Cour européenne des droits de l’homme
Première Section
AFFAIRE MINISCALCO c. ITALIE
(Requête no 55093/13)
ARRÊT
Art 3 P1 • Interdiction
de se porter candidat aux élections régionales,
déclenchée par la condamnation
pénale définitive pour abus de pouvoir • Mesure prévisible et proportionnée au but légitime de lutter contre la corruption et la
criminalité organisée au sein de l’administration
Art 7 • Applicabilité
• Mesure non assimilée à
une sanction pénale • Pas de perte du
droit de vote « actif » • Procédures contradictoires associées à l’adoption et à l’exécution
de la mesure
STRASBOURG
17 juin
2021
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions
définies à l’article 44 § 2
de la Convention. Il peut subir des
retouches de forme.
En l’affaire Miniscalco c.
Italie,
La Cour
européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :
Ksenija Turković, présidente,
Alena Poláčková,
Péter Paczolay,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström,
Raffaele Sabato,
Lorraine Schembri Orland, juges,
et de Renata Degener, greffière de section,
la requête (no 55093/13) dirigée contre la
République italienne et dont un ressortissant
de cet État, M. Marcello
Miniscalco (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la
Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales
(« la Convention ») le 2 août
2013,
le déport de
M. G. Raimondi, juge élu
au titre d’Italie, (article 28 du règlement
de la Cour),
la désignation
par l’ancien président de la chambre
de Mme I. Caracciolo pour siéger
en qualité de juge ad
hoc (article 29 du
règlement),
la décision de
porter à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement »)
la requête,
les observations des parties,
le déport de Mme Caracciolo, (article
29 du règlement de la Cour),
le remplacement
de cette dernière par M. R.
Sabato, juge élu au titre de l’Italie
(article 26 § 4 de la Convention),
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 mai 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté
à cette date :
INTRODUCTION
1. La présente
affaire concerne l’interdiction de se porter candidat aux élections régionales
qui a touché le requérant en raison
de sa condamnation définitive
pour le délit d’abus de pouvoir. Elle porte sur des griefs tirés des
articles 7 de la Convention et 3 du
Protocole no 1.
2. Le requérant
est né en 1965 et réside à Rocchetta a Volturno. Il a
été représenté par Mes G. Guzzetta, U. Corea et F.S. Marini, avocats à Rome.
3. Le Gouvernement a été représenté par son ancien agent, Mme E. Spatafora.
- LA LOI
ANTICORRUPTION
4. Le 28 novembre 2012, la loi anticorruption (Disposizioni per la prevenzione e
la repressione della corruzione e dell’illegalità nella pubblica
amministrazione – « la loi no 190/2012 ») entra
en vigueur. En son article
1, alinéa 1, elle prévoit notamment, en application de l’article 6 de la Convention des
Nations unies contre la corruption,
adoptée à New York le 31 octobre
2003 (ratifiée par l’Italie
en octobre 2009), et des articles 20 et 21 de la Convention pénale
du Conseil de l’Europe sur
la corruption, adoptée à
Strasbourg le 27 janvier 1999 (ratifiée
par l’Italie en juin 2013),
l’institution d’une Autorité nationale
anticorruption et un plan d’action national pour
« contrôler, prévenir
et combattre la corruption
et l’illégalité au sein de l’administration publique. » Ainsi qu’il était précisé
dans le rapport de présentation
au Parlement du projet qui devint
plus tard la loi no 190/2012,
l’introduction d’un plan national de lutte contre la corruption était devenue une exigence compte tenu, d’une part, des conclusions de l’évaluation effectuée en 2008 et en 2009 par le Groupe
d’États contre la corruption
(GRECO) et, d’autre part, du
constat selon lequel la plupart des États européens possédaient déjà un tel plan.
5. L’alinéa 63 de l’article 1 de la loi no 190/2012 déléguait au gouvernement le pouvoir d’adopter, dans un délai d’un an, un décret législatif réunissant en un texte unique les dispositions relatives à l’interdiction de se porter candidat (incandidabilità),
entre autres, aux élections régionales,
provinciales et de circonscription.
L’alinéa 64 fixait le cadre stricte des
critères à appliquer.
- LE DÉCRET
LÉGISLATIF NO 235 DU 31 DÉCEMBRE 2012
6. Dans les limites de son pouvoir délégué, le 6 décembre 2012, le gouvernement adopta le décret législatif no 235 (« le décret
législatif no 235/2012 »), entré en vigueur le 5 janvier 2013.
7. Aux
termes de l’article 7, alinéa 1 c), il est interdit notamment de se porter candidat aux élections
régionales en cas de condamnation définitive pour, entre autres, abus
de pouvoir (article 323 du code pénal).
8. Selon
l’article 9, lors de la présentation des listes les candidats
doivent fournir, notamment, une déclaration par laquelle ils attestent
l’absence de causes d’incandidabilità dont
à l’article 7. Les bureaux préposés à l’examen des listes de candidats
rayent des listes les noms
de ceux qui n’ont pas fourni la déclaration
ou pour lesquels les bureaux ont vérifié, sur la base des documents en leur possession, l’existence d’une
cause d’incandidabilità.
- LES PROCÉDURES
ENTAMÉES PAR LE REQUÉRANT
9. Le 27 janvier
2013, le Bureau Central Régional (« le
BCR ») constitué auprès
de la cour d’appel de
Campobasso en raison des élections régionales des 24 et 25 février 2013, examina la liste de candidats sur
laquelle figurait le nom du requérant.
Le BCR constata que, à la différence
de celles des autres candidats, la déclaration du requérant attestant l’absence de causes d’interdiction de se porter candidat aux élections
n’était pas véridique. Il ressortait du certificat du
casier judiciaire que l’intéressé avait écopé de trois condamnations du chef d’abus de pouvoir : les deux premières avaient été prononcées
dans le cadre de deux procédures simplifiées (« patteggiamento ») aux termes de l’article 444 du code de procédure pénale
(« CPP »), la troisième, devenue définitive le 19 décembre 2011, était relative à
une procédure ordinaire.
Par ailleurs, le requérant avait d’abord demandé
puis renoncé à bénéficier de la réhabilitation.
10. Le BCR raya le nom du
requérant de la liste au motif que la condamnation
en question était l’une des causes d’incandidabilità dont
à l’article 7 du décret législatif no 235/2012.
11. Le BCR s’exprima ainsi : « (...)
ce Bureau estime que le décret législatif [dont il s’agit] doit s’appliquer
immédiatement tant par
rapport aux arrêts postérieurs à son entrée en vigueur
que vis-à-vis de ceux adoptés antérieurement, ainsi que le démontre
le libellé de l’article 16,
alinéa 1, en excluant le droit de se porter candidat eu égard
aux seuls arrêts adoptés en application de l’article 444 du [CPP] prononcés après l’entrée en vigueur dudit décret. »
12. Le 28 janvier
2013, contestant la rétroactivité
de l’article 7, alinéa
1 c), du décret législatif no 235/2012, le requérant
saisit le BCR. Il dénonça
le caractère pénal d’une
norme rétroactive et l’absence
de prévision d’une limite temporelle
à l’incandidabilità et ce contrairement aux cas des
élections des membres des parlements
national et européen prévus par le même texte. En soulignant avoir renoncé à la demande de réhabilitation « au motif que
le décret législatif n’était pas encore en vigueur », il demanda à être
réadmis sur la liste et, à titre
subsidiaire, à y figurer sous réserve de l’obtention de la réhabilitation qu’il demanderait à nouveau.
13. Le 28 janvier
2013, le BCR, en sa nouvelle composition, rejeta la demande de réexamen de sa décision du 27 janvier. Il estima que le décret législatif
no 235/2012 n’avait pas
nature pénale et que le législateur demeurait libre de dicter des règles
différentes pour les élections des membres
du Parlement et de prévoir, notamment, un délai maximum de durée de l’interdiction pour les charges électives.
14. Le BCR relevait aussi que le certificat du casier judiciaire du requérant mentionnait
huit condamnations dont
celle pour abus de pouvoir
qui, à juste titre, avait entraîné la radiation de son nom de la liste des candidats.
15. Le 29 janvier
2013, réitérant les mêmes arguments et s’appuyant sur l’article 7 de la
Convention, le requérant saisit
le tribunal administratif régional de la région Molise
(« le TAR »).
16. Par un jugement du 1er février, le TAR rejeta le recours au motif
que, comme le BCR l’avait correctement affirmé, le décret législatif en question n’avait pas nature pénale, s’agissant au contraire d’une « norme
extra pénale entrainant un effet administratif consécutif à une condamnation. »
L’interprétation du décret législatif étant conformé à ses dispositions, les droits électoraux de l’intéressé n’avaient nullement été lésés.
17. Le 2 février
2013, le requérant s’adressa
au Conseil d’État qui, le 6 février,
confirma le jugement entrepris. Selon la juridiction, l’application immédiate de l’article 7 du décret législatif
no 235/2012 n’était pas
contraire au principe, prévu par la Constitution et la
Convention, de la non-rétroactivité de la loi pénale. En se référant à la jurisprudence de la
Cour constitutionnelle
relative au cas analogue des causes
d’interdiction de se porter
candidat aux élections régionales et locales dont à la loi no 16 du 18 janvier 1992, la juridiction précisa que la mesure en question n’avait ni nature de sanction pénale ni de sanction administrative. Le but poursuivi par la disposition du décret législatif « était celui d’éloigner
de la gestion de la res publica les personnes dont la radicale inaptitude ressortait d’une décision de justice devenue irrévocable. » La condamnation pénale définitive constituait « donc une condition négative ou une qualification négative » aux fins de l’exercice
[accès et maintien] du mandat en question.
Selon le Conseil d’État, l’application du décret législatif
litigieux aux procédures électorales successives à son entrée en vigueur
constituait « l’application
du principe général tempus
regit actum qui
impose, en l’absence de dérogations,
l’application de la loi substantielle en vigueur lors de l’exercice du pouvoir administratif. »
18. Quant
à l’absence d’un délai final à l’interdiction de se porter candidat analogue à celui prévu pour les élections au Parlement,
la juridiction le considéra
« raisonnable eu égard à ce que la diversité des élections
et des fonctions électives ne permet pas de critiquer l’évaluation discrétionnaire du législateur dans le cadre d’une discipline hétérogène, y compris sur le plan
substantiel, des espèces de quibus. »
19. En 2017, après
avoir obtenu sa réhabilitation, le requérant a pu de nouveau se porter candidat aux élections
régionales.
LE CADRE
JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
- LES DISPOSITIONS
DE LA CONSTITUTION
20. Les dispositions pertinentes de la Constitution se lisent comme suit :
Article 2
« La République reconnaît
et garantit les droits inviolables de l’homme, aussi bien
en tant qu’individu que dans les
formations sociales où s’exerce sa personnalité, et exige l’accomplissement des devoirs de solidarité politique, économique et sociale auxquels il ne peut être dérogé. »
Article 4
« (...)
2. Tout citoyen
a le devoir d’exercer, selon ses possibilités
et selon son choix, une activité ou une fonction concourant au progrès matériel
ou spirituel de la société. »
Article 25
« (...)
2. Nul ne peut être puni,
si ce n’est en vertu d’une loi
entrée en vigueur avant la commission du fait.
(...) »
Article 51
« Tous les citoyens (...) peuvent accéder aux fonctions
publiques et aux charges électives dans des conditions
d’égalité selon les qualités requises fixées par la loi (...) »
Article 54
« (...)
Les citoyens auxquels sont confiées
des fonctions publiques ont le devoir de les accomplir
avec discipline et honneur
(...). »
Article 97
« (...)
Les services de l’Administration publique
sont organisés selon les dispositions
législatives afin d’assurer la bonne marche et l’impartialité
de l’administration.
