Corte europea dei diritti dell’uomo
(Grande Camera)
7 giugno 2012
Requête n. 38433/09
AFFAIRE CENTRO EUROPA 7 S.R.L. ET DI STEFANO c. ITALIE
STRASBOURG
Cet arrêt est
définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Centro Europa 7 S.r.l. et
Di Stefano c. Italie,
Françoise Tulkens, présidente,
Jean-Paul Costa,
Josep Casadevall,
Nina Vajić,
Dean Spielmann,
Corneliu Bîrsan,
Elisabeth Steiner,
Elisabet Fura,
Ljiljana Mijović,
David Thór Björgvinsson,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Nona Tsotsoria,
Işıl Karakaş,
Kristina Pardalos,
Guido Raimondi,
Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
et de Vincent Berger, jurisconsulte,
Après
en avoir délibéré en chambre du conseil les 12 octobre 2011 et
11 avril 2012,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette
dernière date :
PROCÉDURE
1. A
l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 38433/09)
dirigée contre
2. Les
requérants sont représentés par Mes A. Pace, R. Mastroianni,
O. Grandinetti et F. Ferraro, avocats à Rome. Le gouvernement italien
(« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E.
Spatafora.
3. Les
requérants alléguaient que la non-attribution à la société requérante des
radiofréquences nécessaires pour la diffusion d’émissions télévisées avait
violé leur droit à la liberté d’expression et, en particulier, leur liberté de
communiquer des informations ou des idées. Ils invoquaient également une
violation des articles 14 et 6 § 1 de
4. La
requête a été attribuée à la deuxième section de
5. La
composition de
6. Tant
les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites
complémentaires (article 59 § 1 du règlement). Des observations ont également
été reçues par l’association Open Society Justice Initiative, que la présidente
avait autorisée à intervenir dans la procédure écrite (articles 36 § 2 de
7. Une
audience s’est déroulée en public au Palais des droits de l’homme, à
Ont comparu :
– pour le Gouvernement
MM. M. REMUS, conseiller,
P. GENTILI, avocat
de l’Etat ;
– pour les requérants
Mes. R. MASTROIANNI,
O. GRANDINETTI,
F. FERRARO, conseils.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
8. La
requérante, Centro Europa 7 S.r.l., est une société à responsabilité limitée
opérant dans le domaine de la télédiffusion et ayant son siège social à Rome.
Le requérant, M. Francescantonio Di Stefano, est un ressortissant italien né en
1953 et résidant à Rome. Il est
le représentant légal de la société requérante.
9. Par
un décret ministériel du 28 juillet 1999, les autorités compétentes octroyèrent
à Centro Europa 7 S.r.l., conformément aux dispositions de la loi no 249
de 1997 (paragraphes 56-61 ci-dessous), une concession pour la radiodiffusion
télévisuelle par voie hertzienne au niveau national qui autorisait la société
requérante à installer et à exploiter un réseau de radiodiffusion télévisuelle
analogique. La concession prévoyait que la requérante avait droit à trois
fréquences couvrant 80 % du territoire national. La concession renvoyait,
pour l’octroi des radiofréquences, au plan national d’attribution des
radiofréquences adopté le 30 octobre 1998. Il était
indiqué que la mise en conformité des installations aux prescriptions du
« plan d’assignation » (piano di assegnazione) devait avoir
lieu dans un délai de vingt-quatre mois et devait respecter le programme de
conformité (programma di adeguamento) établi par l’Autorité pour les
garanties dans les communications (Autorità per le garanzie nelle
comunicazioni – ci-après « l’AGCOM ») en collaboration avec
le ministère des Communications (ci-après « le ministère »). Il
ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat no 2624 du 31 mai 2008
(paragraphe 14 ci-dessous), qu’aux termes de la concession l’attribution des
radiofréquences était renvoyée à une phase ultérieure, laquelle dépendait de
l’adoption par l’administration dudit programme de conformité, sur la base
duquel la requérante aurait dû procéder à des interventions sur ses
installations. A son tour, le programme de
conformité aurait dû s’appuyer sur les prescriptions du plan national
d’attribution des radiofréquences.Or, ce plan ne fut
pas mis en œuvre. Des régimes transitoires profitant aux chaînes existantes
furent appliqués successivement au niveau national, de sorte que, bien que
disposant d’une concession, la requérante ne put émettre avant juin 2009 faute
d’octroi de radiofréquences.
10. La
requérante, par l’intermédiaire de son représentant légal, introduisit
plusieurs recours devant les juridictions administratives.
A. La
première procédure administrative
11. En
novembre 1999, la requérante mit en demeure le ministère de lui octroyer des
radiofréquences. Par une note du 22 décembre 1999, le ministère lui opposa un
refus.
1. La
procédure sur le fond
12. En
2000, la société requérante déposa un recours devant le tribunal administratif
régional (ci-après le « TAR ») du Latium contre le ministère et la
société RTI (chaînes de télévision italiennes contrôlées par Mediaset), se
plaignant de ce que l’administration ne lui eût pas octroyé les radiofréquences
d’émission. Ce recours était dirigée également contre
la société RTI au motif que la chaîne Retequattro avait été autorisée à émettre
en occupant les radiofréquences qui auraient dû être transférées à la
requérante.
13. Le
16 septembre 2004, le TAR accueillit le recours de la requérante en soulignant
que l’administration devait soit assigner les radiofréquences, soit révoquer la
concession. Par conséquent, il annula la note du
22 décembre 1999.
14. La
société RTI interjeta appel devant le Conseil d’Etat. Par l’arrêt no 2624
du 31 mai 2008, celui-ci rejeta cet appel et confirma le jugement du TAR. Il
soulignait que dans la concession aucun délai n’avait été fixé à
l’administration pour adopter le programme de conformité établi par l’AGCOM en
collaboration avec le ministère, mais que la requérante avait un délai de
vingt-quatre mois pour procéder à des interventions sur ses installations. Par
conséquent, selon la haute juridiction, ce programme
de conformité aurait dû être approuvé dans un bref délai.
