CONSULTA ONLINE

 

 

 

Cour européenne des droits de l’homme

 

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE TERNA c. ITALIE

(Requête no 21052/18)

 

ARRÊT

 

Art 8 • Vie familiale • Placement en institut de la petite-fille rom de la requérante disposant de sa garde depuis sa naissance • Relation familiale entre la grand-mère et la filletteRequérante n’ayant cessé de tenter de reprendre des contacts avec l’enfant sans avoir pu exercer son droit de visite malgré les décisions du tribunalAbsence d’efforts adéquats et suffisants déployés par les autorités nationales pour faire respecter le droit de visite de la requéranteProblème systémique

Art 14+8 • DiscriminationAucune motivation liée à l’origine ethnique de l’enfant et de sa famille invoquée par les juridictions internes pour justifier le placement de la fillette • Expertises constatant l’incapacité de la requérante à exercer son rôle parental et les difficultés de l’enfant grandissant dans un environnement criminel et présentant des troubles de l’attachementIntérêt supérieur de l’enfant

 

STRASBOURG

14 janvier 2021

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.



En l’affaire Terna c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :

Ksenija Turković, présidente,

Krzysztof Wojtyczek,

Linos-Alexandre Sicilianos,

Gilberto Felici,

Erik Wennerström,

Raffaele Sabato,

Lorraine Schembri Orland, juges,

et de Abel Campos, greffier de section,

Vu :

la requête (no 21052/18) dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante de cet État, Mme Emilia Terna (« la requérante »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 7 mai 2018,

la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement »),

les observations communiquées par le gouvernement défendeur et celles communiquées en réplique par la requérante,

les commentaires reçus du Centre européen des droits des Roms, que la présidente de la section a autorisé à se porter tiers intervenant,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 décembre 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1.  La requête concerne la violation alléguée du droit au respect de la vie familiale de la requérante à raison de l’éloignement et de la prise en charge par les services sociaux de sa petite-fille (appartenant à la communauté rom), dont elle avait la garde depuis sa naissance. La requérante se plaint également que le traitement litigieux subi à partir de mars 2016 est à la stigmatisation de la famille de l’enfant liée à l’appartenance de celle-ci à l’ethnie rom.

EN FAIT

2.  La requérante est née en 1966 et réside à Milan. Elle a été représentée par Me G. Perin, avocate.

3.  Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia.

  1. LES ANTECEDENTS CRIMINELS DE LA REQUERANTE

4.  La requérante est une ressortissante italienne. En 2001, elle épousa S.T., appartenant à l’ethnie rom.

5.  Le 24 septembre 2008, la requérante fut arrêtée, avec son mari, dans le cadre d’une enquête concernant un trafic de stupéfiants et fut condamnée à deux ans et dix mois d’emprisonnement.

6.  Le 8 février 2011, dans le cadre d’une autre affaire, le juge de l’audience préliminaire de Trente condamna la requérante à quatre ans de réclusion pour trafic de drogue.

7.  Le 23 novembre 2011, la requérante fit l’objet d’une mesure de mise à l’épreuve auprès des sociaux, à laquelle elle fut soumise jusqu’au 22 juin 2012.

8.  En 2013, elle fut condamnée pour résistance à un officier public dans le cadre d’un litige avec sa fille aînée.

9.  En 2014, la requérante fut condamnée pour trafic d’êtres humains, de même que son mari, pour avoir transporté dans son véhicule des immigrés de l’Allemagne vers l’Italie. En avril 2014, elle fut placée en détention en Allemagne et libérée à une date non précisée au cours de l’été 2014.

  1. LE CONTEXTE FAMILIAL ET LE PLACEMENT DE I.

10.  Le 12 novembre 2010, une des deux filles de S.T accoucha d’une fille, I. Ne pouvant pas prendre soin de l’enfant, les parents de I. demandèrent à la requérante et à son mari de s’occuper d’elle. Devant la Cour, la requérante allègue que son mari et elle-même se virent confier l’enfant dans le cadre d’une procédure officielle de prise en charge conformément à l’article 9, alinéa 4 de la loi no 183 de 1984. Le dossier ne comporte aucune preuve d’une décision des autorités en ce sens.

11.  Le 13 mars 2014, la requérante sollicita l’aide des services sociaux de Milan en vue de l’inscription de la mineure à l’école, car celle-ci n’avait aucun papier d’identité.

12.  Selon le rapport des services sociaux envoyé au tribunal pour enfants de Milan (« le tribunal »), il convenait de mettre en place un programme d’aide sociale et de maintenir le placement de l’enfant chez ses grands‑parents. Selon ce même document, la mineure était bien insérée dans la famille de la requérante.

13.  Suite à l’arrestation de la requérante en avril 2014 et pendant sa détention, l’enfant fut confiée à la sœur de l’intéressée.

14.  Par une décision du 10 juillet 2014, le tribunal observa que l’enfant n’avait pas de papiers d’identité et que ses grands-parents avaient des antécédents criminels. En outre, il souligna que l’enfant avait un retard de langage et un problème podologique qui nécessitaient un suivi médical. Compte tenu de ce que l’enfant semblait être bien insérée dans la famille de la requérante, le tribunal confia sa garde à la commune de Milan avec placement chez l’intéressée ; il ordonna également l’inscription de l’enfant à la crèche et une évaluation psychosociale de celle‑ci et de la requérante.

15.  Le 20 juillet 2015, les services sociaux informèrent le tribunal que l’enfant fréquentait la crèche et que l’évaluation psychosociale de la requérante était en cours. Ils demandèrent au tribunal de confirmer le placement de l’enfant chez la requérante.

16.  Le 2 septembre 2015, une équipe de neuropsychiatrie de l’enfance (UNOPIA) chargée d’effectuer une expertise de la mineure envoya au tribunal un rapport qui faisait état d’un lien très fort entre celle-ci et la requérante, laquelle était perçue par l’enfant comme une « mère » et répondait aux besoins primaires de la fillette. Le rapport soulignait également que l’enfant avait un trouble du comportement.

17.  Par un autre rapport du 23 février 2016, une psychologue de l’Agence pour la protection de la santé de Milan, chargée d’effectuer une évaluation de la requérante, souligna que cette dernière était en mesure de s’occuper de l’enfant et qu’un éloignement de la mineure n’était pas envisageable. Selon ce rapport, la fillette avait établi une bonne relation avec la requérante, qu’elle considérait comme une « mère » et de laquelle elle recevait les soins à même de répondre à ses besoins.