(...) »
Article 117
(version en vigueur depuis la loi constitutionnelle no 3 du 18 octobre 2001)
« Le pouvoir
législatif est exercé par
l’État et les Régions dans le respect de la Constitution de même que les
engagements qui découlent de l’ordre
communautaire et des obligations internationales.
L’État dispose
d’une compétence législative
exclusive dans les matières suivantes :
a) politique étrangère et relations internationales
de l’État ; relations de l’État
avec l’Union européenne ; droit
d’asile et statut juridique des ressortissants
des États non-membres de l’Union européenne ;
b) immigration ;
c) relations entre
la République et les confessions
religieuses ;
d) défense et forces armées ; sécurité de l’État ; armes, munitions et explosifs ;
e) monnaie, protection de l’épargne et marchés financiers ; protection de la concurrence ;
système monétaire ; système fiscal et comptable de l’État ; harmonisation des budgets publics ; péréquation des ressources financières ;
f) organes de
l’État et lois électorales qui s’y rapportent ; référendums nationaux ; élection du Parlement
européen ;
g) ordonnancement
et organisation administrative
de l’État et des établissements publics nationaux ;
h) ordre
public et sécurité, à l’exclusion
de la police administrative
locale ;
i) nationalité,
état civil et registres de l’état civil ;
l) juridiction
et règles processuelles ;
ordre judiciaire civil et pénal ; justice administrative ;
m) fixation des niveaux essentiels
de prestations concernant les droits civils
et sociaux, qui doivent être garantis sur l’ensemble du territoire national ;
n) normes générales en matière d’éducation ;
o) sécurité
sociale ;
p) législation
électorale, organes de gouvernement et fonctions fondamentales des Communes, des Provinces
et des Villes métropolitaines ;
q) douanes, protection des frontières nationales et prophylaxie internationale ;
r) poids, mesures et fixation de l’heure ; coordination de
l’information statistique et des
données informatiques de l’administration étatique, régionale et locale ; œuvres
de l’esprit ;
s) protection
de l’environnement, de l’écosystème et du patrimoine culturel.
Les matières suivantes sont soumises à la législation concurrente : relations internationales
et relations avec l’Union européenne des Régions ;
commerce extérieur ;
protection et sécurité du travail ;
éducation, sans préjudice de l’autonomie des établissements scolaires et à l’exception de l’éducation et de la
formation professionnelle ;
professions ;
recherche scientifique et technologique et soutien à l’innovation dans les secteurs de production ;
protection de la santé ; alimentation ; activités sportives ; protection
civile ; aménagement du
territoire ; ports et aéroports
civils ; grands réseaux de transport et de navigation ; système des communications ;
production, transport et distribution
nationale de l’énergie ;
prévoyance complémentaire
et retraite supplémentaire ;
coordination des finances publiques et du système fiscal ; valorisation des biens culturels et environnementaux, et promotion et organisation
d’activités culturelles ;
caisses d’épargne, caisses rurales, établissements de crédit à caractère régional ; établissements de crédit foncier et agricole à caractère régional.
Dans les matières
soumises à la législation concurrente, le pouvoir législatif revient aux Régions, sous
la réserve que la fixation des principes
fondamentaux relève de la législation de l’État.
Dans toute matière
non expressément réservée à
la législation de l’État,
le pouvoir législatif revient aux Régions.
(...). »
Article 122
« Le système
d’élection et les cas d’inéligibilité et d’incompatibilité du Président et des autres membres de la Junte régionale et des conseillers régionaux sont réglés par la loi de la Région dans les
limites des principes fondamentaux établis par la loi de la
République laquelle fixe également la durée des organes électifs. »
- LA LOI NO 190
DU 6 NOVEMBRE 2012 (DISPOSITIONS POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DE LA
CORRUPTION ET DE L’ILLÉGALITÉ AU SEIN DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE)
21. La loi
no 190/2012 en son article 1, alinéa 1, prévoit, notamment, l’institution d’une Autorité
nationale anticorruption et
un plan d’action national pour « contrôler, prévenir et combattre la corruption et l’illégalité au sein de l’administration
publique ».
22. L’alinéa 63 du même article
définit les principes et les critères clés du
décret législatif que le gouvernement devait adopter dans le but de réunir en un texte unique les dispositions relatives à l’incandidabilità, entre
autres, aux élections régionales.
Selon l’alinéa 64,
« Le décret
législatif dont à l’alinéa
63 rationnalise et harmonise
les dispositions en vigueur et est adopté selon les principes
et les critères suivants :
(...)
i) identifier
(...) les hypothèses d’interdiction de se porter candidat aux élections
régionales (...) consécutives
à des arrêts de condamnation définitifs.
(...) ».
23. Selon son rapport explicatif, l’objectif de la loi était la prévention et la répression du phénomène
de la corruption au moyen d’une approche multidisciplinaire dans le cadre de laquelle les sanctions constituent
seulement une partie des éléments de la lutte contre la corruption et l’illégalité dans l’action de l’administration. À la base de la loi
se trouvent les exigences de transparence et de contrôle de la part des citoyens, et de mise en conformité
du système juridique italien avec les normes
internationales. Le rapport précisait
aussi que la corruption sapait la crédibilité du pays et décourageait les investissements, y compris étrangers, ralentissant ainsi le développement économique.
- LE DÉCRET
LÉGISLATIF NO 235 DU 31 DÉCEMBRE 2012 (CODE DES DISPOSITIONS EN
MATIÈRE D’INTERDICTION DE SE PORTER CANDIDAT ET D’EXERCER DES FONCTIONS
ÉLECTIVES ET DE GOUVERNEMENT RÉSULTANT DE JUGEMENTS DÉFINITIFS DE
CONDAMNATION POUR DES DÉLITS COMMIS AVEC DOL AU SENS DE L’ARTICLE 1,
ALINÉA 63, DE LA LOI NO 190 DU 6 NOVEMBRE 2012)
24. Adopté le 6 décembre 2012, le décret législatif no 235 entra en vigueur
le 5 janvier 2013. Aux termes de son article 7,
« Il est interdit
à une personne de se porter
candidate aux élections régionales
(...)
c) si elle a écopé
d’une peine définitive pour
[notamment le délit d’abus de pouvoir selon l’article] 323 (...) du code pénal ;
(...).»
25. Aux termes de l’article 9,
« 1. Lors
de la présentation des listes des candidats
aux élections pour la présidence de la région et le Conseil régional (...), chaque candidat dépose, avec son acceptation de la candidature, une déclaration
(...) qui atteste l’absence
de causes d’interdiction de
se porter candidat dont à
l’article 7.
2. Les bureaux
préposés à l’examen des listes des
candidats (...) retirent des listes les
noms des candidats pour lesquels, sur la
base des documents en possession des bureaux, l’existence des causes
d’incandidabilità est vérifiée. »
26. Selon
l’article 15,
« (...)
La décision de
réhabilitation (...) est l’unique
cause d’extinction anticipée
de l’interdiction de se porter
candidat (...). »
27. L’article
16 prévoit que l’incandidabilità opère par rapport « aux décisions prévues par l’article 444 CPP [qui discipline la procédure
simplifiée dite « patteggiamento »] prononcées après l’entrée en vigueur du présent
Code. »
28. En ce qui concerne le choix de la condamnation justifiant l’interdiction de se porter candidat, le rapport explicatif indique que :
« (...) l’existence
d’une condamnation pour des
infractions clairement établies et concernant un large éventail d’intérêts juridiques, spécifiquement et obligatoirement identifiés et classés pour éviter toute incertitude ou attitude contradictoire
qui risqueraient de porter atteinte au domaine
protégé par l’article 51 de
la Constitution, a été choisie, sur la base d’une appréciation
abstraite, comme condition pour l’interdiction d’exercer un rôle ou une fonction publique électifs ; l’interdiction de l’accès est une conséquence automatique pour laquelle il n’est prévu ni pondération des situations individuelles ni appréciation discrétionnaire. À cet égard, la Cour de cassation (arrêt no 3904 de
2005) a estimé que les condamnations pour des infractions entraînant l’interdiction d’exercer des fonctions
publiques impliquent une inaptitude fonctionnelle absolue et irrévocable de l’intéressé, qui vise à préserver « le bon fonctionnement
et la transparence des administrations publiques, l’ordre et la sûreté, la libre prise de décision des organes électifs
» (voir aussi Cour constitutionnelle, arrêts nos 407 de 1992, 197 de 1993 et 118 de 1994). »
- LE CODE PÉNAL
29. Selon
l’article 28 du code pénal, l’interdiction d’exercer des fonctions
publiques peut être permanente ou temporaire.
En cas d’interdiction permanente, le condamné
est privé à vie du droit de
vote et du droit de se porter candidat à toute consultation électorale, ainsi que de tout autre droit politique, du droit d’être
tuteur, des titres académiques et des salaires, des
pensions et des indemnités à la charge de l’État. L’interdiction temporaire entraîne la perte des mêmes
droits mais ne dure qu’entre
un an et cinq ans.
30. Aux
termes de l’article 323, tel que modifié
par la loi no 190/2012,
« À moins
que le fait ne constitue une infraction plus
grave, l’agent public ou le
responsable d’un service public qui, dans l’exercice des fonctions ou
du service, en violation de
la loi ou des règlements, ou en ne s’abstenant pas en présence d’un intérêt propre ou de celui d’un proche (...) se procure intentionnellement
un avantage patrimonial injuste ou le procure à autrui, est puni d’une peine d’emprisonnement allant d’un an à quatre ans. (...) »
- LA POSITION DE LA
COUR CONSTITUTIONNELLE SUR LE DÉCRET LÉGISLATIF NO 235/2012
- L’arrêt no 236 du 20 octobre 2015
31. Dans cet arrêt, la Cour
constitutionnelle a traité
et rejeté la question que lui avait soumise
en octobre 2014 le TAR de Campanie,
relative à une éventuelle non-conformité
de l’article 11, alinéa 1
a), du décret législatif no 235/2012, combiné
avec l’alinéa 1 c) de l’article 10 du même
décret, avec les articles 2, 4, alinéa 2, 51, alinéa 1, et 97, alinéa 2, de la Constitution (paragraphe 20 ci-dessus).
32. La question
litigieuse avait été soulevée par M. L. D.M. dans le contexte de la décision du préfet
de Naples de le suspendre
de ses fonctions de maire en raison de sa condamnation (à une peine d’un an
et trois mois d’emprisonnement, assortie de l’interdiction d’exercer des fonctions publiques
pendant un an), infligée par le tribunal
de Naples en septembre 2014,
pour abus de pouvoir. L’intéressé fustigeait l’application rétroactive dudit article 11 (portant sur la suspension et la déchéance des administrateurs
locaux en situation d’incandidabilità), son élection datant de 2011.
33. Selon
le TAR, en substance, « les
doutes sur la conformité de
l’article 11 avec la Constitution en raison de la violation de l’interdiction de la
rétroactivité, lorsque la suspension des fonctions est la conséquence
d’une condamnation non définitive,
se fond[ai]ent sur deux conditions préalables : la nature punitive de la mesure de suspension et la rétroactivité de la suspension en
raison d’une condamnation
non définitive. » La question
concernait donc l’existence « d’un déséquilibre excessif en faveur de la sauvegarde de la moralité de l’administration publique, au détriment d’autres intérêts constitutionnels : le droit
de se porter candidat (article 51), droit inviolable selon l’article 2 de la Constitution, à
la base du fonctionnement des institutions démocratiques républicaines, aux termes de l’article 97, alinéa 2, [de la Constitution],
et expression du devoir d’exercice d’une fonction sociale résultant du libre choix du citoyen, conformément
à l’article 4, alinéa 2,
[de la Constitution]. »
34. Quant
à la première condition préalable
susmentionnée, la Cour constitutionnelle a rappelé sa jurisprudence relative aux lois qui régissaient la matière avant l’entrée en vigueur du décret
no 235/2012 (arrêts nos 184/1994,
118/1994, 295/1994, 206/2009, 132/2001 et 25/2002), jurisprudence
selon laquelle l’interdiction de se porter candidat aux élections,
la déchéance et la suspension
du mandat ne relèvent pas des
sanctions.
