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Corte europea dei diritti dell’uomo (Sezione III), 21 giugno 2007

(requête n. 12106/03)

 

 

AFFAIRE SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS ET AUTRES

c. FRANCE

DÉFINITIF

21/09/2007

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l'affaire SCM Scanner de l'Ouest Lyonnais et autres c. France,

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président
C. Bîrsan, 
J.-P. Costa, 
Mmes E. Fura-Sandström, 
A. Gyulumyan, 
M. David Thór Björgvinsson, 
Mme I. Berro-Lefèvre, juges,

et de M. S. Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 31 mai 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 12106/03) dirigée contre la République française, et dont une société de droit français, la société civile de moyen SCM Scanner de l'Ouest Lyonnais, ainsi que ses membres, médecins dont les noms figurent en annexe (« les requérants »), ont saisi la Cour le 26 mars 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Les requérants sont représentés par Me Gallat, avocat au barreau de Lyon. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3.  Les requérants alléguaient en particulier une rupture de l'égalité des armes en raison de l'adoption d'une loi de validation tendant à modifier l'issue d'une procédure à laquelle l'Etat était partie.

4.  Le 5 juillet 2005, la Cour a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer le grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention au Gouvernement. Se prévalant de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5.  Les requérants se composent de la SCM Scanner de l'Ouest Lyonnais ayant son siège social à Lyon, et de ses membres, médecins électroradiologistes, résidant tous à Lyon.

6.  Ceux-ci exploitaient ensemble un appareil de type scanner, installé sur le site d'une clinique située à Lyon.

7.  Les actes de scanographie sont pris en charge par la Sécurité sociale. A cette fin, ils doivent être cotés, c'est-à-dire mentionnés sur une feuille de soins sous la forme d'une cotation définie par la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). Cette cotation résultait, pour la scanographie, d'un arrêté ministériel du 16 mars 1978, qui définissait un acte coté « Z 90 ». La même cotation s'est appliquée pendant plus de douze ans.

8.  Par un arrêté ministériel du 11 juillet 1991, le ministre des Affaires sociales et de l'Intégration abrogea la cotation « Z 90 ». Une lettre interministérielle du même jour instaura provisoirement en lieu et place une cotation « Z 19 » traduisant une réduction sensible du montant de l'honoraire, complétée par la cotation d'un forfait technique destiné à couvrir l'amortissement de l'appareil. Ce système de double cotation, dont la rémunération totale était inférieure de 30 euros à celle correspondant à la cotation « Z 90 », fut renouvelée par les arrêtés des 1er février 1993, 14 février 1994, 22 février 1995 et 9 avril 1996.

9.  L'ensemble du dispositif fut déféré à la censure du Conseil d'Etat par les requérants (en ce qui concerne l'arrêté du 11 juillet 1991) ainsi que par d'autres justiciables (s'agissant de la lettre interministérielle du 11 juillet 1991).

10.  Par un arrêt du 4 mars 1996, le Conseil d'Etat annula l'arrêté du 11 juillet 1991 au motif que l'un de ses signataires au moins n'avait pas compétence pour le prendre. Saisi par d'autres plaignants, il annula également, par un arrêt du même jour, la lettre précitée pour illégalité au motif que les actes de scanographie couramment pratiqués ne pouvaient donner lieu à une cotation provisoire. Saisi enfin par les requérants d'une question préjudicielle dans le cadre d'une procédure devant les juridictions de l'ordre judiciaire, le Conseil d'Etat annula, dans un arrêt du 20 novembre 2000, les arrêtés précités de 1993, 1994, 1995 et 1996 renouvelant la cotation litigieuse.

