Corte europea dei diritti dell’uomo
(Seconda Sezione)
11 febbraio 2014
AFFAIRE
CONTRADA c. ITALIE
(Requête no 7509/08)
ARRÊT
STRASBOURG
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions
définies à l’article 44 § 2 de
En l’affaire Contrada c. Italie (no 2),
Işıl Karakaş,
présidente,
Guido Raimondi,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Nebojša Vučinić,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Egidijus Kūris, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 janvier 2014,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 7509/08) dirigée
contre
2. Le requérant a été représenté par Me E. Tagle, avocat à
Naples. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été
représenté par son agent, Mme E. Spatafora, ainsi que par
son coagent, Mme P. Accardo.
3. Le requérant se plaint en particulier des refus répétés des
juridictions internes de faire droit à ses demandes d’ajournement de
l’exécution de sa peine et d’obtention du régime de la détention à domicile en
raison de son état de santé (article 3 de
4. Le 14 mai 2012,
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1931 et réside à Palerme.
A. La procédure pénale diligentée à l’encontre du requérant
1. La procédure en première instance devant le tribunal de
Palerme
6. Par un arrêt du 5 avril
1996, le tribunal de Palerme condamna le requérant à une peine de dix ans de
réclusion pour concours externe à une association mafieuse (concorso in
associazione di stampo mafioso, articles 110, 416 et 416 bis du
code pénal). Le tribunal retint notamment que, entre 1979 et 1988, le
requérant, en qualité de fonctionnaire de police puis de chef de cabinet du
haut-commissaire pour la lutte contre la mafia et de directeur adjoint
des services secrets civils (SISDE), avait systématiquement contribué aux
activités et à la réalisation des buts criminels de l’association mafieuse
dénommée « cosa nostra ».
Selon le tribunal, le requérant avait fourni aux membres de la
« commission provinciale » de Palerme de ladite association des
informations confidentielles concernant les investigations et opérations de
police dont ces derniers, ainsi que d’autres membres de l’association en
question, faisaient l’objet.
7. Le tribunal fonda son
jugement sur l’examen d’un nombre important de témoignages et de documents et,
en particulier, sur les informations fournies par plusieurs repentis, anciens
membres de l’association « cosa
nostra ».
2. La procédure en appel devant la cour d’appel de Palerme
8. Le requérant et le
ministère public firent l’un et l’autre appel.
9. Le requérant fit valoir le
principe de la prévision législative avec une précision suffisante des
situations dans lesquelles la norme pénale trouve application (principio di tassatività della norma penale)
en tant que corollaire du principe plus général de la non-rétroactivité de la
norme pénale. Il estimait notamment qu’à l’époque des faits de l’affaire,
l’application de la loi pénale concernant le concours externe à une association
mafieuse n’était pas prévisible car elle avait été l’issue d’une évolution
jurisprudentielle ultérieure.
10. Par un arrêt du 4 mai
2001, la cour d’appel de Palerme renversa le jugement de première instance et acquitta
le requérant au motif que les faits qui lui étaient reprochés ne s’étaient pas
produits (perché il fatto non sussiste).
11. Tout en soulignant
plusieurs anomalies dans le comportement du requérant en son rôle de dirigeant
de la police (faits susceptibles de faire l’objet d’une procédure
disciplinaire), la cour d’appel estima que les preuves prises en considération
n’étaient pas déterminantes, attribua du poids à d’autres témoignages de
repentis recueillis entre-temps et releva que le tribunal de première instance
avait sous-estimé la possibilité que les témoignages de certains repentis,
arrêtés dans le passé par le requérant lui-même, pouvaient être la conséquence
d’un projet de vengeance à l’encontre de ce dernier.
12. La cour d’appel ne fit
pas référence aux considérations du requérant tenant à la prévisibilité de la
loi pénale.
3. La première procédure devant
13. Le procureur général de
14. Par un arrêt du 12
décembre 2002,
4. La nouvelle procédure devant la cour d’appel de Palerme
15. Par un arrêt du 25
février 2006, une nouvelle chambre de la cour d’appel de Palerme, présidée par
le juge S., confirma le contenu du jugement du tribunal du 5 avril 1996.
Pour ce faire elle s’attacha, d’une part, à de nombreux autres témoignages
et documents recueillis au cours de l’enquête et estima, d’autre part, que la
chambre de la cour d’appel qui avait précédemment statué avait mal apprécié la
valeur probante attribuable à certains témoignages.