35. La Cour
constitutionnelle a déclaré
ceci en particulier :
« (...) ces mesures ne constituent pas des sanctions
ou des effets
de la condamnation sur le plan pénal,
mais elles sont les conséquences de la perte d’une condition subjective permettant l’accès aux fonctions
en considération et leur exercice (...) ».
36. Se référant
à son arrêt no 118/1994, la Cour
constitutionnelle a précisé
avoir rejeté une question du même
type qui avait été soumise par le TAR au sujet de l’article
15 de la loi no 55 du
19 mars 1990 (portant
nouvelles dispositions relatives,
entre autres, à la prévention des actes de délinquance de type mafieux), prévoyant la déchéance automatique d’une série de mandats électifs à la suite de la
condamnation définitive
pour certains délits, y compris si les élections ont eu
lieu avant son entrée en vigueur. Elle s’est prononcée comme suit :
« (...) la condamnation
pénale irrévocable est une simple condition préalable objective à laquelle se trouve liée une évaluation d’inaptitude morale à exercer certains mandats électifs : la condamnation constitue donc une condition négative aux fins de l’exercice
[accès et maintien] des mandats en question. »
37. La juridiction
constitutionnelle a dit qu’en définitive la suspension n’était pas une sanction, qu’elle répondait à des exigences propres
à la fonction administrative
et à l’administration publique
que servait l’intéressé (arrêt no 206/1999)
et qu’elle s’analysait indubitablement en une mesure conservatoire (arrêt no 25/2002).
38. Quant
à la rétroactivité, la Cour
constitutionnelle a indiqué
avoir déjà statué au sujet
de dispositions du même type que
celle en question. Elle s’est exprimée ainsi :
« (...) l’évaluation
des valeurs en jeu effectuée par le législateur
n’est pas déraisonnable dans la mesure où elle se fonde sur la possibilité
de « pollution » (inquinamento) de l’administration publique ou, du moins,
sur l’existence d’un préjudice
à son image qui pourrait être
engendré par la permanence
en service de l’élu objet
d’une condamnation non définitive
(...) et sur la perte d’une condition
subjective essentielle pour
le maintien de l’élu au sein de l’organe
électif (voir les arrêts nos 352/2008,
118/2013, 257/2010, 25/2002, 206/1999, 141/1996).
(...)
Face à une situation grave d’illégalité dans l’administration publique, il n’est
pas déraisonnable en effet de considérer qu’une condamnation (non définitive) pour un nombre défini de délits (en l’espèce contre l’administration) exige que le condamné
soit temporairement suspendu de ses fonctions, et ce pour éviter l’inquinamento de
l’administration et garantir sa crédibilité
auprès du public,
c’est-à-dire préserver la confiance
des citoyens envers l’institution, qui risquerait
d’être minée par les doutes que
l’accusation laisse planer sur la personne à travers laquelle l’administration agit (arrêt no 206/1999).
L’application immédiate de ce type de mesures aux mandats en cours n’est pas une création du décret
législatif no 235/2012 ; elle a toujours été présente
dans les dispositions qui prévoyaient les moyens visant
à garantir les intérêts protégés par les articles 97, alinéa 2, et 54, alinéa 2, de la Constitution,
face au préjudice causé aux institutions publiques par l’implication d’élus dans des
actes relevant du domaine pénal.
Ainsi que cette
Cour l’a souligné au sujet de la loi no 16 [du 18 janvier] 1992 [portant dispositions en matière d’élection et de nomination auprès des régions et des collectivités locales], il n’est donc pas déraisonnable que [la loi] opère
immédiatement aussi au détriment de la personne légitimement élue avant son entrée en vigueur : l’attribution à la condamnation définitive pour certains délits graves d’une importance telle – sur le plan de l’inaptitude
morale – qu’elle appelle
(...) des conséquences négatives pour le maintien des fonctions électives
en cours au moment de
l’entrée en vigueur [de la loi],
résulte d’un choix discrétionnaire du législateur qui n’est assurément pas irrationnel (arrêt no 118/1994).
Pour les mêmes motifs que
la condamnation définitive peut justifier la déchéance du mandat
en cours, la condamnation
non définitive peut exiger la suspension temporaire de l’élu, de sorte que l’on doit conclure
que le choix du législateur (...) n’a pas dépassé les
limites d’une évaluation raisonnable des intérêts constitutionnels en jeu.
»
- L’arrêt no 276 du 5 octobre 2016
39. Dans
cet arrêt, la Cour constitutionnelle a examiné de nouveau la compatibilité
des dispositions du décret législatif
en question avec la Constitution. Aux points 5.2 à
5.7 de sa décision, elle s’exprime
de la sorte quant à la suspension
de leurs fonctions d’un gouverneur régional, d’un conseiller régional et d’un conseiller municipal :
« 5.2. Sur le fond,
les autres questions de constitutionnalité soulevées par la cour d’appel de Bari et le tribunal de
Naples relativement à l’article 25, alinéa 2, de la Constitution, sont dénuées de fondement.
Aux termes de l’article 25, deuxième alinéa, de la Constitution, qui
dispose que « [n]ul ne
peut être puni, si ce n’est en vertu d’une loi entrée en vigueur avant la commission du fait », le principe de légalité au sens
strict ne se réfère qu’à la peine.
La Cour a déclaré que « l’exigence selon laquelle la loi doit fixer des critères rigoureux d’exercice du pouvoir
relatif à l’application (ou à la non-application) [des peines] » existe également à l’égard des sanctions
qui ne sont pas des peines au
sens strict (arrêt no 447 de 1988). Elle a en outre
précisé que, « même pour les sanctions
administratives, on peut déduire de l’article 25, deuxième alinéa, de la Constitution » qu’il « revient à la loi de définir de manière suffisante les faits à sanctionner au titre de l’infraction
» (arrêt no 78 de 1967).
Enfin, elle a récemment déclaré que le principe, qui ressort de la jurisprudence de la
Cour de Strasbourg, selon lequel toutes les
mesures ayant un caractère punitif et afflictif doivent être soumises à la même réglementation que la sanction pénale au sens
strict, « peut également être déduit de l’article 25, deuxième alinéa, de la Constitution qui, compte tenu de sa formulation large («
[n]ul ne peut être puni »), peut être interprété
en ce sens que toute sanction dont la fonction principale ne serait pas de nature préventive (et qui
ne relèverait donc pas des mesures
de sûreté au sens strict) ne saurait être appliquée
que si la loi qui la prévoit est déjà en vigueur au moment de la commission du fait sanctionné
» (arrêt no 196 de 2010 ; dans
le même sens, voir également l’arrêt no 104 de 2014).
Cependant, le principe de non-rétroactivité,
applicable aux peines et aux mesures
administratives à caractère
punitif et afflictif, ne saurait concerner les dispositions attaquées, en ce qu’elles sont dépourvues
de caractère punitif.
Au cours de l’examen des mêmes
dispositions du décret législatif no 235 de
2012, la Cour a exclu
« que la déchéance et
la suspension [fussent] des sanctions » et indiqué qu’il s’agissait en réalité de « conséquences de la perte d’une condition subjective permettant l’accès aux fonctions en considération ». En particulier,
« la suspension du
mandat répond à des exigences propres
à la fonction administrative
et à l’administration publique
que sert l’intéressé » et, puisqu’il s’agit de suspension, « elle constitue clairement une mesure conservatoire » (arrêt no 236 de 2015, qui s’inscrit
dans la continuité des arrêts no 25 de 2002, no 206
de 1999 et no 295 de 1994).
5.3. (...)
(...) les juges de renvoi se limitent à considérer que, bien que
la suspension du mandat soit une conséquence à caractère administratif de la condamnation pénale, il s’agirait néanmoins d’un effet afflictif découlant d’une condamnation prononcée pour une infraction commise à une date antérieure
à celle de l’entrée en vigueur.
Cette motivation, pauvre en arguments et en références à la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme, est à peine suffisante pour franchir le seuil minimum de recevabilité et elle ne l’est que
parce que, de manière
implicite, elle reconnaît dans
le caractère « afflictif »
de la mesure l’un des critères établis par la Cour de Strasbourg pour définir
la notion de « peine » au sens de la Convention.
5.4. La Cour
est donc appelée à examiner si la suspension des charges électives
locales prévue par la disposition attaquée est compatible avec le principe de
non-rétroactivité des sanctions consacré par l’article 7 de la Convention, dont l’applicabilité
suppose l’utilisation des critères autonomes établis par la jurisprudence
européenne pour définir la notion
de peine.
Dans sa jurisprudence en la matière, la Cour de Strasbourg a défini trois éléments
caractéristiques de la nature pénale
d’une sanction (les critères « Engel ») : la qualification de l’infraction opérée par le droit national ; la
nature de la sanction au regard de sa fonction punitive et
dissuasive ; sa sévérité, à savoir
la gravité du sacrifice imposé (Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, série A no 22
(...)).
Comme cela a récemment été rappelé dans
l’arrêt Grande Stevens et autres
c. Italie, ces critères
sont « alternatifs et non cumulatifs », ce qui n’empêche pas l’adoption d’une « approche
cumulative si l’analyse séparée
de chaque critère ne permet pas d’aboutir
à une conclusion claire quant à l’existence d’une « accusation en matière pénale » » (Jussila c. Finlande [GC], no 73053/01, §§ 30 et 31, CEDH 2006-XIII, et Zaicevs c. Lettonie,
no 65022/01, § 31, CEDH 2007-IX (extraits))
» (§ 94).
5.5. (...)
Il appartient cependant à la Cour (...) d’évaluer la jurisprudence
européenne relative à la disposition pertinente « de manière à en respecter la substance, mais avec une marge d’appréciation et d’adaptation qui lui permet de tenir compte des
particularités de l’ordre juridique dans lequel la disposition conventionnelle est destinée à s’inscrire (arrêt no 311 de
2009) » (arrêt no 236 de 2011 ; plus récemment, arrêt no 193 de
2016).
Concernant le droit de se porter candidat aux élections et la protection qui lui est reconnue
par la Convention, les États
membres jouissent d’une
large marge d’appréciation
qui tient compte, entre autres, des
particularités historiques,
politiques et culturelles
de chaque droit national.
La Cour européenne a précisé
qu’en ce qui concerne le droit
de se présenter aux élections, c’est-à-dire l’aspect
« passif » des droits garantis par l’article 3 du Protocole
no 1, elle se montre encore plus prudente dans son appréciation des restrictions dans ce contexte que lorsqu’elle est appelée à examiner des restrictions au droit de vote, c’est-à-dire l’élément « actif » de ces mêmes droits.
En effet, le droit de se présenter aux élections
doit pouvoir être encadré par le législateur par des exigences plus strictes que le droit de vote (Hirst c.
Royaume-Uni (no 2) [GC], no 74025/01, § 57-62, CEDH 2005 IX ; Ždanoka
c. Lettonie [GC], no 58278/00, § 115, CEDH 2006 IV).
5.6. En l’absence
de précédents spécifiques
de la Cour européenne relatifs
à des dispositions qui,
tout comme la disposition attaquée et selon des modalités analogues
à celles qu’elle prévoit, font découler de condamnations pénales la perte des conditions
à remplir pour se porter candidat ou conserver
son mandat, il convient,
pour apprécier la compatibilité
de la législation objet de
la présente procédure avec l’article 117, premier alinéa, de la Constitution, d’appliquer les critères
déjà cités de qualification de la mesure comme sanction pénale au sens
de la Convention.
