Cour europĂ©enne des droits de lâhomme
PREMIĂRE SECTION
AFFAIRE SUCCI ET AUTRES c. ITALIE
(RequĂȘtes nos 55064/11 et 2 autres â
voir liste en annexe)
ARRĂT
Art 6 § 1 (civil)
⹠AccÚs à un tribunal ⹠Formalisme et absence de formalisme excessif de la Cour de cassation ayant déclaré irrecevable les pourvois des
requérants au regard des critÚres
de rédaction des pourvois en cassation
STRASBOURG
28 octobre 2021
Cet arrĂȘt deviendra
dĂ©finitif dans les conditions dĂ©finies Ă lâarticle 44 § 2 de la
Convention. Il peut subir des
retouches de forme.
En lâaffaire Succi et autres c. Italie,
La Cour
europĂ©enne des droits de lâhomme (premiĂšre section), siĂ©geant en une Chambre composĂ©e de :
Ksenija Turković, prĂ©sidente,
PĂ©ter Paczolay,
Alena PolĂĄčkovĂĄ,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström,
Raffaele Sabato,
Lorraine
Schembri Orland, juges,
et de Renata Degener, greffiĂšre de section,
Vu :
les requĂȘtes (nos 55064/11, 37781/13 et 26049/14) dirigĂ©es contre la
RĂ©publique italienne et dont huit
ressortissants italiens
(« les requérants »)
(voir liste en annexe) ont saisi la Cour en vertu
de lâarticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales
(« la Convention ») aux dates indiquées dans le tableau joint en annexe,
la décision de
porter Ă la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement ») le grief tirĂ© de lâarticle 6 § 1 de la
Convention,
les observations des parties,
AprÚs en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 octobre 2021,
Rend lâarrĂȘt que voici, adoptĂ©
Ă cette date :
INTRODUCTION
1. Les
requĂȘtes portent sur lâirrecevabilitĂ© des pourvois en cassation, que les requĂ©rants
jugent entachĂ©e de formalisme excessif. Les requĂ©rants invoquent lâarticle 6 § 1 de la
Convention (droit Ă un tribunal).
2. Les
dates de naissance et les lieux de résidence
des requérants ainsi que les
noms de leurs représentants figurent en annexe.
3. Le Gouvernement a été représenté par son ancien coagent,
Mme M.G. Civinini, et par son agent, M. L.
DâAscia.
4. En ce qui concerne la requĂȘte no 26049/14, lâun des requĂ©rants, M. F. Di Dario, est dĂ©cĂ©dĂ© aprĂšs lâintroduction de la requĂȘte devant la Cour. Ses hĂ©ritiers, les autres requĂ©rants
de la mĂȘme requĂȘte, ont informĂ© la Cour de leur souhait
de poursuivre la procédure devant la Cour. Le Gouvernement a accepté le locus standi des héritiers dans
la procédure.
- REQUĂTE NO 55064/11
5. Le requĂ©rant Ă©tait gĂ©rant dâune entreprise commerciale situĂ©e
à Catane. Le 19 novembre 2003, la propriétaire
des magasins quâil louait lui notifia un avis dâexpulsion (domanda di sfratto). Le 12 mars 2008, le tribunal de Catane prononça la rĂ©solution du contrat de location avec injonction de quitter les lieux.
Le 12 octobre 2009, la cour
dâappel de Catane confirma
le jugement.
6. Le 2 mars
2010, le requérant forma un pourvoi
en cassation (RG no 6688/2010) dont lâexposĂ© des faits
contenait un rĂ©sumĂ© de lâobjet du litige
et le déroulement de la procédure.
Les motifs dâappel et la motivation de lâarrĂȘt attaquĂ© y Ă©taient retranscrits ; les piĂšces de la procĂ©dure
et les documents cités étaient partiellement
retranscrits ou résumés, et portaient la numérotation du dossier de
premiĂšre instance (fascicolo di parte di primo
grado).
La deuxiĂšme partie du pourvoi
(pages 33 Ă 51) se penchait sur les
moyens de cassation (motivi
di ricorso) de lâarrĂȘt. Chaque
moyen indiquait le cas dâouverture invoquĂ©, conformĂ©ment Ă lâarticle 360 du code de procĂ©dure civile (le « CPC ») :
« Io - Violation ou application erronée des articles
2 de la Constitution, 1175 et 1375 du code civil, 1455 du code civil et du principe gĂ©nĂ©ral de bonne foi et de lâinterdiction de lâabus du droit
(art. 360, alinéa 1er, no 3 du
CPC) â Motivation contradictoire
sur un fait controversé et décisif pour le procÚs (art. 360,
alinéa 1er, no 5 du
CPC). (...)
IIo - Motivation contradictoire sur un fait controversé et décisif pour le procÚs (art. 360, alinéa 1er,
no 5 du CPC). (...)
IIIo - Violation ou application erronĂ©e de lâarticle 34 de la loi no 392 de 1978 (art. 360, alinĂ©a
1er, no 3 CPC) â Motivation contradictoire
sur un fait controversé et décisif pour le procÚs (art. 360,
alinéa 1er, no 5 du
CPC). (...)
IVo - NullitĂ© de lâarrĂȘt ou du procĂšs
(art. 360, alinéa 1er, no 4, du
CPC), au sens de lâarticle 112 du CPC â Violation ou application erronĂ©e des articles
88 et 89 du CPC (art. 360, alinéa
1er, no 3 du CPC). (...)
Vo - Violation
ou application erronĂ©e de lâarticle 91 du CPC (art. 360, alinĂ©a 1er, no 3 du CPC) â NullitĂ© de lâarrĂȘt ou du
procÚs (art. 360, alinéa 1er,
no 4 du CPC). (...) »
En ce qui concerne les
documents retranscrits ou résumés dans
la deuxiĂšme partie, le requĂ©rant renvoyait Ă la motivation de lâarrĂȘt dâappel ou aux
documents de la procĂ©dure au fond (notes en dĂ©fense dĂ©posĂ©es en appel, procĂšs-verbal dâune
audience, mémoire de la partie
dĂ©fenderesse). LâarrĂȘt de
la cour dâappel et les piĂšces du
dossier dâappel Ă©taient annexĂ©s au pourvoi.
7. Sur proposition
du juge rapporteur,
la Cour de cassation déclara le pourvoi irrecevable (ordonnance no 4977
de 2011). Elle rappela que :
« aux termes de lâarticle 366, no 4
du CPC, le pourvoi doit contenir les
moyens de cassation, indiquer les normes
sur lesquelles ils se fondent et, conformĂ©ment Ă lâarticle 366, no 6 du
CPC, mentionner expressément
les piÚces de la procédure et les documents dont il fait état.
Quant Ă lâarticle 366, no 4
du CPC, il convient de rappeler que le demandeur au pourvoi
ne peut invoquer que certains motifs
de cassation (critica vincolata), limités aux cas
dâouverture prĂ©vus Ă lâarticle
360 [du CPC], ce quâimplique,
pour chaque moyen, lâindication de lâintitulĂ© du moyen avec
les raisons invoquĂ©es, lâexposĂ© des arguments invoquĂ©s
contre la décision attaquée
et la présentation détaillée
des critiques justifiant la cassation de la décision.
En ce qui concerne lâarticle
366, no 6 du CPC, il y
a lieu de rappeler que (...), aux termes du décret
législatif no 40 de 2006, les
piĂšces sur lesquelles est fondĂ© le pourvoi doivent ĂȘtre expressĂ©ment
mentionnées ainsi que le stade de la procédure dans lequel celles-ci ont été produites.
La mention expresse dâun document produit pendant la procĂ©dure implique (...) en application de lâarticle 369, deuxiĂšme alinĂ©a, no 4 du CPC, que ce document soit produit
aussi devant la Cour de cassation.
En dâautres termes, lorsque le demandeur au pourvoi
se plaint de lâapprĂ©ciation
erronĂ©e dâun document ou de son omission dans la dĂ©cision au fond, il a
la double obligation de le
verser au dossier et
dâen prĂ©ciser le contenu.
Il sâacquitte de la premiĂšre obligation
en indiquant Ă quelle phase
de la procédure correspond
le document et dans quel
dossier celui-ci se trouve,
et de la deuxiĂšme en reproduisant
ou en résumant dans son pourvoi le contenu du document.
(...)
Le pourvoi [du requérant] ne respecte pas les
principes exposĂ©s ci-dessus, car les cinq moyens qui y figurent ne mentionnent ni lâintitulĂ© des vices
dénoncés ni les références des documents invoqués au soutien des
arguments développés.
(...) »
- REQUĂTE NO 37781/13
8. Ă la suite de travaux rĂ©alisĂ©s devant son domicile, le requĂ©rant obtint du tribunal de Naples la nomination dâun expert
qui procéda à une expertise non reproductible
(accertamento tecnico preventivo) attestant la
rupture des puits et lâexistence dâune fuite dâeau Ă lâorigine dâun affaissement des fondations de lâimmeuble.
9. Le 20 août
2004, le tribunal de Naples
jugea la municipalité de
Frattamaggiore responsable et la condamna
à indemniser le requérant.
10. Le 2 août
2006, la cour dâappel de Naples rĂ©forma ce jugement, estimant que le prĂ©judice Ă©ventuel nâĂ©tait pas imputable Ă la municipalitĂ© mais Ă lâentreprise
privĂ©e adjudicatrice de lâappel
dâoffre.
11. Le 16 décembre
2006, le requérant forma un pourvoi
en cassation (RG no 652/2007). Le pourvoi du requérant
sâouvrait par un rĂ©sumĂ© de
la procédure de premiÚre instance
et dâappel (pages 1 Ă 4), et se poursuivait
par lâexposĂ© des cinq moyens de cassation soulevĂ©s (pages 4 Ă
11). Les quatre premiers dĂ©nonçaient la violation ou la mauvaise application de certaines dispositions du code civil, et le dernier critiquait la motivation dĂ©faillante ou insuffisante de lâarrĂȘt relativement Ă un fait controversĂ© et dĂ©cisif pour le procĂšs. Le requĂ©rant contestait plusieurs passages de lâarrĂȘt dâappel en sâappuyant sur des documents de la procĂ©dure au fond,
dont certains étaient référencés et dont la plupart étaient résumés dans le texte du pourvoi. Les quatre
moyens critiquant la violation ou la mauvaise application des articles du
code civil se terminaient
par une « question en droit ».
