Corte europea dei diritti dell’uomo
(Seconda sezione)
AFFAIRE SUD FONDI S.R.L. ET
AUTRES c. ITALIE
(Requête no 75909/01)
(Satisfaction équitable)
STRASBOURG
10 mai 2012
Cet arrêt
deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de
En
l’affaire Sud Fondi S.r.l. et autres c. Italie,
Françoise Tulkens, présidente,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
Isabelle Berro-Lefèvre,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Guido Raimondi, juges,
et de Stanley Naismith, greffier
de section,
Après en avoir délibéré en
chambre du conseil le 20 mars 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à
cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de
l’affaire se trouve une requête (no 75909/01) dirigée contre
2. Par un arrêt du 20
janvier 2009 (« l’arrêt au principal »),
3. En s’appuyant sur l’article 41 de
4. La question de l’application de l’article 41 de
5. Tant les requérantes que le Gouvernement ont déposé des
observations et des renseignements factuels jusqu’à fin 2011.
EN FAIT
A. Les faits pertinents postérieurs à l’arrêt au principal
1. La
révocation de la confiscation
6. A la suite de
l’arrêt au principal, ayant conclu à la violation de l’article 7 de
7. Cette demande
ayant été rejetée 26 octobre 2009, le Gouvernement se pourvut en cassation.
8. Par une décision
du 11 mai 2010,
9. Le 4 novembre 2010, le tribunal de Bari accueillit la
demande en révocation de la sanction et ordonna la restitution des terrains
confisqués, en mettant à la charge de l’Etat les frais de transcription au
registre foncier. Les terrains frappés par la confiscation en 2001 qui devaient
être restitués étaient les suivants :
a) à la requérante Sud Fondi
srl : des terrains pour une surface globale de 59 761 mètres carrés,
concernés par le plan de lotissement no 141 de 1989 (figurant dans
d’autres documents comme no 141/87), y compris les terrains non
constructibles au sens du permis de construire no 67/1992 et
qui avaient été également confisqués conformément à l’arrêt de
b) à la requérante Mabar srl : des terrains pour une surface de
13 095 mètres carrés, concernés
par le plan de lotissement no
151 de 1989, y compris les terrains non constructibles au sens du permis de
construire no 284/93 et qui avaient été également confisqués
conformément à l’arrêt de
c) à la requérante Iema srl : des terrains pour une surface de
2 726 mètres carrés, concernées par le plan de lotissement no
151/89, y compris ceux non couverts par le permis de construire no
284/93 et qui avaient été également confisqués au sens de l’arrêt de
10. La ville de Bari
forma un pourvoi en cassation et demanda un sursis à exécution de la décision
du tribunal. La demande en sursis fut rejetée le 17 janvier 2011. La
ville de Bari ayant renoncé au pourvoi en cassation, la décision du tribunal de
Bari du 4 novembre 2010 devint définitive.
2. La
restitution des terrains
11. Par une lettre
datée du 26 janvier 2011, la ville de Bari invita les requérantes à se rendre
sur les lieux le 8 février 2011 pour la remise des sols.
12. Le 4 février 2011, les requérantes adressèrent leur
réponse. Elles faisaient observer que les sols en question avaient été
transformés en parc public ; que celui-ci était librement utilisé par la
collectivité depuis trois ans ; qu’il y avait des ouvrages permanents
qui servaient à l’usage du parc par la collectivité. Les requérantes estimaient
que, si elles avaient accepté la remise des sols, elles auraient dû demander le
permis de construire une enceinte. A la
lumière de ces éléments, la remise des terrains ne pouvait pas passer pour la restitutio in integrum à laquelle elles
avaient droit. Dès lors, en attendant l’arrêt sur la satisfaction équitable de
13. Le 8 février 2011, les requérantes n’envoyèrent aucun
représentant au rendez-vous fixé par la ville de
14. Par une lettre du
15 février 2011, la ville de Bari communiqua aux requérantes que le transfert
de propriété des sols avait déjà eu lieu suite à l’inscription au registre
foncier le 25 novembre 2010 de la décision du tribunal de Bari. La remise des
sols fixée au 8 février avait un caractère purement formel. En effet, le droit
de propriété ne dépendait pas de l’acceptation de la remise litigieuse mais de
la décision judiciaire litigieuse et de sa transcription. Aux requérantes
incombaient dès lors toutes les obligations des propriétaires.