5.6.1. Après avoir exclu, pour les raisons exposées
ci-dessus (§ 5.2), que la suspension de droit du mandat ait
une nature pénale en droit
interne, il est nécessaire de vérifier si les deux autres
critères alternatifs, relatifs respectivement à la
nature punitive de la mesure et à la gravité du sacrifice
imposé, sont remplis.
Selon la jurisprudence de
Strasbourg, la nature punitive de la mesure doit être déduite
d’un ensemble d’éléments, dont principalement
le type de conduite sanctionnée, le lien entre la mesure prononcée et l’établissement d’une infraction,
la présence de biens et d’intérêts relevant traditionnellement de la sphère pénale, la procédure selon laquelle la mesure a été adoptée.
Pour le législateur,
le but de la mesure de suspension du mandat
prévue par le décret législatif no 235 de 2012 est (...) exclusivement de protéger la fonction publique en attendant que l’établissement de l’infraction soit confirmé par une décision de justice. Il s’agit d’une mesure purement temporaire qui ne fait qu’anticiper l’interdiction qui découlera du jugement, laquelle
ne poursuit pas non plus de
finalité punitive. Cette interdiction a pour fondement l’appréciation, effectuée par le législateur, des conditions qui plaident provisoirement contre le maintien
de l’élu dans l’exercice d’un mandat, le but étant de soustraire
celui-ci aux doutes sur l’honorabilité de son titulaire qui pourraient remettre en cause le prestige de
ce mandat et nuire à son
bon exercice.
Dans la jurisprudence de la Cour européenne, certaines décisions ont placé
hors de la sphère pénale des restrictions au droit de se présenter aux élections
qui, bien que liées à la commission d’une infraction, avaient pour objectif principal de protéger l’intégrité d’une
institution publique (Paksas
c. Lituanie [GC], no 34932/04, CEDH 2011 ; Ādamsons c.
Lettonie, no 3669/03, § 114, 24 juin 2008
; Ždanoka c. Lettonie [GC],
no 58278/00, §§ 122, 130, 133, CEDH 2006-IV). Plus précisément, la Cour de
Strasbourg a exclu la nature pénale
de la mesure d’inéligibilité
lorsque celle-ci tend à assurer le bon déroulement des élections parlementaires,
même si une mesure ayant le même contenu,
à savoir l’exclusion de l’éligibilité, est prévue par la loi pénale comme
sanction « accessoire » ou « complémentaire » à une sanction principale. En effet, dans ce deuxième cas, contrairement au premier, la mesure tire sa nature pénale de la peine « principale » dont elle découle
(Pierre-Bloch c. France, 21 octobre 1997,
§ 56, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI).
(...)
Le fait même que l’autorité
administrative ne dispose d’aucune
marge d’appréciation pour établir la survenue de la cause
de suspension, qui découle automatiquement de la condamnation
pénale sans qu’une décision ne soit nécessaire pour déterminer la mesure en fonction des caractéristiques
spécifiques du cas concret, constitue
également un indice du fait que l’incapacité
juridique temporaire en
cause ne découle pas d’un jugement de réprobation personnelle, mais tend simplement à garantir l’honorabilité
objective de ceux qui exercent la fonction en question.
L’arrêt Welch
c. Royaume-Uni de 1995, dans
lequel on peut lire que « le point de départ de toute appréciation de l’existence d’une peine consiste à déterminer si la mesure en question est imposée à la suite
[following dans la version anglaise] d’une condamnation pour
une « infraction » (§ 28), ne s’applique pas au cas
d’espèce.
En premier lieu,
le lien entre la suspension
prévue et l’établissement
de l’infraction (non définitif)
n’atteste pas d’une fonction répressive de la suspension, comme cela ressort non seulement du caractère structurellement
provisoire de la mesure,
mais surtout du fait que tant
son application que sa durée sont indépendantes
de la peine concrètement prononcée par le juge. En outre, la mesure produit ses effets
indépendamment de la limitation
du droit de vote sous son volet passif découlant de l’application de la peine accessoire de l’interdiction temporaire d’exercer un mandat public.
En second lieu,
alors que dans l’affaire Welch la confiscation liée à l’infraction de trafic de stupéfiants tendait clairement à neutraliser les effets de la conduite illégale sanctionnée, l’infraction établie en l’espèce peut n’avoir aucune
incidence (même temporelle) sur l’exercice du mandat. La suspension
ne constitue pas un développement « interne » de la condamnation,
mais seulement la condition
préalable objective pour qu’un autre effet,
distinct, se produise, destiné à opérer de manière autonome et « externe »
par rapport à l’action publique de répression pénale.
5.6.2. Une fois exclue
la nature punitive, et en ce sens « pénale », de la suspension, il convient de passer au troisième indice concernant la gravité des conséquences défavorables à celui qui les subit. La Cour
de Strasbourg a précisé que
pour apprécier cette gravité il convient de se référer à la sanction dont est a
priori passible la personne
concernée et non pas à la gravité de la sanction finalement infligée à la personne qui a engagé la procédure
contre l’État (Hirst c. Royaume-Uni
(no 2), no 74025/01, 30 mars 2004 ; Grande
Stevens et autres c. Italie, nos 18640/10 et 4 autres, 4 mars 2014 ; Weber c. Suisse, 22 mai 1990, § 34,
série A no 177). La rigueur
d’une mesure punitive dépend
en outre de sa capacité à avoir une incidence sur la
situation du destinataire.
Ce qui compte, c’est donc
la dimension subjective et
non pas la dimension objective de la sanction encourue (Ziliberberg c. Moldova, no 61821/00, § 34, 1er février
2005).
La suspension du mandat prévue
par la disposition examinée
est limitée à dix-huit mois, au terme desquels la mesure prend fin. Alors même que l’intérêt
public protégé est très délicat, la mesure ne touche qu’une part réduite du mandat électoral,
ce qui plaide en faveur
d’une sévérité limitée, tant en termes objectifs de durée qu’en termes subjectifs
d’atteinte à la réputation.
Le fait que le degré de gravité de la mesure ne soit pas de nature à inscrire celle-ci
dans le cadre de ce qui est
considéré comme « pénal » est confirmé par l’arrêt Pierre-Bloch, dans
lequel l’inéligibilité
d’une durée d’un an, prononcée
à la suite de la violation de dispositions
relatives aux limites des dépenses
électorales, a été jugée non assimilable à une sanction de caractère pénal, en particulier du fait de sa durée.
La période maximale de suspension prévue par la disposition attaquée est
comparable, comme ordre de
grandeur, à celle examinée dans
l’arrêt [Pierre-]Bloch, de sorte que les références
à la jurisprudence de Strasbourg, sur cet aspect également,
ne permettent pas de reconnaître à la mesure en cause
une nature « pénale » au sens de la Convention.
En définitive,
le caractère de gravité « spéciale », nécessaire pour que
la mesure dépourvue de toute finalité dissuasive ou punitive puisse être assimilée, du fait de son caractère afflictif, à une sanction pénale ou administrative, fait défaut dans
le cas de la suspension du mandat.
5.7. En conclusion,
il ne ressort du cadre des garanties
consacrées par la Convention telles
qu’interprétées par la Cour
de Strasbourg aucune obligation
de soumettre une mesure administrative conservatoire, telle que la suspension
des charges électives en conséquence d’une condamnation pénale non définitive, à l’interdiction conventionnelle de rétroactivité
de la loi pénale. En
revanche, la solution adoptée
par le législateur italien
est compatible avec ce cadre, en ce qu’elle tend à éviter « que le maintien en fonction d’une personne condamnée, même de manière non définitive, pour des infractions déterminées qui portent atteinte à l’administration publique [puisse] affecter les intérêts
constitutionnels protégés
par l’article 97, deuxième alinéa, de la Constitution, qui confie au législateur
le soin d’organiser les services publics de manière à assurer le bon fonctionnement et l’impartialité
de l’administration, et par l’article
54, deuxième alinéa, de la Constitution, qui impose aux citoyens auxquels des fonctions publiques
sont confiées « le devoir de les remplir
avec discipline et honneur
(arrêt no 236 de 2015).»
40. Cette
approche a été encore confirmée dans l’arrêt no 35 du 9 février 2021 relatif à la suspension des fonctions d’un conseiller régional en raison de sa condamnation en première instance.
- LE GROUPE D’ÉTATS
CONTRE LA CORRUPTION
41. En ce qui concerne en général la lutte contre la corruption, dans l’Addendum au Rapport de conformité sur l’Italie relatif aux premier et deuxième cycles d’évaluation conjoints (2008 et 2009 respectivement)
publié le 1er juillet
2013 (Greco RC-I/II (2011)1F), le Groupe d’États contre la corruption
(GRECO) a formulé notamment
les conclusions suivantes au sujet
de la lutte à la corruption
:
« (...)
76. Il convient
de saluer l’Italie pour les dispositions prises en vue de clarifier sa politique de lutte contre la corruption ;
l’adoption, en novembre 2012, d’une nouvelle loi-cadre
anticorruption constitue un
signal clair dans cette direction.
En outre, l’Italie a désormais ratifié la Convention pénale sur la corruption
(STE no 173) ainsi que
la Convention civile sur la corruption (STE no 174).
Plusieurs mesures ont été introduites
pour accroître la transparence
et le contrôle au sein de l’administration publique et mieux cibler des questions
préoccupantes pour le public, parmi
lesquelles la réglementation
des appels d’offres et marchés publics, les conflits
d’intérêts, l’intégrité et
la déontologie au sein de la fonction publique, la responsabilité des dirigeants et la protection des donneurs d’alerte. De même, un cadre institutionnel a été mis en place pour adopter, mettre en œuvre, contrôler et évaluer les politiques
anticorruption. La Commission pour l’évaluation, la transparence et l’intégrité de l’administration publique [devenue plus tard l’ANAC] a été désignée comme autorité nationale pour la lutte contre la corruption afin de mettre en œuvre les obligations
découlant de l’article 6 de
la Convention des Nations Unies
contre la corruption, ainsi
que les articles
20 et 21 du STE no 73 ; les
administrations aux niveaux national et local se sont vu confier des missions essentielles en matière d’élaboration de plans
contre la corruption et pour l’intégrité
dans leurs secteurs d’activité respectifs. Le temps et l’expérience diront si le nouveau dispositif répond efficacement aux objectifs de prévention et de dissuasion de la
corruption. Il sera crucial
de faire en sorte que toutes les nouvelles dispositions législatives soient assorties de mécanismes d’application efficaces, y compris de conseils d’orientation à l’intention de ceux qui doivent se conformer à la loi et de sanctions appropriées en cas d’abus. Cela demande un engagement politique qui s’inscrive dans la durée (...) »
42. Le 29 mars
2021, le GRECO a publié le Deuxième
rapport de conformité pour l’Italie
(Greco RC4 (2021) 4) relatif au
Quatrième cycle d’évaluation (« Prévention de
la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs »)
adopté lors de sa 87ème Réunion
Plénière. Dans son évaluation des mesures prises par les autorités italiennes
pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans le Rapport du quatrième cycle
d’évaluation rendu public
le 11 janvier 2017 (Greco Eval4rep (2016/2), le GRECO
a souligné, entre autres, que les
deux chambres du Parlement « doivent encore procéder à la formalisation de leurs Codes de conduite respectifs » et qu’une
« action plus résolue serait
nécessaire pour donner suite à l’ensemble des recommandations formulées à propos des parlementaires. »
43. Le requérant
se plaint du retrait de son nom de la liste de candidats aux élections régionales
de 2013 sur la base de l’application selon lui rétroactive du décret législatif
no 235/2012. Il invoque l’article 7 de la Convention, qui est ainsi libellé :
« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il
n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.
