Cour européenne des droits de l’homme
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE DI MARTINO ET MOLINARI c. ITALIE
(Requêtes nos 15931/15 et 16459/15)
ARRÊT
Art 6 § 1 (pénal)
• Procès équitable non
entravé par la non-audition des témoins à charge par la
juridiction d’appel avant de renverser le verdict d’acquittement prononcé en première instance lors d’une procédure abrégée • Demande d’être jugé selon
cette procédure déterminant la renonciation aux preuves orales pour
fonder le procès sur les
preuves documentaires issues des investigations
préliminaires • Absence
d’audition par la cour d’appel d’un témoin entendu d’office par le tribunal de
première instance sans incidence
sur les droits de la défense
STRASBOURG
25 mars 2021
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions
définies à l’article 44 § 2
de la Convention. Il peut subir des
retouches de forme.
En l’affaire Di
Martino et Molinari c. Italie,
La Cour
européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :
Ksenija Turković, présidente,
Krzysztof Wojtyczek,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Alena Poláčková,
Péter Paczolay,
Gilberto Felici,
Raffaele Sabato, juges,
et de Renata Degener, greffière de section,
Vu les requêtes (nos 15931/15 et 16459/15) dirigées contre la
République italienne et dont deux
ressortissants de cet État, M. Leonardo Di Martino (« le requérant »)
et Mme Anna Maria Molinari (« la requérante »), ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la
Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales
(« la Convention ») le 28 mars
2015 et le 27 mars 2015 respectivement,
Vu la décision
de porter à la connaissance
du gouvernement italien (« le Gouvernement ») le grief concernant l’équité de la procédure et de déclarer irrecevables les requêtes pour le surplus,
Vu les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 février 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté
à cette date :
INTRODUCTION
1. Les
requêtes concernent, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, l’omission de la juridiction d’appel d’ordonner une nouvelle audition des témoins
à charge avant de renverser le verdict d’acquittement des requérants prononcé en première instance.
2. Les
requérants sont nés en 1958 et en 1965 et résident
à Lanciano et à Gragnano, respectivement. Ils ont été représentés
par Me A. Gaito, avocat.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia.
4. À
une date non précisée, les requérants, mari et femme, furent
renvoyés en jugement avec quinze autres
personnes dans le cadre d’une procédure pénale visant une association de malfaiteurs de type mafieux. Le requérant était accusé des délits
d’association de type mafieux, d’association de malfaiteurs visant le trafic de stupéfiants et de
culture de chanvre indien, tandis que la requérante
était accusée des deux derniers
chefs d’inculpation.
5. À l’audience du 7 octobre 2007, devant le juge de l’audience préliminaire (« le GUP ») de Naples,
les requérants demandèrent l’adoption de la procédure
abrégée (giudizio abbreviato) prévue aux articles
438 à 443 du code de procédure
pénale (CPP), une démarche simplifiée entraînant, en cas de condamnation, une réduction de peine et caractérisée par l’absence de débats (en effet, dans le cadre de cette procédure, le juge décide lors
de l’audience préliminaire sur la base des pièces figurant,
le cas échéant, dans le dossier constitué à l’issue des investigations
préliminaires ; à titre
exceptionnel, de nouvelles preuves
peuvent être admises à l’audience dès lors que l’accusé
le sollicite dans sa demande et que le juge fait droit
à celle‑ci (giudizio abbreviato condizionato), ou bien lorsque
le juge estime ne pas pouvoir décider
en l’état et se procure, même
d’office, les éléments
nécessaires à sa décision (article 441 § 5
du CPP)).
6. Le GUP de Naples, estimant que les accusations
contre les requérants pouvaient être tranchées sur la base des actes accomplis au cours des
investigations préliminaires
(allo stato degli atti), accepta
l’adoption de la procédure abrégée.
7. À l’audience du 21 novembre 2011, faisant droit à une demande du parquet, le GUP ordonna, en application de l’article 441 § 5 du CPP, l’audition de B.S., un
ancien membre du clan mafieux ayant entre-temps
décidé de collaborer avec la justice, dont le témoignage était nécessaire pour juger du délit
d’association mafieuse concernant notamment P. C.,
l’un des coïnculpés des requérants.
8. B.S. fut
interrogé à l’audience du
20 décembre 2011. Conformément
à la procédure, les requérants purent poser des questions
par l’intermédiaire du juge et déposer leurs conclusions.
9. Par un jugement
du 27 mars 2012, le GUP acquitta la requérante de tous les chefs d’inculpation retenus contre elle
et condamna le requérant
pour le seul délit de
culture de chanvre. Selon
le GUP, les éléments de preuve présents dans le dossier des investigations préliminaires, à savoir les déclarations
de plusieurs « repentis »,
les transcriptions d’écoutes téléphoniques et de surveillances réalisées dans des endroits
publics (dites aussi « écoutes environnementales ») et une note d’information des carabiniers de Naples, qui avaient permis de conclure à la condamnation des coïnculpés des requérants, ne permettaient d’affirmer ni que le requérant était membre du clan mafieux ni que la culture de chanvre qu’il pratiquait
visait le trafic de stupéfiants. D’après le GUP, aucun « repenti » n’avait expressément mentionné le requérant dans ses déclarations.