3. La procédure en dommages-intérêts
15. Le 28 janvier 2006, Sud Fondi avait saisi le tribunal
civil de Bari d’une demande en dommages-intérêts dirigée contre le ministère
des biens culturels, la région des Pouilles et la ville de Bari (voir
paragraphes 44 et 45 de l’arrêt au principal). Elle
reprochait à ces autorités essentiellement de lui avoir accordé des permis de
construire sans la diligence requise et de lui avoir garanti que tout le
dossier était conforme à la loi.
La requérante demandait une
somme correspondant au prix d’achat des terrains (40 000 000 euros
(EUR)), augmentée des frais de notaires et des coûts financiers supportés (oneri finanziari), puis indexée et
assortie d’intérêts jusqu’en 2006, soit une somme globale de
150 000 000 EUR.
Elle demandait en outre le dédommagement du dommage matériel ultérieur,
dont 1 275 530,26 EUR pour frais d’architectes ;
8 916 628,36 EUR pour coûts de construction ;
1 030 761,49 EUR pour taxes payées ;
230 878,15 EUR pour frais de publicité ; 15 422,24 EUR pour
garanties fidéjussoires et 990 940,44 EUR pour d’autres garanties. Elle
réclamait également 152 332 517,44 EUR pour manque à gagner et
25 822 844,95 EUR pour dommage immatériel.
16. Les autorités italiennes défenderesses plaidaient que ces
sommes étaient injustifiées. En particulier, la somme de 40 000 000
EUR réclamée au titre du prix d’achat des sols se référait non seulement à des
actes publics d’achat de terrains mais aussi à des actes de cession des parts
d’une société (Calaprice s.r.l. )
qui était propriétaire desdits terrains et qui était contrôlée par les mêmes
associés que la société requérante. Ainsi, le prix de 35 millions d’euros
pour acquérir environ 39 209 mètres carrés sur un total de 59 761
mètres carrés paraissait exagéré, ce prix étant nettement supérieur par rapport
à l’achat des terrains restants (les 20 000 mètres carrés restant ayant
couté 5 millions d’euros). En outre, les parties défenderesses observaient que
la requérante demandait à la fois un montant correspondant aux emprunts
souscrits pour pouvoir acheter les terrains et un montant correspondant au prix
d’achat desdits terrains. Ensuite, les terrains litigieux étaient toujours
constructibles. Enfin les défenderesses observaient que les travaux de
construction avaient été réalisés par la société
17. Dans le cadre de cette procédure, la ville de Bari
demanda un
contre-dédommagement de 105 millions d’euros, dont 35 millions pour atteinte à
l’image, 35 millions d’euros pour atteinte au fonctionnement de la ville (integrità della sfera funzionale) et 35
millions pour préjudice à l’environnement. En outre la ville de
18. La procédure
devant le tribunal de Bari est toujours pendante. L’audience pour la
présentation des conclusions qui avait été fixée au 23 mars
19. S’agissant de la
requérante Mabar s.r.l., celle-ci avait intenté une procédure séparée en
dommages-intérêts (paragraphe 45 de l’arrêt au principal), dont les parties
n’ont pas fourni des renseignements.
20. Quant à la
requérante Iema s.r.l, elle n’avait pas intenté de procédure en
dommage-intérêts au niveau national.