18.  Par une décision du 4 mars 2016, le tribunal confia la garde de l’enfant à la commune de Milan et confirma son placement chez la requérante, déclara les parents de la mineure déchus de leur autorité parentale et renvoya le dossier au juge des tutelles aux fins du suivi de la situation de la famille.

19.  Par une décision du 31 mars 2016, le juge des tutelles nomma un expert en vue de la réalisation d’une évaluation de la situation de la famille, car, à son avis, les conclusions fournies par les services sociaux étaient incomplètes et la vérification des activités de la requérante, de son niveau d’instruction, de ses antécédents criminels ainsi que de ceux de son mari s’avérait nécessaire.

20.  La tutrice de l’enfant, Mme C., fut nommée le 5 avril 2016.

21.  Selon la requérante, à sa première visite à son domicile, la tutrice lui demanda si elle appartenait à l’ethnie rom.

22.  Le 20 juillet 2016, après trois mois d’enquête et à l’issue de plusieurs entretiens, l’expert déposa son rapport. Il y observait que la requérante devait faire face à des défis difficiles pour gérer l’évolution de la mineure, celle-ci présentant des retards de langage et un trouble de l’attachement. Il mentionnait que la requérante était dénuée de capacités parentales. Il ajoutait que, n’ayant pas d’emploi, elle se trouvait dans une situation économique très difficile. Il indiquait aussi que l’enfant grandissait au sein d’une famille dont plusieurs membres avaient des antécédents criminels. L’expert estimait que le placement de l’enfant dans une famille d’accueil et/ou dans un institut avec le maintien de contacts avec la requérante était une solution envisageable. Il observait que la tutrice de l’enfant avait exprimé des doutes sur un tel maintien de contacts, motivés par l’éventualité d’un enlèvement de la mineure par sa famille rom, et qu’elle préconisait une rupture du lien entre l’enfant et la requérante. Il concluait qu’en cas de rupture du lien il y aurait un traumatisme très important pour la mineure et qu’il fallait prévoir une prise en charge psychothérapeutique.

23.  Par une décision du 27 septembre 2016, après avoir analysé le milieu familial dans lequel la mineure avait évolué, le juge des tutelles, se basant sur les conclusions de l’expert et de la tutrice et considérant qu’il fallait éloigner la fillette d’un milieu dans lequel celle-ci était déjà pénalisée sous différents angles (économique, éducatif, affectif et relationnel (en raison des antécédents criminels des membres de la famille)), disposa l’éloignement de l’enfant et son placement en institut.

24.  Le 28 septembre 2016, une procédure fut ouverte devant le tribunal en vue de la vérification de l’état d’abandon de l’enfant et de l’ouverture d’une procédure d’adoption.

25.  Le 7 octobre 2016, le tribunal, se prononçant à la lumière de la décision du juge des tutelles et des rapports des services sociaux qui relataient une amélioration de l’état de l’enfant (laquelle avait commencé à fréquenter l’école et à rattraper le retard de langage qu’elle présentait), rendit une décision par laquelle il ordonna le placement de la mineure dans un institut et chargea les services sociaux de gérer les contacts entre la requérante et l’enfant en s’assurant du suivi d’une thérapie psychologique par cette dernière.

26.  Le 2 novembre 2016, la mineure fut placée dans un institut.

27.  Le 7 novembre 2016, la tutrice de l’enfant saisit le juge des tutelles d’une demande tendant à la suspension des rencontres ordonnées par le tribunal. Selon la tutrice, il y avait une forte probabilité que la famille rom de l’enfant pût soustraire de force la fillette si elle découvrait celle-ci était placée. Toujours selon elle, par le passé, il y avait eu des cas des familles d’enfants roms avaient suivi ces derniers après la tenue de rencontres en milieu protégé afin de découvrir le lieu ces mineurs étaient placés.

Sa demande se lisait ainsi :

« (...) Je pense qu’il y a de grandes chances que la famille rom de l’enfant puisse soustraire de force la mineure si elle découvre le lieu de son placement. Face à ce risque, je propose la suspension des rencontres avec la requérante.

Je signale également le comportement inapproprié de l’assistante sociale Mme P., qui a appelé le foyer d’accueil au moins une dizaine de fois pour précipiter et forcer le début des visites. (...)

Au sein du même foyer d’accueil, il y a déjà eu des cas d’enfants enlevés par des [familles] roms, après le déroulement des rencontres en milieu protégé (...)

Je demande

La suspension de toute visite et de tout contact avec la requérante., car il est très probable que l’enfant communiquera [le nom de] la ville elle vit et le nom de la famille d’accueil, [d’] le risque d’un enlèvement de l’enfant par la communauté rom. »

28.  Par une décision du 8 novembre 2016, six jours après le placement en institut, le juge des tutelles invita les services sociaux à suspendre les rencontres et demanda au tribunal de prévoir les rencontres en milieu protégé en la présence de membres de la police, si cela correspondait à l’intérêt de l’enfant, afin de pouvoir garantir l’anonymat du lieu de placement de celle-ci.

29.  Le 16 novembre 2016, l’équipe de prise en charge psychologique qui s’occupait du suivi de la mineure et de la requérante déposa le rapport demandé par le tribunal. Dans ce document, les experts concluaient que le meilleur choix était de poursuivre le placement de l’enfant chez la requérante, précisant que cette dernière n’avait pas montré de signes en faveur d’un enlèvement de la mineure tel que mis en évidence par la tutrice. Ils confirmaient que la requérante bénéficiait toujours d’un soutien psychologique afin de se voir fournir les outils nécessaires pour gérer la séparation d’avec la mineure.

30.  Par une décision du 6 décembre 2016, le tribunal confirma sa précédente décision et chargea les services sociaux d’organiser les rencontres avec la requérante tout en prenant soin de préserver l’anonymat du lieu de placement de l’enfant.

31.  À une date non précisée, le dossier fut transféré aux services sociaux du lieu de résidence de la tutrice de l’enfant. Aucune rencontre ne fut organisée nonobstant les demandes de respect de la décision du tribunal formulées par la requérante auprès des services sociaux.

32.  À une date non précisée, le tribunal demanda une nouvelle expertise. Le même expert fut mandaté par le tribunal. Il demanda la suspension des rencontres pendant le temps nécessaire à la préparation de l’expertise. Le 8 février 2017, le tribunal fit droit à sa demande et les rencontres, qui n’avaient d’ailleurs jamais eu lieu, furent suspendues jusqu’à la finalisation de l’expertise.