10. Le parquet interjeta appel. Par un arrêt du 14 juin
2013, la cour d’appel de Naples réforma le jugement de première instance et condamna les requérants
pour l’ensemble des délits
qui leur étaient reprochés. Pour ce faire, elle considéra que plusieurs
éléments de l’enquête démontraient que le requérant était membre du clan mafieux dit «
D. A. » et qu’il se consacrait
en particulier au trafic de stupéfiants. Elle fit référence notamment
à la note d’information des carabiniers de Naples concernant entre autres le parcours criminel du requérant
et ses appartenances successives à différents clans mafieux. En outre, elle nota que les informations des carabiniers avaient été corroborées
par de nombreuses écoutes environnementales et téléphoniques
et par les déclarations des « repentis »
E., P. G. et S. entendus au
cours des investigations préliminaires, lesquels avaient expressément mentionné le requérant en tant que membre du
clan D. A. et avaient fait
référence à l’activité de trafic de stupéfiants que celui-ci menait
avec d’autres membres de sa famille. Elle nota également que B.S. avait confirmé au cours des
débats aussi bien l’appartenance du requérant au
clan mafieux que son activité de trafiquant de drogue, ce qui venait ainsi corroborer
les autres preuves.
11. Concernant
la requérante, la cour d’appel indiqua que les écoutes
environnementales effectuées
auprès de la prison dans laquelle le requérant avait été détenu avaient
permis d’établir que l’intéressée jouait un rôle important dans l’activité de culture de chanvre et
qu’en outre les déclarations des « repentis »
avaient démontré que celle-ci participait au trafic de drogue
organisé par son époux.
12. Les
requérants se pourvurent en
cassation, se plaignant entre autres que,
en renversant le jugement du tribunal, la cour d’appel eût
procédé à une reformatio in
pejus sans ordonner une
nouvelle audition des témoins à charge.
13. Par un arrêt du 29 septembre
2014, la Cour de cassation débouta les requérants.
Elle considéra tout d’abord
que le procès des requérants s’était déroulé, dès la première instance, selon les règles
de la procédure abrégée, et
donc non pas selon les principes
de l’oralité et de l’immédiateté
mais sur la base des éléments
de preuve versés au dossier du parquet. Elle
estima, en conséquence, que
ni le GUP ni la cour d’appel
n’avaient eu un accès direct aux
témoins à charge, ces juridictions ayant seulement eu un rapport « intermédié »
(intermediato) avec les
déclarations de ces témoins.
14. Quant
à B.S., à savoir le seul témoin entendu directement par le juge de
première instance en vertu
de l’exception prévue par
l’article 441 § 5 du CPP,
la Cour de cassation observa que, dans
son arrêt Dan c. Moldova (no 8999/07, 5 juillet 2011), la Cour avait précisé
que, avant d’annuler un acquittement, le juge d’appel était
tenu d’ordonner une
nouvelle audition des témoins à la double condition que les témoignages
en question fussent décisifs et que la réévaluation de la crédibilité des témoins fût
nécessaire. Elle poursuivit son raisonnement
comme suit. En l’occurrence, les éléments à la charge des requérants étaient nombreux et variés et la condamnation n’avait pas été
fondée de manière déterminante sur les déclarations de B.S. De plus, à aucun
moment la crédibilité de ce témoin
n’avait été mise en doute. La cour d’appel, tout comme le GUP, ne s’était pas penchée
sur la crédibilité dudit témoin mais avait simplement donné une lecture correcte et logique des éléments
de preuve disponibles, que le GUP avait interprétés de manière erronée. En effet, celui-ci avait eu tort d’affirmer
qu’aucun collaborateur de justice n’avait fait référence au requérant comme
étant un membre du clan mafieux puisque aussi bien
les « repentis »
entendus au cours des investigations
préliminaires que B.S. avaient plusieurs fois mentionné le requérant dans leurs déclarations.
De plus, de nombreux autres
éléments de preuve avaient corroboré ces témoignages et permis de confirmer la responsabilité des requérants dans les infractions reprochées.
LE CADRE ET LA
PRATIQUE JURIDIQUES PERTINENTS
- LE DROIT INTERNE
PERTINENT
- La reformatio in pejus des verdicts d’acquittement prononcés en
première instance
15. Le
cadre juridique interne
en la matière est décrit dans l’arrêt Lorefice c.
Italie (no 63446/13, §§ 26-28, 29 juin
2017).