4. Les prétentions de l’Etat pour dommage à l’environnement
21. Par une mise en demeure du 11 janvier 2011, l’Etat a
intimé aux administrateurs des sociétés requérantes – et non pas à celles-ci - de verser une somme de
27 161 413 EUR plus intérêts au titre de dédommagement du préjudice à
l’environnement.
B. Le droit
interne pertinent postérieur à l’arrêt au principal
1.
22. Le 9 avril 2008,
dans le cadre d’un procès pénal ne concernant pas les requérantes, la cour
d’appel de Bari – s’appuyant sur la décision sur la recevabilité de la présente
requête – avait saisi
23. Par l’arrêt no
239 de 2009,
2. La loi no102
de 2009
24. Aux termes de
l’article 4ter de la loi no
102 du 3 août 2009, « sans toucher aux effets de la révocation de la
confiscation des biens (...), lorsque
C. Le droit et la
pratique internationaux pertinents
25. Les principes applicables sont résumés dans l’arrêt Guiso-Gallisay c. Italie
(satisfaction équitable) [GC], no 58858/00, §§ 49-54,
22 décembre 2009.
EN DROIT
26. Aux termes de
l’article 41 de
« Si
A. Arguments des requérantes
1. Les arguments militant en faveur d’une satisfaction
équitable
27. Les requérantes observent que, dans son arrêt au
principal,
28. Selon elles, la
restitution des terrains n’a pas réparé le préjudice subi. Dès lors elles réclament
une satisfaction équitable.
29. A cet égard elles font observer tout d’abord que les
bâtiments existants au moment de la confiscation n’ont pas été restitués
puisqu’ils ont été démolis. Aucune
compensation pécuniaire ne leur a été versée et, aux termes de la loi no
102 de 2009, ne leur sera jamais offerte.
30. Ensuite, les
terrains litigieux ont été matériellement transformés suite à la réalisation
d’un parc public dénommé « Parco Perotti ». Ainsi, même si le titre
de propriété leur a été retransféré - avec la conséquence qu’elles doivent en
supporter la charge fiscale – elles n’ont pas récupéré la pleine jouissance de
leurs biens pour les raisons suivantes : le parc est couramment utilisé
par la collectivité ; la ville de Bari y a installé des infrastructures ;
aucune enceinte fermée ne contourne le parc ; la ville n’a pris aucune
mesure vis-à-vis de la population, de sorte que la collectivité continue à
exercer la possession de fait sur les terrains et les requérantes sont dans
l’impossibilité juridique de clôturer la surface. Dans ces conditions, les
requérantes ont refusé de reprendre la possession des terrains (reintegro nel possesso), en espérant
entre autres éviter ainsi de payer les frais d’entretien du parc.
31. En outre, les terrains litigieux ont été frappés par des
mesures législatives et reglémentaires qui en ont modifié la situation sur le
plan juridique. Les requérantes se réfèrent sur ce point au décret législatif no
42 du 22 janvier 2004, dénommé « Code des biens culturels et du
paysage », qui a soumis les territoires côtiers compris dans une bande de
300 mètres de la mer à une protection renforcée, en prévoyant une procédure
administrative complexe (accord de la part de la région et de l’autorité
nationale pour la protection du paysage) pour toute demande entraînant
modification du territoire. Les requérantes se
réfèrent également au projet de la ville de Bari de créer une zone verte, qui,
en décembre
32. Les requérantes critiquent la loi no 102 de
2009 dans la mesure où celle-ci met à leur charge les frais de démolition des
bâtiments, qui ont été construits conformément aux permis de construire que la
ville leur a délivrés. Elles critiquent cette loi également car l’évaluation
des terrains ne se fait pas en fonction de leur caractère constructible au
moment de la confiscation, mais en fonction de leur nouvelle destination
urbanistique décidée par la ville depuis.
33. Elles font en outre observer que la ville de
ci-dessus), alors que les autorités de la ville elles-mêmes sont responsables
d’avoir approuvé les lotissements et accordé les permis de construire.
