©rants de la requĂȘte no 43390/13 (notamment les requĂ©rants figurant sous les numĂ©ros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22-27, 30-31, 34-35 dans la liste de l’annexe I) s’en remettent Ă  l’apprĂ©ciation de la Cour.

124.  Le Gouvernement conteste ces prĂ©tentions et invite la Cour Ă  tenir compte des sommes provisionnelles dĂ©jĂ  versĂ©es aux requĂ©rants en tant que parties civiles Ă  la procĂ©dure pĂ©nale.

125.  La Cour prend note que, au niveau national, chaque requĂ©rant a obtenu le versement d’une somme provisionnelle indemnisant partiellement le prĂ©judice moral. C’est pourquoi elle tiendra compte de ces provisions dans le calcul de la somme Ă  accorder aux termes de l’article 41 de la Convention (Cestaro, prĂ©citĂ©, § 251).

126.  Au vu de la gravitĂ© des circonstances des prĂ©sentes espĂšces et eu Ă©gard Ă  sa conclusion de violation de l’article 3 de la Convention, tant sous son volet matĂ©riel que sous son volet procĂ©dural, Ă  laquelle elle est parvenue, la Cour considĂšre qu’il y a lieu d’accorder en Ă©quitĂ© Ă  chaque requĂ©rant la somme de 45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) Ă  titre de dommage moral, Ă  l’exception de deux requĂ©rantes, Mmes A.J. Kutschkau et L. Zuhlke. À ces derniĂšres, en raison de la gravitĂ© des sĂ©quelles physiques dont elles ont Ă©tĂ© victimes, la Cour dĂ©cide d’accorder en Ă©quitĂ© Ă  chacune la somme de 55 000 EUR (cinquante-cinq mille euros) Ă  titre de dommage moral (Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 168, CEDH 2004‑IV (extraits).

B.  Frais et dĂ©pens

127.  Les requĂ©rants de la requĂȘte no 12131/13 n’ont formulĂ© aucune demande de remboursement des frais et dĂ©pens engagĂ©s pour la procĂ©dure devant la Cour. La Cour estime dĂšs lors qu’il n’y a pas lieu de leur accorder une somme Ă  ce titre.

128.  En ce qui concerne la requĂȘte no 43930/13, les requĂ©rants sollicitent 95 808,69 EUR en remboursement des frais et dĂ©pens engagĂ©s devant la Cour. Ils produisent des notes d’honoraires des diffĂ©rents avocats les ayant assistĂ©s. En particulier, ils distinguent les frais et dĂ©pens de Mes V. Onida et B. Randazzo, se rapportant au travail de rĂ©daction de la requĂȘte introduite pour tous les requĂ©rants, de ceux relatifs au travail de collecte d’informations effectuĂ© par les autres avocats ayant assistĂ© un ou plusieurs requĂ©rants.

129.  Le Gouvernement ne conteste pas ces prĂ©tentions.

130.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requĂ©rant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dĂ©pens que dans la mesure oĂč se trouvent Ă©tablis leur rĂ©alitĂ©, leur nĂ©cessitĂ© et le caractĂšre raisonnable de leur taux (Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999‑II).

131.  Dans les prĂ©sentes causes, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime en principe raisonnable la somme demandĂ©e pour la procĂ©dure devant elle. Elle constate cependant que certains des requĂ©rants ont acceptĂ© la proposition de rĂšglement amiable prĂ©sentĂ©e par le Gouvernement dĂ©fendeur (paragraphe 94 ci-dessus). Le texte de la dĂ©claration, formulĂ©e de maniĂšre identique pour chaque requĂ©rant concernĂ©, est ainsi libellĂ© en sa partie ici pertinente :

« Le Gouvernement a proposĂ© au requĂ©rant la somme de 45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) Ă  titre de prĂ©judice matĂ©riel et moral ainsi que pour les frais et dĂ©pens, plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» Ă  titre d’impĂŽt par l’intĂ©ressĂ©, lequel a renoncĂ© Ă  toute autre prĂ©tention Ă  l’encontre de l’Italie Ă  propos des faits Ă  l’origine de sa requĂȘte. Â»

132.  DĂšs lors, en acceptant la proposition de rĂšglement amiable, ces requĂ©rants ont renoncĂ© Ă  toute prĂ©tention relative aux frais et dĂ©pens. Par consĂ©quent, la Cour dĂ©cide qu’il y a lieu de dĂ©duire du montant global demandĂ© la somme correspondante aux requĂ©rants ayant acceptĂ© ladite proposition de rĂšglement amiable. Cette somme est obtenue en multipliant le prorata dĂ» Ă  chaque requĂ©rant par le nombre de requĂ©rants concernĂ©s.