12. Le 14 février
2013 (arrĂȘt no 3652 de 2013), la Cour de cassation dĂ©clara le pourvoi irrecevable, en application des articles 366, 1er alinĂ©a, no 4, 366 bis et 375, 1er alinĂ©a, no 5 du CPC. Elle
estima que :
« les questions en droit concluant les moyens
ne respectent pas le schéma développé par cette Cour (indication
des faits pertinents et de leur appréciation par la juridiction du fond, indication
de lâautre interprĂ©tation (interpretazione
alternativa) proposée par le demandeur
au pourvoi). Il sâensuit quâelles sont abstraites et gĂ©nĂ©riques, et quâelles ne prĂ©sentent pas de lien avec lâaffaire. [Elles ne permettent
pas], Ă leur seule lecture (arrĂȘts des chambres
rĂ©unies nos 2658/2008, 3519/2008, 7433/2009, arrĂȘt no 8463/2009), dâidentifier
la solution adoptée dans la décision attaquée et les termes du litige
(arrĂȘts des chambres rĂ©unies nos 20360/2007,
11650/2008, 12645/2008), et elles nâoffrent pas Ă [la Cour de cassation] la possibilitĂ© de limiter sa dĂ©cision Ă lâacceptation ou le rejet [de la question] (...).
(...)
[Le pourvoi ne satisfait pas] non plus aux critĂšres de lâarticle 366, 1er alinĂ©a, no 6 du CPC en ce que [le demandeur au pourvoi
renvoie] aux documents de la procĂ©dure au fond (...) dont [il] dĂ©nonce lâapprĂ©ciation erronĂ©e ou lâabsence
dâapprĂ©ciation en se bornant
Ă les mentionner sans en reproduire les parties pertinentes ou, lorsque ces parties sont reproduites, en omettant de mentionner les rĂ©fĂ©rences qui permettraient de retrouver les documents en question (arrĂȘt des chambres rĂ©unies
no 22726/2011, arrĂȘts nos 29279/2008,
15628/2009 et 20535/2009).
Ainsi les critiques
du requérant ne sont pas formulées
dâune maniĂšre qui en permettrait
la compréhension à la seule
lecture du pourvoi, ce qui empĂȘche la Cour de remplir sa fonction consistant Ă en apprĂ©cier le bien-fondĂ© Ă la lecture des moyens
[de cassation] et quâil est
impossible de remĂ©dier Ă ces lacunes, [la Cour de lĂ©gitimitĂ© nâayant pas] accĂšs
aux actes de la procédure au fond.
Les allégations du requérant, formulées
de maniĂšre apodictique, ne sont suivies dâaucune dĂ©monstration et ne sont pas suffisantes
(...).
MĂȘme pour le
vice de motivation, [le pourvoi
ne comporte] pas de « claire indication »
des « raisons »
[art. 366 bis, alinĂ©a 2, du CPC], comme lâexigent le schĂ©ma et les principes de [la jurisprudence de] cette Cour, â en [dĂ©lĂ©guant] de maniĂšre inacceptable (inammissibilmente)
cette activité à la Cour (...) ».
- REQUĂTE NO 26049/14
13. Les
requérants sont respectivement le mari, les fils, les
parents et le frĂšre de Mme D.D., dĂ©cĂ©dĂ©e le 26 juin 2000 Ă la suite dâun accident
de la route.
14. Le 23 octobre
2007, le tribunal de Teramo déclara
civilement responsables de
lâaccident le chauffeur et
le propriĂ©taire du vĂ©hicule et les condamna Ă indemniser les requĂ©rants. Le 19 octobre 2010, la cour dâappel de LâAquila rĂ©forma partiellement le jugement en rĂ©duisant le montant du prĂ©judice patrimonial
et des autres sommes accordées au titre des
dommages et intĂ©rĂȘts.
15. Le 21 décembre
2011, les requérants se pourvurent en cassation.
16. Long de quatre-vingts
pages, le pourvoi contenait
lâexposĂ© des faits et quatre moyens de cassation de lâarrĂȘt. En particulier, lâexposĂ© (pages 1 Ă 51) Ă©tait composĂ© essentiellement dâune retranscription de lâacte dâappel, dâun rĂ©sumĂ© de lâappel incident (appello
incidentale) des requérants
et de leurs conclusions dâappel, de transcriptions de lâappel de lâun des dĂ©fendeurs et de la motivation et
du dispositif de lâarrĂȘt de la cour dâappel.
17. Par une ordonnance
no 21232/2013 du 17 septembre
2013, la Cour de cassation dĂ©clara le pourvoi irrecevable. Elle considĂ©ra quâil ne respectait pas lâexigence Ă©noncĂ©e Ă lâarticle 366, no 3
du CPC car il reprenait en les recopiant quasi intégralement les actes de la procédure suivie devant les
juges du fond (arrĂȘt no 16628 rendu en 2009 par les chambres rĂ©unies). La Haute juridiction rappela ensuite que :
« Lâordonnance no 19255/2010
rĂ©itĂšre que lâexigence [prĂ©vue Ă lâarticle 366, no 3 du CPC] implique une activitĂ© de rĂ©daction du dĂ©fenseur, laquelle, dĂšs lors quâelle
est qualifiée de « sommaire »
(...), implique un exposé destiné à résumer tant la situation litigieuse que le déroulement de la procédure.
Ce principe a été
confirmĂ© par un arrĂȘt no 5698
rendu en 2012 par les chambres réunies, qui a réaffirmé que la reproduction non critique, intégrale et littérale du contenu des
actes du procĂšs est, dâune part, superflue â puisquâil
nâest nullement exigĂ© un compte-rendu mĂ©ticuleux de chaque Ă©tape de la procĂ©dure â et, dâautre part, incompatible avec lâexigence dâune exposition sommaire des faits
puisquâelle revient Ă confier Ă la Cour [de cassation la tĂąche de choisir] (...) ce qui est effectivement
important au regard des moyens
de cassation.
En lâespĂšce, lâexposition sommaire des faits sâĂ©tend
sur 51 pages et reproduit intégralement
une sĂ©rie dâactes de procĂ©dure en les regroupant (tecnica dellâassemblaggio), sans le moindre effort de synthĂšse propre Ă reconstituer la chronologie et le
déroulement de la procédure
dans ses points essentiels.
LâexposĂ© des moyens ne permet pas non plus dâidentifier les faits pertinents
pour leur compréhension ».
LE CADRE
JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
- LA LĂGISLATION
INTERNE
- Le code de procédure civile
18. En
vertu de la loi no 80 du 14 mai 2005, le lĂ©gislateur a dĂ©lĂ©guĂ© Ă lâexĂ©cutif la rĂ©forme du code de procĂ©dure civile (le « CPC »),
en particulier en matiĂšre
de procédure de cassation. Parmi les principes
et critĂšres Ă respecter, la
loi indique que :
« 3. Dans la mise en Ćuvre de la [loi de] dĂ©lĂ©gation (...), le Gouvernement
respectera les principes et critĂšres suivants :
a) (...) le moyen
du pourvoi [en cassation] devra se conclure, Ă peine dâirrecevabilitĂ©, par la formulation
claire dâune « question en droit » ;
(...) [la Cour de cassation
doit rĂ©pondre Ă chaque moyen par] lâĂ©nonciation dâun principe de droit ;
(...). »
19. En conséquence,
le Gouvernement a adopté le
décret législatif no 40
de 2006, qui a insĂ©rĂ© lâarticle
366 bis dans le CPC, ajoutant Ă lâarticle 366 du CPC une disposition prĂ©voyant « la mention expresse des actes de la procĂ©dure, des documents, des contrats ou des
conventions collectives sur lesquels
le pourvoi est fondé »,
et Ă lâarticle 369 du mĂȘme code, lâobligation de dĂ©poser avec le pourvoi les actes,
documents, contrats ou conventions collectives qui
sây trouvent citĂ©s.
20. Les articles pertinents du CPC, tels quâapplicables
Ă lâĂ©poque des faits, Ă©taient ainsi libellĂ©s :
« Article 360
â DĂ©cisions attaquĂ©es et cas dâouverture
Les dĂ©cisions rendues en appel ou en premier et dernier ressort peuvent faire lâobjet dâun pourvoi en cassation pour :
1. des motifs de juridiction ;
2. violation des rÚgles de compétence,
lorsque la rĂ©solution dâun conflit de compĂ©tence (regolamento
di competenza) nâest pas prescrite ;
3. violation ou mauvaise application
de la loi et des
conventions et accords collectifs
nationaux en matiĂšre dâemploi ;
4. nullité de
la décision ou de la procédure ;
5. motivation absente, insuffisante ou contradictoire sur un fait controversé et décisif pour le litige (...)
Article 360 bis (Irrecevabilité
du pourvoi)[1]
Le pourvoi est
irrecevable :
1) lorsque la dĂ©cision attaquĂ©e a statuĂ© sur des points de droit conformĂ©ment Ă la jurisprudence de la Cour et que lâexamen des
moyens ne permet pas de confirmer ou de modifier son orientation ;
2) lorsquâun grief de violation des principes rĂ©gissant
le procÚs équitable est manifestement mal fondé.
(...)
Article 366 (Contenu du pourvoi)
Le pourvoi doit contenir, sous peine de non-admission :
1. lâindication
des parties ;
2. lâindication
du jugement ou de la dĂ©cision faisant lâobjet du pourvoi ;
3. un rĂ©sumĂ© des faits de lâaffaire ;
4. les cas dâouverture invoquĂ©s au soutien du
pourvoi en cassation, avec lâindication des normes sur lesquelles ils se fondent (...) ;
(...)
6. la mention expresse des actes
de la procédure, des documents, des contrats ou des
conventions collectives sur lesquels
le pourvoi est fondé (...).
Article 366 bis â (Formulation
des moyens de droit) â Dans les
cas prĂ©vus Ă lâarticle 360, 1er alinĂ©a,
numĂ©ros 1) - 4), lâindication
de chaque moyen doit se conclure, sous peine dâirrecevabilitĂ©,
par la formulation dâune question
en droit.
Dans le cas prĂ©vu Ă lâarticle 360, 1er alinĂ©a, numĂ©ro 5), la formulation de chaque moyen doit contenir,
sous peine dâirrecevabilitĂ©, lâindication claire du fait
contesté à propos duquel il est allégué
que la motivation est inexistante ou contradictoire, ou les raisons pour lesquelles il est allégué que la motivation est insuffisante et impropre à justifier la décision.
(...)
Article 369 â DĂ©pĂŽt du pourvoi en cassation
Le pourvoi doit ĂȘtre dĂ©posĂ©
au greffe de la Cour de cassation, Ă peine dâirrecevabilitĂ©, dans les vingt
jours suivant sa notification
aux parties défenderesses au pourvoi.