34. Les requérantes rappellent enfin que, pour obtenir les
permis de construire, elles avaient dû, en contrepartie, céder gratuitement à
la commune une partie de leurs terrains, et avaient à ces fins conclu des
conventions en 1993.
2. Les prétentions
35. Les trois requérantes observent que la surface globale
des terrains frappés par la confiscation s’élève à environ 75 000 mètres
carrés. Au vu des arguments exposés plus haut elles estiment avoir droit, en
premier lieu, à une somme correspondant à la pleine valeur marchande des
terrains concernés, en tenant compte du fait qu’ils étaient constructibles.
Ensuite, elles demandent à
Ces sommes devraient être indexées et assorties d’intérêts. Elles
devraient en outre être exonérées d’impôt.
36. Les requérantes ont formulé leurs prétentions en
s’appuyant chacune sur deux expertises, réalisées en décembre 2007 par le Real
Estate Advisory Group (REAG).
La première expertise est basée sur les coûts effectivement supportés
par les requérantes jusqu’à la confiscation.
La deuxième expertise a établi la valeur marchande des biens
confisqués au moment de l’expertise (2007).
37. Les requérantes observent que le Gouvernement n’a jamais
« sérieusement » ou « spécifiquement » contesté les
montants réclamés. Il n’a pas non plus produit de contre-expertise.
38. S’agissant de la requérante Sud Fondi s.r.l., ses
prétentions s’élèvent en 2007 globalement à 274 000 000 EUR. Il
ressort des deux expertises les informations suivantes.
La surface concernée par le plan de lotissement no 141 était
de 59 761 mètres carrés. Le permis
de construire no 67/1992 avait été délivré pour un volume de
131 560,88 mètres cubes.
Selon la première expertise, le prix payé, entre 1983 et 1994, pour
l’achat des terrains a été de 39 660 827,38 EUR (dont 35 millions
environ pour l’achat des parts de la société Colaprice
s.r.l. possédant environ 39 000 mètres carrés). Les autres
coûts supportés jusqu’à la confiscation ont été les coûts de construction,
y inclus les salaires du personnel (8 916 000 EUR) ; les
honoraires et frais d’architectes
(1 067 604, 59 EUR) ; les frais d’urbanisation (oneri di urbanizzazione,
1 080 802,95 EUR) ; les services techniques (electricité,
publicité), soit 231 440,72 EUR ; les charges financières
(40 011 447,72 EUR) ; les assurances du chantier
(14 985,79 EUR) ; frais divers 39 407,51 EUR ; frais
de notaire 173 962,77 EUR ; les taxes payées, dont la taxe foncière
mais aussi les taxes d’achats des terrains (invim)
(1 070 400,69 EUR).
Selon la deuxième expertise, la valeur du terrain en 2001 en fonction de
l’évolution du marché immobilier était de 81 100 000 EUR. Les
bâtiments construits avaient à la même époque une valeur de marché de
11 400 000 EUR. La valeur de marché en 2007 était respectivement
de 260 200 000 EUR et de 14 200 000 EUR.
39. S’agissant de la requérante Mabar s.r.l., ses prétentions
en 2007 s’élèvent globalement à 65 200 000 EUR. Il ressort des deux
expertises les informations suivantes.
La surface concernée par le plan de lotissement no 151 est de
13 077 mètres carrés. Le permis de construire délivré autorisait un
volume de construction de 65 385 mètres cubes.
Selon la première expertise, le prix payé, entre 1989 et 1993, pour
l’achat des terrains a été de 3 726 365, 64 EUR. Les autres coûts
supportés jusqu’à la confiscation ont été les coûts de construction
(2 136 570,31 EUR) ; les honoraires et frais d’architectes
(661 402,72 EUR) ; les services techniques (13 255, 47
EUR) ; les coûts d’urbanisation (oneri di
urbanizzazione) 426 331,62 EUR ; les charges financières (oneri finanziari)
(2 446 581, 88 EUR) ; les frais de notaire
(4 305,24 EUR) ; les impôts payés (401 868,02 EUR) ; frais
divers (sécurité, électricité) (713 345,88 EUR). Le préjudice global s’élèverait ainsi à
10 552 771,11 EUR, devant être indexé.