11.  Postérieurement aux arrêts du Conseil d'Etat du 4 mars 1996, les requérants saisirent les caisses d'assurance maladie de demandes tendant au paiement d'un complément de rémunération, découlant du rétablissement de la cotation Z 90, sur une période comprise entre le 6 septembre 1991 – date de prise d'effet de la substitution illégale de cotation – et le 28 février 
1997 – date d'entrée en vigueur d'un nouveau régime d'assurance maladie, soit une somme évaluée au total de 6 815 157 FRF (soit environ 1 038 895 EUR). 
En octobre 1996, suite aux réponses négatives des caisses d'assurance maladie, les requérants saisirent les commissions de recours amiable concernées, lesquelles confirmèrent les décisions de refus, soit implicitement, soit expressément en affirmant qu'il convenait de surseoir à statuer au paiement dans l'attente du dispositif de régularisation sur le point d'être mis en place par la caisse nationale d'assurance maladie.

12.  Parallèlement, à l'initiative du Gouvernement, fut introduit dans la loi no 97-1164 du 19 décembre 1997 portant loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 1998, un article 27, lequel validait les actes pris sur le fondement de l'arrêté du 11 juillet 1991, de la lettre interministérielle du 11 juillet 1991 ainsi que des arrêtés subséquents, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. Cette disposition avait été déclarée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel no 97-393 DC du 18 décembre 1997.

13.  Les requérants reprirent alors leurs demandes de remboursement et saisirent le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon de plusieurs recours. Par des jugements rendu le 18 novembre 1998, le tribunal débouta les requérants de leurs demandes ; ces jugements furent tous confirmés par des arrêts de la cour d'appel de Lyon datés du 25 janvier 2000, au motif que la mesure de validation législative les privait de tout droit à remboursement. Parmi les nombreuses décisions rendues en appel, figure celle de la cour d'appel de Lyon du 25 janvier 2000 (arrêt no 199901695) ; dans un litige opposant les requérants à la Mutuelle générale de l'éducation nationale de Villeurbanne (MGEN), la cour d'appel de Lyon les débouta de leurs demandes de remboursement dans les termes suivants :

« Sur l'application de l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997

(...) Attendu qu'il n'appartient évidemment pas aux tribunaux de l'ordre judiciaire d'écarter l'application des actes administratifs postérieurs au 11 juillet 1991 au seul motif qu'ils seraient entachés du même vice, à savoir que les actes de scanographie ne relevaient plus du champ d'application des cotations provisoires, une telle décision n'entrant pas dans leur compétence. (...).

Attendu que cette validation réserve expressément les décisions de justice passées en force de chose jugée, et qu'il est constant qu'aucune décision judiciaire n'était intervenue entre les parties en cause lors de la promulgation de la loi.

Qu'en outre, il n'y a pas lieu pour le juge judiciaire d'effectuer un contrôle de légalité interne sur le texte législatif pour savoir si, comme l'affirment les appelants, le législateur a outrepassé ses pouvoirs en validant des actes privés, étant observé d'une part que le Conseil constitutionnel après une analyse de fond des divers arguments soulevés devant lui, a déclaré l'article 27 précité non contraire à la constitution par décision du 18 décembre 1997, et d'autre part que les dispositions en cause, de portée générale, ont pour objet de valider les effets des actes administratifs annulés ou susceptibles de l'être, le parlement décidant ainsi de couvrir l'illégalité des textes administratifs, avec toutes les conséquences en découlant.

Qu'enfin la validation législative des actes pris au titre de la période en cause, leur confère un caractère définitif qui interdit de remettre en cause les facturations et paiements effectués et qui met ainsi obstacle à toute réclamation et à tout versement d'une somme supplémentaire quelconque de même qu'à toute répétition de la part des caisses. Que sauf à en dénaturer l'esprit et la lettre, l'article 27 de la loi produit donc un effet libératoire à l'égard des caisses qui s'oppose à toute réclamation des appelants.

Sur la compatibilité de la loi à la Convention européenne des droits de l'homme et aux engagements internationaux

Attendu que l'application de l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997 ne peut être écartée que dans la mesure où ses dispositions contreviennent à des dispositions normatives bénéficiant d'une autorité supra législative.