33.  Le 29 mai 2017, la psychologue de Milan, qui suivait l’enfant depuis plusieurs années, rendit un rapport qui faisait état d’un mal-être de la mineure à raison de la longue interruption des contacts avec la requérante. Selon elle, il était dans l’intérêt de l’enfant et de son bien-être psychologique que les rencontres fussent organisées.

34.  Le 11 juin 2017, l’expert déposa son rapport. À son avis la requérante était dénuée de capacités parentales et la relation requérante‑enfant aurait pu être interrompue sans que la mineure, qui était déjà bien insérée dans sa nouvelle famille, eût à pâtir de préjudices psychologiques autres que ceux déjà observés.

35.  Les 11 juillet et 16 novembre 2017, la requérante demanda au tribunal de révoquer la décision par laquelle les contacts avaient été suspendus dans l’attente de la finalisation de l’expertise.

36.  Par un arrêt du 12 avril 2018, notifié à la requérante le 17 mai 2018, le tribunal déclara l’enfant adoptable. Pour se prononcer ainsi, le tribunal observa d’abord que les parents naturels de l’enfant avaient été déchus de leur autorité parentale et que la requérante était la seule qui s’était opposée à la déclaration d’adoptabilité, le grand-père de la mineure étant en prison. Il estima que l’enfant se trouvait dans une situation d’abandon moral et matériel. S’agissant de la requérante, il considéra que cette dernière ne pouvait pas exercer des fonctions parentales permettant d’assurer un développement sain et équilibré de l’enfant pour plusieurs motifs : tout d’abord, la fillette avait évolué dans un environnement criminel, également marqué par les différentes condamnations de la requérante et par le fait que celle-ci avait continué à voir son mari en prison sans prendre de distances avec l’activité criminelle de ce dernier ; ensuite, la requérante avait caché pendant plusieurs années l’existence de l’enfant aux autorités et elle n’avait jamais informé la mineure de la vérité sur ses parents ; de plus, l’expertise avait souligné des carences cognitives et affectives ainsi que l’incapacité de la requérante à placer les besoins de l’enfant devant les siens.

37.  La requérante fit appel le 13 juin 2018. En particulier, se fondant sur les conclusions de tous les psychologues jusqu’au mois de mars 2016, elle demanda à la cour d’appel de ne pas déclarer l’adoptabilité de l’enfant et, à titre subsidiaire, de l’autoriser à rencontrer sa petite-fille selon des modalités fixées par ladite cour. Les parents de l’enfant firent également appel. Le curateur de la mineure, qui avait été entre-temps désigné, demanda à la cour d’appel de permettre à la requérante de rencontrer la mineure de manière à maintenir un lien entre elles.

38.  Le 21 novembre 2018, la cour d’appel ordonna une nouvelle expertise afin d’évaluer le lien entre I. et la requérante. Le 6 décembre 2018, elle demanda à l’expert :

« de décrire la situation psycho-émotionnelle actuelle de la mineure et d’exprimer [son avis] à ce sujet (...) ;

de fournir toutes les informations utiles et les évaluations sur la qualité de l’insertion de l’enfant dans la famille la mineure avait été placée ;

d’indiquer quel rôle jouait, dans l’imaginaire de la mineure, la figure de la requérante ;

de fournir, dans le cas il serait établi que la requérante serait en mesure de jouer un rôle positif pour la mineuredes informations sur l’opportunité pour I., pour son bien‑être psychophysique, d’entretenir des relations avec la requérante et d’indiquer, le cas échéantquelles seraient les procédures et les précautions à prendre. »

39.  L’expert déposa son rapport le 16 juillet 2019. Il y indiquait qu’il n’y avait pas de raisons de se prononcer en faveur de l’éloignement de l’enfant, la requérante remplissant son rôle de manière adéquate. Il précisait que l’interruption de tout contact était dépourvue d’une quelconque justification. Il ajoutait que, lors de l’expertise, la nouvelle assistante sociale, Mme G., avait confirmé qu’il n’y avait pas de raisons concrètes de supposer un risque réel d’enlèvement. Il indiquait, en outre, que la rupture soudaine de la relation avec sa grand-mère avait déterminé « dans l’esprit de l’enfant un scénario très chaotique et précaire (scenario molto accidentato e precario), dont les effets dramatiques s’étaient greffés sur le terrain déjà fragile de la douloureuse histoire familiale ». Il estimait que la reprise de contacts avec la requérante était dans l’intérêt de l’enfant.

40.  Il ressort des dernières informations fournies par les parties que l’affaire est pendante devant la cour d’appel de Milan.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

41.  Le droit interne pertinent en l’espèce est décrit dans l’arrêt R.V. et autres c. Italie (no 37748/13, §§ 65-69 18 juillet 2019).

EN DROIT

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

42.  La requérante se plaint de la violation de son droit au respect de la vie familiale à raison de la non-exécution de son droit de visite reconnu en 2016. Elle invoque l’article 8 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

  1. Sur la recevabilité

43.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes au motif qu’au moment de l’introduction de la requête la procédure concernant l’adoptabilité de l’enfant était encore pendante et qu’elle n’est toujours pas conclue aujourd’hui. Selon lui, la requérante demande à la Cour de se substituer aux juridictions internes.

44.  La requérante argue que son grief ne porte pas sur l’adoptabilité de l’enfant mais qu’il a pour objet l’éloignement de la mineure et l’interruption de tout contact avec elle. Elle dit s’être adressée à plusieurs reprises aux services sociaux pour demander l’exécution de la décision du tribunal du 11 octobre 2016, mais s’être heurtée à l’absence d’organisation de rencontres. Elle indique aussi avoir déposé, après la finalisation de l’expertise, deux demandes devant le tribunal, respectivement le 11 juillet 2017 et le 16 novembre 2017, sans succès. Elle estime avoir épuisé les voies de recours conformément au droit interne.