Selon la deuxième expertise, la valeur du terrain en 2001,
vu l’évolution du marché immobilier, était de 18 450 000 EUR. A cette
même époque, les bâtiments construits avaient une valeur de marché de
3 300 000 EUR. La valeur de marché en 2007 était respectivement de
61 000 000 EUR et de 4 200 000 EUR.
40. S’agissant de la requérante Iema s.r.l., ses prétentions en
2007 s’élèvent globalement à 13 605 920 EUR. Il ressort des deux
expertises les informations suivantes.
La surface concernée par le plan de lotissement no 151 est
selon les experts de 2 717 mètres carrés. Le permis de construire délivré
concernait un volume de 13 559,68 mètres cubes.
Selon la première expertise le prix payé, en 1994, pour l’achat des
terrains a été de 1 394 433,63 EUR. Les autres coûts supportés
jusqu’à la confiscation ont été les salaires (379 006 EUR) ; les
coûts de construction (945 268 EUR) ; les honoraires et frais
d’architecte (47 410,74 EUR) ; les services techniques (13 255,
47 EUR) ; les coûts d’urbanisation (oneri
di urbanizzazione) (159 597 EUR) ; les charges financières
(oneri finanziari) (588 357,98
EUR) ; les frais de notaire (8 063,96 EUR) ; les impôts payés
(47 933,66 EUR) ; frais divers (6 533,01 EUR).
Selon la deuxième expertise, la valeur du terrain en 2001
au vu de l’évolution du marché immobilier était de 2 400 000 EUR. Les bâtiments construits
avaient une valeur de marché de 2 300 000 EUR. La valeur de marché en
2007 était respectivement de 10 500 000 EUR et de
2 800 000 EUR.
B. Arguments du Gouvernement
41. Le Gouvernement observe d’emblée que deux procédures en
dommages-intérêts, intentées respectivement par la première et par la deuxième
requérante, sont pendantes au niveau national. Toutefois, vu que cette
exception a été rejetée pour forclusion dans l’arrêt au principal, il déclare
ne pas vouloir insister sur ce point.
42. Le Gouvernement soutient s’être acquitté des obligations
découlant de l’arrêt au principal. Selon lui, la révocation de la confiscation
et l’offre de restitution des terrains confisqués constitue la solution
appropriée à donner au constat de violation auquel
43. Tout au plus, les requérantes pourraient espérer obtenir
une somme correspondant à la non-jouissance des terrains dans la période où ces
derniers ont été sous le coup de la confiscation, à savoir du 27 juin 2001,
date de l’occupation matérielle des terrains, au 8 février 2011, date de la
convocation des requérantes pour la remise des sols. Dans cette hypothèse, il
serait alors opportun de baser les calculs non pas sur la valeur que les
terrains avaient en 2001, mais sur la valeur actuelle desdits terrains, de
façon à prendre en compte le déclassement des terrains à zone verte. La valeur
actuelle des terrains des trois requérantes - telle qu’estimée par le
Gouvernement (agenzia
44. Les requérantes
ne peuvent en aucun cas se prévaloir de l’arrêt au principal pour arguer
qu’elles ont droit à la restitution de terrains constructibles ou à une somme
correspondant à la valeur de marché de ceux-ci. En effet, les permis de
constuire délivrés et les lotissements autorisés n’étaient pas conformes à la
loi, et d’ailleurs la Cour n’a pas déclaré qu’ils l’étaient. En outre, s’il est
vrai que
45. S’agissant des bâtiments construits par les requérantes,
puis confisqués et démolis, celles-ci n’ont pas le droit de réclamer un
dédommagement. En effet, les ouvrages construits se heurtaient à la loi. Les
frais de démolition (1 571 752,73 EUR) doivent par conséquent être
mis à la charge des requérantes, tout comme les frais pour le
« rétablissement de l’état légitime des sols » (24 716,81 EUR).