Qu'en outre, il convient de rappeler que les droits reconnus par la CEDH sont susceptibles de supporter certaines limitations dès lors que ces restrictions tendent à un but légitime et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Attendu que le principe de non rétroactivité ne s'impose qu'en matière pénale et que le législateur peut, pour des raisons d'intérêt général, modifier rétroactivement les textes applicables dans le domaine de la sécurité sociale et de la santé publique, sous réserve de ne pas porter atteinte au principe de l'autorité de la chose jugée.

Attendu que la loi en cause tendait à valider les effets d'une réglementation antérieure, qu'elle n'avait pas pour objet ou pour effet de remettre en cause une situation individuelle judiciairement consacrée.

Qu'elle avait pour but de suppléer à la disparition d'un arrêté et d'une circulaire connexe fixant les modalités de cotation des actes de scanographie et de régler ainsi les situations nées au cours de la période litigieuse.

(...) Attendu qu'à défaut d'adoption des dispositions de l'article 27 l'annulation de plusieurs actes administratifs aurait entraîné la remise en cause d'un nombre important de règlements afférents à une période pour laquelle les organismes de sécurité sociale ne détenaient plus les dossiers, aurait généré le développement d'actions contentieuses et, compte tenu des sommes en jeu, aurait été susceptible d'induire des conséquences préjudiciables à l'équilibre général des régimes de protection sociale dont se préoccupait le législateur dans le cadre de la loi du 19 décembre 1997.

Qu'ainsi la mesure revêtait incontestablement un caractère d'utilité publique. Que par ailleurs la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une disproportion entre la réduction de financement imposée aux appelants et l'intérêt général que représente l'équilibre financier de l'ensemble des régimes de protection sociale (...) »

14.  Par un arrêt (no 2826) du 26 septembre 2002, la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants formé contre l'arrêt d'appel susmentionné :

« Mais attendu que l'article 27 de la loi [précitée] a validé, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les décisions de refus de remboursement prises sur le fondement de l'arrêté du 11 juillet 1991, annulé par le Conseil d'Etat, qui a abrogé l'arrêté du 16 mars 1978, fixant à titre provisoire à Z 90 la cotation des actes de scanographie ; que ce texte, de nature législative, adopté antérieurement à l'introduction du recours de la SCM et des médecins membres de la société civile, qui ne constitue pas une intervention de l'Etat dans une procédure l'opposant à des parties, qui ne remet pas en cause des décisions de justice irrévocables et qui ne porte atteinte ni au droit au respect des biens, ni au droit de propriété, n'est contraire ni aux dispositions des articles 6-1 et 13 de la Convention, ni à celles de l'article 1er du protocole additionnel ; qu'ainsi la cotation Z 90 n'était plus applicable après le 1er août 1991 ; qu'il résulte par ailleurs de l'annulation par le Conseil d'Etat des arrêtés des 1er février 1993, 14 février 1994, 22 février 1995 et 9 avril 1996, portant cotation à titre provisoire, pour une durée d'un an, des actes de scanographie, que le remboursement de ces actes, par application de la cotation Z 19 déterminée par ces arrêtés, n'était pas autorisé ;

D'où il suit qu'abstraction faite des motifs inopérants critiqués par les moyens la décision attaquée se trouve légalement justifiée par ces motifs de pur droit ; .(...) »

15.  Saisie de multiples pourvois formés à l'encontre de des décisions de rejet précitées, la Cour de cassation a rendu, le 26 septembre 2002, vingt-huit autres arrêts formulés de manière identique.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

16.  L'article 27 de la loi no 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 est ainsi rédigé :

« Sont validés, sous réserve de décisions de justice passées en force de chose jugée, les actes pris sur le fondement :

- de l'arrêté du 11 juillet 1991 modifiant la Nomenclature générale des actes professionnels et portant abrogation des dispositions de l'arrêté du 16 mars 1978 complétant la Nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux ;