16. La nouvelle formation de
jugement rejeta, entre autres, la demande du requérant tendant à l’audition de
M. F.C., directeur du Service central de protection du ministère de
l’Intérieur à l’époque des faits. Ce dernier avait en effet affirmé que, dans
son activité d’organisation de la vie quotidienne des repentis et de leurs
familles, environ six cents rencontres entre des repentis lui avaient été
signalées.
17. La cour d’appel estima
que la question qui se posait n’était pas celle de savoir si les déclarations
des repentis en cause pouvaient en tant que telles être utilisées. En effet
l’exclusion, comme mode de preuve, des déclarations de repentis ayant eu des
contacts entre eux n’avait été introduite qu’en 2001 (par la loi no 45/2001),
et ne s’appliquait donc pas en l’espèce. La question pertinente était plutôt,
selon la cour, celle de la crédibilité des déclarations prises en elles-mêmes,
circonstance qui avait déjà fait l’objet d’un examen attentif et scrupuleux de
la part du tribunal de première instance.
18. Pour ce qui était de
l’applicabilité de la loi pénale concernant le concours externe à une
association mafieuse (configurabilità del
concorso esterno in associazione mafiosa), la cour d’appel estima que le
jugement du tribunal de première instance ayant condamné le requérant avait
correctement appliqué les principes développés par la jurisprudence en la
matière.
5. La deuxième procédure devant
19. Le requérant se pourvut
en cassation.
20. Il invoqua à nouveau le
principe de la non-rétroactivité et de la prévisibilité de la loi pénale,
estimant que cette question n’avait fait l’objet d’aucun examen de la part des
juridictions du fond et demanda que les faits de l’espèce soient qualifiés
d’entrave à l’action pénale - favoreggiamento
personale.
21. Le requérant se plaignit
en outre du fait que le juge S. ait présidé la formation de jugement de la cour
d’appel ayant rendu l’arrêt du 25 février 2006. À cet égard, il
expliqua que, par une ordonnance du 1er octobre 1993, ce même
juge l’avait déjà débouté en appel d’une ordonnance du juge des investigations
préliminaires refusant de révoquer ou de remplacer la mesure de détention
provisoire dont il avait fait l’objet.
22. Il contesta également, entre
autres, l’utilisation des déclarations d’un repenti (M. A.G.) faites lors du
débat contradictoire, à une date selon lui postérieure à l’expiration de délai
établi par l’article 16 quater de la
loi no 82/91, qui était de six mois à partir de la manifestation
de la volonté de l’intéressé de collaborer avec la justice (voir la partie
« Droit interne pertinent »).
23. Le requérant demanda
aussi que les documents concernant le programme de protection des repentis
entendus au cours de la procédure soient versés au dossier et sollicita,
d’autre part, l’audition d’un témoin (M. F.C.). Le requérant estimait en
fait que différents repentis (notamment, MM. G.M., M.M., R.S., S.C., G.C.,
M.P., P.S. et G.M.) qui avaient eu des contacts entre eux s’étaient concertés
dans le but de fournir des déclarations pouvant démontrer sa culpabilité.
Ainsi, les preuves utilisées contre lui auraient été viciées.
24. Par un arrêt prononcé le
10 mai 2007 et déposé au greffe le 8 janvier 2008,
25. Quant au fait que le juge
S. avait présidé la formation de la cour d’appel ayant rendu l’arrêt attaqué,
26. Quant à l’utilisation des
déclarations de M. A.G.,
27.
28. Enfin,
29. Elle
jugea ainsi que la cour d’appel avait dûment motivé son arrêt et qu’il n’y
avait pas lieu de compléter le dossier par l’administration d’autres éléments
de preuve.
6. La procédure en révision de l’affaire devant la cour d’appel
de Caltanissetta
30. Le requérant
tenta par la suite d’obtenir une révision de son procès. Par un arrêt du 24
septembre 2011, la cour d’appel de Caltanissetta déclara sa demande en ce sens
irrecevable.
31. Par
un arrêt déposé au greffe le 25 juin 2012,
B. L’état de santé du requérant et les demandes introduites par
celui-ci devant le juge et le tribunal d’application des peines
32. Le
requérant fut incarcéré le 11 mai 2007 à la prison militaire de Santa Maria
Capua Vetere. Par une lettre du 20 août 2007 adressée au juge de l’application
des peines (magistrato di sorveglianza,
ci-après « le juge »), il fit état d’un nombre important de
pathologies dont il indiquait être affecté.