45.  La Cour note, tout d’abord, que le grief de la requérante porte sur la question de la mise en œuvre du droit de visite selon les modalités fixées par le tribunal. Elle rappelle avoir déjà affirmé dans ses précédents arrêts contre l’Italie (Lombardo c. Italie, no 25704/11, § 63, 29 janvier 2013, et Nicolò Santilli c. Italie, no 51930/10, § 45, 17 décembre 2013) que les décisions du tribunal pour enfants portant notamment sur le droit de visite ne revêtaient pas un caractère définitif et qu’elles pouvaient dès lors être modifiées à tout moment en fonction des événements liés à la situation litigieuseAinsi, l’évolution de la procédure interne est la conséquence du caractère non définitif des décisions du tribunal pour enfants portant sur le droit de visite. Par ailleurs, la Cour note en l’espèce que la requérante n’a pas été en mesure d’exercer pleinement son droit de visite depuis 2016 et que l’intéressée a introduit sa requête devant elle le 7 mai 2018 après avoir saisi à deux reprises le tribunal qui s’était prononcé sur son droit. Elle observe que la requérante a en effet saisi le tribunal pour enfants les 11 juillet et 16 novembre 2017 pour demander la reprise des contacts (Lombardo, précité, § 63, Nicolò Santilli, précité, § 46, et Strumia c. Italie, no 53377/13, §§ 90-92, 23 juin 2016), la procédure portant sur le droit de visite étant indépendante de la procédure concernant l’adoptabilité de l’enfant.

46.  Compte tenu de ces éléments, la Cour estime que la requérante a épuisé les voies de recours disponibles et qu’il y a lieu de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement.

47.  Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

  1. Sur le fond
    1. Thèses des parties

a)      La requérante

48.  La requérante indique qu’elle ne voit plus sa petite-fille depuis plus de trois ans, et ce en dépit de la reconnaissance par toutes les autorités, dès le début des procédures judiciaires, de l’existence d’un lien très fort l’unissant à l’enfant.

49.  Se référant à la jurisprudence de la Cour, la requérante argue que l’intérêt de l’enfant et le sien à maintenir des liens coïncident. L’extrême gravité de l’état psychologique de la mineure à raison de la rupture de tout contact entre la fillette et elle-même a été constatée dans le dernier rapport d’expertise déposé devant la cour d’appel.

50.  La requérante indique que, depuis l’assignation de la tutelle à Mme C., sa situation et celle de l’enfant ont radicalement changé. Elle soutient que, lors de sa première et unique visite à son domicile, la tutrice, après avoir obtenu confirmation de l’origine rom de l’enfant, a affirmé que cette dernière devrait être éloignée. Ce comportement de la tutrice – que l’intéressée qualifie de préjugés envers les Romsressort du rapport envoyé par Mme C. au juge des tutelles.

51.  La requérante insiste sur le changement d’attitude dont elle aurait fait l’objet. Selon elle, après avoir été considérée pendant deux ans par tous comme une « bonne grand-mère » elle s’est vue, du jour au lendemain, être perçue comme une personne qui ne méritait plus de revoir sa petite-fille, et ce malgré les progrès constants constatés par les services sociaux concernant aussi bien la mineure qu’elle-même.

52.  Quant à la question des antécédents criminels, la requérante plaide que, en l’espèce, les juridictions en avaient connaissance depuis le début. Elle argue aussi qu’en droit italien, en l’absence de preuve démontrant que le comportement délictueux ait affecté le mineur, les antécédents criminels ne sont pas en soi une raison valable pour séparer un enfant de sa famille. Elle ajoute que les personnes enfreignant la loi pénale doivent être soumises aux sanctions déterminées par le code pénal et que ce dernier ne prévoit pas la sanction accessoire de la perte de tout contact avec les proches. Elle précise que l’évaluation opérée à cet égard doit être faite en considérant uniquement les liens affectifs de l’enfant.

53.  S’agissant de la condamnation pour « trafic d’êtres humains », la requérante soutient avoir été condamnée à raison de son statut de propriétaire de la voiture qui, selon elle, avait été empruntée par son mari et un homme étranger pour accompagner des proches sans permis de séjour en Allemagne. L’on ne se trouverait donc pas devant un crime violent la vie de personnes aurait été mise en danger, car la criminalisation du comportement reproché aurait pour but principal la défense des frontières de l’État.

b)     Le Gouvernement

54.  Le Gouvernement considère que l’ingérence en cause est expressément prévue par la loi no 184 de 1983 et expose qu’elle a pour finalité la protection de l’enfant concerné : selon lui, il s’agit d’assurer que le mineur puisse grandir dans un environnement non pas compromis par de fortes connotations délinquantes, mais caractérisé par une figure de référence stable, capable d’exercer les délicates fonctions et responsabilités parentales. Aux yeux du Gouvernement, cette ingérence répond au critère de la « nécessité dans une société démocratique ».

55.  Le Gouvernement fait valoir que la requérante n’avait jamais communiqué ses véritables origines à la mineure jusqu’en 2014, et que cette dernière a grandi sans aucun papier et sans avoir vu de pédiatre alors qu’elle souffrait d’un trouble de la parole et d’un problème podologique. De plus, il expose que l’enfant se trouvait élevée dans un environnement à forte connotation criminelle, la requérante ayant été condamnée pour possession et trafic de drogue ainsi que pour trafic d’êtres humains.

56.  Le Gouvernement indique que les autorités ont pris en compte les conditions de vie offertes à la mineure, qui auraient été insatisfaisantes et marquées par des privations matérielles, ainsi que d’autres éléments tels que les conditions psychiques de la requérante et de son mari et leur capacité émotionnelle, éducative et pédagogique, qu’il qualifie d’inexistante.

57.  Il indique, en outre, que, dans le cadre de la procédure devant la cour d’appel, une troisième expertise a été ordonnée afin de déterminer la situation psychologique de la mineure et la possibilité de réactiver les rencontres.

58.  Le Gouvernement estime que, en favorisant les rencontres, il y avait un risque élevé de compromettre définitivement l’équilibre de la mineure et la validité du parcours entrepris, dans l’hypothèse probable d’un enlèvement de l’enfant par la requérante ou par les membres de la famille de son mari en raison du casier judiciaire spécifique de ces personnes.

59.  Le Gouvernement admet qu’il y a eu une ingérence des autorités dans la vie familiale de la requérante, mais ce, à ses dires, sans violation des obligations positives de l’État et en présence de la nécessité de protéger l’intérêt supérieur de la mineure à être soustraite d’un environnement délétère à forte connotation criminelle.