- de la lettre interministérielle en date du 11 juillet 1991 portant cotation provisoire des actes de scanographie ;

- de la circulaire interministérielle en date du 30 mars 1992 portant cotation provisoire des actes de scanographie ;

- de l'arrêté du 1er février 1993 modifié, modifiant la Nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux et portant cotation provisoire des actes de scanographie ;

- de l'arrêté du 14 février 1994 modifié, modifiant la Nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux et portant cotation provisoire des actes de scanographie ;

- de l'arrêté du 22 février 1995 modifié, modifiant la Nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux et portant cotation provisoire des actes de scanographie,

en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'incompétence des auteurs de ces arrêtés et circulaires ministérielles. »

17.  Le Conseil Constitutionnel, au sujet de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, rendit une décision no 97-393 DC du 18 décembre 1997, qui se lit comme suit :

« 45. Considérant que cet article valide, sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les actes pris sur le fondement de décisions administratives relatives à la cotation des actes de scanographie, en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'incompétence de leurs auteurs ;

46. Considérant que, par arrêt du 4 mars 1996, le Conseil d'Etat a annulé, comme entaché d'incompétence, l'arrêté du 11 juillet 1991, modifiant la nomenclature générale des actes professionnels ; que, par décision du même jour, il a annulé la circulaire du 11 juillet 1991, portant cotation provisoire des actes de scanographie, au motif qu'à la date de sa publication, ces actes ne pouvaient plus être regardés comme relevant du champ d'application des cotations provisoires, cette technique étant devenue de pratique courante ; que les autres actes administratifs mentionnés par l'article 27 sont entachés de l'une des incompétences ainsi censurées par le Conseil d'Etat ;

47. Considérant que les députés requérants soutiennent que la mesure de validation figurant à l'article 27 n'a pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale et qu'elle est, en outre, par son contenu, inconstitutionnelle ;

48. Considérant, en premier lieu, que les professionnels intéressés pourraient, en excipant des incompétences relevées par le Conseil d'Etat dans ses décisions précitées, réclamer le paiement de la différence entre l'ancienne cotation et celle résultant des actes partiellement validés ; qu'eu égard à l'incidence financière de ce paiement, la mesure de validation critiquée concourt de façon significative à l'équilibre financier des régimes obligatoires de la sécurité sociale ; que, dès lors, elle est au nombre de celles qui, en vertu des dispositions du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;

49. Considérant, en second lieu, que, si le législateur peut, comme lui seul est habilité à le faire, valider un acte administratif dans un but d'intérêt général ou lié à une exigence de valeur constitutionnelle, c'est sous réserve du respect des décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte validé ne doit contrevenir à aucune règle, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le législateur, le cas échéant sous le contrôle du Conseil constitutionnel, concilie entre elles les différentes exigences constitutionnelles en cause ;

50. Considérant, en l'espèce, que le législateur a entendu prévenir le développement de nombreuses contestations dont l'aboutissement aurait sensiblement aggravé le déséquilibre de la branche santé des régimes obligatoires de sécurité sociale ; que, par ailleurs, la validation ne concerne pas des actes contraires à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle et ne porte atteinte ni au respect des décisions de justice passées en force de chose jugée, ni au principe de non rétroactivité des peines et des sanctions ; que, par suite, le législateur pouvait prendre la mesure de validation critiquée ; (...) »

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

18.  Les requérants estiment que l'adoption par le législateur de l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997 est contraire au principe de la prééminence du droit et au droit à un procès équitable garantis par l'article 6 § 1 de la Convention dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

19.  Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

20.  La Cour constate que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

21.  Le Gouvernement rappelle tout d'abord les grandes lignes qui se dégagent selon lui de la jurisprudence de la Cour en matière de validation législative, citant les affaires Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce (arrêt du 9 décembre 1994), Papageorgiou c. Grèce (arrêt du 22 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI), National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society c. Royaume-Uni (arrêt du 23 octobre 1997), Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c. France ([GC], arrêt du 28 octobre 1999) et Forrer-Niedenthal c. Allemagne (arrêt du 20 février 2003), pour considérer que la Cour prend en compte dans son appréciation tant l'effet de la validation législative que la méthode et le moment de son adoption. A la lumière de ces affaires, il estime que l'adoption de l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997 n'a pas porté atteinte à l'équité du procès au sens de l'article 6 § 1 de la Convention.