16. En particulier,
l’arrêt no 27620 de l’Assemblée
plénière (Sezioni Unite) de la Cour de cassation, déposé au greffe
le 6 juillet 2016, a énoncé
le principe selon lequel le
juge d’appel ne peut pas infirmer
un jugement d’acquittement « sans avoir au préalable ordonné,
même d’office, aux termes de l’article 603, alinéa 3, du CPP, l’audition des témoins
dont les déclarations ont été décisives »
(ibidem, § 28). Dans ledit arrêt, la haute juridiction italienne a affirmé que ce principe trouve à s’appliquer également aux procédures abrégées, lorsque l’acquittement a été fondé sur des témoignages
qui ont été considérés comme décisifs en première instance et
dont la portée est mise en doute
par le parquet dans son appel.
Par l’arrêt no 18620
du 19 janvier 2017, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a par ailleurs précisé que le juge d’appel
doit faire application de l’article 603 du CPP et ordonner la réouverture de l’instruction aussi dans les
cas où la première instance s’est déroulée selon la procédure abrégée « simple
», à savoir sans admission
de nouvelles preuves au cours des débats.
Selon la haute juridiction,
le choix de l’accusé de renoncer au principe du contradictoire en première instance n’a pas d’incidence sur l’obligation du juge d’appel
qui entend renverser un verdict d’acquittement d’examiner directement les preuves orales
décisives dont il fournit
une interprétation différente.
Ce principe de jurisprudence
a été confirmé par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation par l’arrêt no 14800 du 3 avril 2018, dans lequel la haute juridiction a affirmé en particulier que « la renonciation
de la personne accusée au respect du
principe du contradictoire dans la formation de la preuve ne saurait avoir de conséquences négatives sur le droit à voir sa culpabilité établie en appel au-delà de tout doute raisonnable ».
- La procédure abrégée
17. Les
dispositions du CPP concernant la procédure abrégée, telles que modifiées par la loi n° 479 du 16 décembre 1999 et en vigueur à
l’époque des faits, se lisent comme suit
en leurs parties pertinentes
en l’espèce :
Article 438
« 1. L’accusé peut demander que
l’affaire soit tranchée à
l’audience préliminaire en l’état
(...).
2. La demande peut être faite,
oralement ou par écrit, tant que
les conclusions n’ont pas été
présentées aux termes des articles
421 et 422.
3. La volonté
de l’accusé est exprimée personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant spécialement mandaté [per
mezzo di procuratore speciale] et la signature est authentifiée selon les formalités prévues à l’article 583 § 3 [par
un notaire, par une autre personne autorisée ou par le défenseur].
4. Le juge se prononce sur la demande dans l’ordonnance par laquelle il adopte la procédure abrégée.
5. L’accusé
(...) peut subordonner sa demande à la production de nouvelles preuves
nécessaires à la décision. Le juge
adopte la procédure abrégée si la production de ces preuves est nécessaire pour
la décision et compatible avec les finalités
d’économie propres à la procédure, compte tenu des pièces
déjà recueillies et pouvant être utilisées.
Dans ce cas, le ministère public peut demander l’admission d’une preuve contraire. (...)
(...) »
Article 441
« 1. La procédure abrégée suit, dans
la mesure où elles peuvent être
appliquées, les dispositions prévues pour
l’audience préliminaire, exception
faite de celles énoncées aux articles
422 et 423 [il s’agit de dispositions
régissant le pouvoir du juge d’ordonner ex officio la
production de preuves décisives
et la possibilité, pour le ministère
public, de modifier le chef
d’inculpation].
(...)
3. La procédure
abrégée se déroule en chambre du conseil ; le juge ordonne que
le procès se déroule en
audience publique lorsque tous les accusés
le demandent.
(...)
5. Lorsque le juge estime ne pas pouvoir décider
en l’état, il se procure [assume], même d’office, les éléments nécessaires à sa décision. Dans un tel cas, l’article
423 trouve à s’appliquer.
6. Pour la production des preuves [mentionnées]
au paragraphe 5 du présent article
et à l’article 438 § 5, il est procédé
selon les modalités prévues à l’article 422 §§ 2, 3 et 4 [ces derniers paragraphes prévoient la possibilité, pour les parties, de poser, par l’intermédiaire du juge, des questions
aux témoins et experts et le droit pour l’accusé de demander à être interrogé].
»
Article 442
« 1. Une fois les débats terminés, le juge décide aux
termes des articles 529 et suivants [il s’agit des dispositions
concernant le prononcé d’un
jugement de non-lieu, d’acquittement ou de condamnation].
1-bis. Pour les
délibérations, le juge utilise les actes
contenus dans le dossier [mentionné] à l’article 416 § 2 [il s’agit du dossier du parquet, contenant les actes
accomplis pendant les investigations préliminaires], les documents [indiqués] à l’article 419 § 3 [il
s’agit des actes relatifs aux investigations accomplies après la demande de renvoi en jugement], et les preuves produites à l’audience.
2. En cas de condamnation, la peine que le juge inflige
en tenant compte de toutes les circonstances
est réduite d’un tiers. La condamnation à perpétuité est remplacée par une condamnation à trente ans d’emprisonnement.
La peine perpétuelle avec isolement (...) est remplacée par une peine perpétuelle d’emprisonnement.