  1. Appréciation de la Cour

a)      Principes généraux

60.  Comme elle l’a fait à maintes reprises, la Cour rappelle que, si l’article 8 de la Convention a essentiellement pour objet de prémunir l’individu contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il ne se contente pas de commander à l’État de s’abstenir de pareilles ingérences : à cet engagement plutôt négatif peuvent s’ajouter des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale. Celles-ci peuvent impliquer l’adoption de mesures visant au respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux, dont la mise en place d’un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer les droits légitimes des intéressés ainsi que le respect des décisions judiciaires, ou la mise en œuvre de mesures spécifiques appropriées (voir Zawadka c. Pologne, nº 48542/99, § 53, 23 juin 2005). Cet arsenal doit permettre à l’État d’adopter des mesures propres à réunir le parent et son enfant, y compris en cas de conflit opposant les deux parents (voir Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, nº 31679/96, § 108, CEDH 2000‑I, Sylvester c. Autriche, nos 36812/97 et 40104/98, § 68, 24 avril 2003, Zavřel c. République tchèque, nº 14044/05, § 47, 18 janvier 2007, et Mihailova c. Bulgarie, no 35978/02, § 80, 12 janvier 2006). La Cour rappelle aussi que les obligations positives ne se limitent pas à veiller à ce que l’enfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui, mais qu’elles englobent également l’ensemble des mesures préparatoires permettant de parvenir à ce résultat (voir Kosmopoulou c. Grèce, nº 60457/00, § 45, 5 février 2004, Amanalachioai c. Roumanie, nº 4023/04, § 95, 26 mai 2009, Ignaccolo‑Zenide, précité, §§ 105 et 112, et Sylvester, précité, § 70).

61.  La Cour rappelle également que le fait que les efforts des autorités ont été vains ne mène pas automatiquement à la conclusion que l’État a manqué aux obligations positives qui découlent pour lui de l’article 8 de la Convention (Nicolò Santilli, précité, § 67). En effet, l’obligation pour les autorités nationales de prendre des mesures afin de réunir l’enfant et le parent avec lequel il ne vit pas n’est pas absolue, et la compréhension et la coopération de l’ensemble des personnes concernées constituent toujours un facteur important. Si les autorités nationales doivent s’efforcer de faciliter pareille collaboration, une obligation pour elles de recourir à la coercition en la matière ne saurait être que limitée : il leur faut tenir compte des intérêts et des droits et libertés de ces mêmes personnes, et notamment des intérêts supérieurs de l’enfant et des droits que confère l’article 8 de la Convention à celui-ci (Voleský c. République tchèque, no 63267/00, § 118, 29 juin 2004).

62.  En ce qui concerne le droit au respect de la vie familiale des mineurs, la Cour rappelle qu’il existe actuellement un large consensus – y compris en droit international – autour de l’idée que, dans toutes les décisions concernant des enfants, leur intérêt supérieur doit primer (voir, entre autresNeulinger et Shuruk c. Suisse [GC], no 41615/07, § 135, CEDH 2010). Elle souligne d’ailleurs que, dans les affaires dans lesquelles sont en jeu des questions de placement d’enfants et de restrictions du droit de visite, l’intérêt de l’enfant doit passer avant toute autre considération (Strand Lobben et autres c. Norvège [GC], no 37283/13, § 204, 10 septembre 2019). La plus grande prudence s’impose lorsqu’il s’agit de recourir à la coercition en ce domaine délicat (Mitrova et Savik c. l’ex-République yougoslave de Macédoine, no 42534/09, § 77, 11 février 2016, et Reigado Ramos c. Portugal, no 73229/01, § 53, 22 novembre 2005). Le point décisif consiste donc à savoir si, concrètement, les autorités nationales ont pris, pour faciliter les visites entre le parent et l’enfant, toutes les mesures nécessaires que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elles (Nuutinen c. Finlande, no 32842/96, § 128, CEDH 2000‑VIII).

b)     Application de ces principes à la présente espèce

63.  Se tournant vers les faits de la présente cause, la Cour note d’emblée qu’il n’est pas contesté en l’espèce que le lien entre la requérante et la mineure relève de la vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 221, CEDH 2000‑VIII, et Manuello et Nevi c. Italie, no 107/10, §§ 50-53, 20 janvier 2015).

64.  La Cour note tout d’abord que dans le cas d’espèce la requérante est la grand-mère de l’enfant. Elle rappelle que dans certaines affaires la Cour a considéré que les relations entre grands-parents et petits-enfants et celles entre parents et enfants étaient d’une nature et d’une intensité différentes et que, de par leur nature mêmeles premières appelaient en principe un degré de protection moindre (Kruškić c. Croatie (déc.), no10140/13, 25 novembre 2014 §§ 108-110, et Mitovi c. l’ex-République yougoslave de Macédoine, no 53565/13, § 58, 16 avril 2015). Dans d’autres affaires, en revanche, la Cour a considéré que la protection accordée aux grands parents ne se trouvait pas diminuée en raison de la présence des parents exerçant l’autorité parentale (Nistor c. Roumanie, no 14565/05, § 71, 2 novembre 2010, et Manuello et Nevi, précité, §§ 50-53). Or, tout en relevant que dans le cas d’espèce les parents de l’enfant ont été déchus de leur autorité parentale, et même en l’absence d’une procédure officielle de prise en charge de l’enfant par la requérante, la Cour note que cette dernière s’est occupée d’elle depuis sa naissance, qu’un lien interpersonnel étroit s’était développé et que la requérante s’est comportée à tous égards comme sa mère (Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg, no 76240/01, § 117, 28 juin 2007 ; pour le lien entre la famille d’accueil et les enfants voir Moretti et Benedetti c. Italie, no 16318/07, §§ 49-50, 27 avril 2010, Kopf et Liberda c. Autriche, no 1598/06, § 37, 17 janvier 2012 ; Antkowiak c. Pologne (dec.), n  27025/17, 22 mai 2018, et V.D. et autres c. Russie, no 72931/10, §§ 90-93, 9 avril 2019). Par conséquent la Cour estime que, dans le cas d’espèce, les relations entre la requérante et sa petite-fille sont en principe de même nature que les autres relations familiales protégées par l’article 8 de la Convention.

65.  En outre, elle estime que, devant les circonstances qui lui sont soumises, sa tâche consiste à vérifier si les autorités nationales ont pris toutes les mesures que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elles pour maintenir les liens entre la requérante et la mineure (Bondavalli c. Italie, no 35532/12, § 75, 17 novembre 2015) et à examiner la manière dont elles sont intervenues pour faciliter l’exercice du droit de visite de l’intéressée tel que défini par les décisions de justice (Hokkanen c. Finlande, 23 septembre 1994, § 58, série A no 299‑A, et Kuppinger c. Allemagne, no 62198/11, § 105, 15 janvier 2015). De plus, elle rappelle que, dans une affaire de ce type, le caractère adéquat d’une mesure se juge à la rapidité de sa mise en œuvre (Piazzi c. Italie, no 36168/09, § 58, 2 novembre 2010) pour éviter que l’écoulement du temps puisse avoir, à lui seul, des conséquences sur la relation d’un parent avec son enfant.