2. Le présent
article ne portera pas atteinte au
jugement et à la punition
d’une personne coupable
d’une action ou d’une omission
qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux
de droit reconnus par les nations civilisées. »
Sur la recevabilité
- Les thèses des parties
a) Le Gouvernement
44. Le
Gouvernement souligne que la Cour Constitutionnelle
a abordé la question de la
nature de l’inéligibilité et de la déchéance du mandat
électoral par rapport aux lois antérieures au décret législatif
no 235/2012 avec de nombreux
arrêts.
En intervenant
de nouveau en la matière, dans
l’arrêt no 236/2015, elle s’est prononcée spécifiquement sur le décret législatif no 235/2012
au sujet de la suspension de ses fonctions du maire
de Naples suite à une condamnation
non définitive pour abus de
pouvoir. La Haute Juridiction,
y a confirmé ses arguments selon lesquels les mesures
de ce genre « ne constituent
pas des sanctions
ou des effets
pénaux de la condamnation,
mais découlent de la perte
d’une condition subjective
pour l’accès aux fonctions et l’exercice de celles-ci ». Il ne s’agirait
« absolument pas d’infliger une sanction paramétrée sur la gravité des infractions mais plutôt de constater qu’il n’y a plus une condition essentielle pour continuer à recouvrir la fonction publique dans le cadre du
pouvoir de fixation des conditions d’éligibilité que l’article 51, alinéa 1, de la Constitution réserve en effet au législateur.
La « condamnation pénale
irrévocable [serait] une simple condition préalable objective à laquelle est reliée une évaluation d’indignité morale à recouvrir certaines fonctions électives. »
Ces affirmations, faites à la lumière de la jurisprudence
de Strasbourg, amèneraient à exclure
le caractère punitif et donc la nature pénale des mesures car le but poursuivi du
décret législatif serait celui d’assurer que la composition des organes régionaux et locaux reflète les valeurs « de bon comportement et d’honorabilité que la Constitution elle-même, à l’article 54, alinéa 2, élève à pilier fondamental pour l’exercice des fonctions
publiques de la part des citoyens auxquels elle sont confiées. »
45. Selon
le Gouvernement, l’on ne saurait
déduire aucune argumentation en faveur de la thèse de la nature pénale de l’incandidabilità de
l’efficacité extinctive de
la réhabilitation et de ce que
la mesure ne s’applique pas
aux arrêts adoptés en vertu de l’article 444 CPP avant l’entrée en
vigueur du décret législatif.
Quant à la réhabilitation comme unique cause de fin de l’interdiction de se porter candidat, elle serait la preuve de ce que la mesure n’est pas une sanction pénale accessoire car autrement ladite interdiction cesserait d’exister une fois la peine purgée.
Pour ce qui est du
reste, le Gouvernement affirme
que la décision adoptée selon l’article 444 CPP n’équivaut pas à un arrêt de condamnation normal car elle
« tire son origine d’un accord
entre parquet et accusé et
ne comporte pas la preuve effective de la responsabilité de ce dernier. »
En outre, le législateur n’aurait pas dépassé sa marge d’appréciation car le décret législatif litigieux vise les atteintes relatives
aux procédures électorales et le bon fonctionnement
du service public.
46. Enfin, le Gouvernement estime que la jurisprudence pertinente
de la Cour exclut clairement la nature pénale des mesures litigieuses.
Il se réfère en particulier
aux affaires Engel et autres
c. Pays-Bas (8 juin
1976, série A no 22), Welch c. Royaume-Uni (9 février
1995, série A no 307-A), Pierre-Bloch
c. France (21 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI), Malige c. France (23 septembre
1998, Recueil 1998-VII) et Paksas c. Lituanie ([GC],
no 34932/04, CEDH 2011 (extraits)).
b) Le requérant
47. Se basant
sur les critères Engel et
en particulier sur celui de
la gravite de la mesure, le
requérant conteste les
arguments du Gouvernement. Il affirme que l’interdiction de se porter candidat aux élections régionales,
dont au décret législatif no 235/2012, qui a entraîné
la radiation de son nom de
la liste de candidats s’analyse en une « peine » au
sens de l’article 7 de la Convention.
48. Selon
lui, le pouvoir discrétionnaire
du législateur a dépassé les limites
du raisonnable en imposant une sanction dont la gravité s’explicite dans l’absence de prévision de durée de l’incandidabilità.
Et ce contrairement au cas des membres
du parlement national et
européen pour lesquels la mesure
« est égale au double
de la peine accessoire de
l’interdiction d’exercer des fonctions publiques
(...) et en tout cas ne peux
pas dépasser les six mois »
selon l’article 13 du décret législatif
litigieux. Le requérant
affirme que, bien que condamné
définitivement en 2011, il n’a pas
pu concourir aux élections régionales
de 2013 ni ne pourra le faire
à vie. En outre, l’inapplicabilité
de l’interdiction de se porter
candidat aux personnes ayant bénéficié des procédures
de patteggiamento clôturées avant l’entrée en vigueur du décret et l’élimination par la réhabilitation
de l’interdiction prouverait
respectivement la nature pénale
de la mesure et son caractère
d’effet pénal de la condamnation.
49. Enfin,
se référant à la même jurisprudence évoquée par le Gouvernement (paragraphe 46 ci-dessus), le requérant en tire des conclusions
opposées.
- Appréciation de
la Cour
a) Principes
qui se dégagent de la jurisprudence
de la Cour
50. La Cour rappelle que dans
l’arrêt Del Río Prada c. Espagne [GC],
(no 42750/09, CEDH 2013), elle a énoncé les principes généraux
de sa jurisprudence sur l’article
7 de la Convention (voir §§ 77-93). Elle
a relevé en particulier ce
qui suit :
« 81. La notion
de « peine » contenue
dans l’article 7 § 1 de la
Convention possède, comme celles de « droits et obligations de caractère civil » et d’« accusation
en matière pénale » figurant à l’article 6 § 1, une portée autonome. Pour rendre effective la protection offerte
par l’article 7, la Cour doit demeurer libre d’aller au-delà des
apparences et d’apprécier
elle-même si une mesure particulière s’analyse au fond en une « peine » au sens de cette clause
(Welch, précité, § 27, et Jamil,
précité, § 30).
82. Le libellé
de l’article 7 § 1, seconde phrase, indique que le point de départ de toute appréciation de l’existence d’une « peine »
consiste à déterminer si la mesure
en question a été imposée à la suite d’une condamnation
pour une infraction pénale.
D’autres éléments peuvent être jugés
pertinents à cet égard : la nature et le but
de la mesure en cause, sa qualification
en droit interne, les procédures associées à son
adoption et à son exécution, ainsi
que sa gravité (Welch,
§ 28, Jamil, § 31, Kafkaris,
§ 142, et M. c. Allemagne, § 120, tous précités). La gravité de la mesure n’est toutefois pas décisive
en soi, puisque de nombreuses mesures non pénales de nature préventive peuvent avoir un impact substantiel sur la personne concernée (Welch, précité,
§ 32, et Van der Velden c. Pays-Bas (déc.), no 29514/05, CEDH 2006‑XV).
(...)
88. La Cour tient à souligner que le terme « infligé »
figurant à la seconde phrase
de l’article 7 § 1 ne saurait
être interprété comme excluant du champ d’application
de cette disposition toutes les mesures
pouvant intervenir après le
prononcé de la peine. Elle rappelle à cet égard qu’il est d’une importance cruciale que la
Convention soit interprétée
et appliquée d’une manière
qui en rende les garanties concrètes et effectives, et non pas théoriques et illusoires (Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no 27765/09, § 175, CEDH 2012, et Scoppola, précité, § 104).
89. Au vu de
ce qui précède, la Cour n’exclut pas que
des mesures prises par le législateur, des autorités administratives
ou des juridictions
après le prononcé d’une peine définitive ou pendant l’exécution de
celle-ci puissent conduire
à une redéfinition ou à une
modification de la portée
de la « peine » infligée
par le juge qui l’a prononcée.
En pareil cas, la Cour estime que
les mesures en question doivent tomber sous le coup de l’interdiction de la rétroactivité des peines consacrée
par l’article 7 § 1 in fine de
la Convention. S’il en allait
différemment, les États seraient libres d’adopter – par exemple en modifiant la loi ou en réinterprétant
des règles établies – des mesures qui redéfiniraient rétroactivement et au détriment du condamné
la portée de la peine infligée, alors même que celui-ci
ne pouvait le prévoir au moment de la commission de l’infraction ou du
prononcé de la peine. Dans de telles conditions, l’article 7 § 1
se verrait privé d’effet
utile pour les condamnés
dont la portée de la peine aurait été modifiée
a posteriori, et à leur détriment
(...) ».
b) Approche
de la Commission et de la Cour dans
des affaires similaires à
la présente
51. Bien
que la présente espèce porte sur l’article 7 de
la Convention, la Cour se penchera
également sur des affaires similaires ayant concerné l’applicabilité du volet pénal de l’article 6, car les notions d’ « accusation
en matière pénale » et
de « peine », contenues
dans les articles 6 et 7 respectivement,
se correspondent (voir, mutatis mutandis, Paksas, précité,
§ 68 et Gestur Jónsson et Ragnar Halldór Hall c.
Islande [GC], nos 68273/14 et 68271/14,
§ 112, 22 décembre 2020).
52. Dans
l’affaire Estrosi c. France (no 24359/94, décision de la
Commission du 30 juin 1995,
Décisions et rapports 82-A, pp. 56-71), la Commission
a estimé que l’inéligibilité d’un an, prononcée
par le Conseil constitutionnel
en application du code électoral pour non-respect des règles relatives
aux dépenses électorales, ne relevait pas du droit
pénal mais de la réglementation
de l’exercice d’un droit politique qui, par nature, ne rentrait
pas dans le champ d’application de l’article 6 de la Convention.
53. Dans
l’affaire Tapie c. France (no 32258/96, décision de la
Commission du 13 janvier
1997, non publiée), la Commission a estimé qu’une inéligibilité
de cinq ans découlant d’une procédure de mise
en liquidation judiciaire relevait du droit
commercial et non pas du champ d’application pénal de l’article 6 § 1. Quant à la nature de l’infraction,
celle-ci découlait pour la Commission d’une cessation de paiement dans le cadre d’une activité commerciale, les juridictions compétentes ayant constaté l’impossibilité de recouvrer le passif des sociétés
et du requérant lui-même, en sa qualité d’associé. Selon la Commission, même si elle était d’une durée supérieure à celle examinée dans l’affaire Estrosi,
l’inéligibilité, ni par sa nature ni par son degré de gravité, ne faisait relever la procédure litigieuse du volet pénal
de l’article 6 § 1 de la Convention.
54. Dans
l’affaire Pierre-Bloch (précitée, §§ 56 et 57), qui portait elle aussi sur une inéligibilité d’un an ainsi que sur la démission d’office du mandat de député,
mesures prononcées par le Conseil constitutionnel en application du code électoral pour non-respect des règles relatives
aux dépenses électorales, la Cour est parvenue à une conclusion identique à celle de la Commission dans
l’affaire Estrosi. Analysant la nature et
le degré de sévérité de l’inéligibilité que le Conseil constitutionnel avait infligée au requérant, elle a observé que compte
tenu de sa finalité, à savoir le bon déroulement des élections législatives,
la mesure échappait au domaine pénal.
La Cour a ajouté que, limitée à un an, cette mesure se distinguait aussi des inéligibilités prononcées par les juridictions répressives à titre de peines accessoires.