Le Conseil d’Etat ajoutait que le
ministère devait se prononcer sur la demande d’attribution de radiofréquences
de la requérante en application d’un arrêt de
2. La
procédure d’exécution
15. N’ayant
pas obtenu les radiofréquences, le 23 octobre 2008 la requérante assigna le
ministère devant le Conseil d’Etat pour se plaindre du défaut d’exécution de
l’arrêt du 31 mai 2008.
16. Le
11 décembre 2008, le ministère prorogea la durée de la concession octroyée en
1999 jusqu’à la fin de la diffusion analogique (« switch off »)
et assigna à Centro Europa 7 S.r.l. un canal unique à partir du 30 juin 2009.
17. Par
conséquent, le Conseil d’Etat, dans son arrêt no 243/09 du
20 janvier 2009, estima que le ministère avait correctement exécuté son
arrêt du 31 mai 2008.
18. Le
18 février 2009, la requérante introduisit un nouveau recours devant le TAR en
soutenant que le décret d’attribution des radiofréquences du 11 décembre 2008
était insuffisant car, contrairement aux termes de la concession, il concernait
un canal unique ne couvrant pas 80 % du territoire national. Dans
son recours, la requérante demandait l’annulation de ce
décret et le versement d’une somme à titre de dommages et intérêts.
19. Le
9 février 2010, la requérante signa un accord avec le ministère du
Développement économique (ancien ministère des Communications) par lequel
celui-ci s’engageait à lui assigner d’autres radiofréquences conformément aux
termes de la concession.
20. Le
11 février 2010, en exécution de l’une des clauses de cet accord, la requérante
demanda la radiation du rôle de la procédure pendante devant le TAR.
21. Le
8 mars 2011, elle sollicita la réinscription au rôle de la procédure devant le
TAR. Dans sa demande, elle réclamait l’annulation du
décret d’attribution des radiofréquences du 11 décembre 2008 et le versement
d’une somme à titre de dommages et intérêts. Elle soutenait que
l’administration n’avait pas pleinement exécuté son obligation d’attribuer des
fréquences complémentaires ni respecté l’accord du 9 février 2010 et la décision du 11 décembre 2008.
22. En
effet l’article 6 de l’accord en question se lisait ainsi :
« Centro Europa 7 S.r.l. s’engage à demander d’ici le
11 février 2010 la radiation du rôle du recours no 1313/09 qui
est pendant devant le TAR du Latium, à le laisser s’éteindre par défaut de
présentation d’une nouvelle demande de fixation d’audience dans les délais
fixés par la loi, et à renoncer dans le même délai aux demandes de
dommages-intérêts déposées par ce recours, sous réserve que, à la date
d’échéance et dans l’intervalle, le présent accord, la décision d’attribution
des fréquences complémentaires et la décision du 11 décembre 2008 n’aient pas
perdu leur validité.
L’administration
s’engage pour sa part à exécuter pleinement son
obligation d’attribuer des fréquences complémentaires, ainsi que le présent
accord et la décision du 11 décembre
23. La
procédure est actuellement pendante devant le TAR.
B. La
deuxième procédure administrative
1. La
procédure devant le TAR
24. Entre-temps,
le 27 novembre 2003, alors que son tout premier recours était pendant devant le
TAR, la requérante avait à nouveau saisi cette juridiction d’une demande
visant, notamment, à la reconnaissance de son droit d’obtenir l’attribution des
radiofréquences et la réparation du préjudice subi.
25. Par
un jugement du 16 septembre 2004, le TAR avait rejeté cette demande, estimant
en particulier que la requérante n’était titulaire que d’un simple intérêt
légitime (« interesse legittimo »), c’est-à-dire d’une
position individuelle protégée de façon indirecte et subordonnée au respect de
l’intérêt général, et non pas d’un droit subjectif (« diritto
soggettivo ») d’obtenir l’attribution de radiofréquences d’émission
pour la radiodiffusion télévisuelle par voie hertzienne en mode analogique.
2. L’appel
devant le Conseil d’Etat
26. La
requérante interjeta appel devant le Conseil d’Etat, soutenant que, puisqu’elle
s’était vu octroyer une concession par les autorités compétentes, elle était
bel et bien titulaire d’un droit subjectif. Elle contestait en particulier la
conformité du décret-loi no 352/2003 et de la
loi no 112/2004 avec le droit communautaire (paragraphes
65-67 ci-dessous).
27. Le
19 avril 2005, le Conseil d’Etat décida de limiter son examen à la demande en
réparation de la requérante et de ne pas envisager de statuer à ce stade sur la
demande d’octroi de radiofréquences.
28. Il
observa néanmoins que le défaut d’attribution de radiofréquences à Centro
Europa 7 S.r.l. avait eu pour cause des facteurs essentiellement législatifs.
29. Il
rappela que l’article 3 § 2 de la loi no 249 de 1997
(paragraphe 58 ci-dessous) permettait aux « occupants de fait » de
radiofréquences, habilités à exercer leur activité en vertu du régime
antérieur, de continuer leurs émissions jusqu’à l’octroi des nouvelles
concessions ou jusqu’au rejet de demandes de nouvelles concessions et, en toute
hypothèse, au plus tard jusqu’au 30 avril 1998.
30. Il
nota également que l’article 3 § 7 de la loi no 249 de 1997
(paragraphe 61 ci-dessous) autorisait la poursuite desdites émissions, en
renvoyant à l’AGCOM pour la fixation d’une date butoir à la seule condition que
les émissions soient diffusées en même temps sur des radiofréquences
hertziennes et par satellite ou par câble. Il rappela qu’à défaut de date
définie par l’AGCOM,
31. La
loi no 112 de 2004 avait donc eu pour effet, selon le Conseil
d’Etat, de ne pas libérer les radiofréquences destinées à être attribuées aux
personnes titulaires de concessions en mode analogique et d’empêcher de
nouveaux opérateurs de participer à l’expérimentation de la télévision
numérique.