22.  Il est d'avis que l'ingérence du législateur dans l'administration de la justice était justifiée par « d'impérieux motifs d'intérêt général ». Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il considère que l'objectif pour le législateur n'était pas de faire échec aux procédures en cours mais d'intervenir pour ne pas aggraver le déséquilibre financier de la branche santé des régimes obligatoires de sécurité sociale, et souligne que ce motif a été clairement rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 décembre 1997. Il estime qu'un tel objectif constitue, en l'espèce, un « impérieux motif d'intérêt général », au motif qu'en l'absence d'intervention de la loi de validation litigieuse, l'annulation par le Conseil d'Etat des actes administratifs relatifs à la nouvelle cotation des actes de scanographie aurait généré de nombreuses actions contentieuses afin de verser un complément de rémunération pour la période comprise entre le 6 septembre 1991, date de la prise d'effet de la substitution illégale de cotation, et le 28 février 1997, date d'entrée en vigueur d'un nouveau régime d'assurance maladie. Le Gouvernement soutient que le risque financier était à la fois réel et conséquent. Il souligne que les seuls requérants ont réclamé le versement d'une somme de 6 815 157 FRF, et qu'à l'échelle nationale, l'incidence du surcoût sur l'équilibre financier de la sécurité sociale avait été évalué à 660 000 000 FRF (soit environ 100 609 756 EUR) dans l'exposé des motifs de l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997. En outre, il rappelle que le contexte financier actuel de la branche santé des régimes obligatoires de sécurité sociale français est extrêmement dégradé, à tel point que de profondes réformes ont dû être engagées depuis plusieurs années, le retour à l'équilibre financier étant devenu une priorité, et que dans ces conditions, l'intervention du législateur consistait à préserver la bonne organisation du système de santé français et donc la protection sociale des populations.

23.  Par ailleurs, le Gouvernement observe que la loi litigieuse a été adoptée alors qu'aucune décision judiciaire n'était intervenue et avant même la tenue d'une audience contradictoire. Or, la Cour, dans sa jurisprudence, tient compte dans son appréciation du moment où intervient la loi de validation (Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres précité).

24.  Enfin, le Gouvernement considère que l'article 27 de la loi en cause respecte le principe de proportionnalité devant exister entre les moyens employés et le but visé, soulignant le caractère limité du champ d'application de la loi de validation en raison, d'une part, de l'exclusion des décisions de justice passées en force de chose jugée et, d'autre part, de ce que les actes pris sur le fondement des décisions administratives relatives à la cotation des actes de scanographie ne sont réputés réguliers qu'en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'incompétence de leurs auteurs.

25.  Les requérants, sur l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice, estiment tout d'abord que l'adoption de l'article litigieux caractérise une immixtion du pouvoir législatif dans la bonne administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige.