55. Dans
l’arrêt Paksas (précité,
§§ 66-68), la Cour a examiné
la question de l’applicabilité
de l’article 6 § 1 sous son
volet pénal à deux procédures devant la Cour constitutionnelle. La première avait
porté sur la conformité avec la Constitution d’un décret adopté par le requérant dans l’exercice de ses fonctions de président de la
République ; la seconde, concernant une phase de la procédure d’impeachment initiée par le Parlement pour manquement à la Constitution ou au serment
constitutionnel, avait abouti à ce que le requérant fût déchu
de son mandat présidentiel,
mesure qui était accompagnée d’une inéligibilité à
vie. La Cour a conclu que les deux
procédures échappaient, par
leur finalité, au domaine pénal
dès lors qu’elles ne visaient pas à l’infliction d’une sanction par la Cour constitutionnelle à l’encontre du requérant, et que, dans le cadre
de la seconde procédure, la destitution
et l’inéligibilité de l’intéressé
répondaient à la responsabilité
constitutionnelle du chef
de l’État. L’article 6
§ 1 de la Convention n’étant donc
pas applicable ni sous son volet civil ni sous son volet pénal, lesdites
procédures n’avaient pas abouti à une condamnation ou à l’infliction d’une « peine »
au sens de l’article 7 de la Convention, lequel
n’était pas davantage applicable en l’espèce.
56. Dans
les affaires Refah Partisi (Parti de la prospérité)
et autres c. Turquie (déc.) no 41340/98 et 3 autres,
3 octobre 2000) et Sobaci
c. Turquie (déc.),
no 26733/02, 1er juin 2006), la
Cour a exclu que la dissolution du Refah Partisi et
du Fazilet
Partisi ainsi que les effets de cette
mesure sur les droits politiques du premier parti et des autres requérants eussent correspondu à des sanctions pénales.
Elle a considéré que la
nature par excellence politique
des droits en question (poursuite de l’activité politique du parti) et de l’interdiction litigieuse (interdiction faite aux dirigeants
d’être fondateurs et dirigeants ou comptables
d’un nouveau parti) ne relevait pas
de la garantie de l’article
6 § 1 de la Convention. En conséquence, elle a aussi rejeté le grief tiré de l’article 7 pour incompatibilité ratione materiae. Dans ces deux
affaires, la dissolution des
partis et l’interdiction faite aux requérants
étaient non pas la conséquence d’une condamnation pénale mais celle de l’application
par la Cour constitutionnelle
de la Constitution et de la loi
sur les partis politiques.
57. La Cour a également examiné la question de l’applicabilité du volet pénal
de l’article 6 aux procédures dites de lustration, relatives à la publication de listes de personnes ayant collaboré avec les services secrets des régimes communistes. Elle a,
en particulier, conclu à l’inapplicabilité de cette disposition sous son volet pénal à des
procédures de lustration, notamment celles qui étaient en cause en Lituanie (Sidabras et Džiautas
c. Lituanie (déc.),
nos 55480/00 et 59330/00, 1er juillet 2003)
et en Macédoine (Ivanovski c. l’ex-République yougoslave
de Macédoine, no 29908/11, § 121,
21 janvier 2016). Dans ces deux
pays la procédure de lustration avait touché les requérants en raison d’actes commis sous le régime communiste, notamment pour avoir travaillé ou collaboré
avec les services secrets. Dans l’affaire lituanienne, par exemple, la sanction consistait en la perte d’un emploi public (touchant un inspecteur du fisc
et un procureur qui étaient
d’anciens agents du KGB) et
en des restrictions d’une durée de dix ans frappant l’accès à l’emploi public et à certains domaines du secteur
privé. Dans l’affaire concernant
la Macédoine, le requérant,
qui était juge à la Cour constitutionnelle, avait été démis
de ses fonctions et s’était vu interdire tout emploi dans la fonction publique ou dans
le milieu universitaire pendant une période de cinq ans.
58. La Cour a considéré que la finalité de ces mesures était d’empêcher d’anciens agents des services secrets d’occuper des postes dans
l’administration publique
et dans des secteurs importants pour la sécurité nationale. Quant à la gravité, la Cour a indiqué qu’elle n’atteignait pas un degré suffisant
pour faire tomber la sanction dans la sphère pénale.
c) Application de la jurisprudence précitée en l’espèce
59. La Cour
observe que le requérant affirme en substance que l’application
des dispositions du décret législatif
no 235/2012 a entraîné l’infliction
d’une nouvelle peine, en sus
de celle ayant résulté de
sa condamnation définitive
en 2011 pour abus de pouvoir.
60. La question
à laquelle la Cour est appelée à répondre est donc celle de savoir si l’interdiction de se porter candidat aux élections
régionales relève du champ d’application
de l’article 7 de la Convention.
61. La Cour
rappelle qu’en principe le domaine des droits
politiques et électoraux ne
relève pas des articles 6 § 1 et 7 de la
Convention (paragraphes 52-58 ci-dessus). Ainsi, dans la plupart des affaires traitées relatives à l’inéligibilité ou à la perte d’un mandat électif, les organes de la Convention ont exclu l’applicabilité
de l’article 6 sous son volet pénal ainsi
que celle de l’article 7.
62. Afin
de définir la nature de la mesure
fustigée par le requérant,
la Cour prendra soin d’appliquer les critères fixés
dans l’affaire Del Río Prada (précitée) et la jurisprudence qui
s’y trouve citée (paragraphe 50 ci-dessus). Après avoir déterminé
si l’incandidabilità a été imposée à la suite d’une condamnation
pénale, la Cour analysera sa nature et son but,
sa qualification en droit
interne, les procédures associées à son adoption et à son exécution,
ainsi que sa gravité.
- Mesures imposées à la suite de la condamnation
pénale
63. La Cour
relève que la mesure subie par le requérant a eu comme préalable nécessaire la condamnation pénale définitive de décembre 2011. L’incandidabilità a
privé l’intéressé, en raison
de sa condamnation pour abus
de pouvoir, du droit de se porter candidat aux élections
régionales de 2013, aux fins de l’article 7 du décret législatif
no 235/2012.
- Nature et but des mesures
64. En ce qui concerne l’argument du requérant
selon lequel l’interdiction de se porter candidat a un caractère punitif, la Cour fait d’abord observer
que les rapports explicatifs de la loi no 190/2012
et du décret législatif no 235/2012 indiquent
explicitement que l’objectif de la lutte contre l’illégalité et la corruption devait être poursuivi
par une approche dans le cadre de laquelle les sanctions n’étaient qu’une partie des éléments
de l’action. Le choix de la condamnation
définitive pour des délits prédéfinis comme base justifiant l’interdiction d’exercer des fonctions électives (avec le préalable de l’incandidabilità)
reposait sur la volonté du législateur de se fonder sur des critères abstraits.
Cette condamnation correspond à une inaptitude fonctionnelle irrévocable de la personne condamnée, le but étant de préserver
le bon fonctionnement et la transparence
de l’administration, et également
la libre prise de décision des organes électifs
(paragraphes 23 et 28 ci-dessus). En outre, le rapport de présentation au Parlement du projet
qui devint plus tard la loi no 190/2012 faisait état de ce que l’introduction d’un plan national de lutte
contre la corruption était devenu une exigence compte tenu, d’une part, des conclusions de l’évaluation effectuée par le GRECO
en 2008 et en 2009 et, d’autre part, du constat selon
lequel la plupart des États européens possédaient déjà un tel plan (paragraphe 41 ci-dessus).
65. L’inclusion
de l’abus de pouvoir parmi les causes
justifiant l’interdiction litigieuse tendait à renforcer l’action de lutte
contre le phénomène de l’infiltration
de la criminalité organisée
au sein de l’administration. Ainsi que la Cour constitutionnelle
l’a souligné dans son arrêt no 236/2015 (paragraphes 31-38
ci-dessus), des restrictions des droits électoraux étaient déjà en vigueur auparavant.
66. La Cour
observe encore que dans l’Addendum au Rapport de conformité sur l’Italie (Greco
RC-I/II (2011) 1 F), publié le 1er juillet 2013, le GRECO s’est félicité
de l’adoption de la loi no 190/2012 et des progrès réalisés
par les autorités nationales dans la clarification de la politique de lutte contre la corruption, et a indiqué que « [l]e temps et l’expérience dir[aient] si le nouveau dispositif répond suffisamment aux objectifs de prévention et de dissuasion de la corruption »
(paragraphe 41 ci-dessus).
- Qualification des mesures en droit interne
67. La Cour
accorde du poids à l’approche de la Cour constitutionnelle italienne (paragraphes 31-39
ci-dessus), dont la jurisprudence
sur ce point, et tout particulièrement les arrêts nos 236/2015 et
276/2016 (qui reprennent les
principes fixés au sujet des
cas d’interdiction de se porter candidat et de déchéance relatifs aux élections locales
réglementées par la loi no 55/1990),
a établi que la mesure litigieuse n’est ni une sanction ni un effet de la condamnation relevant de la sphère pénale. Elle résulte de la perte de la condition subjective permettant l’accès aux fonctions électives
et leur exercice. Le candidat dont le nom a été rayé de la liste de
candidature à la suite de la perte de sa capacité électorale passive n’est
pas sanctionné en fonction de la gravité des faits qui lui ont été reprochés
et pour lesquels il a été condamné par les juridictions pénales ; il
est exclu de la liste parce qu’il
a perdu l’aptitude morale, condition essentielle pour pouvoir accéder aux fonctions de représentant des électeurs.
68. S’il
est vrai que ces deux arrêts
ne concernent pas l’exclusion d’un candidat d’une
liste de candidature, la Cour constitutionnelle
y précise que, comme la condamnation définitive peut justifier la déchéance du mandat en cours,
une condamnation non définitive
peut exiger que l’élu soit
suspendu de ses fonctions. Il s’agit, toujours selon la Cour constitutionnelle, d’un choix qui ne dépasse pas les limites
d’une évaluation raisonnable
des intérêts constitutionnels en jeu. La juridiction
constitutionnelle exclut également le but punitif des mesures
prévues par le décret législatif pertinent.
69. La Cour
rappelle que l’interdiction de se porter candidat aux élections
régionales prévue par l’article 7 du décret
législatif no 235/2012 entraîne
la seule perte du droit de vote « passif », dans la mesure où une candidature déposée en dépit d’une interdiction sera rayée de la
liste des candidatures par
le bureau électoral compétent
(paragraphe 25 ci-dessus).
Le volet actif du droit de vote ne se trouve en revanche nullement atteint. Cette interdiction correspond à l’incapacité absolue d’exercer des fonctions
électives, car elle a une incidence
sur une exigence objective
(l’aptitude morale) dont l’absence
conduit à priver une personne
de ses droits électoraux sous leur volet passif.
70. La Cour
souligne ensuite que l’inapplicabilité de l’incandidabilità à
une procédure simplifiée
dite patteggiamento (antérieure à
l’entrée en vigueur du décret législatif no 235/2012)
se justifie par le fait que celle-ci n’est pas totalement comparable à une procédure
pénale ordinaire :
font par exemple défaut, dans la première, un constat complet de culpabilité, les peines accessoires,
la condamnation au paiement des frais.
Enfin, l’extinction de l’incandidabilità par
la réhabilitation s’explique
par la nécessité d’éliminer
cette limitation du droit électoral
passif dans la mesure où, tout en ayant son préalable nécessaire en
une condamnation définitive,
la mesure n’est pas appliquée par l’autorité judiciaire dans le cadre d’une procédure pénale et ne ressort pas des effets
pénaux de celle-ci.
- Procédures ayant abouti au retrait du nom du
requérant de la liste de candidatures
71. La Cour
rappelle que le retrait litigieux est intervenu à la suite de l’examen
par le BCR compétent (paragraphe 25 ci-dessus) des listes
de candidats sur la base des
documents en sa possession.
