Corte europea dei diritti dellâuomo
(Seconda Sezione)
17 luglio 2012
AFFAIRE SCOPPOLA c. ITALIE (N° 4)
(RequĂȘte n.
65050/09)
STRASBOURG
Cet arrĂȘt deviendra
dĂ©finitif dans les conditions dĂ©finies Ă lâarticle 44 § 2 de la
Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En lâaffaire Scoppola c. Italie (no 4),
La Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (deuxiĂšme section), siĂ©geant en une
chambre composée de :
         Françoise Tulkens, présidente,
         Dragoljub Popović,
         Isabelle Berro-LefÚvre,
         Andrås Sajó,
         Guido Raimondi,
         Paulo Pinto de Albuquerque,
         Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
AprÚs en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 juin 2012,
Rend lâarrĂȘt que voici, adoptĂ© Ă cette date :
PROCĂDURE
1. A lâorigine
de lâaffaire se trouve une requĂȘte (no 65050/09) dirigĂ©e contre la
RĂ©publique italienne et dont un ressortissant de cet Ătat, M. Franco Scoppola
(« le requĂ©rant »), a saisi la Cour le 10 dĂ©cembre 2009 en vertu de lâarticle
34 de la Convention de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s
fondamentales (« la Convention »).
2. Le
requérant est représenté par Me N. Paoletti, avocat à Rome. Le
gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son
agent, Me E. Spatafora.
3. Le
requérant allÚgue que sa détention dans le pénitencier de Parme a été
incompatible avec son état de santé.
4. Le 20
septembre 2010, la requĂȘte a Ă©tĂ© communiquĂ©e au Gouvernement. Comme le permet lâarticle
29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la
chambre se prononcerait en mĂȘme temps sur la recevabilitĂ© et le fond.
EN FAIT
I. LES
CIRCONSTANCES DE LâESPĂCE
5. Le
requĂ©rant est nĂ© en 1940. ĂgĂ© de soixante-douze ans, il souffre de pathologies
cardiaques et du mĂ©tabolisme, de diabĂšte, dâun affaiblissement de sa masse
musculaire aggravĂ©e par une fracture du fĂ©mur subie en 2006, dâhypertrophie de
la prostate et de dépression. Il se déplace en fauteuil
roulant depuis 1987.
6. En septembre 1999, Ă lâissue
dâune dispute avec ses enfants, le requĂ©rant tua sa femme et blessa lâun de ses
enfants. En janvier 2002, il fut condamné à la réclusion à perpétuité par la
cour dâassises dâappel de Rome et placĂ© en dĂ©tention dans la prison de Regina CĆli Ă Rome.
7. Pendant sa détention, le
requérant fut hospitalisé à plusieurs reprises en raison de son état de santé,
jugé incompatible avec la détention par les autorités nationales compétentes.
Par une ordonnance du 16 juin 2006, le tribunal dâapplication des peines de
Rome accorda au requĂ©rant la dĂ©tention Ă domicile afin quâil puisse recevoir
les soins adéquats. Faute de trouver un domicile adapté, ladite ordonnance fut
révoquée le 8 septembre 2006 et, le 23 septembre 2007, le requérant fut
transféré au pénitentiaire de Parme qui disposait, selon la direction générale
pour les détenus du ministÚre de la Justice, de structures adaptées aux
exigences des personnes handicapées.
8. Les
conditions de dĂ©tention du requĂ©rant ont fait lâobjet de la requĂȘte no 50550/06
(Scoppola c. Italie, no 50550/06, 10 juin 2008), dans laquelle la Cour
conclut quâil y avait eu violation de lâarticle 3 de la Convention en raison du
maintien en dĂ©tention du requĂ©rant dans le pĂ©nitentiaire de Regina CĆli malgrĂ© son Ă©tat de santĂ©. Dans
son arrĂȘt, la Cour releva notamment que :
« 49. La
Cour ne saurait ignorer les efforts déployés par les autorités internes, qui
ont placĂ© le requĂ©rant dans un pĂ©nitencier disposant dâun centre clinique et de
moyens pour Ă©liminer les obstacles architecturaux, Ă savoir celui de Parme. Par
ailleurs, Ă la prison de Rome-Regina Coeli
le requérant a été soumis à des nombreux examens médicaux, visant à traiter ses
pathologies du métabolisme, et a bénéficié de séances de kinésithérapie.
Cependant, lâabsence, dans le chef des autoritĂ©s nationales, dâune volontĂ© dâhumilier
ou de rabaisser lâintĂ©ressĂ© nâexclut pas dĂ©finitivement un constat de violation
de lâarticle 3 ; cette disposition peut aussi bien ĂȘtre enfreinte par une
inaction ou un manque de diligence de la part des autorités publiques.