32. Dans
ces conditions, le Conseil d’Etat décida de surseoir à statuer et demanda à
3. L’arrêt
de
33. Le
31 janvier 2008,
34. Quant
à de la question concernant l’article 10 de
« Par sa première question, la juridiction de renvoi
demande à
(...)
Par ces
questions, la juridiction de renvoi entend donc vérifier l’existence de
violations du droit communautaire en vue de statuer sur une demande en
réparation des préjudices en ayant découlé.
Or, (...), l’article
49 CE et, à compter de leur applicabilité, l’article 9, paragraphe 1, de la
directive « cadre », les articles 5, paragraphes 1 et 2, second
alinéa, et 7, paragraphe 3, de la directive « autorisation » ainsi
que l’article 4 de la directive « concurrence » doivent être
interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, en matière de radiodiffusion
télévisuelle, à une législation nationale dont l’application conduit à ce qu’un
opérateur titulaire d’une concession soit dans l’impossibilité d’émettre à défaut
de radiofréquences d’émission octroyées sur la base de critères objectifs,
transparents, non discriminatoires et proportionnés.
Partant, cette réponse permet, à elle
seule, à la juridiction de renvoi de statuer sur la demande introduite par
Centro Europa 7 de réparation des préjudices subis.
Par conséquent, eu égard à la réponse
apportée par
35. Sur
le fond,
« (...) la
loi no 112/2004, ne se limite pas à attribuer aux opérateurs
existants un droit prioritaire à obtenir les radiofréquences, mais elle leur
réserve ce droit en exclusivité, et ce sans limite temporelle à la situation de
privilège attribuée à ces opérateurs et sans prévoir d’obligation de
restitution des radiofréquences excédentaires après le passage à la
radiodiffusion télévisuelle en mode numérique. »
36.
« (...) il
importe de préciser que, dans le domaine des émissions radiotélévisées, la
libre prestation de services, telle que consacrée à l’article 49 CE et mise en
œuvre dans ce domaine par le NCRC, requiert non seulement la concession
d’autorisations d’émission, mais également l’octroi de radiofréquences
d’émission. En effet, un opérateur ne saurait exercer
de manière effective les droits qu’il tire du droit communautaire en termes
d’accès au marché de la radiodiffusion télévisuelle à défaut de radiofréquences
d’émission. (...)
L’article 49 CE
et, à compter de leur applicabilité, l’article 9, paragraphe 1, de la directive
2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un
cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications
électroniques (directive « cadre »), les articles 5, paragraphes 1 et
2, second alinéa, et 7, paragraphe 3, de la directive 2002/20/CE du Parlement
européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et
de services de communications électroniques (directive
« autorisation »), ainsi que l’article 4 de la directive 2002/77/CE
de
4. La
reprise de la procédure devant le Conseil d’Etat
37. Par
la décision no 2622/08 du 31 mai 2008, le Conseil d’Etat
conclut qu’il ne pouvait pas se substituer au Gouvernement pour attribuer des
radiofréquences, non plus que le contraindre à le faire. Il ordonna
au Gouvernement de traiter la demande de radiofréquences introduite par la
requérante en respectant les critères imposés par
« L’adoption par l’administration
d’un acte spécifique est plus une question d’exécution
et de mise en œuvre que de réparation : en cas de refus illégal
d’accomplir un acte administratif qui a été demandé, l’adoption de l’acte ne
constitue pas une mesure de dédommagement, mais la mise en œuvre d’une
obligation qui incombe à l’administration, sauf si la partie privée concernée a
subi un préjudice. »
38. Quant
à la demande d’attribution de radiofréquences, le Conseil d’Etat souligna
que :
« En présence
d’intérêts légitimes, il n’est cependant pas possible d’envisager une
mesure de réparation spécifique, car le silence, un retard ou un refus illégal
ont toujours une incidence sur une situation qui était ou qui demeure
insatisfaisante, de sorte qu’il n’y a rien qui puisse être réparé ; concernant pareils intérêts, la question a trait à
la mise en œuvre spécifique de l’exécution d’un éventuel jugement d’annulation
de l’acte litigieux.
(...)
Appliquant ces principes en l’espèce, le
Conseil juge irrecevable la demande présentée par la requérante visant à
obliger l’administration à attribuer le réseau ou les fréquences. »
5. La
décision sur la demande de dédommagement de la requérante
39. Le Conseil
d’Etat renvoya au 16 décembre 2008 la décision définitive statuant sur le
versement de dommages-intérêts à la requérante, jugeant en effet nécessaire,
pour en déterminer le montant, d’attendre l’acte réglementaire du Gouvernement
concernant l’octroi des radiofréquences.
40. Le Conseil
d’Etat demanda aux deux parties de se conformer avant le 16 décembre 2008
aux exigences suivantes. Le ministère devait, premièrement, préciser quelles
radiofréquences étaient disponibles à l’issue des procédures de marché public
de 1999 et les raisons pour lesquelles elles n’avaient
pas été attribuées à la requérante et, deuxièmement, s’expliquer sur son
affirmation selon laquelle la concession de la requérante avait expiré en 2005.
41. Quant
à la requérante, la haute juridiction lui demanda, d’une part, de présenter un
rapport sur son activité entre 1999 et 2008 et, d’autre part, d’exposer les
raisons pour lesquelles elle n’avait pas pris part en 2007 à la procédure de
marché public pour l’attribution des radiofréquences.
42. Le Conseil
d’Etat invita également l’AGCOM à expliquer pourquoi le plan national
d’attribution des radiofréquences pour la radiodiffusion télévisuelle par voie
hertzienne n’avait jamais été mis en œuvre. Enfin, il rejeta la demande présentée par la requérante aux
fins de la suspension de l’autorisation provisoire d’utilisation des
radiofréquences qui avait été accordée à une chaîne (Retequattro) du
groupe Mediaset.