3. Le jugement
est notifié à l’accusé qui
n’a pas comparu.
(...) »
Article 443
« 1. L’accusé et le ministère public ne peuvent pas interjeter appel de jugements d’acquittement lorsque l’appel a pour but d’obtenir une forme [d’acquittement]
différente.
(...)
3. Le ministère
public ne peut pas interjeter appel de jugements de condamnation, sauf s’il s’agit
d’un jugement qui modifie
la qualification juridique
de l’infraction [il titolo del reato].
4. Le procès d’appel se déroule selon les modalités
prévues à l’article 599. »
18. La Recommandation
n° Rec (87) 18 du
Comité des Ministres aux États
membres concerne la simplification
de la justice pénale. Cette recommandation, qui porte
sur les procédures simplifiées et les procédures sommaires, a été adoptée par le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe le
17 septembre 1987. Ses passages pertinents en l’espèce se lisent ainsi :
« Eu égard à l’augmentation des cas soumis à la justice pénale, notamment ceux dont l’auteur est passible d’une peine légère, et aux problèmes posés
par la durée de la procédure
pénale ;
Considérant que le retard pris par les décisions
pénales jette le discrédit sur le droit pénal et porte atteinte à une
bonne administration de la justice ;
Considérant qu’il pourrait
être remédié aux lenteurs de la justice pénale, non seulement par les ressources qui lui sont attribuées et par la façon dont ces
ressources sont utilisées, mais aussi par une meilleure définition des priorités dans
la conduite de la politique
criminelle, tant en ce qui
concerne la forme que le fond,
par :
- le recours,
pour traiter les infractions mineures et les contentieux de masse :
- à des procédures dites sommaires,
- à des transactions par les autorités compétentes en matière pénale et autres autorités intervenant, comme substitut à des poursuites,
- à des procédures dites simplifiées ;
(…)
– la simplification
de la procédure juridictionnelle
ordinaire
;
(...).
III. Simplification
de la procédure juridictionnelle
ordinaire
a. Instruction
avant et pendant l’audience
4. S’il y a
une instruction préalable,
celle-ci devrait être effectuée selon une procédure excluant toutes formalités inutiles et évitant notamment la nécessité d’une audition formelle des témoins lorsque les faits ne sont
pas contestés par le suspect. »
Le rapport final
d’activité concernant ladite recommandation, dans sa partie relative aux commentaires du groupe de travail
sur les recommandations en matière de simplification de la procédure juridictionnelle ordinaire dans la phase d’instruction « avant et pendant
l’audience » (partie B, III, a.5), se lit ainsi :
« Dans les cas où
il est nécessaire d’administrer des
preuves devant une juridiction de jugement, une procédure par laquelle le ministère public et l’inculpé concluent un arrangement pour produire les preuves
à l’avance et/ou conviennent
de limiter le nombre d’experts ou d’autres
témoins à faire entendre par le tribunal peut permettre de gagner beaucoup de temps. Le juge peut considérer comme établis des
faits non contestés dont les pièces du
dossier démontrent qu’ils ont été prouvés
de façon formelle, par exemple des
dépositions recueillies antérieurement par une autorité judiciaire ou d’autres moyens déjà
consignés par écrit. Une
double administration des preuves gaspille le temps du juge,
dont il est souvent déraisonnable
d’attendre qu’il reconstitue la totalité du dossier. »
EN DROIT
- SUR LA JONCTION
DES REQUÊTES
19. Compte
tenu de la similitude des requêtes quant
à leur objet, la Cour juge opportun
de les examiner ensemble dans un seul arrêt.
20. Les
requérants reprochent à la cour d’appel de Naples d’avoir prononcé leur condamnation
sans avoir entendu directement les témoins à charge. Ils se plaignent à cet égard d’une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, qui
est ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement
(...) par un tribunal (...) qui décidera
(...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
3. Tout accusé a droit notamment à :
(...) ;
d) interroger ou faire interroger
les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge
dans les mêmes conditions que les témoins
à charge ;
(...). »
- Sur la recevabilité
21. Constatant que les requêtes ne sont pas manifestement
mal fondées ni irrecevables
pour un autre motif visé à l’article 35 de la
Convention, la Cour les déclare recevables.
- Sur le fond
- Les arguments des parties
22. Les
requérants allèguent que l’omission de la part de la cour d’appel d’auditionner les témoins dont les déclarations ont été déterminantes pour leur condamnation les a privés de la possibilité de
présenter leurs arguments et a entraîné une violation de leurs droits de la défense. D’après eux, la cour
d’appel aurait dû procéder aussi
bien à l’audition de B.S.,
qui avait été entendu par le juge de première instance, qu’à celle des autres témoins
à charge, dont les déclarations avaient servi à corroborer l’accusation.
23. Les
requérants affirment que leur demande
visant à être jugés selon la procédure abrégée ne les a pas privés du droit à un procès
équitable garanti par l’article
6 de la Convention. Ils se prévalent
de la jurisprudence de la Cour
selon laquelle toute renonciation de la part
d’un justiciable aux garanties du procès
équitable doit être effectuée de manière volontaire, consciente et éclairée.