Avec le pourvoi, les documents suivants
doivent ĂȘtre dĂ©posĂ©s Ă peine dâirrecevabilitĂ© :
(...)
4) les actes du procĂšs,
les documents, les contrats ou
les conventions collectives
sur lesquels le pourvoi est
fondé.
Le demandeur au pourvoi doit
solliciter auprĂšs du greffe de la juridiction qui a rendu la dĂ©cision attaquĂ©e ou dont la compĂ©tence est contestĂ©e lâenvoi du dossier au greffe
de la Cour de cassation ; cette demande
est visée par le greffe et renvoyée au requérant,
puis déposée avec le pourvoi. »
- Le code du procĂšs administratif
21. Lâarticle 3 du code de procĂ©dure administrative (approuvĂ© par le dĂ©cret lĂ©gislatif no 104 du 2 juillet 2010), intitulĂ© « devoir
de motivation et de synthĂšse
des actes », dispose que le juge et les parties au procÚs doivent rédiger les actes
de la procédure de maniÚre claire et concise.
22. Cette disposition a Ă©tĂ© mise en Ćuvre par des arrĂȘtĂ©s
successifs du président du Conseil
dâĂtat (arrĂȘtĂ©s no 40
de 2015, no 167 de 2016 et no 127 de 2017), qui ont
fixé des critÚres de rédaction et des limites à la longueur des recours
administratifs.
- Le protocole conclu entre la Cour de cassation et le Conseil
national des barreaux
le 17 décembre 2015
23. Le protocole conclu entre la Cour de cassation et le Conseil national des barreaux (« le CNF ») fixe des critÚres
rédactionnels du pourvoi en cassation en matiÚre civile et fiscale. Dans ses parties pertinentes, il est ainsi rédigé :
« La Cour de cassation (...) et le Conseil
national des barreaux (le
« CNF ») (...) convaincus que le temps est venu de prendre acte ensemble :
1) des difficultés liées au traitement des
recours devant la Cour de cassation : a) Ă cause de la multiplication
de ceux-ci (...), b) à cause de la difficulté constatée de définir de maniÚre claire et définitive le sens et les limites
du « principe dâautonomie du
pourvoi en cassation »
élaboré par la jurisprudence
(...) ;
2) de la longueur
excessive des actes (...) qui peut faire obstacle à la compréhension concrÚte de leur contenu (...) ;
3) du fait que cette
longueur excessive peut en partie sâexpliquer par un souci lĂ©gitime des avocats
dâĂ©viter lâirrecevabilitĂ© du pourvoi pour non-respect du principe dâautonomie (...) ;
4) du fait que lâadoption dâun modĂšle de formulaire de pourvoi pourrait aboutir Ă une simplification
significative (...) ;
(...)
Le principe dâautonomie
Le respect du principe dâautonomie ne comporte
pas une obligation de transcription intégrale, dans le pourvoi ou dans le mémoire,
des documents mentionnés. Ledit principe est respecté (...) :
1. lorsque chaque moyen (...) répond aux critÚres
de spécificité prévus par
le code de procédure [civile] ;
2. lorsque chaque moyen indique,
le cas Ă©chĂ©ant, lâacte, le document, le contrat ou la convention collective sur lesquels il sâappuie (article 366, premier paragraphe, no 6 du CPC) ainsi que les
pages, paragraphes, lignes
[des passages cités] (...) ;
3. lorsque chaque moyen indique
le stade (tempo) (acte
introductif, recours, acte de constitution, note en dĂ©fense, etc...) du procĂšs de premiĂšre instance ou dâappel
oĂč chaque document est produit ;
4. lorsque sont joints au pourvoi, dans un dossier prévu à cet effet
[il fascicoletto] qui sâajoute au dossier de la partie constituĂ© au cours
des précédentes instance, au sens
de lâarticle 369, deuxiĂšme paragraphe, no 4 du CPC, les actes, documents,
contrats et conventions collectives
mentionnés dans le pourvoi ou dans
lâacte en dĂ©fense. »
- Le Plan
national de reprise et de résilience (« le PNRR »)
24. Dans son Plan
national de reprise et de résilience (le « PNRR ») adopté en
2021, le Gouvernement vise
Ă rendre effectif le
principe du caractĂšre synthĂ©tique des actes et celui de collaboration loyale entre le juge et les parties. En particulier, il prĂ©voit dâĂ©toffer, pour la procĂ©dure devant la Cour de cassation, les principes dâautonomie et de synthĂšse des actes,
dâadopter des modalitĂ©s pratiques uniformes de dĂ©roulement de la procĂ©dure et, enfin, dâĂ©largir la procĂ©dure en chambre de conseil pour simplifier la prise de dĂ©cision.
- LA JURISPRUDENCE
DE LA COUR DE CASSATION
- Le principe
dâautonomie du pourvoi
en cassation
25. La Cour de cassation a mentionné pour la
premiĂšre fois le principe dâautonomie du pourvoi dans son arrĂȘt no 5656 de 1986 (voir aussi les arrĂȘts nos 4277/1981,
5530/1983 et 2992/1984), affirmant que le « contrÎle
de légitimité » doit avoir lieu uniquement
sur la base des arguments contenus dans le pourvoi et que les lacunes de celui-ci ne peuvent ĂȘtre comblĂ©es par la juridiction. La jurisprudence ultĂ©rieure a imposĂ© une obligation de spĂ©cification des faits et des
circonstances mentionnĂ©s dans le pourvoi (arrĂȘt no 9712/2003), posant le principe selon lequel le juge de lĂ©gitimitĂ© doit ĂȘtre en mesure de comprendre la portĂ©e de la
censure et de statuer sur celle-ci sans examiner dâautres sources Ă©crites (arrĂȘt no 6225/2005).
26. Dans
un premier temps, la Cour de
cassation a appliqué le principe uniquement aux moyens critiquant
un vice de motivation de la décision
attaquée. Par la suite, elle a élargi
son application aux moyens relatifs à la mauvaise interprétation de la loi ou à la nullité
de la décision et de la procédure
(voir, parmi beaucoup dâautres, les arrĂȘts nos 8013/1998,
4717/2000, 6502/2001, 3158/2002, 9734/2004, 6225/2005 et 2560/2007).
27. En ce qui concerne les
modalités de présentation des documents dans
le pourvoi (obbligo di riproduzione), la Cour de cassation a dit que le justiciable
devait les retranscrire intégralement (voir, parmi beaucoup
dâautres, les arrĂȘts nos 1865/2000, 17424/2005, 20392/2007 et
21994/2008) ou en identifier
et en exposer les passages pertinents et essentiels (voir, parmi beaucoup dâautres, les arrĂȘts
nos 7851/1997, 1988/1998, 10493/2001, 8388/2002, 3158/2003, 24461/2005).
En particulier, dans son arrĂȘt no 18661 de 2006, elle a interprĂ©tĂ©
cette obligation comme un devoir de « transcription intégrale » de chaque document dans le pourvoi chaque fois que son résumé ne permet pas de présenter
à la Cour de cassation tous les éléments
nécessaires aux fins de trancher la question objet du moyen.
28. à la suite de la réforme
de 2006 (paragraphe 19 ci-dessus),
la Cour de cassation a affirmé que, aux
termes de lâarticle 366, no 6
du CPC, le principe dâautonomie du
pourvoi en cassation impose
au demandeur au pourvoi lâobligation
dâindiquer les documents pertinents, soit en en rĂ©sumant
le contenu, soit en en reproduisant les passages essentiels,
ou mĂȘme lâintĂ©gralitĂ©, Ă chaque fois que cela est nĂ©cessaire Ă la comprĂ©hension
dâun moyen (voir, parmi beaucoup dâautres, les arrĂȘts
nos 19766/2008, 22302/2008, 28547/2008, 18421/2009, 6397/2010 et
20028/2011). Elle a aussi dit
que le principe de lâautonomie nâest pas respectĂ© lorsque le justiciable reproduit lâintĂ©gralitĂ© dâun ou de plusieurs documents en laissant Ă la Cour de cassation la tĂąche de sĂ©lectionner les passages pertinents (voir, parmi beaucoup
dâautres, les arrĂȘts nos 4823/2009, 16628/2009 et 1716/2012).
29. En ce qui concerne lâarticle 369, alinĂ©a 2, no 4,
du CPC, elle a affirmé que chaque document
citĂ© doit ĂȘtre accompagnĂ© dâune rĂ©fĂ©rence permettant dâidentifier le stade de la procĂ©dure oĂč il
a été produit (voir, parmi beaucoup
dâautres, les arrĂȘts nos 29729/2008, 15628/2009, 20535/2009,
19069/2011 et lâarrĂȘt des chambres rĂ©unies no 22726/2011).
30. Dans lâarrĂȘt des chambres
réunies no 5698 de 2012, la Cour
de cassation sâest penchĂ©e
sur la question de la reproduction
intégrale des actes (voir aussi,
lâarrĂȘt des chambres rĂ©unies no 19255/2010).
Elle a rappelĂ© que le principe de lâexposition sommaire des faits
impliquait une activité rédactionnelle de synthÚse de la
part du défenseur (voir les ordonnances
nos 19100/2006 et 19237/2003). Elle a affirmé notamment que :
« la transcription, partielle ou intégrale, satisfait
au principe dâautonomie du pourvoi chaque fois que le justiciable affirme que la dĂ©cision censurĂ©e nâa pas tenu compte dâun Ă©lĂ©ment et que la solution aurait Ă©tĂ© diffĂ©rente.
(...)