43. Dans
sa réponse, l’AGCOM rappela au Conseil d’Etat que le plan national d’attribution
des radiofréquences avait été mis en œuvre seulement le 13 novembre 2008. Selon
l’AGCOM, ce retard était dû à plusieurs raisons. Tout
d’abord la situation juridique était compliquée parce qu’il était
difficile d’identifier les fréquences d’émission disponibles à cause des
décisions judiciaires ayant permis aux chaînes excédentaires de continuer à
transmettre. En outre, la législation transitoire introduite par la loi no 66 de 2001 (paragraphes 63-64
ci-dessous), qui avait autorisé les chaînes excédentaires à poursuivre leurs
émissions en mode analogique, empêchait la mise en œuvre du plan, compte tenu
de l’incompatibilité entre, d’une part, les intérêts des chaînes susceptibles
d’être autorisées à émettre aux termes du plan et, d’autre part, ceux des chaînes
légalement habilitées à poursuivre l’exercice de leur activité.
44. La
requérante déposa une expertise, préparée par la banque commerciale UNIPOL,
selon laquelle le dommage subi s’élevait à 2 175 213 345,00
euros (EUR). Cette évaluation du préjudice était formulée sur la base des
profits réalisés par Retequattro, c’est-à-dire
la chaîne excédentaire qui aurait dû libérer les radiofréquences assignées à la
requérante.
45. Par
un arrêt du 20 janvier 2009, le Conseil d’Etat, se basant sur l’article 2043 du
code civil, (paragraphe 69 ci-dessous) condamna le ministère à verser à la
requérante, à titre de dédommagement, la somme de 1 041 418 EUR. Le
Conseil d’Etat souligna que, pendant dix ans, l’action du ministère avait été
fautive, car il avait octroyé à Centro Europa 7 S.r.l
une concession sans lui attribuer les radiofréquences d’émission.
46. Le
Conseil d’Etat établit qu’il existait un lien de causalité entre le
comportement de l’administration et le préjudice invoqué et que l’octroi de la
concession à Centro Europa 7 S.r.l. ne lui avait pas conféré le droit immédiat
d’exercer l’activité économique correspondante ; par conséquent le
dédommagement devait être calculé sur la base d’une espérance légitime
d’attribution des radiofréquences par les autorités compétentes.
47. Selon
le Conseil d’Etat le fait de n’avoir attribué les radiofréquences que le 11
décembre 2008 était imputable à l’administration. Il en était résulté un
dommage pour un fait illicite qui relevait de la responsabilité
extracontractuelle de l’administration, et qui concernait tant la perte de
confiance légitime que l’attribution tardive des fréquences. Le
lancement par l’administration d’un appel d’offres pour les fréquences en 1999,
alors que la situation du système audiovisuel n’était pas clarifiée et les questions techniques pas encore résolues, avait été
« hasardeux ». Selon
le Conseil d’Etat, la question de la réparation des dommages subis par la
requérante devait tenir compte de ce contexte. La
conduite de l’administration n’avait pas été caractérisée par une
« gravité importante » (notevole gravità) et par conséquent le
fait illicite procédait d’un comportement « fautif », et non
intentionnel, de celle-ci.
48. Le
Conseil d’Etat ajouta que le montant du dommage matériel devait être calculé à
partir du 1er janvier 2004,
A la lumière de ces considérations, le Conseil d’Etat, sans ordonner
d’expertise, décida d’octroyer à la société requérante 391 418 EUR pour
les pertes subies. Quant au manque à gagner, il considéra qu’à
partir du 1er janvier 2004, la requérante aurait pu faire des
profits qui n’avaient pas été réalisés en raison du retard dans l’attribution
des fréquences et qui pouvaient être évalués à 650 000 EUR. Il refusa de prendre en considération l’expertise présentée
par la requérante et souligna qu’il était peu probable que celle-ci eût acheté
des quotes-parts du marché, même dans l’hypothèse d’une libération des
fréquences par les chaînes excédentaires. Pour le Conseil d’Etat, la
comparaison entre la requérante et les deux principaux
opérateurs (Mediaset et RAI) était injustifiée,
d’autant plus qu’elle ne prenait pas en considération l’autre opérateur
national (« La 7 »), qui, bien qu’ayant un poids économique
supérieur à celui de la requérante, avait toutefois des bilans déficitaires.
II. LE DROIT ET
A. L’arrêt
no 225 de 1974 de
49. Dans
son arrêt no 225 de 1974,
B. La
loi no 103 de 1975
50. La
loi no 103 du 14 avril 1975 (Nuove norme in materia di
diffusione radiofonica e televisiva) a transféré le contrôle du service
public de radiodiffusion de l’exécutif au corps législatif. Une commission
parlementaire bicamérale a été créée pour assurer la direction générale et la
surveillance des services de radiotélévision. Le conseil d’administration de
C. L’arrêt
no 202 de 1976 de
51. Dans
son arrêt no 202 du 15 juillet 1976,
52. L’allocation
et la redistribution spontanée des fréquences locales
ont alors favorisé le développement de grands opérateurs régionaux voire
nationaux, parmi lesquels le groupe Mediaset. Ce groupe a d’abord diffusé sur
la chaîne Canale 5, qui a commencé à émettre au niveau national en
1980, puis, après avoir pris le contrôle de deux autres chaînes (Italia Uno et Retequattro),
il est parvenu à établir en 1984 avec
D. La
loi no 223 de 1990
53. La
loi no 223 du 6 août 1990, intitulée « dispositions en
matière de système de radio et télévision public et privé » (Disciplina
del sistema radiotelevisivo pubblico e privato) a transféré de la
commission parlementaire aux présidents de
E. L’arrêt
no 420 de 1994 de
54. Dans
son arrêt no 420 du 5 décembre 1994,
55. Le
11 juin 1995, par référendum, les électeurs italiens ont rejeté à la majorité
(57%) une proposition tendant à amender les lois
existantes en introduisant l’interdiction pour un entrepreneur privé de
contrôler plus d’une chaîne de télévision.
F. La
loi no 249 de 1997
56. La
loi no 249 du 31 juillet 1997, entrée en vigueur le 1er août
57. Selon
l’article 3 § 1, les opérateurs autorisés à émettre en vertu du cadre juridique
antérieur pouvaient continuer à diffuser leurs programmes aux niveaux national
et local jusqu’à l’octroi de nouvelles concessions ou jusqu’au rejet de
demandes de nouvelles concessions mais, en toute hypothèse, pas au-delà du 30
avril 1998.