50. En
lâespĂšce, lâexigence, soulignĂ©e par le tribunal dâapplication des peines de
Rome, de placer le requérant en dehors du milieu carcéral est restée lettre
morte pour des raisons qui ne sauraient ĂȘtre imputĂ©es Ă lâintĂ©ressĂ©. Aux yeux
de la Cour, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire,
une fois établi que la tentative de placer le requérant en détention à domicile
ne pouvait aboutir, il appartenait aux autoritĂ©s de sâactiver pour satisfaire Ă
lâobligation qui est la leur dâassurer des conditions de privation de libertĂ©
conformes à la dignité humaine. En particulier, le requérant ne pouvant pas
ĂȘtre soignĂ© Ă son domicile et aucune structure dâaccueil idoine nâĂ©tant
disposĂ©e Ă le prendre en charge, lâĂtat aurait dĂ» soit transfĂ©rer sans dĂ©lai lâintĂ©ressĂ©
dans une prison mieux Ă©quipĂ©e afin dâexclure tout risque de traitements
inhumains, soit suspendre lâexĂ©cution dâune peine qui sâanalysait dĂ©sormais en
traitement contraire Ă lâarticle 3 de la Convention. Cependant, dans sa
décision révoquant la mesure de détention à domicile du requérant, le tribunal
dâapplication des peines de Rome nâa pas pris en considĂ©ration cette derniĂšre
possibilitĂ© qui, selon les dispositions internes pertinentes, aurait pu ĂȘtre
examinĂ©e mĂȘme dâoffice.
51. En
consĂ©quence de ce qui prĂ©cĂšde, le requĂ©rant a continuĂ© Ă ĂȘtre dĂ©tenu dans le
pĂ©nitencier de Rome. Ce nâest que le 23 septembre 2007, soit plus dâun an aprĂšs
la date Ă laquelle le tribunal dâapplication des peines avait constatĂ© lâimpossibilitĂ©
de détenir le requérant à domicile, que ce dernier a été transféré dans une
autre prison, celle de Parme, dotée de structures qui, selon le ministÚre de la
Justice, peuvent faire face aux difficultés de mobilité du condamné. La Cour
estime de ne pas disposer, Ă prĂ©sent, dâĂ©lĂ©ments suffisants pour se prononcer
sur la qualité de ces structures ou, plus en général, sur les conditions de la
détention du requérant à Parme. Elle se borne à observer que la continuation de
son séjour au pénitencier de Regina Coeli dans
les circonstances mentionnĂ©es plus haut nâa pu que le placer dans une situation
susceptible de susciter, chez lui, des sentiments constants dâangoisse, dâinfĂ©rioritĂ©
et dâhumiliation suffisamment forts pour constituer un « traitement
inhumain ou dĂ©gradant », au sens de lâarticle 3 de la Convention. Les
explications données par le Gouvernement pour justifier le retard dans le
transfert au pĂ©nitencier de Parme â Ă savoir, quâil nâĂ©tait pas opportun dâinterrompre
les thérapies en cours à la prison de Regina
Coeli â, ne sauraient justifier le maintien dâun dĂ©tenu dans des
conditions portant atteinte à sa dignité humaine. »
9. La présente
requĂȘte concerne les conditions de dĂ©tention du requĂ©rant postĂ©rieures Ă son
transfĂšrement Ă la prison de Parme, qui eut lieu le 23 septembre 2007.
10. A une date
qui nâa pas Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©e, le requĂ©rant prĂ©senta devant le tribunal dâapplication
des peines (TAP) de Bologne une demande visant la suspension de lâexĂ©cution
de sa peine ou, à défaut, le placement à domicile, pour raisons de santé. Il
affirmait que son Ă©tat de santĂ© sâĂ©tait ultĂ©rieurement dĂ©gradĂ© dans la prison
de Parme, oĂč il Ă©tait contraint de passer ses journĂ©es au lit.
11. A lâaudience
du 4 aoĂ»t 2009, le tribunal Ă©mit une ordonnance provisoire. Sâappuyant notamment
sur un rapport médical établi par les médecins de la prison de Parme, selon
lequel le requérant souffrait de graves pathologie dégénératives, le tribunal
soutint que le transfÚrement du requérant dans un centre médical externe était
extrĂȘmement urgent et sollicita le Service Sanitaire Nationale, ainsi que
toutes les autoritĂ©s compĂ©tentes, Ă trouver une solution adaptĂ©e Ă lâĂ©tat du
requérant.
12. Par la
suite, le TAP reporta lâaffaire Ă trois reprises, les 24 septembre, 17
novembre, et 3 décembre 2009, sollicitant les autorités sanitaires de donner
suite à son ordonnance provisoire du 4 août et de trouver un centre médical spécialisé
au sein duquel placer le requérant.
13. Le 11
dĂ©cembre 2009, Ă la demande de lâintĂ©ressĂ©, la
prĂ©sidente de la deuxiĂšme section dĂ©cida dâindiquer au gouvernement
italien, en application de lâarticle 39 du rĂšglement de la Cour, quâil Ă©tait
souhaitable, dans lâintĂ©rĂȘt des parties et du bon dĂ©roulement de la procĂ©dure
devant la Cour, de transfĂ©rer dâurgence le requĂ©rant dans une structure
adĂ©quate Ă son Ă©tat de santĂ©, afin dâexclure tout risque de traitements
inhumains et dégradants.