Lâobligation
de sélectionner ce qui est pertinent
en fonction de sa transcription
et de veiller Ă exposer sommairement les faits (...) doit ĂȘtre respectĂ©e par le dĂ©fenseur. Ainsi, le [dĂ©fenseur] qui retranscrit les faits tels
que prĂ©sentĂ©s dans la dĂ©cision attaquĂ©e risque de voir son pourvoi dĂ©clarĂ© irrecevable. La duplication (riproduzione) totale ou partielle de la dĂ©cision attaquĂ©e nâest compatible avec lâarticle 366, no 3 du CPC que si elle permet dâexposer de maniĂšre synthĂ©tique les faits nĂ©cessaires Ă la comprĂ©hension
des moyens (voir aussi lâarrĂȘt
no 5836/2011). »
31. Par la suite, dans
son arrĂȘt des chambres rĂ©unies no 8077 de
2012, la Cour de cassation
a affirmé que :
« (...) le juge de lĂ©gitimitĂ© (...) est investi du pouvoir dâexaminer directement les actes et documents qui sont Ă la base du pourvoi. [Cela] Ă condition que la plainte ait Ă©tĂ© exposĂ©e
par le demandeur dans le respect des rĂšgles
Ă©tablies Ă cet Ă©gard (...) en particulier, dans le respect des prescriptions dictĂ©es par lâart. 366, premier alinĂ©a,
no 6, et 369, deuxiÚme alinéa,
no 4 du CPC. (...) »
- La jurisprudence relative Ă lâarticle
366 bis du code de procédure civile
32. En matiĂšre
dâarticle 366 bis du CPC, la Cour renvoie Ă la jurisprudence citĂ©e dans lâarrĂȘt Trevisanato
c. Italie (no 32610/07, §§ 21-23, 15 septembre
2016). En particulier, selon
les arrĂȘts des chambres rĂ©unies
de la Cour de cassation nos 14385/2007,
22640/2007 et 3519/2008, et lâordonnance no 2658
de 2008, la lecture de la question
en droit doit permettre au juge
de légitimité de comprendre
lâerreur de droit que la partie dĂ©nonce
et la solution avancée par
celle-ci. Selon cette jurisprudence, la question en droit constitue le point de jonction entre la solution du cas
dâespĂšce et lâĂ©nonciation
dâun principe de droit applicable
ultérieurement à des
affaires similaires.
- OBSERVATIONS
PRĂLIMINAIRES
33. Le Gouvernement
avance que les pouvoirs affĂ©rents Ă la requĂȘte no 26049/14, Ă lâexception de celui signĂ© par le premier requĂ©rant, M. S. Di Romano, ne sont pas valablement
remplis et signés et ne répondent pas aux
exigences de lâarticle 47 du rĂšglement de la Cour. Il invite la Cour, au cas
oĂč elle constaterait la rĂ©alitĂ© de lâirrĂ©gularitĂ© signalĂ©e, Ă prendre des mesures afin
de régulariser les procurations.
34. Les
requĂ©rants soutiennent avoir respectĂ© les instructions pratiques fournies par la Cour et disponibles Ă lâĂ©poque de
lâintroduction de la requĂȘte.
En outre, ils maintiennent quâau stade la communication de
lâaffaire, ils ont tous signĂ©s de nouvelles procurations Ă Mes Formisani
et Mascia. Ils demandent Ă
la Cour de rejeter les arguments du
Gouvernement
35. La Cour
rĂ©affirme que lâapplication de lâarticle 47 de
son rĂšglement relĂšve de sa compĂ©tence exclusive concernant lâadministration des procĂ©dures devant elle, les Ătats contractants ne pouvant y puiser des motifs dâirrecevabilitĂ©
pour en exciper sur le terrain
de lâarticle 35 de la Convention (voir,
entre autres, GözĂŒm c. Turquie, no 4789/10, § 31, 20 janvier
2015, Aydoğdu c. Turquie, no 40448/06, § 53, 30 aoĂ»t 2016,
et MĂŒftĂŒoğlu et autres c. Turquie, nos 34520/10 et 2 autres, § 42,
28 fĂ©vrier 2017). En lâoccurrence,
elle observe que les requĂ©rants, en application de lâarticle 36, deuxiĂšme paragraphe, du rĂšglement de la Cour, sont tous
valablement représentés par
Mes E. Formisani et A. Mascia.
36. Par conséquent,
la Cour estime que les pouvoirs
des requĂ©rants de la requĂȘte no 26049/14 sont dĂ»ment remplis et signĂ©s.
- JONCTION DES
REQUĂTES
37. Eu Ă©gard
Ă la similaritĂ© de lâobjet des requĂȘtes, la Cour juge opportun
de les examiner ensemble dans un arrĂȘt unique.
38. Les
requérants se plaignent du rejet de leurs pourvois par la Cour de cassation, dû selon eux
Ă une application excessivement
formaliste des critÚres de rédaction des pourvois
en cassation. Ils
invoquent lâarticle 6 § 1 de la Convention, ainsi
libellé :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement
(...) par un tribunal (...). »
- Sur la recevabilité
39. Constatant que les requĂȘtes ne sont pas manifestement
mal fondées ni irrecevables
pour un autre motif visĂ© Ă lâarticle 35 de la
Convention, la Cour les déclare recevables.
- Sur le fond
- Les requérants
a) RequĂȘte
no 55064/11
40. Le
requĂ©rant affirme que lâinterprĂ©tation excessivement formaliste adoptĂ©e
par la Cour de cassation a empĂȘchĂ© lâexamen de son pourvoi. Il allĂšgue en particulier que le principe dâautonomie du pourvoi en cassation (principio
dâautosufficienza), tel quâappliquĂ©
Ă lâĂ©poque des faits, nâĂ©tait pas suffisamment
prévisible, clair et cohérent.
41. Il soutient que le Gouvernement a admis dans ses
observations lâorigine jurisprudentielle
de ce principe (paragraphe 69 ci-dessus).
Selon lui, la Cour de cassation a dĂ» clarifier lâapplication de ce
principe par des arrĂȘts des chambres rĂ©unies,
en particulier lâarrĂȘt no 8077/2012
(paragraphe 31 ci-dessus). Cette mĂȘme exigence
de clarification serait Ă
lâorigine du protocole de
2015 (paragraphe 23 ci-dessus),
dont la signature par le CNF aurait visĂ© Ă endiguer lâapproche excessivement formaliste
de la Cour de cassation. En
tout Ă©tat de cause lâĂ©volution
ici décrite serait postérieure au rejet du
pourvoi intervenu en 2011.
42. Le requérant
estime que le rejet de son pourvoi revĂȘt un caractĂšre disproportionnĂ© (paragraphe 7 ci-dessus). Il avance que le principe de lâautonomie vise Ă permettre Ă la Cour de cassation de comprendre le contexte de
lâaffaire et les demandes des intĂ©ressĂ©s sans avoir Ă se rĂ©fĂ©rer Ă dâautres sources Ă©crites, et que son pourvoi rĂ©pondait Ă ces exigences. Il soutient avoir indiquĂ©, pour chacun des moyens
invoqués, le cas
dâouverture pertinent tel quâĂ©noncĂ© Ă lâarticle 360 du CPC (paragraphe 20 ci-dessus) et les dispositions invoquĂ©es, et avoir reproduit les documents citĂ©s,
parfois de maniĂšre dĂ©taillĂ©e, parfois en rĂ©sumĂ©e, accompagnĂ©s de lâindication du stade
de la procédure dans lequel ils avaient
été produits. En ce qui
concerne les documents invoquĂ©s Ă lâappui du pourvoi, il
avance que le dossier de premiĂšre instance Ă©tait en tout point identique Ă celui de la procĂ©dure dâappel.
43. Quant aux statistiques fournies par le Gouvernement dans ses observations
(paragraphe 67 ci-dessous), le requérant
avance, dâune part, que ces
éléments sont étrangers aux faits
de lâespĂšce et, dâautre
part, quâils prouvent bien que les
autorités judiciaires ont toujours eu
pour objectif rĂ©el dâinterprĂ©ter le principe
dâautonomie du pourvoi comme un outil de limitation de lâaccĂšs Ă la Cour de cassation et de rĂ©duction de son arriĂ©rĂ©.
b) RequĂȘte no 37781/13
44. Le requérant
dĂ©nonce lâapproche Ă ses yeux excessivement
formaliste de la Cour de cassation,
qui a retenu deux motifs dâirrecevabilitĂ© du pourvoi.
45. En ce qui concerne la « question en droit » (quesito di diritto), le requĂ©rant sâappuie sur les rapports du service de documentation et dâĂ©tudes (ufficio
del massimario e del ruolo, nos 25 et 89 de 2008), sur plusieurs arrĂȘts des chambres rĂ©unies
de la Cour de cassation (arrĂȘts nos 16002/2007, 3519/2008, 4309/2008,
6420/2008, 8897/2008, 4556/2009 et 21672/2013) ainsi que sur les critiques
formulées par la doctrine
et le CNF au sujet du formalisme de la Cour de cassation. Il se plaint notamment de lâobligation imposĂ©e au demandeur au
pourvoi de démontrer le
lien de pertinence entre la
question en droit et le cas dâespĂšce, de lâobligation qui lui est faite dâindiquer la rĂšgle juridique quâil estime ĂȘtre applicable
et de lâobligation, Ă©dictĂ©e
par la jurisprudence, de conclure
les moyens critiquant un vice de motivation
par un paragraphe de synthĂšse
Ă©quivalant Ă une question
en droit.
46. En lâespĂšce,
le requérant soutient que la formulation des questions en droit était synthétique
et que la Cour de cassation avait tous les éléments
pour comprendre ses griefs. Ă cet Ă©gard,
il affirme que la prĂ©sente affaire se distingue de lâaffaire Trevisanato
c. Italie (arrĂȘt no 32610/07, 15 septembre
2016), oĂč la Cour avait sanctionnĂ© lâabsence de questions en droit, et que, contrairement au pourvoi en cause dans
lâaffaire Trevisanato, son pourvoi avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©
Ă peine neuf mois aprĂšs lâintroduction
de la nouvelle disposition, Ă une Ă©poque oĂč il nây avait
donc pas de jurisprudence sur la maniĂšre de formuler la question en droit, raison pour laquelle son avocat nâavait pas pu
préalablement évaluer les chances de recevabilité de
son pourvoi. En tout Ă©tat
de cause, il soutient quâĂ supposer mĂȘme quâil eĂ»t Ă©tĂ©
possible en décembre 2006
de prĂ©voir la teneur de la question en droit exigĂ©e par la Cour de cassation, lâinterprĂ©tation dĂ©noncĂ©e nâen serait pas moins contraire
Ă la Convention.
47. Quant au principe dâautonomie du pourvoi, le requĂ©rant avance dâabord que les
exemples de jurisprudence fournis par le Gouvernement dans ses observations
ne concernent que les vices de motivation.
Il estime aussi que lâaperçu de droit comparĂ©
sur les procédures de filtrage existantes élaboré par le Gouvernement (paragraphe 65 ci-dessous) est dépourvu
de toute pertinence dĂšs lors quâil
sâagit de systĂšmes servant Ă vĂ©rifier si le pourvoi porte, alternativement ou de maniĂšre cumulative, sur : a)
une question juridique dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ; b) la protection dâun droit fondamental ; c) lâexistence
dâun conflit de jurisprudence ;
d) un litige dâune valeur
significative.
48. Par ailleurs,
le requérant allÚgue que le but poursuivi
par la Cour de cassation
consiste Ă utiliser le principe
dâautonomie comme un moyen
de filtrage des pourvois en cassation.