Le requérant a pu contester son exclusion devant le BCR puis les juridictions administratives, TAR et Conseil
d’État, devant lesquelles une procédure contradictoire a eu lieu.
- Gravité de la mesure
72. En ce qui concerne la gravité de la mesure, la Cour rappelle que,
selon sa jurisprudence,
elle ne permet pas en soi de déterminer si la « sanction » est de nature pénale
(Del Río Prada, précité,
§ 82, Brown c. Royaume-Uni (déc.), no 38644/97, 24 novembre 1998, Welch,
précité, § 32, Müller-Hartburg c. Autriche, no 47195/06,
§ 47, 19 février 2013). En l’occurrence, la perte du droit de se porter candidat aux élections régionales
a eu pour le requérant des conséquences sur le plan politique. Toutefois, cela ne saurait suffire à la qualifier de sanction de nature pénale, d’autant plus qu’en 2017 l’intéressé a pu se porter candidat
à des nouvelles élections régionales après avoir obtenu sa réhabilitation (paragraphe 19 ci-dessus) et que le droit de vote sous le volet actif n’a pas été touché.
- Conclusion
73. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que
l’interdiction de se porter
candidat aux élections régionales ne saurait être assimilée
à une sanction pénale au sens de l’article
7 de la Convention. En conséquence, ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions
de la Convention et doit être
rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
74. Le
requérant se plaint que l’interdiction de se porter candidat a limité de manière illégitime son droit de vote passif. Selon l’article 3 du Protocole
no 1 de la Convention,
« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres
au scrutin secret, dans les conditions
qui assurent la libre expression
de l’opinion du peuple sur
le choix du corps législatif. »
- Sur la recevabilité
75. Bien que les
parties n’aient pas discuté de l’applicabilité de cette disposition, la Cour estime utile de se pencher sur la question, eu égard aux
circonstances de l’espèce.
76. La Cour
rappelle tout d’abord que les mots
« corps législatif »
figurant à l’article 3 du Protocole no 1 ne s’entendent pas nécessairement
du parlement
national ; il y a lieu de les
interpréter en fonction de
la structure constitutionnelle
de l’État en cause (Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, 2 mars 1987, § 54, série A no 113).
Dans sa décision Mółka c. Pologne (relative
à la privation allégué du droit de vote en raison d’une situation de handicap) , la Cour a rappelé que « dans « l’affaire
Mathieu-Mohin et Clerfayt,
la réforme constitutionnelle
belge de 1980 avait conféré au Conseil
flamand suffisamment de compétences et de pouvoirs pour que l’on pût considérer
que, comme d’ailleurs le Conseil de la Communauté française et le Conseil régional wallon, il faisait partie du « corps
législatif » belge, au même titre
que la Chambre des représentants et le Sénat (Mathieu-Mohin et Clerfayt,
c. Belgique, 2 mars
1987, § 53, série A no 113, et Matthews
c. Royaume-Uni [GC], no 24833/94,
§ 40, CEDH 1999‑I).
En revanche, les
organes de la Convention ont
jugé que les organes des
autorités locales, tels les conseils
municipaux en Belgique, les conseils de comtés métropolitains au Royaume-Uni et les conseils régionaux
en France, ne faisaient pas
partie du « corps législatif » au sens de l’article
3 du Protocole no 1 (Clerfayt, Legros et autres c. Belgique, no 10650/83, décision de la
Commission du 17 mai 1985, DR 42, p. 212 ; Booth-Clibborn et autres c. Royaume-Uni (déc.), no 11391/85, décision de la
Commission du 5 juillet
1985, DR 43, p. 236, et Malarde
c. France (déc.), no 46813/99, 5 septembre
2000) » (Mółka c. Pologne (déc.), no 56550/00, 11 avril 2016).
77. La Cour
relève qu’en l’occurrence, depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle no 3 du 18
octobre 2001, le pouvoir législatif des Régions, par ailleurs déjà substantiel, a été renforcé. Jusque-là,
l’article 117 de la Constitution
confinait à un ensemble défini
de domaines la compétence des Régions. Le nouvel article 117, tel que modifié
par ladite loi constitutionnelle, reconnait le pouvoir législatif 1) exclusif de l’État en matière, notamment, de politique étrangère et relations internationales de l’État, droit d’asile, immigration, défense, sécurité de l’État, monnaie, nationalité, juridictions et règles processuelles, etc. ; 2) concurrent,
en particulier, dans des domaines tels
les relations internationales
et relations avec l’Union européenne des Régions, commerce extérieur, protection civile, aménagement du territoire, valorisation des biens culturels
et environnementaux, éducation,
etc. L’alinéa 4 de la disposition
constitutionnelle souligne que dans toute
matière non expressément réservée à la législation de l’État, le pouvoir législatif revient aux Régions (paragraphe 20 ci-dessus) (voir Repetto Visentini c. Italie, (déc.), no42081/10, § 22, 9 mars
2021).
78. Force est de constater que dans
le cadre de la structure constitutionnelle italienne, la Constitution fonde le pouvoir législatif des Régions en leur accordant une grande latitude
d’action de sorte que l’on peut
considérer les conseils régionaux comme faisant partie
du corps législatif. Il s’ensuit que l’article 3 du Protocole no 1 s’applique
en l’espèce.
79. Constatant
que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé
à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
- Sur le fond
- Thèses des parties
a) Le requérant
80. Le
requérant affirme que l’interdiction de se porter candidat aux élections régionales n’était ni prévisible ni proportionnée au but poursuivi
par le décret législatif no 235/2012.
L’existence d’une base légale
et la nécessité d’assurer
la crédibilité de l’action de l’administration
et les rapports avec les citoyens ne rendraient pas les dispositions dudit décret conformes
à la Convention.
81. En particulier,
quant à la proportionnalité,
le législateur n’aurait
point correctement pondéré les intérêts de la collectivité et ceux du requérant. « L’interdiction permanente et irréversible
d’être élu ne constituerait pas une réponse proportionnée à l’exigence du maintien
de l’ordre public dans la mesure où la libre expression du peuple
sur le choix du corps législatif (...) doit être garantie
dans tous les cas. »
b) Le Gouvernement
82. Le Gouvernement
rappelle que le choix du législateur
visant à exclure l’accès à l’exercice de fonctions publiques aux personnes impliquées
dans des procédures pénales répond à « la nécessité de protéger le bon déroulement et la
transparence des administrations publiques, afin de garantir la crédibilité
de l’Administration vers le public, et par conséquent le rapport de confiance
des citoyens envers les institutions. »
83. Le requérant
avait été condamné pour des faits constituant un délit contre l’Administration, l’abus
de pouvoir, « dont l’appréciation
négative (...) est étroitement
liée à l’exigence de protéger l’intérêt au bon déroulement de la fonction élective publique. »
84. En conclusion,
la légitimité du décret législatif no 235/2012
ne saurait être contestée et ce d’autant plus que la volonté du législateur de mener la lutte contre la corruption dans l’Administration était manifeste bien avant la consultation électorale dont il s’agit, ce qui
exclurait tout effet de surprise au détriment
du requérant.
- Appréciation de
la Cour
a) Les
principes établis par la jurisprudence de la Cour
85. La Cour
rappelle que l’article 3 du Protocole
no 1 consacre un principe fondamental
dans un régime politique véritablement démocratique et revêt donc dans le système
de la Convention une importance capitale (Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, 2 mars 1987, § 47, série A no 113). Outre qu’il prévoit explicitement
l’obligation d’organiser des élections libres,
cet article implique également des droits subjectifs,
dont le droit de vote et celui
de se porter candidat à des élections (ibidem, §
51), et garantit le droit
de tout élu d’exercer son mandat (Sadak et autres c. Turquie (no 2),
nos 25144/94 et 8 autres, § 33, CEDH
2002-IV, Lykourezos c. Grèce, no 33554/03, § 50, CEDH 2006 VIII, Sitaropoulos et Giakoumopoulos
c. Grèce [GC], no 42202/07, § 63,
CEDH 2012 ; Repetto Visentini c. Italie, décision précitée, § 26 ).
86. Il s’agit
de droits cruciaux pour l’établissement et le maintien des fondements d’une véritable démocratie régie par la prééminence du droit (Ždanoka,
précité, § 103, Scoppola c. Italie (no 3),
no 126/05, § 82, 18 janvier
2011 et Karácsony et autres c. Hongrie [GC],
nos 42461/13 et 44357/13, § 141, CEDH 2016 (extraits)).
87. Les
organes de la Convention ont
rarement eu l’occasion d’examiner des allégations de violation de l’aspect « passif » des droits
garantis par l’article 3 du Protocole no 1. À ce propos, la Cour a souligné que les
États contractants disposaient d’une grande latitude
pour établir, dans leur ordre constitutionnel,
notamment les critères d’éligibilité. Quoique procédant d’un souci commun – assurer l’indépendance des élus mais aussi
la liberté des électeurs –,
ces critères varient en fonction des facteurs historiques
et politiques propres à chaque État. La multitude de situations prévues dans les constitutions
et les législations électorales de nombreux États membres du
Conseil de l’Europe démontre
la diversité des choix possibles en la matière. Aux fins
de l’application de l’article
3, toute loi électorale doit donc toujours s’apprécier à la lumière de l’évolution
politique du pays concerné (Ždanoka, précité, § 106).
88. En ce qui concerne l’interprétation générale de l’article 3 du Protocole
no 1, la Cour a énoncé
les grands principes dans sa jurisprudence (voir, parmi d’autres, Mathieu-Mohin et Clerfayt, précité, §§ 46-51, Ždanoka,
précité, § 115, Podkolzina
c. Lettonie, no 46726/99, § 33, CEDH 2002-II). Plus particulièrement, dans l’arrêt Ždanoka (précité, § 115), relatif à
l’interdiction faite à une ancienne dirigeante communiste durant l’ère soviétique
de se présenter aux élections législatives, la Cour a fixé les
critères à appliquer pour rechercher si l’article 3 du Protocole no 1 avait été observé.