58. Aux
termes de l’article 3 § 2, l’AGCOM devait adopter au plus tard le 31 janvier
1998 un plan national d’attribution des radiofréquences pour la radiodiffusion
télévisuelle, sur la base duquel de nouvelles concessions seraient attribuées
au plus tard le 30 avril 1998.
59. L’AGCOM
a adopté le plan national d’attribution des radiofréquences par la délibération
no 68 du 30 octobre 1998, puis, par la délibération no 78
du 1erdécembre 1998, le règlement relatif aux conditions et aux
modalités d’octroi des concessions pour la radiodiffusion télévisuelle sur des
radiofréquences hertziennes analogiques.
60. L’article
3 § 6 de la loi no 249 de
61. L’article
3 § 7 de la même loi confiait à l’AGCOM le soin de fixer le délai dans lequel
les chaînes excédentaires, eu égard à l’augmentation effective et importante
des usagers des programmes par câble ou par satellite, devaient diffuser leurs
programmes uniquement par satellite ou par câble, en abandonnant les
radiofréquences hertziennes.
G. L’arrêt
no 466 de 2002 de
62. Le
20 novembre 2002,
« (...) la
formation du système actuel de télévision italienne privée sur le plan national
et en technique analogique résulte de situations de
simple occupation de fait des fréquences (exploitation d’installations sans
octroi de concessions et d’autorisations), en dehors de toute logique de
développement du pluralisme dans l’attribution des fréquences et de
planification effective du domaine hertzien (...). Cette situation de fait ne
garantit pas, par conséquent, l’application du principe du pluralisme de
l’information sur le plan externe, qui constitue l’un des
« impératifs » absolus découlant de la jurisprudence
constitutionnelle en la matière (...). Dans ces conditions, la persistance
d’une situation (d’ailleurs aggravée) déjà jugée illégale dans l’arrêt nº 420
de 1994 et le maintien des réseaux considérés comme étant encore
« excédentaires » par le législateur de 1997 exigent la fixation, aux
fins du respect des principes constitutionnels, d’une échéance absolument
certaine, définitive et donc inéluctable (...) »
H. La
loi no 66 de 2001
63. Le
décret-loi no 5 du 23 janvier 2001, converti en loi et modifié
par la loi no 66 du 20 mars
64. L’article
1 prévoit que les opérateurs qui ne transmettent pas et qui ont obtenu une
concession peuvent acheter les installations pour la diffusion et les
connexions qui sont légitimement utilisées à la date d’entrée en vigueur du
décret-loi.
L’article
2 bis dispose :
« Afin
d’assurer le déploiement du marché de la télévision numérique terrestre, les
opérateurs exerçant légitimement des activités de diffusion radiotélévisée
numérique, par satellite ou par câble, peuvent procéder à des expérimentations
par la rediffusion simultanée de programmes déjà diffusés en
analogique. »
I. Les
lois nos 43 du 24 février 2004 et 112 du 3 mai 2004
65. L’article
1er du décret-loi no 352 du 24 décembre 2003,
converti en loi et modifié par la loi no 43 du 24 février
66. La
loi no 112 du 3 mai 2004 (dite « loi Gasparri ») a
précisé les différentes étapes de lancement de la phase d’émission en mode
numérique sur les radiofréquences hertziennes.
67. L’article
23 de cette loi dispose :
« 1. Jusqu’à la réalisation du plan national
d’attribution des radiofréquences de télévision en technique numérique, les
opérateurs exerçant à un titre quelconque des activités de diffusion
radiotélévisée au niveau national ou local qui remplissent les conditions
requises pour obtenir l’autorisation d’expérimentation des émissions en
technique numérique hertzienne, en application (...) du décret-loi no 5
[du 23 janvier 2001], devenu avec des modifications la loi no 66
[du 20 mars 2001], peuvent effectuer, y compris par la rediffusion simultanée
de programmes déjà diffusés en analogique, les expérimentations en question,
jusqu’à la conversion complète des réseaux, ainsi que demander, à dater de
l’entrée en vigueur de la présente loi, (...) les licences et autorisations
requises pour procéder à des émissions en technique numérique hertzienne.
2. L’expérimentation des émissions
en technique numérique peut être réalisée au moyen des installations émettant
légalement en technique analogique à la date d’entrée en vigueur de la présente
loi.
3. Afin de
permettre la constitution des réseaux en numérique, les transferts
d’installations ou de branches d’entreprise entre opérateurs exerçant
légalement une activité de télévision au niveau national ou local sont
autorisés, à la condition que les acquisitions soient destinées à la diffusion
en technique numérique.
(...)
(...)
9. Afin de
faciliter la conversion du système de la technique analogique à la technique
numérique, la diffusion des programmes radiotélévisés se poursuit par
l’exploitation des installations légalement en activité à la date d’entrée en
vigueur de la présente loi (...) »
68. L’AGCOM
a approuvé, le 29 janvier 2003, un plan dit « du premier niveau »
d’attribution de radiofréquences aux chaînes nationales et régionales, puis, le
12 novembre 2003, le « plan intégré », qui complète le plan « du
premier niveau » avec un plan dit « du second niveau »
(attribution de fréquences aux chaînes locales).
J. L’article
2043 du code civil
69. Cette disposition se lit ainsi :
« Tout fait illicite causant un
préjudice à autrui engage la responsabilité civile de son
auteur et oblige ce dernier à dédommager la victime. »
III. DOCUMENTS INTERNATIONAUX
PERTINENTS
A. Documents
du Conseil de l’Europe
1.
70. Les
passages pertinents de cette recommandation, adoptée par le Comité des
Ministres le 19 janvier 1999, lors de la 656e réunion des
Délégués des Ministres, se lisent ainsi :
« Le Comité des Ministres en vertu de l’article 15.b du
Statut du Conseil de l’Europe,
(...)
