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Corte europea dei diritti dell’uomo (Sezione II), 16 dicembre 2008

(requĂȘtes nn. 55185/08; 55483/08; 55516/08; 55519/08;56010/08;56278/08;58420/08;58420/08;58424/08)

 

 

 

DĂ©cision sur la recevabilitĂ© de huit requĂȘtes prĂ©sentĂ©es contre l'Italie

 

no 55185/08 par Ada ROSSI, VI.VE ONLUS, FEDERAZIONE NAZIONALE ASSOCIAZIONI TRAUMA CRANICO, ARCO 92, GLI AMICI DI LUCA et GENESIS

no 55483/08 par ASSOCIAZIONE RINASCITA VITA ONLUS

no 55516/08 par ASSOCIAZIONE ACMID-DONNA ONLUS

no 55519/08 par Lucia ZOPPIS

no 56010/08 par Juan Francisco HERNANDEZ SILVEIRA

no 56278/08 par Gautam Marcello PIGOZZI

no 58420/08 par Patrick MUZZURRU

no 58424/08 par Gianluca CIOFFARELLI

La Cour européenne des droits de l'homme (deuxiÚme section), siégeant le 16 décembre 2008 en une chambre composée de :

Françoise Tulkens, présidente,

Ireneu Cabral Barreto,

Vladimiro Zagrebelsky,

Danutė Jočienė,

Dragoljub Popović,

AndrĂĄs SajĂł,

Işıl Karakaş, juges,

et de Sally Dollé, greffiÚre de section,

Vu les requĂȘtes susmentionnĂ©es introduites les 18, 19, 20, 21 et 24 novembre et le 4 dĂ©cembre 2008,

AprÚs en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, dont la liste figure en annexe, sont six ressortissants italiens et sept associations italiennes. Ils sont représentés devant la Cour par Mes R. Elefante, A. Granata et R. Dolce, avocats à Naples.

Les circonstances de l'espĂšce

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Les requĂȘtes ont Ă©tĂ© introduites par les tuteurs de personnes en Ă©tat vĂ©gĂ©tatif, par des associations composĂ©es de parents et d'amis de personnes lourdement handicapĂ©es ainsi que, notamment, de mĂ©decins, psychologues et avocats qui assistent ces personnes et par une association de dĂ©fense des droits de l'homme, ACMID-DONNA ONLUS.

En janvier 1992, à la suite d'un traumatisme crùnien consécutif à un accident de la route, qui lui provoqua également la fracture d'une vertÚbre, E.E., une jeune femme de vingt ans, sombra dans le coma. Ses conditions évoluÚrent ensuite vers un état végétatif avec tétraplégie spastique et perte de toute faculté psychique supérieure.

En dĂ©cembre 1996, un tuteur lui fut nommĂ© en la personne de son pĂšre. En se fondant sur la personnalitĂ© de sa fille et les idĂ©es exprimĂ©es selon lui par celle-ci, avant l'accident, sur la vie et la dignitĂ©, le pĂšre entama, en janvier 1999, une procĂ©dure judiciaire visant Ă  obtenir l'autorisation d'interrompre l'alimentation et l'hydratation artificielles de sa fille. Cette autorisation fut refusĂ©e en premiĂšre instance et en appel par deux fois en 1999 et 2003. En avril 2005, la Cour de cassation annula avec renvoi la nouvelle dĂ©cision de rejet de la cour d'appel de Milan, tout en prĂ©cisant que la demande du pĂšre d'E.E. ne pouvait ĂȘtre accueillie faute de preuves spĂ©cifiques quant Ă  la volontĂ© exprimĂ©e par sa fille avant l'accident. Le 16 octobre 2007, la Cour de cassation cassa la nouvelle dĂ©cision de la cour d'appel et, dans sa dĂ©cision de renvoi, elle affirma que l'autoritĂ© judiciaire pouvait autoriser l'interruption de l'alimentation en prĂ©sence d'un Ă©tat vĂ©gĂ©tatif permanent et de la preuve qu'en possession de toutes ses facultĂ©s, la personne se serait opposĂ©e au traitement mĂ©dical.