Elle s’est exprimée ainsi :
« 115. (...) :
a) L’article 3
du Protocole no 1
s’apparente à d’autres dispositions
de la Convention protégeant divers
droits civiques et politiques tels que, par exemple, l’article 10, qui garantit le droit à la liberté d’expression, ou l’article 11, qui consacre le droit à la liberté d’association, y compris le droit de chacun à la liberté d’association politique avec d’autres personnes
au sein d’un parti. Il existe indéniablement un lien entre toutes ces
dispositions, à savoir la nécessité de garantir le respect du pluralisme d’opinions dans une société démocratique par l’exercice des libertés civiques et politiques. De plus, la Convention et ses
Protocoles doivent être considérés comme un tout. Cependant, lorsqu’une atteinte à l’article 3 du Protocole
no 1 est en cause, la Cour ne doit pas automatiquement
avoir recours aux mêmes critères
que ceux qui sont appliqués pour les ingérences autorisées par le paragraphe 2 des articles 8 à 11 de la
Convention, ni ne doit systématiquement
fonder ses conclusions au regard de l’article 3 du Protocole no 1 sur les principes découlant de l’application des articles 8 à 11 de la Convention. Étant
donné l’importance de l’article 3 du Protocole
no 1 pour le système institutionnel
de l’État, cette disposition est rédigée en des termes très
différents de ceux des articles 8 à 11 de la
Convention. L’article 3 du Protocole no 1 est libellé
en des termes collectifs et généraux, bien que cette
disposition ait été interprétée par la Cour comme impliquant
également des droits individuels spécifiques. Les normes à appliquer pour établir la conformité à l’article 3 du Protocole
no 1 doivent donc être considérées comme moins strictes
que celles qui sont appliquées sur le terrain des articles
8 à 11 de la Convention.
b) La notion
de « limitation implicite » qui se dégage de l’article 3 du Protocole no 1 revêt une importance majeure quand il s’agit de déterminer la légitimité des buts poursuivis par les restrictions aux droits garantis
par cette disposition. Étant donné que
l’article 3 du Protocole no 1 n’est pas limité par une liste précise de
« buts légitimes
», tels que ceux qui sont énumérés
aux articles 8 à 11 de la
Convention, les États contractants peuvent donc librement se fonder sur un but qui ne figure pas dans cette liste pour justifier une restriction, sous réserve que
la compatibilité de ce but avec le principe de la prééminence
du droit et les objectifs généraux
de la Convention soit démontrée
dans les circonstances particulières d’une
affaire donnée.
c) La notion
de « limitation implicite » qui se dégage de l’article 3 du Protocole no 1 signifie également que la Cour n’applique pas les critères
traditionnels de « nécessité
» ou de « besoin social impérieux » qui sont utilisés dans le cadre des articles
8 à 11 de la Convention. Lorsqu’elle a à connaître de questions de conformité à l’article 3 du Protocole no 1, la Cour s’attache essentiellement à deux critères : elle recherche d’une part s’il y a eu arbitraire ou
manque de proportionnalité, et d’autre
part si la restriction a porté atteinte à la libre expression de l’opinion du peuple. Elle réaffirme toujours alors l’ample marge d’appréciation
dont jouissent les États contractants. De plus, elle
souligne la nécessité d’apprécier toute législation électorale à la
lumière de l’évolution politique
du pays concerné, ce qui implique que des
caractéristiques inacceptables
dans le cadre d’un système peuvent se justifier dans le contexte d’un autre (voir, notamment, les affaires Mathieu-Mohin et Clerfayt et Podkolzina précitées).
d) La nécessité
qu’une mesure législative prétendument contraire à la Convention soit individualisée et le degré d’individualisation requis le cas échéant par celle-ci dépendent des circonstances
de chaque affaire particulière,
c’est-à-dire de la nature, du type,
de la durée et des conséquences de la restriction légale litigieuse. Pour qu’une mesure de restriction soit conforme à l’article 3 du Protocole
no 1, il peut suffire d’un moindre degré d’individualisation que dans les situations concernant un manquement allégué aux articles
8 à 11 de la Convention.
e) Quant au droit de se présenter aux élections,
c’est-à-dire l’aspect « passif
» des droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1, la Cour se montre encore plus
prudente dans son appréciation
des restrictions dans ce contexte que lorsqu’elle est appelée à examiner des restrictions au droit de vote, c’est-à-dire l’élément « actif » des droits garantis
par l’article 3 du Protocole no 1. Dans l’arrêt Melnitchenko précité (§ 57), elle a observé que le droit de se présenter aux élections
législatives peut être encadré par des exigences plus strictes que le droit de vote. En fait, alors que le critère
relatif à l’aspect « actif » de l’article 3 du Protocole no 1 implique d’ordinaire une appréciation plus large de la proportionnalité
des dispositions légales privant une personne ou un groupe de personnes du droit de vote, la démarche adoptée par la Cour quant à l’aspect « passif » de cette disposition se limite pour
l’essentiel à vérifier l’absence d’arbitraire dans les procédures
internes conduisant à priver un individu de l’éligibilité (...) ».
b) Application de ces
principes au cas d’espèce
89. La Cour
note d’abord que ce grief soulève des
questions nouvelles quant au but de la mesure.
90. Elle souligne
le contexte spécifique de
l’affaire. Avant l’entrée en vigueur
de la loi no 190/2012 et du
décret législatif no 235/2012,
la loi no 50/1990 avait
déjà prévu, dans le cadre de la lutte contre le phénomène de l’infiltration mafieuse dans l’administration, des cas de restrictions
au droit électoral passif visant à exclure de l’administration locale toute personne qui en occupant un poste
aurait pu nuire à la crédibilité des institutions.
91. En mai 2010, fut présenté au
Sénat le projet de loi no 2156 portant « Dispositions pour la prévention
et la répression de la corruption
et de l’illégalité dans l’administration publique ».
Le projet, qui deviendra la
loi no 190/2012, fixait
déjà le cadre strict des critères
à suivre dans le travail consistant à réunir en un seul texte de loi les règles
relatives à l’ « inéligibilité »
aux fonctions électives, y compris nationales et supranationales.
92. La loi
no 190/2012 entra en vigueur le 28 novembre 2012
(paragraphe 4. ci-dessus).
Le décret législatif no 235/2012
fut adopté le 6 décembre 2012 et entra en vigueur
le 5 janvier 2013 (paragraphes 6 ci-dessus).
- Sur l’existence d’une ingérence dans l’exercice des droits du requérant
93. La Cour
observe qu’il n’est pas contesté entre les parties que la mesure litigieuse
a entraîné une ingérence dans l’exercice des droits électoraux
du requérant garantis par l’article 3 du Protocole no 1. Il reste
à établir si cette ingérence poursuivait un but légitime et proportionné, au sens de la jurisprudence de la Cour.
- Le but de la mesure litigieuse
94. L’article
3 du Protocole no 1 n’étant pas limité
par une liste précise de buts
légitimes, les États contractants peuvent librement se fonder sur
un but légitime qui ne
figure pas dans la liste de
ceux contenus aux articles 8 à 11 de la
Convention pour justifier une restriction,
sous réserve que la compatibilité de ce but avec le principe de la prééminence du droit et les objectifs
généraux de la Convention soit
démontrée dans les circonstances particulières d’une affaire (Ždanoka,
précité, § 115).
95. La Cour
souligne qu’en l’espèce l’interdiction de se porter candidat a été introduite par le législateur italien avec la loi de délégation no 190/2012 et par le gouvernement
de l’époque, dans le cadre des pouvoirs délégués,
au moyen du décret législatif
no 235/2012 ; il s’agissait de renforcer l’arsenal des restrictions des droits électoraux
existaient déjà sur le plan
local depuis la loi no 50/1990. À l’évidence,
l’incandidabilità répond à l’impératif d’assurer de manière générale le bon fonctionnement des administrations publiques, garantes de la gestion de
la res publica. Elle règle
l’accès à la vie publique
et préserve la libre prise
de décision des organes électifs. Il s’agit là d’un but compatible avec le principe de la
prééminence du droit et les objectifs
généraux de la Convention.
- La proportionnalité de la mesure
96. Lorsque
la Cour est appelée à examiner des questions
relatives à l’aspect passif des droits
garantis par l’article 3 du Protocole no 1, elle suit une approche marquée par un contrôle circonscrit essentiellement à la vérification de l’absence d’arbitraire dans les procédures internes conduisant à priver un individu de l’éligibilité (Ždanoka, précité, §
115 in fine, et Melnitchenko
c. Ukraine, no 17707/02, §§ 57-59, CEDH 2004-X). Pour ce faire en l’espèce, la Cour, concernant l’incandidabilità,
se penchera sur le cadre légal, en particulier la prévisibilité et l’application immédiate de la mesure, ainsi que sa durée.
- Le cadre légal
97. En ce qui concerne le cadre légal, la Cour relève que
l’interdiction de se porter
candidat aux élections régionales est entourée de garanties. Avant tout, cette interdiction a pour condition préalable l’existence d’une condamnation pénale définitive telle que celle prévue pour un certain nombre de délits graves strictement
définis par la loi. Le choix de ce préalable spécifique a été effectué sur la base d’une appréciation
abstraite, la condamnation définitive étant la condition qui préside à l’interdiction de se porter candidat aux élections.
Cette interdiction est une conséquence automatique pour laquelle il n’est prévu ni pondération des situations individuelles ni appréciation discrétionnaire. En effet, dans le cadre des
critères fixés par la loi no 190/2012 (article 1, alinéa 64 – paragraphe 22 ci-dessus), le décret législatif no 235/2013 indique
en son article 7, entre autres, le délit d’abus de pouvoir (paragraphe 24 ci-dessus).
La mesure litigieuse n’est pas applicable de manière indifférenciée à tous les condamnés
du seul fait
d’une condamnation, mais à une catégorie
de personnes prédéfinie et
en fonction de la nature des
délits (voir, mutatis mutandis, Scoppola (no 3), précité, §§ 97-102). Le requérant
est tombé sous le coup de
la mesure en question en raison de sa condamnation définitive de 2011 pour un délit
contre l’administration.
98. En ce qui concerne
la méconnaissance supposée du principe de prévisibilité de
la loi en raison de l’application de l’incandidabilità à la suite
de la condamnation du requérant pour des faits commis avant l’entrée en vigueur du décret
législatif litigieux, la Cour fait remarquer
que, eu égard
à l’ample marge d’appréciation dont bénéficient les États en matière
de limitation de la capacité
électorale passive des personnes, les exigences de l’article 3 du Protocole no 1 sont moins strictes
que celles relatives à l’article 7 de
la Convention. En l’occurrence, il s’agissait pour l’État d’organiser son système de lutte contre l’illégalité et la corruption au sein
de l’administration (paragraphes 23 ci-dessus).
99. La Cour
considère que, dans ce contexte national, l’application immédiate de l’interdiction de se porter candidat aux élections
régionales est cohérente avec le but affiché
par le législateur, c’est-à-dire écarter
des procédures électorales les personnes condamnées pour des délits graves
et protéger ainsi l’intégrité du processus
démocratique. La Cour accepte le choix du législateur italien, qui a pris comme base, pour l’application de
l’interdiction, la date à laquelle
la condamnation pénale devient définitive et non la date
de la commission des faits poursuivis. En appliquant la mesure à toute personne condamnée pour les délits mentionnés dans le décret législatif no 235/2012 après
l’entrée en vigueur de celui-ci,
il entendait clairement compléter et renforcer l’arsenal législatif pour lutter contre la corruption et l’illégalité dans l’administration publique, objectif qui avait guidé les travaux
parlementaires ayant abouti à l’adoption de la loi anticorruption no 190/2012.
100. L’argument
du requérant selon lequel la mesure serait contraire
aux principes de prévisibilité ne saurait donc être retenu.
En effet, la condamnation définitive de décembre 2011 a constitué le préalable nécessaire
à l’interdiction de se porter
candidat aux élections, préalable prévu par l’article 7 du décret législatif
en question.
101. Enfin,
la Cour souligne que s’il est vrai
que l’interdiction de se porter candidat aux élections régionales
n’est pas limitée dans le temps, en l’espèce, le requérant, ainsi qu’il l’affirma
devant le Conseil d’État, avait sollicité
sa réhabilitation puis renoncé à la demande avant l’échéance électorale de 2013 « au
motif que le décret législatif n’était pas encore en vigueur (paragraphe 12 ci-dessus). Par ailleurs, l’intéressé a ensuite réitéré une telle demande [en vertu de l’alinéa 3 de l’article 15 du décret législatif
no 235/2012,] en obtenant la réhabilitation
et le droit de se présenter
aux nouvelles élections régionales de 2017 (paragraphes 19 ci-dessus).
- Conclusion
102. En conclusion,
eu égard au fait que
la mesure d’interdiction de
se porter candidat aux élections régionales
n’était pas disproportionnée, la Cour
constate qu’il n’y a pas eu en l’espèce
violation de l’article 3 du Protocole no1.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
- Déclare le grief concernant l’article 3 du Protocole no 1 recevable et le surplus de la requête
irrecevable ;
- Dit qu’il n’y a pas eu violation
de cette disposition.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 juin 2021, en application de l’article 77 §§ 2
et 3 du règlement.
Renata
Degener Ksenija Turković
Greffière Présidente