Contrairement au Gouvernement qui soutient que l'intervention du législateur n'avait pas eu pour but de s'immiscer dans des relations contractuelles préexistantes ni dans l'administration de la justice, ils rappellent que c'est en vertu de leurs relations contractuelles avec les organismes d'assurance maladie que les requérants ont sollicité le paiement d'un complément de rémunération des actes médicaux qu'ils avaient réalisés. Ils soulignent que, dans la mesure où la disposition législative en cause était destinée à prévenir les contentieux portant sur le même objet du litige auquel les requérants étaient parties, il ne saurait être soutenu que l'intervention du législateur n'avait pas pour but d'influer sur l'issue des procédures contentieuses. S'agissant de l'avancement des procédures et du moment où est intervenue la loi de validation, les requérants font valoir, en premier lieu, que l'ingérence en cours de procédure est avérée dès lors que celle-ci est engagée ; or, la phase précontentieuse de la procédure, qui constituait en l'espèce une condition sine qua non pour déclencher la phase judiciaire, était née lorsque la loi du 19 décembre 1997 a été adoptée. En second lieu, les requérants considèrent qu'il n'était pas nécessaire que des décisions de justice interviennent pour savoir que l'annulation d'une cotation illégale faisait revivre la précédente cotation et engendrait dès lors un droit à récupération, puisque sans la loi litigieuse l'obligation de paiement ne faisait aucun doute, le résultat étant éminemment prévisible.

26.  Sur l'existence d'impérieux motifs d'intérêt général, les requérants estiment que si le souci de ne pas aggraver de manière sensible le déséquilibre financier du régime obligatoire de l'assurance maladie puisse constituer un motif impérieux d'intérêt général, encore faut-il que la législation en cause soit à la fois adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi. Or, ils observent qu'en 1998, selon le rapport annuel de la Cour des comptes au Parlement sur la sécurité sociale de septembre 1999, les dépenses de santé du régime sus-énoncé se sont élevées à 742,7 milliards de francs (soit 113 216 463 414 euros), et que le solde de l'exercice en encaissement-décaissement (correspondant à la variation du fonds de roulement) fait apparaître pour cette même année un déficit de 15,9 milliards de francs (2 423 780 487 euros) selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2000. Au regard de ces chiffres l'impact des demandes de complément de rémunération empêchées par la validation législative sur le budget de l'assurance maladie apparaissait donc négligeable. Sur ce point, même à supposer exacte la somme de 660 millions de francs correspondant à l'incidence sur l'équilibre financier de la sécurité sociale évalué par le Gouvernement, les requérant soulignent que ce chiffre aurait représenté une augmentation inférieure à 0,09 % des dépenses d'assurance maladie sur l'année 1998, augmentant le déficit de 4,1 %.

27.  En outre, les requérants soutiennent que la disposition législative en cause ne respecte pas le principe de proportionnalité, dans la mesure où, à la date de sa parution, elle n'avait pas exclu de son champ d'application les cas ayant donné lieu à l'engagement de contentieux, comme en l'espèce. Or, dès 1991, les requérants avaient formé une requête en annulation ayant fait l'objet en 1996 de l'arrêt du Conseil d'Etat et qu'ils ne l'avaient fait que dans le seul but de pouvoir ensuite demander un complément de rémunération. Ils soutiennent enfin que lorsque la loi de validation a été publiée, ils étaient à l'évidence les seuls à avoir engagé des procédures en paiement, et en déduisent que le montant réclamé de 6 815 157 francs ne représentait que 1,03 % des 660 millions de francs de risque de pertes alléguées par le Gouvernement.

2.  Appréciation de la Cour

28.  La Cour réaffirme que si, en principe, le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige (arrêts Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis précité, série A no 301-B, § 49 ; Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres précité, CEDH 1999-VII, § 57). La Cour rappelle en outre que l'exigence de l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir notamment les arrêts Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas du 27 octobre 1993, série A no 274, § 33, et Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis, précité, § 46).