133.  La mĂȘme solution s’impose en ce qui concerne les quatre requĂ©rants qui ont informĂ© la Cour de leur volontĂ© de se dĂ©sister de la requĂȘte no 43390/13 (paragraphe 96 ci-dessus).

134.  En conclusion, la Cour accorde aux requĂ©rants figurant sous les numĂ©ros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22-27, 30-31, 34 et 35 dans la liste de l’annexe I, la somme globale de 59 750 EUR (cinquante-neuf mille sept cent cinquante euros) en remboursement des frais et dĂ©pens engagĂ©s devant elle (voir l’annexe II pour les sommes accordĂ©es en dĂ©tail aux requĂ©rants).

C.  IntĂ©rĂȘts moratoires

135.  La Cour juge appropriĂ© de calquer le taux des intĂ©rĂȘts moratoires sur le taux d’intĂ©rĂȘt de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale europĂ©enne majorĂ© de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  DĂ©cide de joindre les requĂȘtes ;

 

2.  DĂ©cide de rayer la requĂȘte du rĂŽle, en ce qui concerne les requĂ©rants dans la requĂȘte no 43390/13 qui figurent en annexe I sous les numĂ©ros 1, 6, 8, 9, 13, 16, 19-21, 28-29, 32 et 33 ;

 

3.  DĂ©clare les requĂȘtes recevables Ă  l’égard des autres requĂ©rants ;

 

4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet matĂ©riel ;

 

5.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procĂ©dural ;

 

6.  Dit

a)  que l’État dĂ©fendeur doit verser aux requĂ©rants, dans les trois mois Ă  compter du jour oĂč l’arrĂȘt sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă  l’article 44 Â§ 2 de la Convention, les sommes suivantes, au taux applicable Ă  la date du rĂšglement :

i.  55 000 EUR (cinquante-cinq mille euros) Ă  Mmes A.J. Kutschkau et L. Zuhlke, plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» Ă  titre d’impĂŽt, pour dommage moral,

ii.  45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) aux requĂ©rants de la requĂȘte no 12131/13 et aux requĂ©rants de la requĂȘte no 43390/13 figurant sous les numĂ©ros 2-5, 7, 10-12, 14, 17-18, 22-27, 30-31 et 34 dans la liste de l’annexe I, plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» Ă  titre d’impĂŽt, pour dommage moral,

iii.  59 750 EUR (cinquante-neuf mille sept cent cinquante euros), plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» par les requĂ©rants de la requĂȘte no 43390/13, figurant sous les numĂ©ros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22‑27, 30-31, 34 et 35 dans la liste de l’annexe I, Ă  titre d’impĂŽt, pour frais et dĂ©pens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit dĂ©lai et jusqu’au versement, ces montants seront Ă  majorer d’un intĂ©rĂȘt simple Ă  un taux Ă©gal Ă  celui de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale europĂ©enne applicable pendant cette pĂ©riode, augmentĂ© de trois points de pourcentage ;

 

7.  Rejette la demande de satisfaction Ă©quitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiquĂ© par Ă©crit le 22 juin 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du rĂšglement de la Cour.

    Abel Campos                                                            Linos-Alexandre Sicilianos
        Greffier                                                                               Président

 

 


AnnExe I

No

NumĂ©ro de la requĂȘte

Date d’introduction

Griefs soulevés

Nom du requérant

Date de naissance – NationalitĂ©

Lieu de résidence

1.   