49. Sâagissant de
lâexigence de prĂ©visibilitĂ©
des critÚres rédactionnels découlant de ce
principe, le requérant affirme
que ceux-ci ont été fréquemment
appliqués de deux maniÚres. Le juge de légitimité les aurait parfois interprétés de maniÚre « souple » en se bornant à demander à la partie de présenter tous les éléments
nécessaires à la compréhension de ses
allĂ©gations (arrĂȘts nos 24461/2005,
18661/2006 et 2560/2007), dâindiquer le stade du procĂšs
oĂč le vice sâĂ©tait produit (arrĂȘt no 4741/2005),
ou encore la référence des documents produits
Ă lâappui des moyens (arrĂȘts nos 317/2002
et 12239/2007). Mais il en aurait donné
en dâautres occasions une « lecture plus stricte », en imposant une obligation supplĂ©mentaire de retranscription de chaque document citĂ© dans
le pourvoi sous peine dâirrecevabilitĂ©, nonobstant le dĂ©pĂŽt des documents de la procĂ©dure au fond
(arrĂȘts nos 17424/2005, 20392/2007 et 21994/2008).
50. Le requérant soutient que cette
jurisprudence contradictoire
a conduit le lĂ©gislateur Ă intervenir, avec la rĂ©forme de 2006, pour tenter de prĂ©ciser le contenu du principe de lâautonomie et dâĂ©carter ainsi lâobligation de retranscription. En vain selon le requĂ©rant, car une partie de la jurisprudence aurait continuĂ© Ă exiger la retranscription des actes citĂ©s
(arrĂȘts nos 1952/2009, 6397/2010, 10605/2010,
24548/2010 et 20028/2011), mĂȘme aprĂšs
lâarrĂȘt no 8077 de 2012 de la Cour de cassation (paragraphe 31 ci-dessus) et le protocole de 2015 (paragraphe 23
ci-dessus) (arrĂȘts nos 15634/2013,
7362/2015 et 18316/2018). Confrontés à cette jurisprudence, les avocats auraient
tendance Ă reproduire intĂ©gralement les documents, mais cette pratique serait jugĂ©e contraire aux principes de lâexposition sommaire des faits et de lâautonomie du pourvoi (arrĂȘts nos 15180/2010,
11044/2012 et 8245/2018).
51. Quant
aux caractéristiques de son
pourvoi, le requérant affirme que celui-ci
contenait un résumé exhaustif des faits
de la cause, de la procédure
au fond et, en particulier, de lâarrĂȘt attaquĂ© (paragraphes 11 ci-dessus). Ses quatre
premiers moyens auraient portĂ© sur la mauvaise application dâarticles du code civil correctement
cités et accompagnés de références détaillées aux documents mentionnés.
En outre, lâarrĂȘt attaquĂ© aurait Ă©tĂ© joint au pourvoi,
en sus du dossier de la procédure. Dans ces conditions, le rejet de son pourvoi aurait été disproportionné,
car lâobligation de reproduire
le contenu dâun document dĂ©jĂ versĂ© au
dossier joint au pourvoi et
visé par le demandeur au pourvoi ne saurait
ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme nĂ©cessaire Ă la bonne administration
de la justice et à la sécurité juridique.
52. En conclusion,
le requĂ©rant estime que la Cour de cassation a fait preuve dâun formalisme excessif et quâil a Ă©tĂ© victime dâune entrave excessive et disproportionnĂ©e Ă
son droit dâaccĂšs Ă un tribunal.
c) RequĂȘte
no 26049/14
53. Les
requĂ©rants affirment que la restriction litigeuse nâĂ©tait pas proportionnĂ©e.
54. Sâappuyant
sur les principes développés par cette Cour, ils avancent
quâen ce qui concerne les restrictions lĂ©gales Ă lâaccĂšs aux juridictions
supérieures, la Cour a pris en considération, à différents degrés, certains éléments tels que la prévisibilité
de la restriction litigieuse
et la question de savoir si
celle-ci était entachée de « formalisme excessif ».
55. Ils
soutiennent que la Cour de cassation sâest appuyĂ©e sur une jurisprudence postĂ©rieure Ă lâintroduction de leur pourvoi (paragraphe
17 ci-dessus) et que, mĂȘme aprĂšs cela, elle est restĂ©e en dĂ©faut dâĂ©claircir les exigences
du principe de lâautonomie du point de vue du principe de lâexposition sommaire des faits
et de lâobligation de retranscription
des documents cités dans les
moyens.
56. Dans ces conditions, ils considÚrent que la restriction litigeuse était incertaine et imprévisible, et donc contraire au principe de la prééminence du droit.
57. Quant à la légitimité du but
poursuivi par la restriction,
les requĂ©rants affirment que celle-ci visait uniquement Ă limiter lâaccĂšs Ă la juridiction supĂ©rieure. Ils soutiennent que le Gouvernement lâa confirmĂ© en indiquant dans ses observations
que le lĂ©gislateur et la jurisprudence de la Cour de cassation « [avaient] renforcĂ© les mĂ©canismes existants de limitation procĂ©durale de lâaccĂšs en cassation ». Selon les requĂ©rants, lâobjectif consistant Ă garantir
une durĂ©e raisonnable des procĂ©dures civiles ne saurait entraĂźner une entrave Ă lâaccĂšs au tribunal et une limitation du droit
Ă un procĂšs Ă©quitable.
58. En conclusion,
les requérants estiment que la violation du droit
dâaccĂšs Ă la Cour de cassation rĂ©sulte du fait que
lâobligation dâĂ©tablir un rĂ©sumĂ© des faits
â imposĂ©e par lâarticle
366, § 1, no 3 du CPC â constitue
un filtrage et une barriĂšre
procédurale dont le contenu
est fixé par une jurisprudence
incertaine, contradictoire
et formaliste.
- Le Gouvernement
59. Le Gouvernement
rappelle tout dâabord les principes dĂ©veloppĂ©s
par la Cour européenne en matiÚre
dâaccĂšs aux juridictions supĂ©rieures, en particulier les arrĂȘts Zubac c. Croatie ([GC], no 40160/12, 5 avril 2018), Golder c. Royaume-Uni (21
février 1975, série A no 18), Levages Prestations
Services c. France (23 octobre 1996, Recueil des arrĂȘts et dĂ©cisions 1996‑V)
et Kemp et autres c. Luxembourg (no 17140/05, 24 avril 2008), ainsi que la décision
rendue dans lâaffaire Valchev et autres c. Bulgarie, ((dĂ©c.), no 47450/11, 21 janvier 2014).
60. Le Gouvernement
affirme que les limitations, de nature procédurale, appliquées aux pourvois des
requĂ©rants relĂšvent de la marge dâapprĂ©ciation de lâĂtat et sont compatibles
avec la Convention. Selon
lui, lâindication claire des faits procĂ©duraux
pertinents, des documents cités et du lien de causalité entre la décision attaquée, les vices
dĂ©noncĂ©s et les dispositions applicables est une condition prĂ©alable pour permettre Ă la Cour de cassation de sâacquitter de sa
mission.
61. En ce qui concerne la requĂȘte no 55064/11, le Gouvernement avance que la Cour de cassation a prononcĂ© le rejet du pourvoi
du requérant au motif que
les cas dâouverture spĂ©cifiquement prĂ©vus Ă lâarticle 360 du CPC nây Ă©taient pas
indiqués et que les documents invoqués
Ă lâappui de lâargumentation
du requĂ©rant nây Ă©taient pas
mentionnés.
62. Quant
Ă la requĂȘte no 37781/13, il affirme que les questions
en droit nâĂ©taient pas correctement formulĂ©es, en violation de lâarticle 366 bis du
CPC, et quâen raison des Ă©lĂ©ments qui manquaient au pourvoi,
il Ă©tait impossible, premiĂšrement, de comprendre lâobjet de la contestation, deuxiĂšmement, dâidentifier la disposition ou le document qui aurait dĂ» permettre au
juge dâappel de parvenir Ă une conclusion diffĂ©rente et, troisiĂšmement, de retrouver dans le dossier les documents citĂ©s.
63. Pour ce qui est de la requĂȘte no 26049/14, le Gouvernement avance que la Cour de cassation a relevĂ© que lâexposĂ© des
faits sâarticulait sur
51 pages, quâil reproduisait
en les regroupant (tecnica
dellâassemblaggio) les piĂšces
de la procĂ©dure et quâil ne
comportait aucune indication des étapes essentielles de la procédure pertinentes au regard des
moyens du pourvoi. La Cour de cassation aurait Ă©galement affirmĂ© que lâexposĂ© des
moyens ne permettait pas dâidentifier les faits pertinents.
64. Le Gouvernement
soutient que les limitations appliquĂ©es aux pourvois poursuivent un but lĂ©gitime. En particulier, lâapplication du principe dâautonomie du pourvoi viserait Ă garantir une
bonne administration de la justice,
le respect de dĂ©lais raisonnables, lâaccĂ©lĂ©ration et
la simplification de lâexamen
des affaires pendantes, la consolidation du principe de sĂ©curitĂ© juridique, permettant ainsi Ă la Haute juridiction de renforcer son rĂŽle de garante de lâuniformitĂ© du droit interne.
65. Le Gouvernement
affirme ensuite que lâapplication du principe dâautonomie Ă©tait Ă
lâĂ©poque prĂ©visible, et que
tout avocat pouvait connaĂźtre ses obligations
en la matiĂšre, si besoin Ă lâaide de lâinterprĂ©tation judiciaire, qui prĂ©sentait une clartĂ© et une cohĂ©rence suffisantes. Il avance que, contrairement Ă dâautres pays europĂ©ens qui limitent lâaccĂšs Ă la cour suprĂȘme par des dispositions qui laissent un
large pouvoir discrétionnaire
au juge, lâItalie dispose dâun code de procĂ©dure
civile fixant des critÚres précis appliqués selon une évaluation au cas
par cas.
66. Enfin,
il soutient que lâapplication de ce principe a maintenu
un rapport raisonnable de proportionnalité
sans tomber dans un formalisme excessif. Il rappelle la fonction de la Haute juridiction et le déroulement de
la procédure, qui a connu, dans chaque affaire, un double examen au fond,
et avance que la Cour de cassation a conclu, au terme dâun raisonnement logique, complet et bien motivĂ©, que
les conditions fixées par le code de procédure
civile nâavaient pas Ă©tĂ© respectĂ©es dans les trois
affaires.