14. Le 24
dĂ©cembre 2009, le magistrat de lâapplication des peines, relevant que les
conditions du requĂ©rant ne permettaient pas dâattendre ultĂ©rieurement lâissue
de la procĂ©dure devant le TAP, dont lâaudience avaient Ă©tĂ© fixĂ©e au 7 janvier
2010, ordonna que lâintĂ©ressĂ© fut placĂ© dans lâhĂŽpital civil de Parme en attendant
que le Service Sanitaire trouve un lieu dâaccueil disponible rĂ©pondant aux
critĂšres fixĂ©s dans lâordonnance du 4 aoĂ»t 2009.
15. Le mĂȘme jour,
M. Scoppola refusa dâĂȘtre hospitalisĂ© dans lâhĂŽpital civil de Parme, allĂ©guant
que cette structure nâĂ©tait pas adaptĂ©e Ă son Ă©tat de santĂ©.
16. Par une
ordonnance du 7 janvier 2010, le tribunal dâapplication des peines, faisant application
de lâarticle 147 § 1 du code pĂ©nal, ordonna la suspension de lâexĂ©cution de la
peine du requĂ©rant pour une pĂ©riode dâun an et son placement Ă domicile dans
une structure spécialisée. Le tribunal constata que, malgré les nombreuses
sollicitations adressĂ©e aux autoritĂ©s sanitaires compĂ©tentes, celles-ci nâavaient
pas encore trouvé de centre médical spécialisé adapté aux exigences du
requĂ©rant. Or, les conditions de lâintĂ©ressĂ© ne permettaient guĂšre un renvoi
ultérieur de la procédure. Se basant notamment sur un rapport médical établi le
3 novembre 2009 par le service sanitaire de la prison de Parme, le tribunal
affirma que le requérant nécessitait un suivi intensif de kinésithérapie dans
un centre spĂ©cialisĂ© extĂ©rieur au milieu pĂ©nitentiaire, dans le but dâessayer
de réhabiliter un état de santé particuliÚrement compromis.
17. Le 8
janvier 2010, le procureur de la République de Rome ordonna la mise en liberté
du requĂ©rant jusquâau 9 janvier 2011.
18. Ce mĂȘme
jour, le requĂ©rant fut libĂ©rĂ© et transportĂ© aux urgences de lâhĂŽpital civil de
Parme. AprÚs avoir été visité, il fut transporté à la « Casa di Cura
Valparma », un centre de soin conventionnĂ© par la sĂ©curitĂ© sociale, oĂč, le
19 février 2010, il fut examiné par un médecin orthopédiste. Dans son rapport,
le mĂ©decin Ă©tablit que lâĂ©tat de santĂ© du requĂ©rant ne permettait pas dâenvisager
une opĂ©ration chirurgicale et soutint quâun renforcement musculaire intensif
des membres infĂ©rieurs sâimposait, dans le but dâamĂ©liorer la position assise
dans la chaise roulante. Lâexpert recommanda lâhospitalisation du requĂ©rant
dans un centre mĂ©dical spĂ©cialisĂ© pendant huit mois au moins dans le but dâobtenir
un résultat durable.
19. Entre-temps,
le 20 janvier 2010, la prĂ©sidente de la deuxiĂšme section rĂ©examina la requĂȘte Ă
la lumiÚre des développements de la procédure interne et décida de lever la
mesure provisoire quâelle avait indiquĂ©e le 11 dĂ©cembre 2009.
20. Le 8 avril
2010, le requĂ©rant fut transfĂ©rĂ© Ă lâhĂŽpital civil « San Secondo », Ă
Fidenza.
21. Le 13
janvier 2011, le TAP de Bologne prorogea le placement à domicile du requérant,
pour une pĂ©riode dâun an, prĂšs de lâhĂŽpital civil « San Secondo ».
Le 22 dĂ©cembre 2011, le TAP rĂ©itĂ©ra lâapplication de la mesure de la
dĂ©tention domiciliaire pour une pĂ©riode ultĂ©rieure dâun an, affirmant quâil y
avait lieu de confirmer lâincompatibilitĂ© entre lâĂ©tat de santĂ© du requĂ©rant et
la détention carcérale.
II. LE
DROIT INTERNE PERTINENT
22. La
suspension de lâexĂ©cution de la peine est prĂ©vue par lâarticle 147 §
1 alinéa 2 du code pénal, aux termes duquel
« LâexĂ©cution
dâune peine peut ĂȘtre suspendue : (...)
2)
si une peine privative de libertĂ© doit ĂȘtre exĂ©cutĂ©e Ă lâencontre dâune
personne se trouvant en condition dâinfirmitĂ© physique grave (...). »
EN DROIT
I. SUR LA
VIOLATION ALLĂGUĂE DE LâARTICLE 3 DE LA CONVENTION
23. Le
requérant allÚgue que son maintien en détention à la prison de Parme a
constituĂ© un traitement inhumain et dĂ©gradant contraire Ă lâarticle 3 de
la Convention, ainsi libellé :
« Nul
ne peut ĂȘtre soumis Ă la torture ni Ă des peines ou traitements inhumains ou
dégradants. »
24. Le
Gouvernement sâoppose Ă cette thĂšse.