NumĂ©ro de requĂȘte : 12131/13

 

Introduite le 03/01/2013

 

Art. 3 : torture et traitements inhumains et dĂ©gradants ;

 

Arts 3 et 13 : absence d’une enquĂȘte effective.

 

 

1. Sara BARTESAGHI GALLO

07/05/1980 – Italienne

Paris (France)

 

2. Nicola Anne DOHERTY

24/07/1974 – Britannique

Londres (Royaume Uni)

 

3. Jan Farrel GALLOWAY

21/03/1975 – AmĂ©ricaine

Philadelphie (États Unis)

 

4. Richard Robert MOTH

09/11/1968 – Britannique

Londres (Royaume Uni)

 

5. Achim NATHRATH

31/12/1969 – Allemande

Munich (Allemagne)

 

6. Theresa TREIBER

09/08/1967 – Allemande

Munich (Allemagne)

 

7. Anna Katharina ZEUNER

04/09/1978 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

2.   

 

 

NumĂ©ro de requĂȘte: 43390/13

 

Introduite le 30/03/2013

 

Art. 3 : torture et traitements inhumains et dĂ©gradants ;

 

Art. 3 : dĂ©faut d’identification des auteurs des vexations ;

 

Arts 3 et 13 : absence d’une enquĂȘte effective ;

 

Art. 5 § 2 : absence d’informations sur les raisons de l’arrestation ;

 

Arts 9, 10 et 11 : violation de la libertĂ© d’avoir des convictions, de la libertĂ© d’expression et de la libertĂ© de rĂ©union ;

 

Article 14 combinĂ© avec les articles 3, 9, 10, 11 : victimes de violences en raison de leurs opinions politiques.

 

1. Daniel Thomas ALBRECHT

09/11/1979 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

2. Aitor Ruiz BALBAS

09/10/1970 – Espagnole

Pamplona (Espagne)

 

3. Matteo BERTOLA

04/07/1977 – Italienne

Lecco (Italie)

 

4. Valeria BRUSCHI

26/02/1975 – Italienne

Berlin (Allemagne)

 

5. Michal CHMIELEWSKI

25/10/1975 – Polonaise

Dublin (Irlande)

 

6. Benjamin COELLE

03/02/1980 – Allemande

Stuttgart (Allemagne)

 

7. Simona DIGENTI

09/03/1980 – Suisse

Rumlang (Suisse)

 

8. Rosana ALLUEVA FORTEA

16/09/1980 – Espagnole

Monreal Del Campo (Espagne)

 

9. Michael GIESER

12/11/1965 – SuĂ©doise

Mondorf-Les-Bains (Luxembourg)

 

 

 

10. Yasar Suna GOL

16/05/1965 – Turque

Hoelstein (Suisse)

 

11. Lorenzo GUADAGNUCCI PANCIOLI

03/12/1963 – Italienne

Florence (Italie)

 

12. Jens HERMANN

13/10/1972 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

13. Laura JAEGER

15/02/1981 – Allemande

Barcelona (Espagne)

 

14. Holger KRESS

25/07/1979 – VĂ©nĂ©zuĂ©lienne

Teubingen (Allemagne)

 

15. Anna Julia KUTSCHKAU

23/06/1980 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

16. Francisco Javier MADRAZO SANZ

03/12/1973 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

17. Felix Pablo MARQUELLO

05/11/1965 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

18. Niels MARTENSEN

08/01/1977 – Allemagne

Hambourg (Allemagne)

 

19. Ana MARTINEZ FERRER

20/10/1975 – Espagnole

Tarazona (Espagne)

 

 

20. Guillermo Paz MASSÓ

28/09/1976 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

21. Christian MIRRA

14/06/1977 – Italienne

Santander (Espagne)

 

22. David MORET FERNANDEZ

07/11/1971 – Espagnole

Lleida (Espagne)

 

23. Francho Chavier NOGUERAS CORRAL

14/02/1965 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

24. Kathrin OTTOVAY

09/11/1978 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

25. Vito PERRONE

20/12/1977 – Italienne

Foggia (Italie)

 

26. Rafael POLLOK

03/01/1976 – Polonaise

Bremenn (Allemagne)

 