67. Sur un plan plus général,
le Gouvernement rappelle le
rÎle de la Cour de cassation et la finalité du pourvoi en cassation
et souligne que, dans le systĂšme italien, lâaccĂšs au juge de lĂ©gitimitĂ©
est direct. Il avance quâil ressort des
chiffres officiels (pour la
pĂ©riode 2008-2018) que le nombre dâavocats habilitĂ©s Ă plaider devant les juridictions
supérieures dépasserait actuellement le 40 000 unités,
alors que la Cour de cassation ne compte que 300 juges environ composant
la Cour de cassation, dont prÚs de la moitié siÚgent dans les
chambres civiles. Il expose aussi que
la Cour de cassation reçoit environ 30 000 pourvois chaque annĂ©e et rend en moyenne entre 220 et 240 arrĂȘts, tandis que les ordonnances
de rejet reprĂ©sentent en moyenne 14% de lâensemble des dĂ©cisions adoptĂ©es annuellement. Enfin, lâarriĂ©rĂ© dĂ©passerait 100 000
affaires.
68. Selon le Gouvernement, câest dans ce contexte que le lĂ©gislateur, notamment en 2006,
et la jurisprudence de légitimité
ont renforcĂ© les mĂ©canismes procĂ©duraux existants afin de limiter lâaccĂšs Ă la Cour de cassation.
69. Quant au principe dâautonomie, le Gouvernement
reconnait ĂȘtre dâorigine prĂ©torienne (lâarrĂȘt no 5656/1986)
et expose quâil a Ă©tĂ© « codifiĂ© »
par le décret législatif no 40
de 2006, qui a ajoutĂ© Ă lâarticle
366 du CPC lâobligation dâindiquer « les actes de la procĂ©dure, les documents, les contrats ou
conventions collectives sur lesquels
le pourvoi est fondé ».
Il maintient que, pour satisfaire aux exigences formelles du pourvoi, il suffit que le moyen
soit spécifique et que les documents
cités soient précisément indiqués, avec leurs références,
afin de faciliter leur identification dans la procédure au fond.
70. En rappelant
un passage de la Recommandation
R(95)5 du 7 février 1995 du Comité des ministres
du Conseil de lâEurope, le Gouvernement soutient enfin quâau niveau
europĂ©en, la plupart des cours suprĂȘmes ont adoptĂ© ou
renforcé, au cours des derniÚres
années, un mécanisme de
« filtrage » des recours. Il avance que le souci dâĂ©viter quâun nombre
excessif de requĂȘtes puisse faire obstacle
Ă lâactivitĂ© institutionnelle
dâun tribunal est partagĂ©
par les cours internationales, et notamment par
la Cour europĂ©enne (voir lâarticle 47 du rĂšglement
de la Cour et les critÚres de recevabilité), le tribunal et la Cour de Justice de
lâUnion europĂ©enne, ainsi que
la Cour interamĂ©ricaine de droits de lâhomme qui, selon lui, ont tous introduit des mĂ©canismes de limitation de lâaccĂšs.
- Appréciation de
la Cour
a) Principes
généraux
71. La Cour renvoie aux principes
applicables aux limitations du droit dâaccĂšs Ă une juridiction supĂ©rieure (voir, parmi beaucoup, Zubac, prĂ©citĂ©, §§ 76-82),
rappelant en particulier que la maniĂšre dont lâarticle 6 § 1 sâapplique aux
cours dâappel ou de cassation dĂ©pend des particularitĂ©s
de la procĂ©dure en cause. En ce qui concerne les formalitĂ©s Ă respecter pour un pourvoi en cassation, la Cour renvoie, entre autres, aux arrĂȘts Sturm
c. Luxembourg (no 55291/15, §§ 39-42, 27 juin
2017), Miessen c. Belgique ( no 31517/12, §§ 64-66, 18 octobre
2016), Trevisanato c. Italie (no 32610/07, §§ 33-34, 15 septembre
2016), Papaioannou c. GrÚce (no 18880/15, §§ 46-51, 2 juin 2016),
et BěleĆĄ et autres
c. RĂ©publique tchĂšque (no 47273/99, § 62, CEDH 2002‑IX).
72. Elle rappelle
que dans ce type dâaffaires, sa tĂąche
consiste Ă vĂ©rifier si le rejet pour irrecevabilitĂ© dâun pourvoi en cassation nâa pas portĂ© atteinte
Ă la substance mĂȘme du « droit
» du requĂ©rant « Ă un tribunal ». Pour ce faire, elle recherchera dâabord si les conditions imposĂ©es pour la rĂ©daction du pourvoi en cassation
poursuivaient en lâespĂšce
un but légitime, et se penchera ensuite sur la proportionnalité des limitations imposées (Zubac, précité, §§
96-99, Trevisanato, précité, § 35, avec la jurisprudence citée).
b) Application en lâespĂšce
- Le but légitime
73. La Cour
note que lâapprĂ©ciation de
la lĂ©gitimitĂ© du but poursuivi par lâapplication du principe
dâautonomie du pourvoi en cassation se prĂȘte Ă un traitement unique pour les trois affaires.
74. Contesté
par les requérants (paragraphes 43, 48 et 57 ci-dessus),
le but poursuivi viserait, selon le Gouvernement (paragraphe 64 ci-dessus) et selon ce qui ressort de la jurisprudence de la
Cour de cassation (paragraphe 25 ci-dessus), à faciliter la compréhension de
lâaffaire et des questions soulevĂ©es dans le pourvoi et Ă permettre Ă la Cour de cassation de statuer sans devoir sâappuyer sur dâautres documents, afin quâelle puisse prĂ©server son rĂŽle et sa fonction qui consistent Ă
garantir en dernier ressort lâapplication
uniforme et lâinterprĂ©tation correcte
du droit interne (nomofilachia).
75. Au vu de ces éléments, la Cour estime que
ce principe vise Ă simplifier
lâactivitĂ© de la Cour de cassation et Ă assurer en mĂȘme temps la sĂ©curitĂ©
juridique et la bonne administration
de la justice.
76. Quant
à la « question en droit »
en cause dans la requĂȘte no 37781/13, la Cour renvoie Ă lâarrĂȘt Trevisanato (prĂ©citĂ©, §§ 36-37), oĂč elle
a conclu que celle-ci satisfaisait tout à la fois aux exigences de la sécurité juridique et de la bonne administration
de la justice.
77. Il
reste donc à déterminer
si les consĂ©quences des restrictions Ă lâaccĂšs Ă la Cour de cassation ont Ă©tĂ©
proportionnées.
- La proportionnalité de la restriction
78. La Cour
note que le principe
dâautonomie permet Ă la Cour
de cassation de cerner la teneur
des griefs formulĂ©s et la portĂ©e de lâapprĂ©ciation qui lui est demandĂ©e
Ă la seule lecture du pourvoi, et quâil garantit un usage adaptĂ© et plus efficace des ressources disponibles.
79. La Cour
estime que cette approche tient Ă la nature mĂȘme du pourvoi en cassation
qui protĂšge, dâune part, lâintĂ©rĂȘt
du justiciable Ă voir accueillir ses critiques contre la dĂ©cision attaquĂ©e et, dâautre part, lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral Ă la cassation dâune dĂ©cision qui risquerait de porter atteinte Ă la correcte interprĂ©tation du droit. Aussi
la Cour admet-elle que les conditions
de recevabilitĂ© dâun pourvoi
en cassation peuvent ĂȘtre plus rigoureuses que pour un appel (Levages Prestations Services,
précité, § 45, Brualla
GĂłmez de la Torre c. Espagne,
19 décembre 1997, § 37, Recueil
des arrĂȘts et dĂ©cisions 1997‑VIII, et Kozlica c. Croatie,
no 29182/03, § 32, 2 novembre 2006 ; voir
aussi Shamoyan
c. Arménie, no 18499/08, § 29, 7 juillet 2015).
80. La Cour
rappelle aussi les considĂ©rations formulĂ©es par le Gouvernement (paragraphe 67 ci-dessus) quant Ă lâarriĂ©rĂ© important et Ă lâafflux considĂ©rable des recours prĂ©sentĂ©s chaque annĂ©e devant
la Haute juridiction. Cet aspect est dâailleurs lâune des raisons Ă lâorigine du protocole signĂ©
entre la Cour de cassation et le CNF en 2015 (paragraphe
23 ci-dessus).
81. Si la charge
de travail de la Cour de cassation décrite par le Gouvernement est susceptible de causer des difficultés
au fonctionnement ordinaire de traitement des recours, il nâen demeure pas moins
que les limitations
Ă lâaccĂšs aux cours de cassation ne sauraient restreindre, par une interprĂ©tation trop formaliste,
le droit dâaccĂšs Ă un tribunal dâune maniĂšre ou Ă un point tels que ce droit sâen trouve atteint dans sa substance mĂȘme (Zubac, prĂ©citĂ©, § 98, Vermeersch
c. Belgique, no 49652/10, § 79, 16 février
2021, Efstratiou et autres c. GrÚce, no 53221/14, § 43, 19 novembre 2020, Trevisanato, précité, § 38).
82. En particulier,
la Cour relĂšve quâil rĂ©sulte de la jurisprudence fournie par les parties (paragraphes 41-49-50
et 56 ci-dessus) (voir, a
contrario, Efstratiou et autres, prĂ©citĂ©, § 26) que lâapplication par la Cour de cassation du principe ici en cause, tout au moins jusquâaux
arrĂȘts nos 5698 et 8077 de 2012 (paragraphes 30 et 31 ci-dessus), rĂ©vĂšle une tendance de la Haute juridiction Ă mettre lâaccent sur des aspects formels qui ne semblent pas rĂ©pondre
au but légitime
identifié (paragraphe 75
ci-dessus), en particulier
en ce qui concerne lâobligation de retranscription intĂ©grale des documents repris
dans les moyens, et Ă lâexigence de prĂ©visibilitĂ© de la restriction.
83. Par ailleurs,
la Cour estime que la raison de cette tendance réside, entre autres,
dans la nature du principe
dâautonomie, qui prĂ©voit que
le justiciable doit présenter tous les éléments de fait et de droit pour chaque moyen afin
que la Cour de cassation puisse se prononcer sur la base du pourvoi uniquement. Câest pourquoi la Cour considĂšre que lâanalyse comparĂ©e du Gouvernement relative aux « systĂšmes
de filtrage » mis en
place dans dâautres pays europĂ©ens (paragraphes 65 et
70 ci-dessus) ne saurait ĂȘtre pertinente en lâoccurrence.