Soulignant également que les médias et
en particulier le secteur de la radiodiffusion de service public, devraient
permettre aux différents groupes et intérêts qui existent dans la société – y
compris les minorités linguistiques, sociales, économiques, culturelles ou
politiques – de s’exprimer ;
Notant que l’existence d’une
multiplicité de médias autonomes et indépendants aux niveaux national, régional
et local promeut généralement le pluralisme et la démocratie ;
Rappelant que la diversité politique et
culturelle des types et des contenus des médias est essentielle pour le
pluralisme des médias ;
Soulignant que les Etats devraient
promouvoir le pluralisme politique et culturel en
développant leur politique dans le domaine des médias conformément à
l’article 10 de
(...)
Notant qu’il
existe déjà des cas de goulots d’étranglement dans le secteur des nouveaux
services de communication, comme le contrôle de systèmes d’accès conditionnel
aux services de télévision numériques ;
Notant également
que la création de positions dominantes et le développement des concentrations
des médias pourraient s’accroître avec la convergence technique entre les
secteurs de la radiodiffusion, des télécommunications et de l’informatique ;
(...)
Convaincu que la
transparence concernant le contrôle des entreprises du secteur des médias, y
compris des fournisseurs de contenus et de services des nouveaux services de
communication, peut contribuer à l’existence d’un paysage des médias pluraliste ;
(...)
Rappelant
également les dispositions sur le pluralisme des médias contenues dans le
Protocole d’amendement à
Gardant à
l’esprit les travaux menés dans le cadre de l’Union européenne et d’autres organisations internationales dans le domaine
des concentrations des médias et du pluralisme,
Recommande que
les gouvernements des Etats membres :
i. examinent les mesures contenues en annexe à
cette recommandation et étudient leur inclusion dans leur droit et leur
pratique internes, si besoin est, en vue de promouvoir le pluralisme des
médias ;
ii. évaluent de manière régulière l’efficacité de
leurs mesures visant à promouvoir le pluralisme et/ou de leurs mécanismes
anticoncentration existants, et examinent la nécessité éventuelle de les
réviser à la lumière des développements économiques et technologiques dans le
secteur des médias. »
2. Recommandation
Rec(2003)9 du Comité des Ministres aux Etats membres
sur des mesures visant à promouvoir la contribution démocratique et
sociale de la radiodiffusion numérique
71. Les
passages pertinents de cette recommandation, adoptée par le Comité des
Ministres le 28 mai 2003, lors de la 840e réunion des Délégués
des Ministres, sont ainsi libellés :
« (...)
Rappelant
l’importance pour les sociétés démocratiques de l’existence d’un large éventail
de moyens de communication indépendants et autonomes, permettant de refléter la
diversité des idées et des opinions, comme énoncé dans sa Déclaration sur la
liberté d’expression et d’information du 29 avril 1982
;
Gardant à l’esprit
Soulignant le
rôle particulier des médias du secteur de la radiodiffusion, et notamment du
service public de radiodiffusion, dans les sociétés démocratiques modernes, qui
est de promouvoir les valeurs qui sous-tendent les structures politiques,
juridiques et sociales des sociétés démocratiques, en particulier le respect
des droits de l’homme, des cultures et du pluralisme politique ;
(...)
Notant que
parallèlement à la multiplication du nombre des chaînes dans l’environnement
numérique, la concentration des médias continue de s’accélérer, notamment dans
le contexte de la mondialisation, et rappelant aux Etats membres les principes
énoncés dans
(...)
Recommande aux
gouvernements des Etats membres, en tenant compte des principes figurant en annexe :
a. de
préparer les conditions juridiques et économiques adéquates pour le
développement de la radiodiffusion numérique, qui garantissent le pluralisme
des services de radiodiffusion et l’accès du public à un choix élargi de
programmes divers et de qualité, y compris le maintien et, si possible,
l’extension de l’offre de services transfrontières ;
b. de protéger et, si nécessaire, de
prendre des mesures positives pour sauvegarder et promouvoir le pluralisme des
médias, afin de rééquilibrer la concentration croissante dans ce secteur ;
(...) »
3. Recommandation
CM/Rec(2007)2 du Comité des Ministres aux Etats
membres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias
72. Les
passages pertinents de cette recommandation, adoptée par le Comité des
Ministres le 31 janvier 2007, lors de la 985e réunion des
Délégués des Ministres, disposent :
« (...)
Rappelant
l’article 10 de
Rappelant sa
Déclaration sur la liberté d’expression et d’information, adoptée le
29 avril 1982 qui souligne que la libre circulation et la large diffusion
d’informations de toute nature à travers les frontières constituent un facteur
important pour la compréhension internationale, le rapprochement des peuples et
l’enrichissement mutuel des cultures ;
Rappelant sa
Recommandation Rec(2000)23 concernant l’indépendance et les fonctions
des autorités de régulation du secteur de la radiodiffusion et son Exposé des
motifs, dont les dispositions soulignent l’importance de l’indépendance
politique, financière et opérationnelle des régulateurs de la radiodiffusion ;
Rappelant les
opportunités offertes par les technologies numériques ainsi que les risques
potentiels qui y sont liés dans la société moderne tels qu’énoncés dans
Rappelant sa
Recommandation no R (99) 1 sur des mesures visant à
promouvoir le pluralisme des médias et sa Recommandation no R (94) 13
sur des mesures visant à promouvoir la transparence des médias dont les
dispositions devraient s’appliquer à tous les médias ;
Notant que,
depuis l’adoption des Recommandations nos R (99) 1 et
R (94) 13, d’importants développements technologiques ont eu lieu qui
rendent nécessaire une révision de ces textes afin de les adapter à la
situation actuelle du secteur des médias en
(...)