A. Sur la recevabilité
25. Le
Gouvernement affirme tout dâabord que la Cour devrait sâabstenir de dĂ©cider la
prĂ©sente requĂȘte. Il considĂšre que dans lâarrĂȘt rendu dans le cadre de lâaffaire
no 50550/06 (Scoppola c. Italie, précité, du 10 juin 2008),
la Cour avait renoncé à examiner les conditions de détention du requérant à la prison de
Parme. Par consĂ©quent, dans la mesure oĂč la Cour pourrait parvenir Ă une solution
conduisant à une contradiction avec sa décision antérieure, elle devrait éviter
de se prononcer dans la prĂ©sente requĂȘte et considĂ©rer lâopportunitĂ© de se
dessaisir en faveur de la Grande Chambre.
26. En deuxiĂšme
lieu, le Gouvernement soutient que le requĂ©rant nâa plus la qualitĂ© de victime
requise par la Convention. Il estime que les démarches accomplies par les
autoritĂ©s nationales aprĂšs lâintroduction de la requĂȘte devant la Cour ont
permis de parvenir à une solution satisfaisante pour le requérant, dÚs lors que
rien ne justifie la poursuite de lâexamen de lâaffaire.
27. Le
requĂ©rant nâa pas prĂ©sentĂ© dâobservations sur ces questions.
28. Sâagissant
de la premiĂšre exception soulevĂ©e par le Gouvernement, dans la mesure oĂč elle
mettrait en cause la compétence de la Cour à examiner la présente affaire,
celle-ci rappelle tout dâabord quâen vertu du paragraphe 2 de lâarticle 32,
« (e)n cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide » (Emre c. Suisse (no 2), no 5056/10, § 39,
11 octobre 2011).
Par ailleurs, la Cour observe quâaucune rĂ©solution, mĂȘme intermĂ©diaire, nâa
Ă©tĂ© adoptĂ©e par le ComitĂ© des Ministres dans le cadre de lâexĂ©cution dans lâaffaire
no 50550/06. Elle rappelle avoir dĂ©jĂ dit par le passĂ© quâelle nâempiĂšte
pas sur les compĂ©tences que le ComitĂ© des Ministres tire de lâarticle 46 lorsquâelle
connaĂźt de faits nouveaux dans le cadre dâune nouvelle requĂȘte (Verein gegen
Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (no 2) [GC], no 32772/02, §§ 66 et suiv, CEDH 2009 ; Emre c. Suisse,
précité, § 39).
29. En lâespĂšce,
afin de dĂ©terminer si lâon est en prĂ©sence dâune nouvelle requĂȘte qui se
distingue essentiellement, au sens de la jurisprudence précitée, de la
premiĂšre, il importe de souligner que lâarrĂȘt de la Cour du 10 juin 2008
concernait les conditions de dĂ©tention du requĂ©rant Ă la prison de Regina CĆli Ă Rome, Ă la lumiĂšre des
informations qui lui étaient disponibles au moment de la décision et sur la
base des allĂ©gations soulevĂ©es par le requĂ©rant. Dans son arrĂȘt de 2008, la
Cour releva « ne pas disposer, [Ă lâĂ©poque], dâĂ©lĂ©ments suffisants pour se
prononcer (...), sur les conditions de la détention du requérant à Parme »
(voir paragraphe 51 de lâarrĂȘt du 10 juin 2008). Cette constatation ne saurait
ĂȘtre assimilĂ©e, comme lâaffirme le Gouvernement, Ă une renonciation de la Cour
à examiner la suite de la détention du requérant.
30. A la suite
de cet arrĂȘt, le requĂ©rant saisit le tribunal dâapplication des peines de
Bologne, compétent ratione loci, afin
de se plaindre de sa dĂ©tention Ă la prison de Parme, oĂč il affirmait que son
Ă©tat sâĂ©tait ultĂ©rieurement dĂ©gradĂ© faute dâun suivi appropriĂ© Ă ses
pathologies. Dans le cadre de cette nouvelle procédure, le tribunal se prononça
Ă plusieurs reprises et accueillit le recours du requĂ©rant sâappuyant sur les rapports
médicaux établis par les médecins de la prison en question.
31. Les
considérations qui précÚdent permettent à la Cour de conclure que les faits
objet de la prĂ©sente requĂȘte constituent des faits nouveaux susceptibles de
donner lieu Ă une nouvelle atteinte de lâarticle 3, pour lâexamen de laquelle
la Cour est compĂ©tente. Il sâensuit que la premiĂšre exception du Gouvernement
ne saurait ĂȘtre retenue.
32. Sâagissant de
lâexception concernant le dĂ©faut de la qualitĂ© de victime du requĂ©rant, la
Cour estime que la question soulevĂ©e est Ă©troitement liĂ©e Ă celles quâelle
devra aborder lors de lâexamen du bien-fondĂ© de la requĂȘte. Il convient dĂšs
lors de joindre cette question Ă lâexamen du fond.
33. La Cour
constate que la requĂȘte nâest pas
manifestement mal fondĂ©e au sens de lâarticle 35 § 3 (a) de la Convention. La
Cour relĂšve par ailleurs quâelle ne se heurte Ă aucun autre motif dâirrecevabilitĂ©.