En effet, comme le remarque Ă juste titre le requĂ©rant de la requĂȘte no 37781/13 (paragraphe 47 ci-dessus), la recevabilitĂ© du pourvoi en cassation
dĂ©pend dans ces systĂšmes de la question de savoir si le recours porte sur une question juridique dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou sur la protection dâun droit fondamental, sâil soulĂšve un conflit de jurisprudence ou, enfin, si
le litige a une valeur
significative. Aux yeux de
la Cour, les « systĂšmes de filtrage » citĂ©s par le Gouvernement sâapparentent plutĂŽt aux dispositions
prĂ©vues Ă lâarticle
360 bis du CPC (paragraphe
20 ci-dessus).
84. Les
critÚres relatifs à la rédaction du pourvoi
ne sauraient non plus ĂȘtre comparĂ©s, comme le voudrait le Gouvernement (paragraphe 70
ci-dessus), au systĂšme de filtrage et aux conditions de recevabilitĂ© de la requĂȘte devant la Cour. En effet, lâarticle 47 du rĂšglement de la Cour prĂ©voit que
toute requĂȘte dĂ©posĂ©e en vertu de lâarticle 34 de la Convention doit ĂȘtre prĂ©sentĂ©e dans le formulaire fourni par le greffe, dans le respect de critĂšres formels clairs, prĂ©visibles et exposĂ©s dans des
documents consultables par
tout requérant. Quant aux critÚres de recevabilité, la Cour estime que
ceux-ci pourraient Ă©ventuellement ĂȘtre en partie comparables au mĂ©canisme prĂ©vu par lâarticle 360 bis du
CPC déjà mentionné.
85. Soucieuse
dâexaminer les faits des prĂ©sentes
affaires en sâinspirant du
principe de subsidiarité et de sa jurisprudence
en matiÚre de mécanismes de
filtrage relatifs aux voies de recours
devant les juridictions suprĂȘmes (Papaioannou, prĂ©citĂ©, § 42),
la Cour procĂ©dera Ă lâapprĂ©ciation de lâapplication du principe dâautonomie dans chaque affaire.
α) RequĂȘte
no 55064/11
86. La Cour
observe que le pourvoi du requérant
a Ă©tĂ© en premier lieu rejetĂ© car il ne respectait pas lâobligation dâindiquer, pour chaque moyen, les cas
dâouverture Ă cassation de lâarrĂȘt
de la cour dâappel (paragraphe 7
ci-dessus). Or, selon lâarticle 360, nos 1 Ă 5 du
CPC, les possibilitĂ©s de demander la cassation dâune dĂ©cision sont limitĂ©es
Ă cinq cas dâouverture (paragraphe 20 ci-dessus).
87. En lâespĂšce,
chaque moyen du pourvoi du
requérant (paragraphe 6 ci-dessus) dénonçant soit une error in
iudicando, soit une error
in procedendo, sâouvrait avec
lâindication des articles ou des
principes de droit dont la violation était alléguée et renvoyait aux numéros 3 ou
4 de lâarticle 360 du
CPC, deux des cas dâouverture de cassation pouvant ĂȘtre invoquĂ©s
par les justiciables.
88. De mĂȘme,
dans sa critique de lâarrĂȘt de la cour dâappel sur le terrain du vice de motivation, le requĂ©rant faisait rĂ©fĂ©rence au cas
dâouverture prĂ©vu au numĂ©ro 5 de lâarticle 360 du CPC.
89. Dans
ces conditions, la Cour estime que
lâobligation de prĂ©ciser le
type de critique formulĂ©e par rĂ©fĂ©rence aux hypothĂšses lĂ©gislativement limitĂ©es des cas dâouverture prĂ©vus Ă lâarticle 360 du CPC a Ă©tĂ© suffisamment
respectĂ©e en lâespĂšce. La Cour de cassation pouvait, Ă la lecture de chaque intitulĂ©, savoir quel Ă©tait le type de cas dâouverture dĂ©veloppĂ© dans le moyen et quelles dispositions, le cas Ă©chĂ©ant, Ă©taient invoquĂ©es.
90. En deuxiĂšme
lieu, la Cour de cassation a jugé que le pourvoi du requérant omettait
de mentionner les indications nĂ©cessaires Ă lâidentification
des documents mentionnĂ©s Ă lâappui des critiques que
celui-ci avait développées dans ses moyens (paragraphe
7 ci-dessus).
91. La lecture
des moyens du pourvoi démontre
en revanche que lorsque celui-ci faisait rĂ©fĂ©rence aux points critiquĂ©s de lâarrĂȘt de la cour dâappel, il renvoyait Ă la motivation de lâarrĂȘt reproduite dans lâexposĂ© des
faits, oĂč les passages pertinents
Ă©taient repris. En outre, lorsquâil citait des documents
de la procédure au fond pour développer son raisonnement, le requérant retranscrivait les courts passages pertinents et renvoyait au document original,
permettant ainsi de lâidentifier parmi les documents dĂ©posĂ©s
avec le pourvoi.
92. Dans
ces conditions, mĂȘme Ă supposer que lâarrĂȘt de la Cour de cassation se rĂ©fĂšre correctement au pourvoi du
requérant, en jugeant que les précisions
fournies nâĂ©taient pas suffisantes, la Haute juridiction a fait preuve dâun formalisme excessif qui ne saurait se justifier au regard
de la finalitĂ© propre du principe dâautonomie du pourvoi en cassation (paragraphe 75 ci-dessus) et donc du but
poursuivi, à savoir la garantie de la sécurité juridique et la bonne administration
de la justice.
93. La Cour
considĂšre que la lecture du pourvoi
du requĂ©rant permettait de comprendre lâobjet et le dĂ©roulement du litige devant
les juridictions du fond, ainsi
que la portée des moyens, tant
dans leur fondement juridique (le type de critique au regard des
cas prĂ©vus Ă lâarticle 360 du CPC) que dans leur
contenu, Ă lâaide des renvois aux
passages de lâarrĂȘt de la cour dâappel et aux documents pertinents
cités dans le pourvoi.
94. En conclusion,
la Cour estime quâen lâespĂšce le rejet du pourvoi
du requérant a porté atteinte à la substance de son droit à un tribunal.
95. DĂšs
lors, il y a eu violation de lâarticle 6 § 1 de la Convention.
β) RequĂȘte
no 37781/13
96. La Cour
note que le pourvoi du requĂ©rant a Ă©tĂ© introduit en dĂ©cembre 2006 (paragraphe 11 ci-dessus). Ă lâĂ©poque, les dispositions applicables prĂ©voyaient, outre le respect du principe dâautonomie du pourvoi, lâobligation
soit de conclure les moyens par une question en droit soit dâindiquer clairement les faits contestĂ©s pour le moyen tirĂ© du
vice de motivation (paragraphe
20 ci-dessus).
97. En ce qui concerne les questions en droit, la Cour de cassation a jugĂ© que le pourvoi du requĂ©rant nâĂ©tait pas recevable
car celles-ci étaient génériques et abstraites. En ce
qui concerne le dernier moyen,
il nâindiquait pas clairement le fait contestĂ© par rapport au vice de motivation invoquĂ©.
98. La Cour
rappelle son arrĂȘt Trevisanato (prĂ©citĂ©, § 42), oĂč elle a constatĂ© que le fait de demander au requĂ©rant de conclure son moyen de cassation par un paragraphe de synthĂšse rĂ©sumant le raisonnement suivi et explicitant le principe de droit dont il allĂ©guait la violation nâaurait requis aucun effort
particulier ultérieur de sa
part.
99. En lâespĂšce,
sâil est vrai que la jurisprudence citĂ©e dans lâarrĂȘt
de la Cour de cassation est
postĂ©rieure Ă la date dâintroduction du pourvoi du requĂ©rant
(paragraphe
46 ci-dessus),
il nâen demeure pas moins que lâarticle 366 bis du CPC Ă©tait entrĂ©
en vigueur neuf mois avant lâintroduction
du pourvoi et que le requérant était assisté par un avocat rompu aux procédures
judiciaires et habilité à plaider devant les juridictions supérieures (Trevisanato, précité,
§ 45). En outre, la Cour
observe que la loi de délégation de 2005 (paragraphe 18 ci-dessus), par laquelle le législateur a fixé les principes
gĂ©nĂ©raux encadrant les pouvoirs de lâexĂ©cutif aux fins
de lâĂ©laboration de la rĂ©forme
du code de procédure civile
de 2006, prévoyait, entre autres, que chaque
moyen devait se conclure avec une question en droit et que la Cour de cassation devait Ă©noncer, toujours pour chaque moyen, un principe de droit susceptible, de par sa
nature, de rĂ©pondre aux critiques formulĂ©es dans le cas dâespĂšce
mais aussi, en tant que principe gĂ©nĂ©ral, de sâappliquer Ă dâautres affaires similaires.
100. Quant
aux exigences prévues pour la formulation du moyen tiré
du vice de motivation de lâarrĂȘt attaquĂ©, la Cour note quâeffectivement, comme lâa remarquĂ© la Cour de cassation, le requĂ©rant nâa pas clairement indiquĂ© le fait contestĂ© ni les raisons pour lesquelles la motivation de lâarrĂȘt Ă©tait selon
lui insuffisante. En effet,
faute dâun clair exposĂ© des faits
censés justifier la sanction du défaut
de motivation par la Cour
de cassation, son moyen se limitait Ă une critique de lâapprĂ©ciation des faits par la cour dâappel, qui ne pouvait ĂȘtre censurĂ©e par la cassation.
101. En ce qui concerne la partie de la décision de la Haute
juridiction relative Ă la violation
du principe dâautonomie du pourvoi en cassation, la Cour de cassation a indiquĂ© que le requĂ©rant sâĂ©tait limitĂ© Ă mentionner, dans ses moyens,
les documents de la procédure au fond
sans en présenter les
parties pertinentes et sans indiquer
les références nécessaires
pour les retrouver dans le dossier joint au pourvoi (paragraphe 12 ci-dessus).
102. La Cour
renvoie Ă ses considĂ©rations formulĂ©es prĂ©cĂ©demment (paragraphe 82 ci-dessus) en ce qui concerne lâobligation
de présentation (obbligo di riproduzione) interprétée comme une obligation de retranscription de
lâintĂ©gralitĂ© des documents. Cela dit, elle relĂšve quâen lâespĂšce, le pourvoi du requĂ©rant omettait
Ă©galement, en plusieurs occasions, dâindiquer les rĂ©fĂ©rences des sources Ă©crites invoquĂ©es ou des
passages de lâarrĂȘt de la cour dâappel citĂ©s,
en méconnaissance de la jurisprudence
de la Cour de cassation sur
ce point (paragraphes 28-29 ci-dessus).