Dans ses dernières observations, le Gouvernement affirme ne pas négliger le
fait que la situation litigieuse découle depuis le début du comportement de la
mairie de Bari, qui a accordé des permis de construire alors que le droit de
construire n’existait pas. Les requérantes ont certes encouru des frais pour
bâtir les immeubles « dans la confiance du permis accordé par la
mairie », et elles ont subi « l’illégitime confiscation ». Toutefois, elles ne peuvent pas réclamer la valeur que les
biens auraient eue sur la base d’une destination qui n’était pas conforme à
la loi.
46. Le Gouvernement a
indiqué que
47. S’agissant de
l’allégation des requérantes selon laquelle les terrains cédés gratuitement à
la ville de Bari en 1993 ne leur ont pas été restitués, le Gouvernement n’a pas
apporté de précisions. Il a indiqué que la ville de Bari avait disposé la
restitution « des terrains ».
48. Le Gouvernement estime s’être également acquitté des
obligations découlant du constat de violation pour ce qui est des mesures
générales. Il se réfère à cet égard à l’arrêt
de la Cour constitutionnelle no 239 de 2009, qui a indiqué que les
juges doivent interpréter la disposition prévoyant la confiscation de manière
conforme à
49. Quant aux
prétentions chiffrées des requérantes, le Gouvernement les définit
« injustifiées et extravagantes », du moment qu’il n’y a pas la
preuve d’un lien de causalité direct ou indirect entre la violation constatée
et le préjudice allégué. Ceci vaut en particulier pour les charges financières,
qui se rapportent à l’activité de l’entreprise, pour les coûts d’urbanisation (oneri di urbanizzazione), pour les impôts
payés, pour les frais de notaire et pour les frais d’architecte et de projet (spese di progettazione). En outre, l’estimation
des terrains semble excessive. En aucun cas les requérantes ne peuvent avoir un
dédommagement pour le manque à gagner, à savoir pour le bénéfice qu’elles
auraient tiré de la vente des immeubles qu’elles construisaient sur les
terrains en question.
C. Décision de
1. Dommage
matériel
50.
51. Quant à la
question de savoir si les requérantes n’ont plus rien à prétendre vu que la
confiscation de leurs terrains a été révoquée,
52. Une fois établi
que la confiscation litigieuse ne satisfaisait pas à la condition de légalité,
Ainsi, dans l’hypothèse où les
requérantes avaient été condamnées pour lotissement abusif et la confiscation
des biens leur avait été infligée, cette sanction pénale aurait satisfait à la
condition de légalité ; elle se serait toutefois prêtée à critique sous
l’angle de la proportionnalité au sens de l’article 1 du Protocole no
1. Contrairement à ce que le Gouvernement soutient, les considérations sous
l’angle de la proportionnalité ci-dessus ne remettent aucunement en cause les
conclusions tirées au regard de la méconnaissance du principe de légalité. Les thèses du
Gouvernement à cet égard doivent dès lors être rejetées.
53.
CEDH 2000-I).
54. Comme elle vient
de le rappeler plus haut (§ 51),
§§ 99-104, CEDH 2006-V), ni une expropriation indirecte commencée selon une
procédure d’urgence et sur la base d’une déclaration d’utilité publique (a contrario, Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction
équitable) [GC], no 58858/00, §§ 102 et 103, 22 décembre 2009).
Il s’agit
en l’occurrence d’une mesure arbitraire des autorités italiennes ayant frappé
les biens des requérantes. Partant l’indemnisation à fixer en l’espèce devra
refléter l’idée d’un effacement total des conséquences de la mesure litigieuse
(Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie (satisfaction
équitable), no 31524/96, §§ 34-36, 30 octobre 2003 ; Scordino c. Italie (no 1) [GC], précité, § 250).