Par une décision du 25 juin 2008, la cour d'appel de Milan, statuant sur renvoi, accorda l'autorisation demandée en se fondant sur un double constat. D'une part, l'état végétatif était irréversible et, d'autre part, la demande d'autorisation était l'expression réelle, fondée sur des preuves claires, concordantes et convaincantes, de la volonté de la personne représentée telle qu'elle ressortait de l'analyse de son style de vie, de ses convictions et de sa façon de concevoir, avant de sombrer dans l'inconscience, la dignité de la personne.

Le 8 octobre 2008, la Cour Constitutionnelle rejeta les recours portant sur le conflit d'attribution entre les pouvoirs de l'État soulevĂ© par le Parlement en septembre 2008. La Haute Juridiction affirma que les juges n'avaient nullement utilisĂ© leur pouvoir afin d'exercer des fonctions de « production normative », usurpant ainsi les prĂ©rogatives du Parlement.

Enfin, le 11 novembre 2008, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du parquet de Milan contre la décision de la cour d'appel du 25 juin 2008 pour défaut, en l'espÚce, de capacité à agir en justice du ministÚre public. De ce fait, cette derniÚre décision est devenue définitive.

GRIEFS

Invoquant les articles 2 et 3 de la Convention, les requérants se plaignent des effets négatifs que l'exécution de la décision de la cour d'appel de Milan du 25 juin 2008 dans l'affaire d'E.E. pourrait avoir sur eux.

Invoquant l'article 6 § 1, elles dénoncent le manque d'équité de la procédure nationale concernant E.E..

Les requérants se plaignent aussi de la violation des articles 5, 6 et 7 de la Convention d'Oviedo et de l'article 25 de la Convention des Nations Unies sur les Droits des personnes handicapées.

EN DROIT

A.   Jonction des requĂȘtes

Compte tenu de la similitude des requĂȘtes quant aux faits et aux problĂšmes de fond qu'elles posent, la Cour estime nĂ©cessaire de les joindre et dĂ©cide de les examiner conjointement.

B.   Sur les violations allĂ©guĂ©es

Les requĂ©rants affirment que la dĂ©cision de la cour d'appel de Milan du 25 juin 2008 dans l'affaire E.E., devenue dĂ©finitive Ă  la suite du rejet du pourvoi du parquet par la Cour de cassation le 11 novembre 2008, autorisant le pĂšre d'E.E. Ă  arrĂȘter l'alimentation et l'hydratation artificielles de cette derniĂšre, toucherait « Ă©thiquement, psychologiquement, socialement et juridiquement les personnes avec des graves lĂ©sions cĂ©rĂ©brales, entraĂźnant pour elles des dommages graves et injustes. Ces dommages qui ne sauraient ĂȘtre chiffrĂ©s, dĂ©terminent une discrimination gravissime pour les personnes lourdement handicapĂ©es, lesquelles sont maltraitĂ©es et surtout dĂ©pourvues de protection au grĂ© de tiers qui peuvent librement dĂ©cider de leur vie ».

Quant aux associations en particulier, elles seraient «considĂ©rĂ©es dans leur ensemble comme l'expression la plus grande d'un intĂ©rĂȘt collectif fondamental des personnes en Ă©tat vĂ©gĂ©tatif» et elles «seraient pleinement en droit de saisir la Cour afin que soit reconnue la dignitĂ© humaine aux personnes en Ă©tat vĂ©gĂ©tatif et Ă  celles atteintes de graves handicaps, ainsi qu'aux individus totalement incapables».

En raison du lien trĂšs Ă©troit entre leur situation et celle d'E.E., les intĂ©ressĂ©es seraient victimes directes et indirectes des violations des articles 2 et 3 de la Convention commises par l'État italien. Les dĂ©cisions judiciaires litigieuses risqueraient, selon elles, de devenir des prĂ©cĂ©dents jurisprudentiels constituant un danger rĂ©el et extrĂȘmement grave pour les personnes incapables juridiquement.