Il convient donc de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
34. Le
requérant soutient que le caractÚre inhumain et dégradant de sa détention dans
la prison de Parme a Ă©tĂ© constatĂ© par les juges de lâapplication des peine de
Bologne. Par les ordonnances des 4 août, 24 septembre, 17 novembre, 3
dĂ©cembre, 24 dĂ©cembre 2009 et 7 janvier 2010, les magistrats dâapplication
des peines nâont pas cessĂ© dâaffirmer lâincompatibilitĂ© de son Ă©tat de santĂ©
avec la détention dans un établissement pénitentiaire et de recommander son
placement dans une structure extérieure au milieu carcéral.
35. Par
ailleurs, les juridictions nationales étaient déjà parvenues à cette conclusion
quelques années auparavant, lorsque, le 21 juin 2006, le TAP de Rome avait ordonné
son placement à domicile en raison de son état de santé, jugé incompatible avec
la détention en milieu pénitentiaire. Cette circonstance, examinée par la Cour
dans le cadre de la requĂȘte no 50550/06, ne fait que rendre
encore plus lourd le bilan de sa détention.
Or, en dépit de ces multiples rappels des autorités judiciaires, réitérés
au fil des annĂ©es, il nâa pu quitter le milieu pĂ©nitentiaire que le 7 janvier 2010.
36. Le
requérant affirme avoir été obligé de passer toutes ses journées au lit,
incapable dâaccomplir le moindre geste et de gĂ©rer ses exigences physiologiques
de façon autonome. Son état de santé, nécessitant une assistance médicale
spĂ©cialisĂ©e continue, nâest compatible avec la dĂ©tention en aucun Ă©tablissement
pénitentiaire, y compris celui de Parme.
En
outre, le requĂ©rant affirme avoir refusĂ© lâhospitalisation dans lâhĂŽpital civil
de cette mĂȘme ville, le 24 dĂ©cembre 2009, puisque les services fournis par un
hĂŽpital civil ordinaire ne sont pas non plus en mesure de prendre en charge une
situation telle que la sienne. De plus, cette hospitalisation avait été
envisagĂ©e par le magistrat de lâapplication des peines seulement comme une
mesure temporaire, afin de pallier Ă lâinertie de lâadministration.
37. Le
requĂ©rant considĂšre que la seule raison ayant empĂȘchĂ© son prompt transfĂšrement dans
une structure adĂ©quate est la lenteur de lâadministration, aucune
responsabilitĂ© ne pouvant ĂȘtre imputĂ© Ă son propre comportement.
38. En
conclusion, le requĂ©rant estime avoir Ă©tĂ© victime dâun traitement contraire Ă lâarticle
3 de la Convention.
39. Le
Gouvernement fait valoir tout dâabord que lâĂ©tat de santĂ© du requĂ©rant ne lui a
pas empĂȘchĂ©, en 1999, alors quâil Ă©tait dĂ©jĂ ĂągĂ© de soixante ans, de commettre
des dĂ©lits extrĂȘmement graves et dâinfliger de mauvais traitements aux membres
de sa famille.
40. Quoi quâil
en soit, il considĂšre que les autoritĂ©s compĂ©tentes ont mis en Ćuvre toutes les
mesures possibles et nécessaires pour garantir au requérant des conditions de
vie compatibles avec lâarticle 3 de la Convention et pour lui prodiguer les
soins dont il avait besoin. En effet, il fut dâabord transfĂ©rĂ© dans un
établissement pénitentiaire hautement spécialisé, à savoir la prison de Parme,
puis obtint la suspension de lâexĂ©cution de sa peine.
41. Le
Gouvernement fait valoir que le pénitencier de Parme est la meilleure structure
dans son genre existant en Italie, dotĂ©e dâun centre clinique en mesure dâadministrer
des soins spécialisés de haut niveau. Il affirme que de fortes sommes ont été
dépensées pour faire fonctionner ce centre, qui accueille de nombreux détenus souffrants
de pathologies diverses.
42. Concernant
en particulier le traitement réservé au requérant au cours du second semestre
2009, le Gouvernement soutient que celui-ci, placé au sein de la section pour
paraplégiques, bénéficia de plusieurs visites médicales spécialisées, ainsi que
de séances réguliÚres de physiothérapies, et fut hospitalisé deux fois dans le
but dâeffectuer des examens. En outre, un codĂ©tenu fut recrutĂ© par lâadministration
pĂ©nitentiaire pour aider le requĂ©rant dans lâexercice de ses activitĂ©s.
43. Certes, dans
un deuxiĂšme temps cette structure fut considĂ©rĂ©e comme nâĂ©tant pas complĂštement
adaptée aux conditions du requérant, si bien que des soins prodigués dans une
structure extérieure auraient été probablement plus efficaces. Cependant, ce
constat ne saurait impliquer que la dĂ©tention Ă Parme a Ă©tĂ© contraire Ă lâarticle
3 de la Convention et que le requĂ©rant a fait lâobjet de traitements inhumains
ou dégradants.