29.  En l'espèce, si l'article 27 de la loi no 97-1164 du 19 décembre 1997 portant loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 1998 excluait expressément de son champ d'application les décisions de justice passées en force de chose jugée, il fixait définitivement les termes du débat et ce, de manière rétroactive s'agissant des recours pendants devant les juridictions compétentes au moment de l'entrée en vigueur de la disposition litigieuse. A cet égard, la Cour relève que, conformément au droit national, les requérants avaient engagé une phase précontentieuse, dite administrative, devant plusieurs commissions de recours amiable dès octobre 1996 ; or, cette réclamation préalable et obligatoire auprès de l'administration est une phase indispensable en ce qui concerne le contentieux général de la sécurité sociale. En conséquence, dès lors que cette phase administrative a constitué une condition sine qua non pour déclencher la phase judiciaire proprement dite, la Cour considère, contrairement à ce qu'a retenu la Cour de cassation dans ses arrêts du 26 septembre 2002, que la procédure était déjà née lorsque la loi du 19 décembre 1997 fut adoptée, et que le litige portait précisément sur le droit au paiement d'un complément de rémunération, objet de la contestation (voir OGIS-Institut Stanislas, OGEC Saint-Pie X et Blanche de Castille et autres c. France, nos 42219/98 et 54563/00, § 62, 27 mai 2004, voir également, mutatis mutandis, Duclos c. France, arrêt du 17 décembre 1996, Recueil 1996-VI, § 54, et Kadri c. France (déc.), no 41715/98, 26 septembre 2000).

30.  En définitive, l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997 a donc permis d'entériner la position adoptée par l'Etat dans le cadre de procédures pendantes, en réglant le fond du litige et rendant vaine toute continuation des procédures. Le Gouvernement, sur ce point, ne conteste d'ailleurs pas l'existence d'une ingérence dans le droit des requérants à un procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Dans ces conditions, la Cour estime que l'on ne saurait parler d'égalité des armes entre les deux parties.

31.  Quant aux « impérieux motifs d'intérêt général », évoqués par le Gouvernement, ils résulteraient uniquement de la nécessité de sauvegarder l'équilibre financier de la branche santé des régimes obligatoires de sécurité sociale. La Cour note que le Gouvernement avance, outre des arguments généraux relatifs aux difficultés financières rencontrées par le système de sécurité sociale français, le chiffre de six cent soixante millions d'euros correspondant, selon lui, aux économies réalisées grâce à l'adoption de la validation législative litigieuse. Or, la Cour rappelle qu'en principe un motif financier ne permet pas à lui seul de justifier une telle intervention législative (voir, notamment, Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres, précité, § 59). Elle relève surtout que la corrélation entre le risque financier invoqué et les procédures pendantes dont l'issue a été déterminée par la loi de validation n'est nullement établi. En effet, le Gouvernement ne fournit aucun renseignement de quelque nature que ce soit quant au nombre de recours en annulation pendants devant la juridiction administrative, ni aucune évaluation concrète, et partant crédible, du coût virtuel de l'issue favorable de ces procédures.

32.  La Cour observe enfin que l'exclusion des procédures pendantes du champ d'application de l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997 n'aurait pas empêché d'atteindre l'objectif poursuivi, à savoir sécuriser pour l'avenir la légalité des arrêtés ministériels en cause, tout en respectant l'égalité des armes pour les instances en cours (voir, sur ce point, Chiesi SA c. France, no 954/05, § 40, 16 janvier 2007).

33.  Aucun des arguments présentés par le Gouvernement ne convainc donc la Cour de la légitimité et de la proportionnalité de l'ingérence. Compte tenu de ce qui précède, l'intervention législative litigieuse, qui réglait définitivement, de manière rétroactive, le fond du litige opposant les requérants à l'Etat devant les juridictions internes, n'était pas justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général.

34.  Partant, la Cour conclut à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

35.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

36.  Les requérants réclament 1 038 969,99 EUR au titre du préjudice matériel subi. Ils considèrent qu'il est certain que la validation législative en cause les a privés, conformément à son objectif, de la possibilité d'obtenir le paiement d'un complément de rémunération dont le montant s'élève à 1 038 969,99 EUR. A l'appui de leur prétention, ils fournissent un tableau récapitulatif comprenant le nombre d'actes de scanographie réalisés par année, du 5 septembre 1991 au 28 février 1997, ainsi que la différence de remboursement pour l'ensemble desdits actes entre l'ancienne cotation Z 90 et la nouvelle cotation Z 19, dont le montant équivaut à la somme réclamée. Ils expliquent que la demande de satisfaction équitable tend à voir compenser le préjudice matériel résultant de l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés d'obtenir des juridictions nationales une condamnation des organismes d'assurance maladie au paiement de cette somme.