24. Ils
plaident que le fait que le GUP a ordonné l’audition de B.S. malgré l’adoption de la procédure
abrégée démontre que celui-ci était
un témoin clé et que son témoignage a été décisif. Selon
eux, dans ces conditions, afin d’évaluer si oui ou non les
témoignages à charge constituaient des preuves graves, précises et concordantes de leur responsabilité pénale, la cour d’appel aurait dû rouvrir l’instruction
en application de l’article
603 du CPP et entendre directement tous les témoins à charge.
25. Le Gouvernement
indique d’emblée que les requérants ont été jugés
selon la procédure abrégée, à savoir une procédure simplifiée engendrant une limitation de certaines garanties procédurales, telles que la faculté d’obtenir l’audition de témoins et la production de nouvelles preuves.
Il se réfère aux nombreuses affaires tranchées par
la Cour en la matière (voir, entre autres, Kwiatkowska c. Italie (déc.), n° 52868/99, 30 novembre 2000, Hermi
c. Italie [GC], n° 18114/02, CEDH 2006‑XII, Panarisi c. Italie,
n° 46794/99, § 110, 10 avril 2007,
et Fornataro c. Italie (déc.), n° 37978/13, 26 septembre 2017) et estime que les
requérants ne peuvent se plaindre du fait
que les juges
se sont prononcés sur leur affaire sur la base des preuves versées au dossier du parquet.
26. Le Gouvernement
dit par ailleurs que, selon la jurisprudence
de la Cour, l’obligation
pour une juridiction d’appel
d’entendre directement les témoins n’est pas une obligation absolue, dont le non-respect rendrait un procès automatiquement inéquitable. Selon lui, il s’agit de considérer l’ensemble des garanties mises en œuvre au cours
du procès.
27. Le Gouvernement
argue que, dans la présente affaire, la condamnation des requérants a été fondée sur plusieurs éléments de preuve, parmi lesquels le témoignage de B.S. Cet élément n’aurait été ni exclusif ni déterminant. En outre, la crédibilité de B.S. n’aurait jamais été sujette
à discussion. La cour d’appel se serait consacrée à un examen critique et approfondi de la motivation
du jugement du GUP et aurait corrigé par son arrêt les erreurs logiques
et factuelles commises par
le juge de première instance.
Ce dernier aurait en effet manifestement ignoré une multitude de preuves à la charge des requérants,
dont le témoignage de B.S., qui n’aurait
été qu’un élément parmi d’autres.
- Appréciation de
la Cour
a) Principes généraux
28. La Cour
rappelle que, lorsqu’une instance d’appel est amenée à connaître d’une affaire en fait
et en droit et à étudier dans son ensemble la question de
la culpabilité ou de l’innocence, elle ne peut, pour des motifs d’équité
de la procédure, décider de
ces questions sans appréciation directe des témoignages présentés en personne soit par l’accusé qui soutient qu’il n’a pas commis l’acte tenu pour une infraction pénale (voir, entre
autres, Ekbatani c.
Suède, 26 mai 1988, § 32, série
A n° 134, Constantinescu c. Roumanie, n° 28871/95, § 55, CEDH 2000 VIII, Dondarini c. Saint-Marin,
n° 50545/99, § 27, 6 juillet 2004,
et Igual Coll
c. Espagne, n° 37496/04, § 27, 10 mars
2009) soit par les témoins ayant déposé
pendant la procédure et aux
déclarations desquels elle souhaite donner une nouvelle interprétation (voir, par exemple, Lorefice, précité,
§§ 36). La Cour rappelle que ceux qui ont
la responsabilité de décider
de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé doivent, en principe, entendre les témoins en personne et évaluer leur crédibilité. L’évaluation de la crédibilité d’un
témoin est une tâche complexe, qui, normalement, ne peut pas être
accomplie par le biais
d’une simple lecture du contenu des
déclarations de celui-ci, telles que consacrées
dans les procès-verbaux des auditions (Dan, précité, §
33, et Lorefice, précité, § 43).
29. La Cour
a néanmoins souligné que, bien qu’il
soit nécessaire pour la juridiction
qui condamne pour la première fois un inculpé d’apprécier directement les preuves sur lesquelles elle fonde
sa décision, il ne s’agit pas là d’une règle automatique qui rendrait un procès inéquitable pour la seule raison que
la juridiction en cause n’a pas
entendu tous les témoins mentionnés
dans son arrêt et dont elle
a dû apprécier la crédibilité. En effet, il convient également de prendre en compte la valeur probante des témoignages en cause (Chiper
c. Roumanie, n° 22036/10, § 63, 27 juin
2017). La Cour rappelle à cet égard sa jurisprudence
selon laquelle, lorsque les déclarations
d’un témoin qui n’a pas comparu et n’a pas été interrogé pendant le procès sont utilisées
à titre de preuve, il importe de rechercher s’il existait un motif sérieux justifiant
la non-comparution du témoin, si la déposition
du témoin absent a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation, et s’il existait des éléments
compensateurs, notamment des garanties procédurales
solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense en conséquence de l’admission d’une telle preuve et pour assurer l’équité de la procédure dans son ensemble (Al‑Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni [GC],
nos 26766/05 et 22228/06, § 131, CEDH 2011, Schatschaschwili c.