103. La Cour
rappelle que dâaprĂšs la jurisprudence interne
non controversée sur ce point, les
moyens de cassation qui renvoient Ă des actes ou des
documents de la procédure au fond doivent
indiquer à la fois les parties du texte critiqué que le justiciable estime pertinentes et les références aux documents originaux versés aux dossiers déposés, afin de permettre au juge
de lĂ©gitimitĂ© dâen vĂ©rifier
promptement la portée et le
contenu en ménageant les ressources disponibles.
104. Par conséquent,
lâindication des documents de la procĂ©dure au fond Ă©tait
irréguliÚre car il manquait,
pour chaque passage cité, la référence aux documents originaux
exigée par la jurisprudence
interne (Dos Santos Calado
et autres c. Portugal, nos 55997/14 et 3 autres, § 115,
31 mars 2020, Efstratiou,
précité, § 49).
105. Compte
tenu de la particularité de
la procédure de cassation,
de lâensemble du procĂšs menĂ© et du rĂŽle
quây a jouĂ© la Cour de cassation (Zubac, prĂ©citĂ©, 82), ainsi que du
contenu de lâobligation spĂ©cifique que le dĂ©fenseur du requĂ©rant
Ă©tait tenu de respecter en lâespĂšce (en particulier indiquer, pour chaque citation dâune autre source Ă©crite, la rĂ©fĂ©rence au document
déposé avec le pourvoi), la Cour estime que la décision
dâirrecevabilitĂ© de la Cour
de cassation dans la prĂ©sente affaire ne saurait passer pour une interprĂ©tation trop formaliste qui aurait empĂȘchĂ© lâexamen du pourvoi de lâintĂ©ressĂ©
106. Partant,
il nây a pas eu violation de lâarticle 6 § 1 de la Convention.
γ) RequĂȘte
no 26049/14
107. La Cour
observe que lâexposĂ© des faits
figurant dans le pourvoi des requérants
offrait une reconstitution méticuleuse de la procédure au fond et des
dĂ©cisions rendues par le tribunal et la cour dâappel (paragraphe 16 ci-dessus).
108. En lâespĂšce,
la Cour de cassation a interprĂ©tĂ© lâobligation dâexposer les faits
sur le fondement de deux arrĂȘts des chambres
réunies (paragraphe 17
ci-dessus) qui rappellent que la prĂ©sentation des faits de lâaffaire implique une activitĂ© du dĂ©fenseur, qui est tenu de sĂ©lectionner les faits pertinents
au regard des critiques quâil
entend formuler par la
suite dans ses moyens. Le conseil doit en pratique permettre lâidentification du thema decidendum de ce quâil demande Ă la Cour de cassation, tĂąche qui passe nĂ©cessairement, dâaprĂšs la jurisprudence interne, par un effort
de synthÚse des aspects pertinents de la procédure au fond
(paragraphe 30 ci-dessus).
109. Dâailleurs,
cette exigence de synthÚse se trouve également exprimée de maniÚre trÚs claire
dans le code de procédure administrative (paragraphe 21 ci-dessus), qui prévoit que les actes
du juge et ceux des parties doivent ĂȘtre rĂ©digĂ©s
de maniĂšre claire et synthĂ©tique. La Cour note en particulier que la mise en Ćuvre de cette disposition sâest traduite par la
fixation de critĂšres de rĂ©daction et mĂȘme de limites Ă la longueur des recours administratifs
(paragraphe 22 ci-dessus). Dans le mĂȘme sens,
le Gouvernement a récemment
évoqué, dans son plan de relance et de résilience (paragraphe 24 ci-dessus), la nécessité de réformer la procédure civile, et plus particuliÚrement
celle suivie devant la Cour de cassation, en dĂ©veloppant les principes dâautonomie et de synthĂšse
des actes de la procédure, y compris du pourvoi.
110. La Cour
estime que lâinterprĂ©tation donnĂ©e Ă lâexposition sommaire des faits est dâailleurs compatible avec lâapplication du principe dâautonomie du pourvoi qui, comme elle lâa dĂ©jĂ rappelĂ© plus haut (paragraphe 75 ci-dessus), postule que la Cour de cassation, Ă la lecture globale du pourvoi, puisse
comprendre lâobjet du litige ainsi
que le contenu des critiques censées
justifier la cassation de
la dĂ©cision attaquĂ©e et ĂȘtre en mesure de statuer.
111. La Cour
observe quâau moment oĂč le pourvoi des
requérants a été introduit, la jurisprudence de la
Cour de cassation prévoyait des modalités
claires et définies (paragraphes 17 et 30 ci-dessus)
de rĂ©daction de lâexposition
des faits pertinents (Zubac, précité, § 88).
112. La Cour
relÚve que le défenseur des requérants
sâest bornĂ© Ă retranscrire
une large partie de lâexposĂ©
des faits de lâarrĂȘt de la cour dâappel, les conclusions
en appel des requĂ©rants, une partie de lâappel dâune partie dĂ©fenderesse ainsi que la motivation et le dispositif de lâarrĂȘt de la cour dâappel (paragraphe
16 ci-dessus) (ibidem, §§ 90 et 121).
113. Ă cet
égard, la Cour relÚve que la procédure
devant la Cour de cassation prĂ©voit lâassistance obligatoire dâun avocat qui doit ĂȘtre inscrit sur une liste spĂ©ciale, sur la base de certaines
compĂ©tences requises, garantissant la qualitĂ© du pourvoi et le respect de lâensemble des conditions de forme et de fond exigĂ©es. Le conseil des requĂ©rants Ă©tait donc en mesure
de connaĂźtre ses obligations en la matiĂšre, en sâappuyant sur le libellĂ© de lâarticle 366 du CPC et Ă lâaide de lâinterprĂ©tation de la Cour de cassation, laquelle prĂ©sentait une clartĂ© et une cohĂ©rence suffisantes (Trevisanato, prĂ©citĂ©,
§ 45).
114. Eu regard
à ce qui précÚde, la Cour estime que la décision
rendue par la Cour de cassation nâa pas portĂ© atteinte Ă la substance du droit
des requérants à un tribunal.
115. DĂšs
lors, il nây a pas eu violation
de lâarticle 6 § 1 de la Convention.
- SUR LâAPPLICATION
DE LâARTICLE 41 DE LA CONVENTION
116. Aux termes de lâarticle 41 de la Convention :
« Si la Cour dĂ©clare quâil
y a eu violation de la
Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet dâeffacer quâimparfaitement les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă la partie lĂ©sĂ©e, sâil
y a lieu, une satisfaction équitable. »
- Dommage
117. Le requérant
de la requĂȘte no 55064/11 demande 26 000 euros (EUR) au titre du dommage
matériel et un montant égal à au moins
un tiers de cette somme au titre du
dommage moral quâil estime avoir subi.
118. Le Gouvernement
considĂšre que cette demande revĂȘt
un caractÚre disproportionné
et exorbitant, et critique les paramĂštres retenus par le requĂ©rant, quâil estime arbitraires.
119. La Cour
ne distingue aucun lien de causalité
entre la violation constatĂ©e et le dommage matĂ©riel allĂ©guĂ©. En effet, il nâappartient pas Ă la Cour de spĂ©culer sur lâissue qui aurait Ă©tĂ© celle de la procĂ©dure en absence de la violation constatĂ©e. Elle rejette donc la demande formulĂ©e Ă ce titre. En revanche, elle octroie au requĂ©rant 9 600 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ»
sur cette somme Ă titre dâimpĂŽt.
- Frais et dépens
120. Le requérant
réclame 20 EUR pour frais de correspondance
et sâen remet Ă la Cour
pour lâapprĂ©ciation des autres frais et dĂ©pens engagĂ©s devant elle et devant les juridictions internes.
121. Le Gouvernement
conteste cette réclamation.
122. Selon
la jurisprudence de la Cour,
un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens
que dans la mesure oĂč se trouvent
établis leur réalité, leur nécessité
et le caractĂšre raisonnable
de leur taux. En lâespĂšce, compte tenu de lâabsence de documents en sa possession et des critĂšres susmentionnĂ©s,
la Cour rejette la demande présentée au titre des
frais et dépens par le requérant.
- IntĂ©rĂȘts moratoires
123. La Cour
juge appropriĂ© de calquer le taux des intĂ©rĂȘts moratoires
sur le taux dâintĂ©rĂȘt de la
facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale
européenne majoré de trois
points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, Ă
LâUNANIMITĂ,
- DĂ©cide de joindre les requĂȘtes ;
- DĂ©clare les requĂȘtes recevables ;
- Dit quâil y a eu violation de lâarticle 6 § 1
de la Convention en ce qui concerne la requĂȘte no 55064/11 ;
- Dit quâil nây a pas eu violation
de lâarticle 6 § 1 de la Convention en ce qui
concerne les requĂȘtes
nos 37781/13 et 26049/14 ;
- Dit,
a) que
lâĂtat dĂ©fendeur doit verser au
requĂ©rant de la requĂȘte no 55064/11, dans un dĂ©lai de trois mois Ă compter de la date Ă laquelle lâarrĂȘt sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă lâarticle 44 § 2
de la Convention, 9 600 EUR (neuf mille six cents euros), plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» sur cette
somme Ă titre dâimpĂŽt, pour
dommage moral ;
b) quâĂ
compter de lâexpiration dudit dĂ©lai et jusquâau versement, ce montant sera Ă majorer dâun intĂ©rĂȘt simple Ă un taux Ă©gal Ă celui
de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale
européenne applicable pendant cette
période, augmenté de trois points de pourcentage ;
- Rejette le
surplus de la demande de satisfaction
Ă©quitable.
Fait en français, puis communiquĂ© par Ă©crit le 28 octobre 2021, en application de lâarticle 77 §§ 2
et 3 du rĂšglement.
Renata Degener                                            Ksenija Turković
          GreffiÚre                                                       Présidente
RequĂȘte No |
Nom de lâaffaire |
Introduite le |
Requérant |
Représenté par |
|
1. |
Succi c. Italie |
13/08/2011 |
L. SUCCI |
P. Calabretta |
|
2. |
Pezzullo c. Italie |
28/05/2013 |
L. PEZZULLO |
D. Fimmanoâ |
|
3. |
Di Romano et autres
c. Italie |
15/03/2014 |
S. DI ROMANO A. PIERMARINI |
E. Formisano â A. Mascia |
[1] Article introduit par la loi n° 69 du 18 juin 2009, en vigueur à partir du 4 juillet 2009.
[2] M
F Di Dario est décédé le 20 avril
2014, aprĂšs lâintroduction
de la requĂȘte. Ses hĂ©ritiers, les autres requĂ©rants de la mĂȘme requĂȘte, ont informĂ© la Cour de leur souhait de poursuivre la procĂ©dure devant la Cour.