44. En outre,
le Gouvernement est dâavis que le comportement du requĂ©rant a sĂ©rieusement
entravé les efforts des autorités de trouver une solution adéquate. A ce
propos, il attire lâattention de la Cour sur le refus opposĂ© par celui-ci, le
24 dĂ©cembre 2009, Ă son hospitalisation dans lâhĂŽpital civil de Parme. Si ce
refus nâexplique pas entiĂšrement les difficultĂ©s rencontrĂ©es par les autoritĂ©s
compétentes pour transférer le requérant dans un centre médical spécialisé, il
dĂ©montre nĂ©anmoins lâattitude nĂ©gative et peu collaborative de lâintĂ©ressĂ©.
45. Ainsi, le
Gouvernement fait valoir que le retard mis par les autorités pour trouver un
centre dâaccueil pour le requĂ©rant a Ă©tĂ© dĂ» Ă diffĂ©rents facteurs : la
difficultĂ© de repĂ©rer un lieu oĂč le requĂ©rant puisse bĂ©nĂ©ficier de soins dâun
niveau supérieur à ceux prodigués à Parme ; la complexité des pathologies
Ă traiter ; lâabsence de collaboration de lâintĂ©ressĂ©.
2. Appréciation de la Cour
(a) Principes
généraux
46. Pour quâune
peine et le traitement dont elle sâaccompagne puissent ĂȘtre qualifiĂ©s dâ« inhumains »
ou de « dĂ©gradants », la souffrance ou lâhumiliation doivent en tout
cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de
traitement ou de peine légitimes (Jalloh c.
Allemagne [GC], no 54810/00, § 68, 11 juillet
2006).
47. Sâagissant
en particulier de personnes privĂ©es de libertĂ©, lâarticle 3 impose Ă lâEtat
lâobligation positive de sâassurer que tout prisonnier est dĂ©tenu dans des
conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités
dâexĂ©cution de la mesure ne soumettent pas lâintĂ©ressĂ© Ă une dĂ©tresse ou une
Ă©preuve dâune intensitĂ© qui excĂšde le niveau inĂ©vitable de souffrance inhĂ©rent
Ă la dĂ©tention et que, eu Ă©gard aux exigences pratiques de lâemprisonnement, la
santĂ© et le bien-ĂȘtre du prisonnier sont assurĂ©s de maniĂšre adĂ©quate, notamment
par lâadministration des soins mĂ©dicaux requis (Kudła
c. Pologne [GC], no 30210/96, § 94, CEDH 2000-XI,
et Riviere c. France, no
33834/03, § 62, 11 juillet 2006). Ainsi, le manque de soins médicaux
appropriĂ©s, et, plus gĂ©nĂ©ralement, la dĂ©tention dâune personne malade dans des
conditions inadĂ©quates, peut en principe constituer un traitement contraire Ă lâarticle 3
(voir, par exemple, İlhan c. Turquie
[GC], no 22277/93, § 87, CEDH 2000-VII). Outre la santé du
prisonnier, câest son bien-ĂȘtre qui doit ĂȘtre assurĂ© dâune maniĂšre adĂ©quate (Mouisel c. France, no 67263/01, § 40, CEDH 2002‑IX).
48. Les
conditions de dĂ©tention dâune personne malade doivent garantir la protection de
sa santĂ©, eu Ă©gard aux contingences ordinaires et raisonnables de lâemprisonnement.
Si lâon ne peut en dĂ©duire une obligation gĂ©nĂ©rale de remettre en libertĂ© ou bien
de transfĂ©rer dans un hĂŽpital civil un dĂ©tenu, mĂȘme si ce dernier souffre dâune
maladie particuliĂšrement difficile Ă soigner (Mouisel, prĂ©citĂ©, § 40), lâarticle
3 de la Convention impose en tout cas Ă lâĂtat de protĂ©ger lâintĂ©gritĂ© physique
des personnes privées de liberté. La Cour ne saurait exclure que, dans des
conditions particuliĂšrement graves, lâon puisse se trouver en prĂ©sence de
situations oĂč une bonne administration de la justice pĂ©nale exige que des
mesures de nature humanitaire soient prises pour y parer (Matencio c. France, no 58749/00,
§ 76,15 janvier 2004, et Sakkopoulos c.
GrÚce, no 61828/00, § 38, 15 janvier 2004).
49. En
appliquant les principes susmentionnés, la Cour a déjà conclu que le maintien
en dĂ©tention pour une pĂ©riode prolongĂ©e dâune personne dâun Ăąge avancĂ©, et de
surcroĂźt malade, peut entrer dans le champ de protection de lâarticle 3 (Papon c. France (no 1) (dĂ©c.),
no 64666/01, CEDH 2001-VI ; Sawoniuk
c. Royaume-Uni (déc.), no 63716/00, CEDH 2001-VI, et Priebke c. Italie (déc.), no
48799/99, 5 avril 2001). De plus, la Cour a jugé que maintenir en détention une
personne tétraplégique, dans des conditions inadaptées à son état de santé,
Ă©tait constitutif dâun traitement dĂ©gradant (Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 30, CEDH 2001‑VII). Elle a aussi
considĂ©rĂ© que certains traitements peuvent enfreindre lâarticle 3 du fait quâils
sont infligés à une personne souffrant de troubles mentaux (Keenan c. Royaume-Uni, no 27229/95, §§ 111-115, CEDH
2001-III). Cela étant, la Cour doit tenir compte, notamment, de trois éléments
afin dâexaminer la compatibilitĂ© dâun Ă©tat de santĂ© prĂ©occupant avec le
maintien en détention du requérant, à savoir : a) la condition du
dĂ©tenu, b) la qualitĂ© des soins dispensĂ©s et c) lâopportunitĂ© de maintenir la
dĂ©tention au vu de lâĂ©tat de santĂ© du requĂ©rant (Sakkopoulos, prĂ©citĂ©, § 39).