Les requĂ©rants dĂ©noncent aussi la violation de l'article 6 § 1 de la Convention car la procĂ©dure nationale entamĂ©e par le pĂšre d'E.E. n'aurait pas Ă©tĂ© Ă©quitable dans la mesure oĂč, notamment, les autoritĂ©s saisies n'auraient pas procĂ©dĂ© Ă  une nouvelle enquĂȘte sur l'actualitĂ© de l'irrĂ©versibilitĂ© de l'Ă©tat vĂ©gĂ©tatif de la jeune femme.

Enfin, les requérants se plaignent de la violation des articles 5, 6 et 7 de la Convention d'Oviedo et de l'article 25 de la Convention des Nations Unies sur les Droits des personnes handicapées («la Convention de l'ONU»).

C.  Sur la qualité de «victime»

La Cour estime nécessaire de se pencher avant tout sur la question de savoir si les requérants peuvent se prétendre victimes d'une violation de la Convention aux termes de l'article 34 de la Convention, qui dispose :

«La Cour peut ĂȘtre saisie d'une requĂȘte par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prĂ©tend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles. (...)»

La Cour rappelle que cette disposition «exige qu'un individu requĂ©rant se prĂ©tende effectivement lĂ©sĂ© par la violation qu'il allĂšgue. [Cet article] n'institue pas au profit des particuliers une sorte d'actio popularis pour l'interprĂ©tation de la Convention ; il ne les autorise pas Ă  se plaindre in abstracto d'une loi par cela seul qu'elle leur semble enfreindre la Convention. En principe, il ne suffit pas Ă  un individu requĂ©rant de soutenir qu'une loi viole par sa simple existence les droits dont il jouit aux termes de la Convention ; elle doit avoir Ă©tĂ© appliquĂ©e Ă  son dĂ©triment » (arrĂȘt Klass et autres c. Allemagne du 6 septembre 1978, sĂ©rie A n. 28, § 33). Ce principe s'applique aussi aux dĂ©cisions qui seraient contraires Ă  la Convention (Fairfield c. Royaume-Uni, (dĂ©c.) no 24790/04, CEDH 2005-VI).

De plus, la Commission europĂ©enne des droits de l'Homme a considĂ©rĂ© que « des termes « victime » et « violation », de mĂȘme que de la philosophie sous-jacente Ă  l'obligation de l'Ă©puisement prĂ©alable des voies de recours internes prĂ©vue Ă  l'ex article 26, dĂ©coul[e] la constatation que, dans le systĂšme de protection des droits de l'homme imaginĂ© par les auteurs de la Convention, l'exercice du droit de recours individuel ne saurait avoir pour objet de prĂ©venir une violation de la Convention : en principe, les organes chargĂ©s, aux termes de l'article 19, d'assurer le respect des engagements rĂ©sultant pour les États de la Convention, ne peuvent examiner et, le cas Ă©chĂ©ant, constater une violation qu'a posteriori, lorsque celle-ci a dĂ©jĂ  eu lieu. (...) Ce n'est que dans des circonstances tout Ă  fait exceptionnelles que le risque d'une violation future peut nĂ©anmoins confĂ©rer Ă  un requĂ©rant la qualitĂ© de victime d'une violation de la Convention » (NoĂ«l Narvii Tauira et 18 autres c. France, requĂȘte no 28204/95, dĂ©cision de la Commission du 4 dĂ©cembre 1995, DĂ©cisions et rapports (DR) 83-A, p. 130).

La Cour note qu'il ressort du dossier de chaque requĂȘte que les requĂ©rants n'ont aucun lien direct avec E.E. Ces personnes n'ont pas de lien de famille avec la jeune femme et n'agissent pas devant la Cour afin, par exemple, de poursuivre ou soutenir une requĂȘte introduite par E.E. Quant aux associations, ni cette derniĂšre ni son pĂšre - et tuteur - ne figurent parmi leurs membres.