33. Par
un certificat du 1er octobre 2007, un médecin du service sanitaire de l’établissement
pénitentiaire attesta que le requérant souffrait des séquelles d’une ischémie
cérébrale, de certaines pathologies de l’appareil visuel, ainsi que de
cardiopathie, diabète, hypertrophie prostatique, arthrose, hyponutrition et
dépression.
Les procédures introduites par le requérant afin d’obtenir sa libération, l’ajournement
de l’exécution de la peine ou la détention à domicile
a) La
première demande
34. Le
24 octobre 2007, le requérant introduisit une demande devant le juge tendant à
obtenir sa libération ou l’ajournement de l’exécution de sa peine.
35. Les
22 et 31 octobre 2007 et le 24 novembre 2007, trois rapports médicaux furent
déposés devant le juge (deux desquels avaient été rédigés par des praticiens
sollicités par le requérant et un par des médecins du service sanitaire de l’établissement
pénitentiaire). Les trois rapports faisaient état des pathologies, nombreuses
et complexes, dont le requérant était affecté et concluaient à l’incompatibilité
de son état de santé avec le régime de détention auquel il était soumis.
36. Par
une décision déposée au greffe le 12 décembre 2007, le juge rejeta la demande
du requérant. Tout en se référant aux trois rapports médicaux et aux
conclusions y contenues, le juge estima qu’« on ne saurait affirmer,
toutefois, que les pathologies dont [le requérant] est affecté sont, à l’heure
actuelle, graves et non susceptibles d’être traitées en prison. [Celles-ci
requièrent toutefois] un contrôle continu qui peut être garanti par l’hospitalisation
et par la vigilance constante de la part du service sanitaire de l’établissement
pénitentiaire ».
b) La
deuxième demande
37. Alléguant
le manque d’équité de cette décision, le 17 décembre 2007, le
requérant introduisit une nouvelle demande devant le juge ayant le même objet
que la précédente.
38. Selon
deux rapports médicaux du service sanitaire de l’établissement pénitentiaire
déposés les 21 et 27 décembre 2007, l’état de santé du requérant était
stationnaire, à l’exception de sa perte de poids, qui s’était aggravée depuis
le 31 octobre 2007. Le rapport concluait à l’incompatibilité de l’état de santé
du requérant avec le régime de détention auquel il était soumis.
39. Par
une décision déposée au greffe le 28 décembre 2007, le juge rejeta la demande
sur la base, pour l’essentiel, des mêmes arguments que dans sa décision du 12
décembre 2007. Il estima en outre que, d’après la jurisprudence constante en la
matière, les conditions d’octroi de la libération et de l’ajournement de l’exécution
de la peine n’étaient pas remplies étant donné que, dans le cas d’espèce, la
détention n’entraînait pas « l’impossibilité ou la difficulté
extrême » de recourir aux traitements sanitaires qui s’avéraient
nécessaires. Le tribunal autorisa aussi l’hospitalisation du requérant pour le
temps nécessaire à l’exécution de certains contrôles sanitaires. Le jour même,
le requérant fut hospitalisé et soumis à plusieurs examens.
c) La
troisième demande
40. Le
3 janvier 2008, le requérant introduisit une demande ayant le même contenu que
les deux précédentes. Il fit valoir aussi qu’un ajournement d’exécution de la
peine avait été octroyé par le même tribunal dans une autre affaire dans
laquelle l’état de santé du détenu en question était moins grave que le sien.
41. Deux
rapports médicaux furent déposés. Ils notèrent le mauvais état de santé du
requérant et fournirent des indications quant au traitement pharmacologique
suivi.
42. Par
une décision déposée au greffe le 7 janvier 2008, le juge rejeta la demande. Il
estima notamment que les rapports ne fournissaient pas d’éléments nouveaux par
rapport à ceux qui figuraient au dossier lors des décisions précédentes et que
les résultats des examens effectués à l’hôpital ne lui avaient pas encore été
transmis. Quant à l’appréciation de la « gravité » des pathologies du
requérant et de l’existence d’une « impossibilité ou difficulté
excessive » à traiter celles-ci en prison, le juge parvint aux mêmes
conclusions que dans ses décisions des 12 et 28 décembre 2007.
d) La
quatrième demande
43. Le
jour même, le requérant introduisit une demande ayant le même contenu que ses
demandes précédentes. Cette demande fut rejetée par une décision du juge du 21
février 2008.