(b) Application
de ces principes au cas dâespĂšce
50. La Cour observe
que la prison de Parme est dotĂ©e dâun centre clinique et dâune section pour
handicapĂ©s, ce qui fait dâelle une structure pĂ©nitentiaire adaptĂ©e aux
exigences des dĂ©tenus atteints de pathologies dĂ©gĂ©nĂ©ratives. Dans son arrĂȘt du 10
juin 2008, la Cour avait salué le choix des autorités nationales de transférer
le requĂ©rant dans cet Ă©tablissement, compte tenu de lâimpossibilitĂ© de le placer
en dĂ©tention Ă domicile (voir arrĂȘt Scoppola,
précité, § 49).
51. Cependant,
force est de constater que cette structure sâest rapidement relevĂ©e inadaptĂ©e
pour prendre en charge de façon adĂ©quate le requĂ©rant, dont lâĂ©tat de santĂ© est
particuliĂšrement grave. La Cour rappelle que le requĂ©rant, qui nâa plus marchĂ©
depuis 1987 et a subi, en avril 2006, une fracture du fémur, ne peut se
dĂ©placer quâen fauteuil roulant. Il manque de toute autonomie et est contraint
de passer toutes ses journĂ©es au lit. ĂgĂ© de 72 ans, il souffre de pathologies
cardiaques et du mĂ©tabolisme, de diabĂšte, dâun affaiblissement de sa masse
musculaire empĂȘchant la position assise, dâhypertrophie de la prostate et de
dépression.
52. Ainsi, lâincompatibilitĂ©
de la détention du requérant dans la prison de Parme avec son état de santé a
Ă©tĂ© affirmĂ©e Ă plusieurs reprises par les juges de lâapplication des peines,
lesquels se sont appuyés sur les conclusions des médecins de la prison.
53. Le 4 août
2009, le TAP de Bologne ordonna le placement du requérant dans un milieu
extĂ©rieur Ă la prison. Selon la Cour, câest Ă compter de cette date au moins
que les autoritĂ©s compĂ©tentes auraient dĂ» tout mettre en Ćuvre pour garantir au
requérant le placement dans un environnement idoine garantissant un suivi
médical approprié. Or, malgré plusieurs sollicitations du tribunal (voir
paragraphes 11-14 ci-dessus), et en dĂ©pit de lâindication dâune mesure
provisoire de la part de la Cour (voir paragraphe 13 ci-dessus), celles-ci nâont
pas Ă©tĂ© en mesure de trouver un lieu dâaccueil qui garantisse la santĂ© et le
bien-ĂȘtre du requĂ©rant. Ce nâest que le 7 janvier 2010 que le requĂ©rant quitta
le milieu pĂ©nitentiaire, le TAP ayant dĂ©cidĂ© en dernier ressort dâordonner la
suspension de lâexĂ©cution de la peine du requĂ©rant afin de permettre son placement
à domicile dans un environnement hospitalier spécialisé.
54. La Cour ne sous-estime
pas les difficultés liées à la prise en charge de détenus atteints de
pathologies telles que celles souffertes par le requérant. Néanmoins, elle
considÚre que les raisons avancées par le Gouvernement pour justifier le
maintien du requérant dans la prison de Parme dans des conditions portant
atteinte à sa dignité humaine pendant plusieurs mois en dépit des avis
contraires des experts et des juges de lâapplication des peines, ne sauraient
ni dispenser lâItalie de ses obligations face aux dĂ©tenus malades ni ĂȘtre
imputĂ©es au comportement de lâintĂ©ressĂ©.
55. A ce
dernier Ă©gard, concernant notamment le refus du requĂ©rant dâĂȘtre transfĂ©rĂ© a lâhĂŽpital
civil de Parme, il est difficile pour la Cour de concevoir que ce refus ait été
en mesure, en lui-mĂȘme, dâentraver les efforts des autoritĂ©s de trouver une
structure adĂ©quate. Il suffit Ă ce propos dâobserver que ladite hospitalisation
avait Ă©tĂ© envisagĂ©e par le TAP Ă titre provisoire, dans lâattente que le
service sanitaire national trouve une solution définitive convenable, et dans
le but de sortir dâune impasse installĂ©e depuis plusieurs mois.