Réaffirmant que
le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias sont essentiels
au fonctionnement d’une société démocratique et sont les corollaires du droit
fondamental à la liberté d’expression et d’information tel que garanti par
l’article 10 de
Considérant que
les exigences qui résultent de l’article 10 de
Reconnaissant la
contribution essentielle qui est celle des médias pour stimuler le débat
public, le pluralisme politique et la sensibilisation à des opinions diverses,
notamment en donnant à différents groupes de la société – y compris des
minorités culturelles, linguistiques, ethniques, religieuses ou autres – la
possibilité de recevoir ou de communiquer des informations, de s’exprimer et
d’échanger des idées ;
(...)
Réaffirmant que,
afin de protéger et de promouvoir activement le pluralisme des courants de
pensée et d’opinion ainsi que la diversité culturelle, les Etats membres
devraient adapter les cadres de régulation existants, en particulier en ce qui
concerne la propriété des médias, et adopter les mesures réglementaires et
financières qui s’imposent en vue de garantir la transparence et le pluralisme
structurel des médias ainsi que la diversité des contenus diffusés par ceux-ci ;
(...)
Gardant à
l’esprit que la politique nationale en matière de médias peut également viser à
préserver la compétitivité des sociétés de médias nationales face à la
mondialisation des marchés et que le phénomène de concentration transnationale
des médias peut avoir un impact négatif sur la diversité des contenus,
Recommande aux
gouvernements des Etats membres :
i. d’envisager d’inclure dans leur droit et leurs
pratiques internes les mesures énumérées ci-dessous ;
ii. d’évaluer de manière régulière, au plan
national, l’efficacité des mesures existantes visant à promouvoir le pluralisme
des médias et la diversité des contenus, et examinent la nécessité éventuelle
de les réviser à la lumière des développements économiques, technologiques et
sociaux intéressant les médias ;
iii. d’échanger des informations sur la structure des
médias, la législation nationale et les études relatives à la concentration et
à la diversité des médias.
Mesures recommandées :
I. Mesures
favorisant le pluralisme structurel des médias
1.
1.1. Les
Etats membres devraient veiller à ce qu’un éventail suffisant de médias
proposés par une série de propriétaires différents, publics ou privés, soit mis
à la disposition du public, en tenant compte des caractéristiques du marché des
médias, en particulier des aspects économiques et relatifs à la concurrence
existant.
1.2. Lorsque
l’application des règles de concurrence communes au secteur des médias et de la
réglementation relative à l’accès n’est pas suffisante pour garantir le respect
des exigences de diversité culturelle et de pluralité des courants de pensée et
d’opinion, les Etats membres devraient adopter des mesures spécifiques.
(...)
1.4. En adaptant leur cadre réglementaire, les Etats
membres devraient porter une attention particulière sur le besoin de séparation
réelle et apparente entre l’exercice du pouvoir politique ou l’influence
politique et le contrôle de médias ou la prise de décision relative au contenu
des médias.
(...)
4. Autres
médias contribuant au pluralisme et à la diversité
Les Etats membres devraient encourager
le développement d’autres médias susceptibles de contribuer au pluralisme et à la diversité, et de fournir un espace de dialogue. Ces médias pourraient, par exemple, prendre la forme de médias
communautaires, locaux, minoritaires ou sociaux. (...)
II. Mesures favorisant la diversité des contenus
(...)
3. Licences
de radiodiffusion, règles d’obligation de reprise
3.1. Les Etats membres devraient envisager l’adoption
de mesures qui permettent de promouvoir et de suivre la production et la
fourniture de contenus diversifiés par les médias. S’agissant du secteur de la
radiodiffusion, de telles mesures pourraient notamment consister à assortir les
licences accordées aux radiodiffuseurs d’une obligation de produire par
eux-mêmes ou de commander un certain volume de
programmes, en particulier concernant les bulletins d’informations et les
émissions d’actualité.
3.2. Les Etats membres devraient envisager l’adoption
de règles visant à préserver la diversité du paysage médiatique local, assurant
en particulier que la syndication, comprise comme la fourniture centralisée des
programmes et services associés, ne mette pas en danger le pluralisme.
3.3. Les Etats membres devraient envisager, si
nécessaire, d’adopter des règles d’obligation de reprise de programmes sur les
plates-formes de distribution autres que les réseaux câblés. De plus, à la
lumière du processus de numérisation – tout particulièrement la capacité accrue
des réseaux et la prolifération de différents réseaux – les Etats membres
devraient revoir périodiquement leurs règles d’obligation de reprise afin de
s’assurer qu’elles continuent à correspondre à des objectifs d’intérêt général.
Les Etats membres devraient examiner l’intérêt d’introduire en parallèle à
l’obligation de reprise, une obligation pour les éditeurs des programmes
concernés de ne pas s’opposer à leur reprise afin d’encourager les médias de service
public et les principales sociétés commerciales de médias à mettre leurs
chaînes à la disposition des opérateurs de réseau qui souhaiteraient les
diffuser. Ces mesures et les modalités de leur mise en
œuvre devraient respecter les règles relatives aux droits d’auteur. »
4. Résolution
1387(2004) de l’Assemblée Parlementaire: « Monopolisation des médias
électroniques et possibilité d’abus de pouvoir en Italie »
73. Cette
résolution, adoptée par l’Assemblée Parlementaire le 24 juin 2004, se lit comme
suit :
« 1. L’Italie est un membre fondateur du Conseil de l’Europe et soutient
fermement les idéaux qu’il défend. L’Assemblée parlementaire s’inquiète donc de la concentration
des pouvoirs politique, économique et médiatique dans les mains d’une seule
personne, le Premier ministre Silvio Berlusconi.
2. L’Assemblée
parlementaire ne peut accepter que cette anomalie soit minimisée au motif
qu’elle ne poserait qu’un problème potentiel. Une démocratie se juge à son
fonctionnement quotidien, mais aussi aux principes que le pays défend vis-à-vis de ses citoyens et de la communauté
internationale. L’Assemblée rappelle que, en vertu de
l’article 10 de
3. L’Assemblée
déplore que, depuis 1994, plusieurs gouvernements italiens consécutifs aient
échoué à résoudre le problème du conflit d’intérêts et que le parlement actuel
n’ait pas encore adopté de mesures législatives adéquates. Elle n’est pas
d’avis que le principe directeur du projet de loi
Frattini examiné actuellement – qui prévoit que seuls les gestionnaires et non
les propriétaires peuvent être tenus responsables – apporte une solution réelle
et complète au problème du conflit d’intérêts concernant M. Berlusconi.