En outre, la procédure judiciaire interne, dont les requérants critiquent le résultat et craignent les conséquences, ne les touche pas directement car la décision de la cour d'appel de Milan du 25 juin 2008 est un acte judiciaire qui ne concerne par nature que les parties constituées à la procédure et les faits constituant l'objet de celle-ci.

Les requĂ©rants ne sauraient donc ĂȘtre considĂ©rĂ©s victimes directes des violations allĂ©guĂ©es.

Il reste à savoir s'il peuvent au moins justifier de la qualité de victime potentielle au sens de la jurisprudence de la Cour en raison de l'issue d'une procédure judiciaire interne relative à une tierce personne.

Compte tenu de la nature des griefs tirés des articles 2 et 3 de la Convention, la Cour procédera à son examen à la lumiÚre de sa jurisprudence ainsi que la Convention d'Oviedo et de la Convention de l'ONU.

1.Les requérants personnes physiques

La Cour rappelle, tout d'abord, que les articles 2 et 3 de la Convention protÚgent certains aspects de l'intégrité physique et font reposer des obligations positives sur les Parties Contractantes. L'imposition d'un traitement médical sans le consentement du patient s'il est adulte et sain d'esprit ou de celui de son tuteur s'il est incapable juridiquement, s'analyse en une atteinte à l'intégrité physique de l'intéressé qui peut mettre en cause notamment les droits protégés par les dispositions invoquées par les requérants.

Elle observe, ensuite, que les six requĂ©rants sont tous reprĂ©sentĂ©s par leurs tuteurs respectifs lesquels ont exprimĂ© clairement, par les arguments contenus dans les requĂȘtes, leur opposition Ă  toute dĂ©marche visant Ă  interrompre l'alimentation et l'hydratation artificielles de leurs proches lourdement handicapĂ©s.

Il y a lieu de souligner que la cour d'appel de Milan n'a point imposé, par sa décision du 25 juin 2008, un quelconque ordre d'interrompre l'alimentation et l'hydratation artificielles d'E.E., mais elle a déclaré légitime la demande d'autorisation introduite par le pÚre de la jeune femme. Pour parvenir à cette conclusion, la cour d'appel a constaté le caractÚre irréversible de l'état végétatif et estimé que la demande était l'expression réelle, fondée sur des preuves claires, concordantes et convaincantes de la volonté de la personne représentée telle qu'elle ressortait de l'analyse de son style de vie, de ses convictions et de sa façon de concevoir, avant de sombrer dans l'inconscience, la dignité de la personne.

La Cour a dĂ©jĂ  admis la notion de victime potentielle dans les cas suivants : lorsque le requĂ©rant n'Ă©tait pas en mesure de dĂ©montrer que la lĂ©gislation qu'il incriminait lui avait Ă©tĂ© effectivement appliquĂ©e, en raison du caractĂšre secret des mesures qu'elle autorisait (arrĂȘt Klass et autres, prĂ©citĂ©) ; lorsqu'une loi rĂ©primant les actes homosexuels Ă©tait susceptible de s'appliquer Ă  une certaine catĂ©gorie de la population, dont le requĂ©rant (arrĂȘt Dudgeon c. Royaume-Uni, du 22 octobre 1981, sĂ©rie A n. 45) ; lorsque l'exĂ©cution de mesures d'Ă©loignement forcĂ© d'Ă©trangers, dĂ©jĂ  dĂ©cidĂ©es mais non encore exĂ©cutĂ©es, exposerait les intĂ©ressĂ©s Ă  subir, dans le pays de destination, des traitements contraires Ă  l'article 3 (arrĂȘt Soering c.Royaume-Uni, du 7 juillet 1989, sĂ©rie A n. 161) ou violerait le droit au respect de la vie familiale (arrĂȘt Beldjoudi c. France, du 26 mars 1992, sĂ©rie A n. 234) ; lorsqu'une dĂ©cision de justice empĂȘchant les sociĂ©tĂ©s requĂ©rantes, ainsi que leurs employĂ©s et agents, de fournir certains renseignements Ă  des femmes enceintes, avait Ă©tĂ© jugĂ©e susceptible de toucher indirectement deux requĂ©rantes non membres desdites associations (Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande, 29 octobre 1992, § 44, sĂ©rie A no 246-A). Dans ce dernier arrĂȘt, les requĂ©rantes, Mmes X. et Geraghty, s'Ă©taient jointes Ă  la requĂȘte par conviction et la Cour, jugeant qu'elles figuraient « sans conteste parmi les femmes en Ăąge de procrĂ©er pouvant pĂątir des restrictions incriminĂ©es» et qu'elles «n'essaient pas de discuter dans l'abstrait la compatibilitĂ© du droit irlandais avec la Convention », leur avait reconnu la qualitĂ© de victime.