56. En lâespĂšce,
rien ne prouve lâexistence dâune intention dâhumilier ou de rabaisser le
requĂ©rant. Cependant, sâagissant de lâobligation positive de lâĂtat de protĂ©ger
la santé des prisonniers de maniÚre adéquate, qui comporte également une
obligation de cĂ©lĂ©ritĂ©, lâintentionnalitĂ© du comportement reprochĂ© Ă lâĂtat
dĂ©fendeur ne saurait constituer un Ă©lĂ©ment dĂ©cisif. Ainsi, sâil convient de prendre en compte la question de savoir si le
but du traitement Ă©tait dâhumilier ou de rabaisser la victime, lâabsence dâun
tel but ne saurait exclure de façon dĂ©finitive le constat de violation de lâarticle
3 (voir, parmi dâautres, Peers c. GrĂšce, no 28524/95, §
74, CEDH 2001‑III).
57. La Cour
estime que la continuation du séjour du requérant au pénitencier de Parme dans les circonstances mentionnées plus
haut nâa pu que le placer dans une situation susceptible de susciter, chez lui,
des sentiments constants dâangoisse suffisamment forts pour constituer un
« traitement inhumain ou dĂ©gradant », au sens de lâarticle 3 de la
Convention. De surcroßt, bien que la Cour soit appelée dans le cadre de la
prĂ©sente requĂȘte Ă se prononcer exclusivement sur la dĂ©tention du requĂ©rant Ă
Parme, elle ne saurait ignorer le fait que le requérant avait déjà été détenu
dans des conditions jugées incompatibles avec la Convention. Cette circonstance
nâa pu quâaggraver ultĂ©rieurement le sentiment dâangoisse Ă©prouvĂ© par le
requérant.
58. Compte tenu
des Ă©lĂ©ments ci-dessus, la Cour estime que lâexception du Gouvernement tirĂ©e du
dĂ©faut de la qualitĂ© de victime du requĂ©rant doit ĂȘtre rejetĂ©e et conclut quâil
y a eu violation de lâarticle 3 de la Convention en raison du traitement
inhumain et dégradant subi par le requérant.
II. SUR LâAPPLICATION
DE LâARTICLE 41 DE LA CONVENTION
59. Aux
termes de lâarticle 41 de la Convention,
« Si la
Cour dĂ©clare quâil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et
si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet dâeffacer quâimparfaitement
les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă la partie lĂ©sĂ©e, sâil y
a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
60. Il réclame 9 333
euros (EUR) au titre du prĂ©judice moral quâil aurait subi du fait dâavoir Ă©tĂ©
détenu dans des mauvaises conditions de détention à la prison de Parme.
61. Le
Gouvernement sây oppose.
62. La Cour
considÚre le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle
dĂ©cide dâoctroyer au requĂ©rant la somme rĂ©clamĂ©e Ă ce titre.
B. Frais et dépens
63. Justificatif
Ă lâappui, le requĂ©rant demande Ă©galement 9 988 EUR pour lâensemble
des frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour.
64. Le
Gouvernement nâa pas prĂ©sentĂ© dâobservations sur ce point.
65. Selon la
jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses
frais et dĂ©pens que dans la mesure oĂč se trouvent Ă©tablis leur rĂ©alitĂ©, leur
nĂ©cessitĂ© et le caractĂšre raisonnable de leur taux. En lâespĂšce et compte tenu
des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime
raisonnable la somme de 6 000 EUR tous frais confondus et lâaccorde au
requérant.
C. IntĂ©rĂȘts moratoires
66. La Cour
juge appropriĂ© de calquer le taux des intĂ©rĂȘts moratoires sur le taux dâintĂ©rĂȘt
de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale europĂ©enne majorĂ© de
trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, Ă LâUNANIMITĂ,
1. Joint au fond lâexception
préliminaire du Gouvernement concernant le défaut de la qualité de victime du
requérant et la rejette ;
2. DĂ©clare la requĂȘte
recevable ;
3. Dit quâil y a eu
violation de lâarticle 3 de la Convention ;
4. Dit
a) que lâĂtat dĂ©fendeur doit verser au requĂ©rant, dans les trois
mois Ă compter du jour oĂč lâarrĂȘt sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă lâarticle 44 § 2
de la Convention, les sommes suivantes :
i) 9 333 EUR (neuf
mille trois cent trente-trois euros), plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» Ă titre
dâimpĂŽt, pour dommage moral ;
ii) 6 000 EUR (six mille
euros), plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» Ă titre dâimpĂŽt par le requĂ©rant,
pour frais et dépens ;
b) quâĂ compter de lâexpiration dudit dĂ©lai et jusquâau
versement, ces montants seront Ă majorer dâun intĂ©rĂȘt simple Ă un taux Ă©gal Ă
celui de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale europĂ©enne
applicable pendant cette période, augmenté de trois points de
pourcentage ;
5. Rejette la demande
de satisfaction Ă©quitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 juillet 2012, en
application de lâarticle 77 §§ 2 et 3 du rĂšglement.
Stanley
Naismith                                                                                                                                    Â
                                                                                                                                                                                                                                                                                Françoise
Tulkens
       Greffier                                                                                                                                                                                                                                         Â
                                                                                                                                                                                                 Présidente