e) La
décision du tribunal d’application des peines du 15 janvier 2008
44. Entre-temps,
les trois décisions précédentes, qui avaient un caractère provisoire, furent
confirmées par le tribunal d’application de peines (ci-après « le
tribunal ») par une ordonnance déposée au greffe le
15 janvier 2008. Le tribunal releva entre autres que la dépression
dont le requérant souffrait n’était pas une pathologie psychiatrique mais un
trouble de l’humeur dû à l’état de détention et n’atteignant pas un seuil de
gravité de nature à justifier un ajournement de l’exécution de sa peine.
f) Le
premier pourvoi en cassation introduit par le requérant
45. Le
19 janvier 2008, le requérant se pourvut en cassation. Il considéra notamment
que le tribunal n’avait pas dûment considéré la gravité des pathologies dont il
était affecté.
46. Selon
deux rapports médicaux déposés le 26 février et le 12 mars 2008 (l’un
rédigé par un médecin désigné par le requérant, l’autre par un médecin du
service sanitaire de l’établissement pénitentiaire), l’état de santé du
requérant n’était pas compatible avec le régime de détention auquel il était
soumis.
47. Le
27 février 2008, le procureur général de
48. Par
un arrêt déposé au greffe le 5 mai 2008,
g) La
décision du tribunal du 15 avril 2008
49. Par
une décision déposée au greffe le 15 janvier 2008, le tribunal confirma la
quatrième décision de rejet du juge, ainsi que deux autres décisions de rejet
qui avaient été adoptées par le juge entre-temps, le 28 février et le 19
mars 2008.
h) La
décision du tribunal d’accorder au requérant la détention à domicile
50. À la
suite de deux autres décisions de rejet (du 12 mai et du
19 juin 2008) de demandes introduites par le requérant, par une
ordonnance déposée au greffe le 24 juillet 2008, le tribunal autorisa la
détention du requérant au domicile de sa sœur, situé à Naples, pour une période
de six mois avec interdiction de tout contact avec des personnes autres que les
membres de la famille du requérant et le personnel médical.
51. Le
tribunal prit en compte un rapport médical rédigé par un médecin de l’établissement
pénitentiaire qui faisait état d’une dégradation de la santé du requérant, déjà
précaire, notamment en ce qui concernait la perte pondérale (20 kilos au cours
de la dernière année) et l’apparition d’une polypose multiple du côlon s’ajoutant
aux pathologies déjà existantes.
52. De
l’avis du tribunal, le suivi et le traitement de ces pathologies en régime
carcéral étaient incompatibles avec les principes humanitaires et avec le droit
à la santé garanti par
53. Le
tribunal rejeta la demande d’ajournement de l’exécution de la peine, en
relevant la dangerosité sociale de l’intéressé, le type de délit pour lequel il
avait été condamné et le temps de détention que le requérant devait encore
purger.
i) Le
deuxième pourvoi en cassation introduit par le requérant et le renvoi de l’affaire
devant le tribunal
54. Le
1er août 2008, le requérant se pourvut en cassation. Il contesta sa
dangerosité sociale, compte tenu de son âge et de son état de santé.
55. Il
sollicita l’ajournement de l’exécution de sa peine pour une durée d’un an ainsi
que la possibilité d’exécuter sa détention dans son propre domicile, où son
épouse habitait.
56. Par
un arrêt déposé au greffe le 21 octobre 2008,
j) L’ordonnance
du tribunal confirmant la décision de ne pas autoriser l’ajournement de l’exécution
de la peine
57. Par
une ordonnance du 20 novembre 2008, le tribunal confirma sa décision déposée le
24 juillet 2008. Il nota que le requérant avait été condamné pour
association mafieuse, infraction pour laquelle il existe une présomption
absolue de dangerosité sociale.
58. Le
tribunal releva que la direction antimafia (direzione
distrettuale antimafia – D.D.A. –, organe du parquet près le tribunal
compétent dans les affaires concernant des délits de mafia) de Palerme avait
estimé que la dangerosité sociale du requérant devait être considérée comme
ayant un caractère permanent, le requérant ayant opéré pendant des années selon
les modalités décrites par son arrêt de condamnation et ayant donc des liens
avec l’association mafieuse en cause.
k) Le
troisième pourvoi en cassation introduit par le requérant et la décision de
rejet de
59. Le
requérant se pourvut en cassation contre l’ordonnance du tribunal du 20
novembre 2008. Par un arrêt déposé au greffe le 23 décembre 2009,
l) La
remise en liberté du requérant
60. Le
11 octobre 2012, le requérant ayant purgé sa peine, il fut remis en liberté.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
61. Selon
l’article 16 quater, alinéa 9, de la loi no 82/91
(introduit par l’article 14 de la loi 45/01), les déclarations faites par un
repenti au procureur ou à la police judiciaire ne peuvent être utilisées comme
preuves qu’à la condition que ces déclarations soient intervenues dans un délai
de six mois à partir de la manifestation de la volonté de l’intéressé de
collaborer avec la justice.