Ces affaires montrent que, selon la Cour, pour qu'un requĂ©rant puisse se prĂ©tendre victime, il faut qu'il produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilitĂ© de rĂ©alisation d'une violation en ce qui le concerne personnellement ; de simples suspicions ou conjectures sont insuffisantes Ă  cet Ă©gard (dĂ©cision NoĂ«l Narvii Tauira et 18 autres, prĂ©citĂ©e, p. 131). La Cour estime qu'en l'espĂšce les requĂ©rants n'ont pas satisfait Ă  cette obligation. Elle rappelle que les dĂ©cisions dont les requĂ©rants craignent les effets, ont Ă©tĂ© adoptĂ©es par la Cour de cassation et par la cour d'appel de Milan Ă  propos de circonstances concrĂštes et particuliĂšres, relatives Ă  une tierce personne. Par consĂ©quent, selon la Cour, si les autoritĂ©s judiciaires nationales compĂ©tentes Ă©taient appelĂ©es Ă  statuer sur la question du maintien du traitement mĂ©dical des requĂ©rants, elles ne pourraient nĂ©gliger ni la volontĂ© des malades exprimĂ©e par leurs tuteurs - qui ont clairement pris position en dĂ©fense du droit Ă  la vie de leur proches –, ni les avis de mĂ©decins spĂ©cialisĂ©s. Tout comme la cour d'appel de Milan dans le cas d'E.E., les autoritĂ©s judiciaires seraient liĂ©es, dans leur analyse des faits, par les critĂšres fixĂ©s par la Cour de cassation dans son arrĂȘt du 4 octobre 2007.

Au vu de ce qui prĂ©cĂšde, les requĂ©rants personnes physiques ne peuvent, par consĂ©quent, se prĂ©tendre victimes d'un manquement de l'Etat dĂ©fendeur dans la protection de leurs droits garantis par les articles 2 et 3 de la Convention (mutatis mutandis, Burke c.Royaume-Uni (dĂ©c.), no19807/06, 11 juillet 2006). Les griefs en question sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention et doivent ĂȘtre rejetĂ©s en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.  Les requérantes personnes morales

La Cour relÚve que les associations requérantes remplissent une mission importante et s'occupent, sans aucun but lucratif, de l'assistance, des soins, de la réhabilitation dans la mesure du possible des personnes en état végétatif, de la communication de l'information relative aux conditions psychophysiques de ces personnes ainsi que de la sensibilisation de la collectivité aux problÚmes que ces malades posent au quotidien, surtout aux familles qui en ont la charge.

Selon une jurisprudence constante, le statut de « victime » est accordé à une association (et non à ses membres) si elle est directement touchée par la mesure litigieuse (Association des amis de Saint-Raphaël et de Fréjus et autres c. France (déc.), no 45053/98, 29 février 2000; Dayras et autres et l'association « SOS Sexisme » c. France, (déc.), no65390/01, 6 janvier 2005 ; Grande Oriente d`Italia di Palazzo Giustiniani c. Italie (no 2), no 26740/02, § 20, 31 mai 2007).