Allemagne [GC], no 9154/10, § 123, CEDH 2015, et Dadayan c.
Arménie, no 14078/12, §§ 39-43, 6 septembre
2018).
30. La Cour
rappelle en outre que les modalités
d’application de l’article 6
de la Convention aux procédures
d’appel dépendent des caractéristiques de la procédure dont il s’agit :
il faut prendre en compte l’ensemble du procès mené dans
l’ordre juridique interne
et le rôle qu’y a joué la juridiction d’appel (Botten c.
Norvège, 19 février
1996, § 39, Recueil des arrêts et décisions 1996-I,
et Hermi, précité,
§ 60). Enfin, les États contractants jouissent d’une grande liberté dans
le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de respecter les impératifs
de l’article 6 de la Convention. La tâche de la Cour consiste à rechercher si la voie suivie a conduit, dans un litige déterminé, à des résultats compatibles
avec la Convention, eu égard également aux circonstances spécifiques de l’affaire, à sa nature et à sa complexité (Taxquet c.
Belgique [GC], n° 926/05, § 84, CEDH 2010). La Cour
doit examiner si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve,
a revêtu un caractère équitable (voir, parmi beaucoup d’autres, Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin 1998, § 34, Recueil 1998‑IV,
et Kashlev c. Estonie, n° 22574/08, § 39, 26 avril
2016).
b) Application
de ces principes à la présente espèce
31. La Cour
note que les requérants ont été jugés selon
la procédure abrégée, à savoir une procédure simplifiée, dont ils ont demandé l’adoption en vue d’obtenir une réduction de peine. Le GUP a accueilli la demande des requérants, estimant que l’affaire pouvait être tranchée
sur la base des éléments du dossier constitué par le
parquet au cours des investigations préliminaires, parmi lesquels figuraient les transcriptions des déclarations de plusieurs « repentis ».
Par la suite, se prévalant de la possibilité prévue par l’article 441 § 5 du CPP, le GUP a ordonné l’audition de B.S., un
ancien mafieux, devenu entre-temps collaborateur de justice.
32. La Cour
observe ensuite que le GUP a acquitté la requérante de tous les chefs d’inculpation retenus contre elle et a partiellement
acquitté le requérant qui a
été condamné pour le seul délit de culture de chanvre. Le GUP a estimé que les éléments
de preuve recueillis ne prouvaient pas leur responsabilité pénale. La cour d’appel, quant à elle, a infirmé le jugement rendu en première instance et a déclaré les requérants
coupables après avoir donné une nouvelle interprétation de l’ensemble des éléments de preuve, y compris les déclarations
de tous les témoins, et les avoir jugés suffisants
pour fonder la condamnation.
- Sur l’absence d’audition des témoins E., P.G. et S.
33. La Cour
rappelle d’emblée qu’elle a
déjà eu l’occasion de se pencher sur les particularités de la procédure abrégée prévue par le CPP italien. Elle a
constaté que celle-ci entraîne des avantages
indéniables pour l’accusé : en cas de condamnation, celui-ci bénéficie d’une importante réduction
de peine et le parquet ne peut
interjeter appel des jugements de condamnation qui ne modifient pas la qualification juridique de l’infraction. En
revanche, la procédure abrégée
est assortie d’un affaiblissement
des garanties de procédure offertes par le droit interne, notamment en ce
qui concerne la publicité des
débats, la possibilité de demander la production d’éléments
de preuve non contenus dans le dossier du parquet et
celle d’obtenir la convocation
des témoins (Kwiatkowska, décision précitée, Hermi, précité, § 78, Hany c. Italie (déc.), n° 17543/05, 6 novembre 2007, et Scoppola
c. Italie (no 2) [GC], no 10249/03, 17 septembre
2009). Lesdites garanties constituent des principes fondamentaux du droit à un procès
équitable, consacré par l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention. La Cour rappelle que
ni la lettre ni l’esprit de l’article 6 de la
Convention n’empêchent une personne
de renoncer de son plein gré
de manière expresse ou tacite aux garanties
d’un procès équitable. Toutefois, pour entrer en ligne de compte sous l’angle de la Convention, pareille renonciation doit se trouver établie de manière non équivoque et doit être entourée d’un minimum de garanties correspondant à sa gravité. De plus, cette renonciation ne doit se heurter à aucun intérêt public important (Kwiatkowska, décision précitée, Hermi, précité, § 73, et Murtazaliyeva c.
Russie [GC], no 36658/05, §§ 117 et 118, 18 décembre
2018).