37.  Le Gouvernement considère cette demande excessive et non fondée. Il soutient que les requérants ne justifient pas du montant du préjudice matériel invoqué en se bornant à exposer une simple estimation, non accompagnée de pièces justificative et dépourvue de toute explication. En outre, il fait valoir que rien ne permet d'affirmer qu'ils auraient obtenu la somme demandée devant les juridictions nationales, si la loi de validation n'était pas intervenue. Il estime, en tout état de cause, que le constat de violation de cette disposition constituerait une satisfaction équitable adéquate au titre des préjudices matériel et moral.

38.  La Cour relève que la seule base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable réside en l'espèce dans le fait que les requérants n'ont pu jouir des garanties de l'article 6 § 1 de la Convention. A cet égard, la Cour rappelle qu'elle ne saurait spéculer sur ce qu'eût été l'issue du procès dans le cas contraire, qui plus est lorsque, comme en l'espèce, les requérants n'ont bénéficié d'aucune décision interne rendue en leur faveur (voir, a contrario, Arnolin et autres c. France, nos 20127/03, 31795/03, 35937/03, 2185/04, 4208/04, 12654/04, 15466/04, 15612/04, 27549/04, 27552/04, 27554/04, 27560/04, 27566/04, 27572/04, 27586/04, 27588/04, 27593/04, 27599/04, 27602/04, 27605/04, 27611/04, 27615/04, 27632/04, 34409/04 et 12176/05, § 87, 9 janvier 2007). Cependant, elle n'estime pas déraisonnable de penser que les intéressés ont néanmoins subi une perte de chances réelles (voir Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres précité, § 79 ; voir aussi Cabourdin c. France, no 60796/00, § 45, 11 avril 2006). A cela s'ajoute un préjudice moral auquel le constat de violation figurant dans le présent arrêt ne suffit pas à remédier. Statuant en équité, comme le veut l'article 41, elle alloue 7 000 EUR aux requérants conjointement, toutes causes de préjudice confondues.

B.  Frais et dépens

39.  Les requérants demandent également 10 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour. Ils ne produisent cependant qu'une facture, établi par leur conseil et datée du 27 mars 2003, relative à la saisine de la Cour, d'un montant de 5 980 EUR.

40.  Le Gouvernement, au vu de l'unique facture produite, propose d'allouer aux requérants conjointement la somme de 5 980 EUR.

41.  La Cour rappelle qu'un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens encourus devant elle que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, Kress c. France [GC], no 39594/98, § 102, CEDH 2001). En l'espèce, la Cour constate que la somme réclamée par les requérants au titre des dépens encourus devant la Cour n'est justifiée qu'au regard de l'unique facture produite susmentionnée. Dans ces conditions, la Cour, statuant en équité comme le veut l'article 41, décide d'accorder à ce titre aux requérants conjointement la somme de 5 980 EUR.

C.  Intérêts moratoires

42.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare le restant de la requête recevable ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser aux requérants conjointement, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 7 000 EUR (sept mille euros) au titre du dommage matériel et moral, ainsi que 5 980 EUR (cinq mille neuf cent quatre-vingts euros) pour les frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 juin 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago Quesada Boštjan M. Zupančič 
 Greffier Président

 

ANNEXE

Liste des requérants :

Pierre BAILLY

Yves BASCOULERGUES

Richard BONNEVIE

François BROUILLET

Pierre CELLARD

Didier GONNON

Jean-Gérald INGELS

Guy JEANNOT

Gaston LAMBERT

Bruno MARTIN

Gérard DE RYCKE

Thierry TAVERNIER

Jean-Gérald VULLIEZ