66.  La Cour relève que, à partir de 2016, au moment l’enfant a été placée dans un institut, la requérante n’a cessé de demander au tribunal l’organisation de rencontres, mais qu’elle n’a pas pu exercer son droit de visite nonobstant les décisions rendues par cette juridiction (paragraphes 25 et 30 ci-dessus).

67.  La Cour constate en effet que la requérante n’a pas réussi à rencontrer l’enfant, ni dans un premier temps – le juge des tutelles ayant prononcé, par sa décision du 8 novembre 2016, la suspension des rencontres en se fondant sur l’existence d’un risque d’enlèvement de l’enfant – ni dans un deuxième tempsnonobstant une deuxième décision du tribunal, en date dudécembre 2016, ordonnant l’organisation des rencontres face à l’inaction des services sociaux à cet égard.

68.  La Cour note que, d’une part, dans l’intervalle, l’équipe de prise en charge psychologique qui suivait l’enfant a souligné qu’il n’y avait pas de signes en faveur d’un éventuel enlèvement de celle-ci tel que mis en évidence par la tutrice et que, d’autre part, la psychologue assurant le suivi de la mineure depuis plusieurs années a rendu un rapport qui faisait état d’un mal‑être de cette dernière à raison de la longue interruption des contacts avec la requérante et qui préconisait l’organisation des rencontres dans l’intérêt de l’enfant et de son bien-être psychologique.

69.  La Cour note que, même si les rencontres n’avaient jamais eu lieu, le 8 février 2017, le tribunal a fait droit à la demande de la tutrice d’en suspendre l’organisation jusqu’à la finalisation de l’expertise, qui a pris fin en juin 2017, et que, par après, la requérante a déposé deux demandes devant le tribunal, respectivement les 11 juillet et 16 novembre 2017, sans succès.

70.  La Cour observe que, par la suite, l’enfant a été déclarée adoptable et le droit de visite de la requérante a été suspendu.

71.  La Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des autorités nationales compétentes quant aux mesures qui auraient être prises, car ces autorités sont en principe mieux placées pour procéder à une telle évaluation, en particulier parce qu’elles sont en contact direct avec le contexte de l’affaire et les parties impliquées (Reigado Ramos, précité, § 53). Pour autant, elle ne peut en l’espèce ignorer les faits précédemment exposés (paragraphes 66-70 ci-dessus). En particulier, elle note que la requérante n’a cessé de tenter de reprendre des contacts avec l’enfant depuis le placement de cette dernière en institut et que, malgré les différentes décisions du tribunal, elle n’a pas pu exercer son droit de visite.

72.  Certes, la Cour reconnaît que les autorités étaient confrontées en l’espèce à une situation très difficile qui découlait notamment du risque d’enlèvement allégué, en particulier par la tutrice, et de ses implications pour les modalités de déroulement des rencontres. Toutefois, elle note qu’à cet égard, à deux reprises, le tribunal a demandé aux services sociaux d’organiser les rencontres selon des modalités visant à garantir l’anonymat du lieu de placement de l’enfant, mais que les services sociaux n’ont jamais donné suite à ses injonctions (Jansen c. Norvège, no 2822/16, § 102, 6 septembre 2018).

73.  La Cour estime que les autorités n’ont pas fait preuve de la diligence qui s’imposait en l’espèce et qu’elles sont restées en deçà de ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles. Elle estime, en particulier, que les services sociaux n’ont pas pris les mesures appropriées pour créer les conditions nécessaires à la pleine réalisation du droit de visite de la requérante (Bondavalli, précité, § 81, Macready c. République tchèque, nos 4824/06 et 15512/08, § 66, 22 avril 2010, Piazzi, précité, § 61, et Strumia, précité).

74.  La Cour note que les juridictions internes n’ont pas pris rapidement des mesures concrètes et utiles visant à l’instauration de contacts effectifs entre la requérante et l’enfant et qu’elles ont ensuite « toléré », pendant un certain temps, que l’intéressée ne puisse pas voir la mineure. Elle constate en particulier que le tribunal a décidé de suspendre le droit de visite de la requérante dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise alors qu’aucune visite n’avait jamais été organisée.

75.  Or, bien que l’arsenal juridique prévu par le droit italien semble suffisant, aux yeux de la Cour, pour permettre à l’État défendeur d’assurer le respect des obligations positives qui découlent pour lui de l’article 8 de la Convention, force est de constater que les autorités ont laissé se consolider, pendant un certain temps, une situation de fait mise en place au mépris des décisions judiciaires, sans prendre en compte les effets à long terme susceptibles d’être engendrés par une séparation permanente entre l’enfant concerné et la personne chargée de s’en occuper, en l’occurrence la requérante.

76.  Eu égard à ce qui précède et nonobstant la marge d’appréciation de l’État défendeur en la matière, la Cour considère que les autorités nationales n’ont pas déployé les efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de visite de la requérante et qu’elles ont méconnu le droit de l’intéressée au respect de sa vie familiale.

77.  Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

78.  La requérante se plaint que le traitement litigieux subi à partir de mars 2016, qu’elle qualifie d’illégal, est à la stigmatisation de la famille rom de l’enfant.

Elle invoque l’article 14 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

  1. Sur la recevabilité

79.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

  1. Sur le fond
    1. Thèses des parties et observations du tiers intervenant

a)      La requérante

80.  La requérante soutient que l’on se trouve face à une « discrimination ouverte et avouée ». Elle expose que l’établissement de la preuve de l’existence d’une discrimination est toujours très difficile, puisque le discriminant veillerait à éviter de faire référence à la vraie motivation de l’action discriminatoire et que la discrimination revêtirait systématiquement des formes subtiles et insidieuses.

81.  La requérante affirme qu’à partir de mars 2016 le « virus des préjugés raciaux » s’est engouffré dans une procédure qui, d’après elle, pouvait jusqu’alors être considérée comme un exemple très positif d’action publique de soutien à une famille en difficulté.