34. La Cour
observe par ailleurs que l’introduction de la procédure abrégée par le législateur italien vise à simplifier, et donc à accélérer, les procédures pénales (Hermi, précité, § 80). Elle observe à cet égard que
la Recommandation n° Rec (87) 18
du Comité des Ministres concernant
la simplification de la justice
pénale préconise aux États membres,
dans le respect des principes constitutionnels
et des traditions juridiques propres à chaque État, la mise en place de procédures simplifiées et de procédures sommaires (ces dernières étant
également désignées par les expressions « transactions pénales » ou « plea bargaining »), dans le but notamment de faire face aux problèmes posés par la durée de la procédure pénale (paragraphe 18 ci-dessus).
35. Ainsi,
en matière de transactions pénales, la Cour a déjà eu l’occasion
d’observer que la possibilité pour un accusé d’obtenir une atténuation des charges ou
une réduction de peine à condition qu’il reconnaisse sa culpabilité, ou qu’il renonce
avant le procès à contester les faits
ou encore qu’il coopère pleinement avec les autorités
d’enquête, est chose courante dans les
systèmes de justice pénale des États
européens (voir l’étude de droit comparé dans
l’affaire Natsvlishvili et Togonidze c. Géorgie,
no 9043/05, §§ 62-75 et, CEDH 2014 (extraits)).
Le fait de transiger sur un
chef d’accusation ou sur
une peine n’a rien de répréhensible en soi (ibidem,
§§ 90-91), tout comme le fait
de renoncer au droit d’appel (Litwin c. Allemagne,
no 29090/06, § 47, 3 novembre 2011).
36. Se tournant
vers les faits de l’espèce, la Cour considère que, en sollicitant l’adoption de
la procédure abrégée, les requérants, qui étaient assistés d’avocats, ont accepté
de baser leur défense sur les pièces recueillies pendant les investigations préliminaires, dont ils avaient pris connaissance,
et ont ainsi renoncé sans équivoque à leur droit à obtenir
la convocation et l’audition
de témoins au procès. Rien ne permet de douter que la renonciation des requérants à leur droit était
consciente et éclairée. Les intéressés ont en outre accepté
que les juges
en charge de leur affaire utilisent, pour statuer sur le bien-fondé des accusations portées contre eux, les transcriptions
des dépositions des « repentis »
E., P. G. et S. versées au
dossier du parquet. De plus, les
requérants savaient ou auraient dû
savoir qu’en cas d’acquittement en première instance la cour d’appel avait la faculté de rejuger l’affaire sur
la base de ces mêmes éléments de preuve.
37. La Cour
en déduit que la demande des requérants
d’être jugés selon la procédure abrégée a déterminé la renonciation aux preuves orales et a eu pour conséquence que leur procès
soit fondé sur les preuves documentaires
versées au dossier. Dès lors, les
présentes affaires se distinguent
des celles que la Cour a précédemment
examinées dans lesquelles la juridiction de recours n’avait pas satisfait à l’obligation d’interroger directement des témoins qui avaient été auditionnés par le juge de première instance et dont
elle s’apprêtait à interpréter
les déclarations d’une manière défavorable à l’accusé et radicalement différente pour condamner
celui-ci pour la première fois (voir,
parmi d’autres, Dan, précité, Găitănaru c.
Roumanie, n° 26082/05, 26 juin
2012, Lazu c. République de
Moldova, n° 46182/08, 5 juillet
2016, Lorefice, précité, §
45, et Tondo c. Italie [comité],
no 75037/14, 22 octobre 2020).
38. La Cour
rappelle avoir noté dans l’affaire Scoppola (précitée, § 139) que, s’il est vrai que
les États contractants ne sont pas contraints par la Convention
de prévoir des procédures simplifiées, il n’en demeure pas moins
que, lorsque de telles procédures existent et sont adoptées, les principes
du procès équitable commandent de ne pas priver arbitrairement
un prévenu des avantages qui s’y rattachent. Il est contraire au principe de la sécurité juridique et à la protection de
la confiance légitime des justiciables qu’un État puisse,
de manière unilatérale, réduire les avantages
découlant de la renonciation
à certains droits inhérents à la notion de procès équitable. Aux yeux de la Cour, rien de semblable
ne s’est produit en la présente
affaire, où les requérants ont bénéficié de la réduction de peine découlant de l’adoption de
la procédure abrégée. Il n’apparaît pas davantage
que l’affaire ait soulevé des questions
d’intérêt public s’opposant
à une telle renonciation (Kwiatkowska, décision
précitée).