A cet égard, la jurisprudence internationale, judiciaire ou arbitrale, fournit
à
« (...) la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les
conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement
existé si ledit acte n’avait pas été commis. Restitution en nature, ou, si elle
n’est pas possible, paiement d’une somme correspondant à la valeur qu’aurait la
restitution en nature; allocation, s’il y a lieu, de dommages-intérêts pour les
pertes subies et qui ne seraient pas couvertes par la restitution en nature ou
le paiement qui en prend la place; tels sont les principes desquels doit
s’inspirer la détermination du montant de l’indemnité due à cause d’un fait
contraire au droit international. »
55.
56. En premier lieu, les requérantes n’ont aucune possibilité
de récupérer les bâtiments confisqués, car ils ont été démolis. Elles n’ont pas non plus la possibilité d’être indemnisées
sur la base de la loi no 102 de 2009, qui exclut une telle
hypothèse. Or,
57. En deuxième lieu,
Dans cette situation,
Pour estimer celui-ci, il y a
lieu de se baser sur la valeur probable des terrains au début de la situation
litigieuse, déterminée à partir des expertises présentées par les requérantes (Terazzi S.r.l. c. Italie (satisfaction
équitable), no 27265/95, §§ 36-37, 26 octobre 2004), en tenant
compte ainsi de leur caractère constructible. Elle considère que le
préjudice découlant de l’indisponibilité des terrains peut être compensé par le
versement d’une somme correspondant à l’intérêt légal pendant toute cette
période appliqué sur la contre-valeur des terrains ainsi déterminée (Elia
S.r.l. c. Italie (satisfaction équitable),
no 37710/97, § 25, 22 juillet 2004).
58. En troisième lieu,
s’agissant des terrains que les requérantes possédaient encore au moment de la
confiscation, si la restitution de leur propriété n’est pas en cause,
59. Compte tenu de la
diversité des éléments devant être considérés aux fins du calcul du préjudice
matériel ainsi que de la nature de l’affaire,
- à la requérante Sud Fondi
s.r.l. la somme de 37 000 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû
au titre d’impôt ;
- à la requérante Mabar s.r.l.
la somme de 9 500 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû au titre
d’impôt ;
- à la requérante Iema s.r.l. la
somme de 2 500 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû au titre
d’impôt.
60.
61. En outre,
62. En l’espèce,
63. En conclusion, eu égard aux circonstances particulières
de l’espèce,
2. Frais et dépens
64. Les requérantes n’ont pas sollicité le remboursement des
frais encourus depuis l’arrêt au principal. Dès lors, il n’y a pas lieu
d’accorder de somme à ce titre.
3. Intérêts moratoires
65.
PAR CES MOTIFS,
1. Dit
a) que l’Etat
défendeur doit s’abstenir de demander aux requérantes le remboursement des
frais de démolition des bâtiments confisqués et des frais de
requalification, et qu’il ne doit pas donner suite aux demandes en
dommages-intérêts adressées à la première requérante dans la procédure civile
devant le tribunal de Bari ;
2. Dit
a) que l’Etat
défendeur doit verser aux requérantes, dans les trois mois à compter du jour où
l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de
i. 37 000 000
EUR (trente sept millions d’euros), plus tout montant pouvant être dû à titre
d’impôt, à la requérante Sud Fondi s.r.l. ;
ii. 9 500 000
EUR (neuf millions cinq cent mille euros), plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt, à la requérante Mabar s.r.l. ;
iii. 2 500 000
EUR (deux millions cinq cent mille euros), plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt, à la requérante Iema s.r.l. ;
b) qu’à compter
de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à
majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt
marginal de
3. Rejette la demande de satisfaction
équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 mai 2012, en
application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Greffier Présidente