82.  Elle assure qu’il n’y avait aucun motif réel ou soupçon raisonnable de craindre l’enlèvement de la mineure : selon elle, c’est la perception subjective discriminatoire de la tutrice qui a été déterminante à cet égard. Il serait question, en l’espèce, de « profilage racial ». Ce « virus des préjugés raciaux » aurait rendu possible l’éloignement de l’enfant de l’intéressée et l’interdiction de tout contact entre elles alors que les rapports des services sociaux et des psychologues auraient tous été favorables. À cet égard, la requérante précise que l’assistante sociale qui avait jusqu’alors suivi la famille a été déchargée de sa mission en raison de son insistance concernant la réalisation des visites entre elle et l’enfant.

83.  La requérante plaide que la demande de la tutrice (paragraphe 27 ci‑dessus), le mot « rom » serait explicitement lié au risque d’enlèvement, constitue la preuve documentaire de l’existence d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique. En l’espèce, il n’y aurait pas eu de raisons spécifiques pour considérer le risque d’enlèvement ; en particulier, lors de son entretien avec le dernier expert mandaté, l’assistante sociale chargée de l’affaire depuis l’éloignement de la fillette aurait admis l’absence de raisons de craindre l’enlèvement de l’enfant.

84.  La requérante indique qu’il appartenait à l’État de renverser la présomption de discrimination, mais que la preuve en question n’a pas été fournie par le Gouvernement : selon elle, ce dernier s’est borné à se référer à des antécédents criminels, alors que le tribunal avait autorisé les visites tout en ayant conscience de ces antécédents. La seule raison pour l’ingérence contestée de l’État dans la vie familiale de l’intéressée reposerait sur la discrimination pour des raisons ethniques.

85.  La requérante se réfère à l’arrêt Jansen, précité pour affirmer que sa séparation d’avec la mineure a aussi eu comme conséquence d’éloigner l’enfant de son identité rom.

86.  La requérante considère que le comportement adopté par les autorités à son endroit a eu pour effet de porter atteinte à sa dignité et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant et humiliant pour elle, ce qui représenterait un cas typique de harcèlement.

b)     Le Gouvernement

87.  Le Gouvernement indique que le système juridique italien inclut le principe de non-discrimination parmi les principes généraux concernant l’adoption. Il précise qu’il s’agit d’un aspect spécifique du principe fondamental d’égalité de l’article 3 de la Constitution.

88.  Ensuite, le Gouvernement soutient que l’allégation de la requérante quant à l’existence d’une discrimination n’est pas fondée. À cet égard, il dit que le mot « discrimination » signifie « distinction faite à la suite d’un jugement ou d’une classification » et que, en l’espèce, la requérante se plaint effectivement de l’absence d’une justification « objective et raisonnable » et impute les décisions prises par les autorités à l’origine ethnique de son mari. Or, selon lui, les décisions en cause ont un fondement différent et une justification solide qui n’est pas liée à l’origine ethnique du mari de la requérante et de sa famille.

Toutes les décisions concernant la mineure auraient été prises sur la base des expertises menées sur l’enfant et la requérante.

89.  Le Gouvernement argue que l’évaluation négative de l’impact des rencontres entre la requérante et l’enfant sur la croissance harmonieuse de cette dernière a été forgée sur la base de l’environnement criminel faisant office de cadre de vie pour la mineure et de la pathologie développée par celle-ci (trouble de l’attachement d’ordre émotionnel) compte tenu de sa relation « dysfonctionnelle » avec sa grand‑mère.

c)      Le tiers intervenant

90.  Le Centre européen des droits des Roms mentionne l’existence d’une situation générale de racisme institutionnel contre la minorité rom et affirme qu’un « antitsiganisme » institutionnel prévaut dans le système social italien, consistant à permettre le placement d’enfants roms en foyer suivi de la déclaration de ces mineurs comme étant en état d’abandon et adoptables en Italie. Il insiste sur l’existence de stéréotypes raciaux persistants en Europe à propos des Roms, décrits comme enlevant des enfants. Il invite la Cour à utiliser le terme « antitsiganisme » pour évoquer les formes de discrimination visant les Roms. Il poursuit en exposant ce qui suit : il ressort d’une enquête menée en 2011 sur les discriminations dans les foyers pour enfants dans différents pays d’Europe qu’en Italie, les Roms représentent 0,23 % de la population, 10,4 % des enfants placés en foyer sont des enfants roms ; concernant l’Italie, cette enquête a révélé l’existence de comportements discriminatoires au sein du système, y compris d’idées reçues parmi les assistants sociaux italiens qui seraient responsables du placement d’enfants en foyer au motif d’une incapacité de leurs familles à les élever et à les éduquer correctement ; le rapport rendu à l’issue de cette enquête a mis en lumière le fait que les tribunaux et les acteurs impliqués dans le système de placement d’enfants roms en foyer ont concouru à l’existence de ce stéréotype inopportun, contribuant ainsi à ce que de nombreux mineurs d’origine rom soient enlevés à leurs familles et placés en foyer d’adoption.

  1. Appréciation de la Cour

a)      Principes généraux

91.  La Cour rappelle que la discrimination consiste à traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables (voir Willis c. Royaume-Uni, no 36042/97, § 48, CEDH 2002-IV). La discrimination fondée, entre autres, sur l’origine ethnique d’une personne est une forme de discrimination raciale (D.H. et autres c. République tchèque [GC], no 57325/00, § 176 CEDH 2007‑IV.) La discrimination raciale est une forme de discrimination particulièrement odieuse et, et, compte tenu de ses conséquences dangereuses, elle exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités. C’est pourquoi celles-ci doivent recourir à tous les moyens dont elles disposent pour combattre le racisme, en renforçant ainsi la conception que la démocratie a de la société, y percevant la diversité non pas comme une menace mais comme une richesse (Natchova et autres c. Bulgarie [GC], nos 43577/98 et 43579/98, § 145, CEDH 2005‑VII; et Timichev c. Russie, no 55762/00 et 55974/00, § 56, CEDH 2005).

92.  La Cour a également jugé qu’aucune différence de traitement fondée exclusivement ou dans une mesure déterminante sur l’origine ethnique d’un individu ne peut passer pour justifiée dans une société démocratique contemporaine (D.H. et autres, précité § 176 ; Timichev, précité, § 58).

93.  En ce qui concerne la charge de la preuve en la matière, la Cour a déjà jugé que, quand un requérant a établi l’existence d’une différence de traitement, il incombe au Gouvernement de démontrer que cette différence de traitement était justifiée (D.H. et autres, précité, § 177).