39. La Cour
observe au passage que la Cour de cassation italienne a récemment interprété extensivement l’article 603 du CPP, faisant obligation aux juridictions d’appel d’ordonner même d’office l’audition de témoins décisifs pour la condamnation, aussi bien dans les
procédures pénales ordinaires que dans les cas
où la première instance
s’est déroulée selon la procédure abrégée (paragraphe 16 ci-dessus). Elle souligne à cet égard que la Convention ne fait pas obstacle
à ce que les États parties accordent aux droits et libertés qu’elle garantit une protection juridique plus étendue que celle qu’elle met en œuvre, que ce soit
par le biais du droit interne, d’autres traités internationaux ou du droit
de l’Union européenne. Comme elle a déjà eu l’occasion
de le souligner, par son système
de garantie collective des droits qu’elle
consacre, la Convention vient
renforcer, conformément au principe de subsidiarité, la protection qui en est offerte au niveau national. Rien n’interdit aux États
contractants d’adopter une interprétation plus large garantissant
une protection renforcée des droits et libertés en question dans leurs
ordres juridiques internes respectifs (article 53 de la Convention) (voir, mutatis mutandis, Parti
communiste unifié de Turquie
et autres c. Turquie,
30 janvier 1998, § 28, Recueil 1998‑I, Chamaïev et autres c. Géorgie et Russie, n° 36378/02, § 500, CEDH 2005‑III, Krombach c. France (déc.), n° 67521/14, § 39, 20 février 2018
et Gestur Jónsson et
Ragnar Halldór Hall c. Islande [GC],
nos 68273/14 et 68271/14, § 93, 22 décembre
2020).
40. En conclusion,
compte tenu de ce qui précède, les requérants
ne sauraient se plaindre
d’une entrave à leur droit
à un procès équitable dérivant de la non-audition par
la cour d’appel des témoins E., P. G. et S.
- Sur l’absence d’audition de B.S.
41. La Cour
doit maintenant déterminer si la non-audition de B.S. a enfreint le droit des requérants
à bénéficier d’un procès équitable. Elle observe que ce témoin a été convoqué d’office par le GUP,
et a donc été interrogé en audience par celui-ci,
contrairement aux autres témoins à charge.
42. La Cour
note d’emblée que la possibilité
que le juge déroge aux conditions
ordinaires de la procédure abrégée et se procure, même
d’office, des éléments de preuve nécessaires à sa décision
est expressément prévue par
l’article 441 § 5 du CPP et
ne saurait constituer en soi une atteinte aux principes du
procès équitable (Campisi c.
Italie (déc.), n° 10948/05, § 25, 12 février
2013). Il n’en reste pas moins
qu’elle doit examiner si la manière dont cette exception a été appliquée en l’espèce a constitué une atteinte aux principes du
procès équitable.
43. La Cour
observe que la condamnation des requérants a été fondée sur plusieurs éléments de preuve, parmi lesquels la
note d’information des carabiniers
de Naples, à laquelle la cour d’appel a accordé une importance déterminante (paragraphe 9 ci-dessus). Cet élément
concernait notamment les activités criminelles
du requérant et des membres de sa famille ainsi que
son affiliation au clan mafieux D. A. S’y ajoutaient
les déclarations de E.,
P. G. et S., d’anciens membres
du clan « repentis »,
et les résultats de plusieurs écoutes téléphoniques et environnementales.
44. La Cour
relève que, dans ce contexte, le témoignage de B.S. n’a fait que confirmer les
déclarations des autres témoins et corroborer l’ensemble des preuves à charge. En effet, ni le GUP ni la cour d’appel n’ont accordé
un poids déterminant à ce témoignage, dans un sens ou dans
un autre, dans leurs décisions relatives à la responsabilité pénale des requérants
(voir, a contrario, Dan,
précité, § 31, Lorefice, précité, § 37, et Tondo, précité,
§ 42). La Cour observe
de plus que le GUP avait ordonné la convocation de B.S. estimant que son audition était déterminante pour juger de la
position de P. C., l’un des coïnculpés
des requérants.
45. Eu égard
à ce qui précède, et notamment
à la valeur probante du témoignage en question, et rappelant qu’il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments
rassemblés par elles (Vidal
c. Belgique, 22 avril
1992, § 33, série A n° 235‑B), la Cour estime que
l’on ne saurait considérer qu’en ne procédant pas à une nouvelle audition de
B.S. la cour d’appel a restreint les droits
de la défense des requérants.
- Conclusion
46. Les considérations qui
précèdent sont suffisantes pour permettre à la Cour de conclure que la procédure pénale visant les
requérants, prise dans son ensemble, a été équitable.
47. Partant, il n’y a pas eu violation
de l’article 6 § 1 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À
L’UNANIMITÉ,
- Décide de joindre les requêtes ;
- Déclare les requêtes recevables ;
- Dit qu’il n’y a pas eu violation
de l’article 6 § 1 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 mars 2021, en application de l’article 77
§§ 2 et 3 du règlement
de la Cour.
RenataDegener Ksenija Turković
Greffière Présidente
ANNEXE
No |
Requête No |
Nom de l’affaire |
Introduite le |
Requérant Année de naissance Lieu de résidence Nationalité |
Représenté par |
|
Di Martino c. Italie |
28/03/2015 |
Leonardo DI MARTINO 1958 Lanciano (Ch) italienne |
Alfredo GAITO |
|
|
Molinari c. Italie |
27/03/2015 |
Anna Maria MOLINARI 1965 Gragnano (Na) italienne |