27. Federico PRIMOSIG

28/12/1978 – Italienne

Rome (Italie)

 

28. Benito Francisco Javier SAMPERIZ

14/05/1976 – Espagnole

Saragosse (Allemagne)

 

 

29. Steffen SIBLER

31/01/1978 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

30. Jose Luis SICILIA

17/11/1959 – Argentine

Saragosse (Espagne)

 

31. Jonas SZABO

24/09/1980 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

32. Dolores HERRERO VILLAMOR

31/01/1937 – Espagnole

Bremen (Allemagne)

 

33. Guillermina GARCIA ZAPATERO

09/03/1974 – Espagnole

Madrid (Espagne)

 

34. Sebastian ZEHATSCHEK

23/01/1981 – Allemande

Neu-Ulm (Allemagne)

 

35. Lena ZUHLKE

14/02/1977 – Allemande

Hambourg (Allemagne)

 

 

 

 

 

 

 


Annexe II

 

Avocats représentants

 

Requérants représentés

Montant total Ă  payer[2]

 

Me V. ONIDA

Me B. RANDAZZO

 

 

Tous les requĂ©rants de la requĂȘte no 43390/13

 

 

12 100 EUR

 

Mes A. GALASSO

Me P. PALMIERI

Me L. D’AMICO

 

 

Lorenzo GUADAGNUCCI PANCIOLI

Vito PERRONE

 

 

5 830 EUR

 

Me F. TADDEI

 

Michal CHMIELEWSKI

Benjamin COELLE

Christian MIRRA

Rafael POLLOK

Steffen SIBLER

 

 

5 500 EUR

 

Me C. NOVARO

 

Laura JAEGER

 

 

0 EUR

 

Me L. TARTARINI

 

Daniel Thomas ALBRECHT

Jens HERMANN

Niels MARTENSEN

Katrin OTTOVAY

Jonas SZABO

Guillermina GARCIA ZAPATERO

 

10 150 EUR

 

Me E. TAMBUSCIO

 

Rosana ALLUEVA FORTEA

Aitor Ruiz BALBAS

Valeria BRUSCHI

Simona DIGENTI

Francisco Javier MADRAZO SANZ

Felix Pablo MARQUELLO

Guillermo PAZ MASSÓ

David MORET FERNANDEZ

Francho Chavier NOGUERAS CORRAL

Federico PRIMOSIG

Benito Francisco Javier SAMPERIZ

José Luis SICILIA

 

 

12 000 EUR

 

Me M. PASTORE

 

Michael GIESER

Yasar Suna GOL

 

 

2 530 EUR

 

Me F. GUIGLIA

 

Holger KRESS

Dolores HERRERO VILLAMOR

Sebastian ZEHATSCHEK

Lena ZUHLKE

 

 

7 610 EUR

Me R. PASSEGGI

Anna Julia KUTSCHKAU

 

1 500 EUR

 

Me P. ANTIMIANI

Me A. MARINI

Me M. MAZZALI

 

 

Matteo BERTOLA

 

 

2 530 EUR

 

 

 

 



1.  ArrĂȘt Giuliani et Gaggio c. Italie [GC], no 23458/02, CEDH 2011 ; arrĂȘt Cestaro c. Italie, no 6884/11, 7 avril 2015 ; voir Ă©galement « Rapport final de l’enquĂȘte parlementaire d’information sur les faits survenus lors du G8 de GĂȘnes Â» du 20 septembre 2001 ; jugement no 4252/08 du tribunal de GĂȘnes, rendu le 13 novembre 2008 et dĂ©posĂ© le 11 fĂ©vrier 2009 ; arrĂȘt no 1530/10 de la cour d’appel de GĂȘnes, rendu le 18 mai 2010 et dĂ©posĂ© le 31 juillet 2010, ; arrĂȘt no 38085/12 de la Cour de cassation, rendu le 5 juillet 2012 et dĂ©posĂ© le 2 octobre 2012.

[2] Certains requérants ont accepté la proposition de rÚglement amiable ou se sont désistés en renonçant à toute prétention relative aux frais et dépens engagés (paragraphe 131 ci-dessus).