94.  Quant aux moyens de preuve susceptibles de constituer un tel commencement de preuve et, partant, de transférer la charge de la preuve à l’Etat défendeur, la Cour a relevé (Natchova et autres, précité, § 147) que, dans le cadre de la procédure devant elle, il n’existait aucun obstacle procédural à la recevabilité d’éléments de preuve ni de formules prédéfinies applicables à leur appréciation. En effet, la Cour adopte les conclusions qui, à son avis, se trouvent étayées par une évaluation indépendante de l’ensemble des éléments de preuve, y compris les déductions qu’elle peut tirer des faits et des observations des parties. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la preuve peut ainsi résulter d’un faisceau d’indices ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants. En outre, le degré de conviction nécessaire pour parvenir à une conclusion particulière et, à cet égard, la répartition de la charge de la preuve sont intrinsèquement liés à la spécificité des faits, à la nature de l’allégation formulée et au droit conventionnel en jeu (D.H. et autresprécité §178).

b)     Application de ces principes au cas d’espèce

95.  La Cour note en l’espèce que les juridictions internes ont procédé au placement de la petite-fille de la requérante en se basant sur les expertises qui avaient constaté l’incapacité de cette dernière à exercer son rôle parental et les difficultés de l’enfant qui grandissait dans un environnement criminel (paragraphes 23 et 34 ci-dessus) et présentait des troubles de l’attachement. À la suite du placement de la mineure en institut, le tribunal a ordonné à deux reprises le maintien des contacts entre la requérante et l’enfant.

96.  La Cour observe également que la tutrice de l’enfant avait demandé au juge des tutelles la suspension des contacts en raison d’un risque d’enlèvement de l’enfant par la communauté rom, sa communauté d’appartenance. Si dans un premier temps le juge des tutelles, agissant à titre provisoire, a fait droit à la demande de la tutrice en ordonnant la suspension des rencontres et en prévoyant des mesures provisoires de nature à prévenir un enlèvement de la mineure, le tribunal, dans l’examen du fond de l’affaire, a modifié sa décision et a ordonné aux autorités compétentes de s’assurer que les rencontres avec l’enfant pussent se dérouler en veillant à la préservation de l’anonymat du lieu de placement de cette dernière (voir a contrario Jansen, précité, § 102).

97.  Quant au fait que les contacts, même si ordonnés par le tribunal, n’ont pas eu lieu, la Cour note qu’il s’agit d’un défaut d’organisation des visites par les services sociaux et rappelle avoir conclu à un constat de violation de l’article 8 de la Convention à raison de l’absence d’efforts adéquats et suffisants déployés par les autorités nationales pour faire respecter le droit de visite de la requérante (paragraphes 76-77 ci-dessus). La Cour relève également que ces retards, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence (Piazzi, précitéLombardo, précitéNicolò Santilli, précitéBondavalli, précité, § 90, Strumia, précitéSolarino c. Italie, no 76171/13, 9 février 2017, Endrizzi c. Italie, no 71660/14, 23 mars 2017) montrent l’existence d’un problème systémique en Italie.

98.  Dans la mesure la tierce partie s’est référé à une enquête de 2011 (paragraphe 90 ci-dessus) qui montrerait un nombre élevé d’enfants rom placés en Italie, la Cour ne peut perdre de vue que son seul souci est de déterminer si, en l’espèce, le placement de l’enfant et la non-exécution du droit de visite de la requérante ont été motivés par l’origine ethnique de l’enfant et sa famille (voir Mižigárová c. Slovaquie, no 74832/01, § 117, 14 décembre 2010 et Natchova, précité, § 155). La Cour note que le placement a été motivé en raison de l’intérêt supérieur de la fillette d’être éloignée d’un milieu elle était fortement pénalisée sous différents points de vue et également en raison de l’incapacité de la requérante à exercer un rôle parental (paragraphes 23 et 36 ci-dessus). Aucune motivation liée à l’origine ethnique de l’enfant et de sa famille n’a été invoquée par les juridictions internes pour justifier son placement.

99.  Quant au rôle de la tutrice, si la Cour estime que ses considérations sont le reflet de préjugés et ne peuvent passer pour une formulation malheureuse appelant des critiques sérieuses, elles sont en soi une base insuffisante pour conclure que les décisions de juridictions étaient motivées par l’origine ethnique de l’enfant et de sa famille. A cet égard la Cour réitère que même si le juge des tutelles a fait provisoirement droit à la demande de la tutrice en ordonnant la suspension des rencontres et en prévoyant des mesures provisoires de nature à prévenir un enlèvement de la mineure, cette décision a été par la suite modifiée par le tribunal (paragraphe 96 ci-dessus).

100.  Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8 de la Convention.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

101.  La requérante se plaint de ne pas disposer d’un recours effectif qui lui permettrait de faire valoir son grief fondé sur l’article 8. Elle invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

102.  Compte tenu de la conclusion à laquelle elle est parvenue au sujet de l’article 8 de la Convention (paragraphes 76-77 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief tiré de l’article 13.

  1. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

103.  Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

  1. Dommage moral

104.  La requérante sollicite 50 000 euros (EUR) pour le dommage moral qu’elle dit avoir subi à raison de l’interruption de contacts avec la mineure.

105.  Le Gouvernement s’oppose à cette prétention, dont il demande le rejet.

106.  Tenant compte des circonstances de l’espèce, la Cour considère que l’intéressée a subi un préjudice moral qui ne saurait être réparé par le seul constat de violation de l’article 8 de la Convention. Elle estime toutefois que la somme réclamée à ce titre est exagérée. Eu égard à l’ensemble des éléments dont elle dispose, et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle alloue à l’intéressée la somme de 4 000 EUR pour préjudice moral.

  1. Frais et dépens

107.  Justificatifs à l’appui, la requérante réclame 17 091 EUR au titre des frais et dépens engagés aux fins de la procédure menée devant la Cour.

108.  Le Gouvernement s’oppose à cette prétention.

109.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer à la requérante la somme de 10 000 EUR au titre des frais et dépens engagés aux fins de la procédure menée devant elle.

  1. Intérêts moratoires

110.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

  1. Déclare la requête recevable ;
  2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
  3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8 de la Convention ;
  4. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief formulé sur le terrain de l’article 13 de la Convention ;
  5. Dit,

a)    que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

  1. 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral,
  2. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être sur cette somme par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b)    qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

  1. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 janvier 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

 

Abel Campos                                                   KsenijaTurković

Greffier                                                            Présidente