EN DROIT
I. SUR
62. Invoquant
l’article 3 de
63. Le
texte de l’article en cause dispose ainsi :
« Nul
ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants. »
A. Sur la recevabilité
64. Le
Gouvernement fait d’abord valoir que le requérant a omis de soulever son grief
devant les instances nationales, comme il pouvait utilement le faire puisque
les arrêts de
65. Le
Gouvernement défendeur soutient en outre que le principe du caractère
contradictoire de la procédure devant
66. Troisièmement,
le Gouvernement observe que les décisions internes, prises par plusieurs degrés
de juridiction successifs, étaient de toute façon dûment motivées.
67. Le
requérant conteste ces observations.
68.
69. En
outre, l’argument tiré de la violation du principe du contradictoire apparaît
dépourvu de fondement, l’objet du litige, tel que décrit dans les griefs
formulés par le requérant dans son formulaire de requête, portant en tout cas
sur le refus des autorités de faire droit à ses demandes d’ajournement de l’exécution
de sa peine ou de passage au régime de la détention au domicile.
70. Enfin,
quant à l’argument tiré de ce qu’elle se trouverait invitée à endosser le rôle
d’un juge de « quatrième instance »,
abstraction faite de ce que le présent grief ne porte pas sur une éventuelle
violation du droit à un procès équitable (voir, a contrario, parmi beaucoup d’autres, Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, § 162, CEDH 2010),
71. De
l’avis de
B. Sur le fond
1. Les arguments des parties
72. Le
Gouvernement observe que les recours pouvant être présentés devant le juge de l’application
des peines et devant
73. Le
Gouvernement soutient enfin que, dans le cas d’espèce, quand l’état de santé du
requérant est apparu incompatible avec le régime carcéral, la juridiction
compétente a ordonné le passage au régime de la détention au domicile.
74. Le
requérant conteste les observations du Gouvernement et souligne que son grief porte
notamment sur le fait que les autorités internes qui ont rejeté ses demandes
ont omis de prendre en considération les rapports médicaux concluant à l’incompatibilité
de son état de santé avec le régime carcéral.
2. L’appréciation de
a) Principes
généraux
75. Conformément
à la jurisprudence constante de
76. Pour
qu’une peine et le traitement dont elle s’accompagne puissent être qualifiés d’« inhumains »
ou de « dégradants », la souffrance ou l’humiliation doivent en tout
cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de
traitement ou de peine légitimes (Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 68, 11 juillet 2006).
77. S’agissant
en particulier de personnes privées de liberté, l’article 3 impose à l’État
l’obligation positive de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des
conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités
d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou une
épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent
à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la
santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment
par l’administration des soins médicaux requis (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 94, CEDH 2000‑XI, et Riviere c. France, no 33834/03, § 62, 11 juillet 2006). Ainsi, le manque de soins médicaux
appropriés, et, plus généralement, la détention d’une personne malade dans des
conditions inadéquates, peut en principe constituer un traitement contraire à l’article 3
(voir, par exemple, İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 87, CEDH 2000-VII, et Gennadi Naumenko précité, § 112).
78.
b. Application
de ces principes au cas d’espèce
79. Dans
la présente affaire se posent la question de la compatibilité de l’état de
santé du requérant avec son maintien en détention et celle de savoir si cette
situation atteint un niveau suffisant de gravité pour entrer dans le champ d’application
de l’article 3 de
80.
81. Elle
relève ensuite que le requérant a introduit une première demande afin d’obtenir
la suspension de l’exécution de sa peine ou sa détention à domicile le
24 octobre 2007. Sept autres demandes suivirent ; tout comme la
première, elles furent à chaque fois rejetées. Ce n’est que le 24 juillet 2008
que le tribunal de l’application des peines accorda au requérant la détention
au domicile.
82.
83. Tout
en prenant note du fait que le requérant a finalement obtenu le régime de la
détention à domicile en 2008,
84.
85.