Dans l'arrĂȘt Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, (no 62543/00, CEDH 2004-III), la Cour a accordĂ© le statut de « victime » Ă  l'association requĂ©rante mais Ă©galement Ă  certains de ses membres quand bien mĂȘme ils n'avaient pas Ă©tĂ© parties Ă  la procĂ©dure interne. Elle a considĂ©rĂ© que l'association avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e pour dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts en justice dans le combat qu'ils menaient contre la construction d'un barrage.

Enfin, se rĂ©fĂ©rant Ă  l'arrĂȘt Open Door et Dublin Well Woman prĂ©citĂ©, la Cour estime qu'Ă  la diffĂ©rence de ces deux associations affectĂ©es par l'interdiction de justice de renseigner leurs membres sur les possibilitĂ©s d'avortement en dehors du territoire national, les requĂ©rantes en l'espĂšce ne seront pas dans l'impossibilitĂ© de continuer Ă  Ɠuvrer dans la poursuite de leurs objectifs. La dĂ©cision de la cour d'appel de Milan du 25 juin 2008 ne peut, en effet, avoir aucun impact sur leurs activitĂ©s.

En conclusion, les associations requĂ©rantes ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme victimes d'une violation des droits consacrĂ©s par la Convention. Partant, les griefs formulĂ©s par elles sur le terrain des articles 2 et 3 sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention et doivent ĂȘtre rejetĂ©s en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Enfin, en ce qui concerne le prĂ©tendu manque d'Ă©quitĂ© de la procĂ©dure litigieuse, la Cour, aprĂšs avoir examinĂ© tous les arguments prĂ©sentĂ©s par les requĂ©rants, doit observer que ceux-ci ne peuvent invoquer les garanties de l'article 6 § 1 de la Convention Ă  propos d'une procĂ©dure qui concerne des tiers et Ă  laquelle ils n'Ă©taient pas parties. Ce grief est donc manifestement mal fondĂ© et doit ĂȘtre rejetĂ© en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à la majorité,

 

DĂ©cide de joindre les requĂȘtes;

DĂ©clare les requĂȘtes irrecevables.

 

Sally Dollé Françoise Tulkens

 

GreffiÚre Présidente

A N N E X E

LISTE DES REQUÉRANTS

RequĂȘte no 55185/08 : Mme Ada Rossi, nĂ©e en 1952 et rĂ©sidant Ă  Rome ; les associations VI.VE ONLUS, FEDERAZIONE NAZIONALE ASSOCIAZIONI TRAUMA CRANICO, ARCO 92, Gli amici di Luca et GENESIS ;

RequĂȘte no 55483/08 : ASSOCIAZIONE RINASCITA VITA ONLUS ;

RequĂȘte no 55516/08 : ASSOCIAZIONE ACMID-DONNA ONLUS ;

RequĂȘte no 55519/08 : Mme Lucia Zoppis, nĂ©e en 1961 et rĂ©sidant Ă  Rome ;

RequĂȘte no 56010/08 : M. Juan Francisco Hernandez Silveira, nĂ© en 1968 et rĂ©sidant Ă  Rome ;

RequĂȘte no 56278/08 : M. Gautam Marcello Pigozzi, nĂ© en 1985 et rĂ©sidant Ă  Soave Porto Mantovano (Mantoue) ;

RequĂȘte no 58420/08 : M. Patrick Muzzurru, nĂ© en 1985 et rĂ©sidant Ă  Rome ;

RequĂȘte no 58424/08 : M. Gianluca Cioffarelli, nĂ© en 1981 et rĂ©sidant Ă  Rome.

DÉCISION ADA ROSSI ET AUTRES & SEPT REQUÊTES c. ITALIE

 

DÉCISION ADA ROSSI ET AUTRES & SEPT REQUÊTES c. Italie