II. SUR
86. Invoquant
l’article 6 § 1 de
87. Tout
d’abord, il estime que sa cause n’a pas été entendue par un tribunal
indépendant et impartial. Il fait valoir que le juge ayant présidé la cour d’appel
de Palerme dans la procédure qui s’est terminée par l’arrêt du 25 février
2006 était le même que celui qui, le 1er octobre 1993, présidait le
tribunal de réexamen lorsque celui-ci avait rejeté une demande de sa part
tendant à la révocation d’une mesure de détention provisoire émise à son
encontre.
88. Deuxièmement,
le requérant voit une violation de son droit à la défense dans le fait que
89. Troisièmement,
le requérant dénonce le fait d’avoir été condamné sur la base, entre autres, de
déclarations d’un repenti (M. A.G.) qui ne pouvaient pas légalement être
versées au dossier. A ce sujet, le requérant conteste l’interprétation faite
par
90. L’article 6
§ 1 de
« Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un
tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière
pénale dirigée contre elle. »
91. En
ce qui concerne la première branche de ce grief, relative au manque allégué d’indépendance
et d’impartialité du juge ayant présidé la formation de la cour d’appel de
Palerme qui a rendu l’arrêt du 25 février 2006,
92. Pour
ce qui est du restant du grief,
93. En
ce qui concerne la deuxième branche du grief,
94. Quant
à la troisième partie du grief,
95.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41
DE
96. Aux
termes de l’article 41 de
« Si
A. Dommage
97. Le
requérant réclame 25 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il
aurait subi.
98. Le
Gouvernement indique s’en remettre à la sagesse de
99.
B. Frais et dépens
100. Le requérant demande également, documents à l’appui,
8 350,25 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions
internes et 15 623,74 EUR pour ceux engagés devant
101. Le
Gouvernement conteste ces prétentions.
102. Selon la jurisprudence de
103.
C. Intérêts moratoires
104.
PAR CES MOTIFS,
1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant au
grief tiré de l’article 3 de
2. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu
violation de l’article 3 de
3. Dit, par six voix contre une,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à
compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2
de
i) 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant
pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii) 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant
pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour les frais et dépens
engagés dans la procédure devant
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au
versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à
celui de la facilité de prêt marginal de
4. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction
équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 février 2014, en
application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Stanley Naismith Işıl
Karakaş
Greffier Présidente
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de
A.I.K.
S.H.N.
OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE
Je ne peux suivre la majorité lorsqu’elle constate la violation de l’article 3
de
Les juges et le tribunal d’application des peines ont examiné d’une manière
approfondie toutes les demandes du requérant et les rapports des médecins et
leurs décisions étaient bien motivés.
Statuant sur la première demande du requérant formulée le 24 octobre
2007, le juge, se référant aux trois rapports médicaux obtenus entre-temps,
estima que les pathologies dont le requérant était alors affecté n’étaient pas
si graves et pouvaient être traitées en prison. Toutefois, un contrôle continu
devait être garanti grâce à l’hospitalisation et à la vigilance constante du
service sanitaire de l’établissement pénitentiaire. Par une décision du 28
décembre 2007, le juge rejeta la deuxième demande, estimant que la détention n’entraînait
pas l’impossibilité ou la difficulté extrême de recourir aux traitements
sanitaires nécessaires. Il autorisa aussi l’hospitalisation. Les deux demandes
suivantes furent rejetées (les 7 janvier et 21 février 2008) et le tribunal d’application
des peines confirma ces trois décisions, précisant que la dépression dont le
requérant souffrait n’était pas suffisante pour atteindre le seuil de gravité
nécessaire et justifier un ajournement de l’exécution de sa peine.
J’estime que le requérant a été suivi de très près par les établissements
médicaux et par les juridictions d’application des peines pendant la période
litigieuse allant d’octobre 2007 à août 2008.
Le 24 juillet 2008, dès que le tribunal d’application des peines constata
de nouvelles pathologies dans le dernier rapport médical, il ordonna des
approfondissements. Sur la base de nouveaux examens, et surtout suite à un
amaigrissement involontaire, le tribunal décida que l’état de santé du
requérant était incompatible avec sa détention en prison.
D’après ces faits, une fois l’état de santé du requérant devenu
incompatible avec le régime carcéral, le tribunal, qui suivait son cas
attentivement, ordonna le régime de détention au domicile.
Dans ces circonstances, je ne pense pas que le requérant ait subi un
traitement inhumain ou dégradant.