4. Par
le biais de Mediaset, le premier groupe privé de communication et de
radiodiffusion d’Italie et l’un des plus grands groupes du monde, M. Berlusconi détient
approximativement la moitié de l’activité de radiodiffusion du pays. En tant
que chef du gouvernement, il est également en situation d’exercer une influence
indirecte sur le service public de radiodiffusion,
5. Cette
situation de duopole dans le marché de la télévision constitue en soi une
anomalie dans une perspective antitrust. Le statu quo
a été maintenu en dépit du fait que des dispositions juridiques touchant au
pluralisme des médias ont à deux reprises été déclarées anticonstitutionnelles,
et que les autorités compétentes ont établi que
6. L’Assemblée
estime que la récente loi adoptée sur la réforme du secteur de la
radiodiffusion (« loi Gasparri ») pourrait ne pas garantir
effectivement le renforcement du pluralisme par la simple augmentation du
nombre de chaînes de télévision à l’occasion du passage au numérique.
Parallèlement, cette loi permet de toute évidence à Mediaset de croître encore
davantage, car elle donne aux acteurs du marché la possibilité d’exercer une
position de monopole dans un secteur donné, sans aucun risque d’atteindre la limite antitrust à l’intérieur du système intégré des
communications (SIC). L’Assemblée note que ces problèmes ont incité le Président
de
7. L’Assemblée
s’inquiète particulièrement de la situation de
8. Si,
en Italie, la presse
écrite présente traditionnellement un pluralisme et un équilibre politique
supérieurs à ceux de la radiodiffusion, la plupart des Italiens s’informent au
moyen de la télévision. Le coût élevé de la publicité dans les journaux par
rapport à la publicité télévisée a un effet destructeur sur la
presse écrite italienne. L’Assemblée souhaite toutefois signaler son
approbation à l’égard des mesures gouvernementales visant à aider les journaux
de petite et de moyenne importance, et d’autres mesures
destinées à accroître le lectorat de la presse.
9. L’Assemblée
est extrêmement préoccupée par le fait que l’image négative projetée à
l’étranger par l’Italie, en
raison du conflit d’intérêts concernant M. Berlusconi, pourrait contrarier
les efforts du Conseil de l’Europe visant à promouvoir l’existence de médias
indépendants et neutres dans les jeunes démocraties. Elle considère que l’Italie, en tant que
l’un des principaux pays contribuant au fonctionnement de l’Organisation,
assume une responsabilité particulière à cet égard.
10. L’Assemblée
relève que plusieurs instances internationales, telles
que le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias et, plus récemment, le
Parlement européen, ont exprimé des inquiétudes semblables aux siennes. Elle se
félicite des mesures visant à sauvegarder le pluralisme des médias proposées
par le Parlement européen dans sa Résolution du 22 avril 2004 sur
« les risques de violation, dans l’Union européenne et particulièrement en Italie, de la liberté
d’expression et d’information (article 11(2) de
11. En
conséquence, l’Assemblée appelle le Parlement italien :
i. à adopter d’urgence une loi réglant le conflit
d’intérêts entre la propriété et le contrôle d’entreprises, et l’exercice de
fonctions publiques, en prévoyant des sanctions pour les cas où il y a conflit d’intérêts avec l’exercice de fonctions
publiques au plus haut niveau ;
ii. à
faire en sorte que des lois et d’autres mesures réglementaires mettent un terme
à l’ingérence politique, pratiquée de longue date, dans le travail des médias,
en tenant compte notamment de
iii. à amender la loi Gasparri conformément aux
principes énoncés dans
a. en évitant des positions dominantes
dans les marchés pertinents à l’intérieur du SIC ;
b. en incluant des mesures spécifiques
visant à mettre un terme au duopole existant RAI-Mediaset ;
c. en incluant des mesures spécifiques
qui assurent que le passage au numérique garantira le pluralisme des contenus.
12. L’Assemblée
invite le Gouvernement italien :
i. à engager des mesures visant à mettre le
fonctionnement de
ii. à donner un exemple positif au niveau
international en proposant et soutenant, au sein du Conseil de l’Europe et de
l’Union européenne, des initiatives visant à promouvoir le pluralisme des
médias en Europe.
13. L’Assemblée
demande à
5. Avis
de
74. Dans
ses parties pertinentes pour la présente affaire, l’avis de
« L’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe a demandé à
(...)
Même si la
jurisprudence de
(...)
Il y a
véritable pluralisme des médias quand il existe un grand nombre de médias
autonomes et indépendants aux niveaux national, régional et local, assurant une
offre de contenus variée, reflétant des points de vue politiques et culturels
différents.
Les instruments
du Conseil de l’Europe définissent certains outils de promotion du pluralisme
des médias, parmi lesquels :
- un
cadre législatif fixant des limites à la concentration des médias; parmi les
instruments permettant d’y arriver, il y a les seuils autorisés (qu’il convient
de mesurer sur la base d’un élément ou d’un ensemble d’éléments comme la part
d’audience ou la part de capital ou les limites de recettes) qu’une seule
société est autorisée à contrôler sur un ou plusieurs des marchés concernés,
- des autorités de régulation des médias spécifiques dotées du
pouvoir d’agir contre la concentration,
- des mesures spécifiques contre l’intégration verticale
(contrôle d’éléments clés de la production, de la diffusion de la distribution
et des activités connexes par une seule société ou un seul groupe),
- indépendance des autorités de régulation,
- transparence des médias,
- mesures destinées à promouvoir activement la production et
la diffusion de contenus variés,
- soutien financier, direct ou indirect, destiné à renforcer
le pluralisme, accordé sur la base de critères objectifs et non partisans, dans
le cadre de procédures transparentes et soumises à un contrôle indépendant,
- des instruments d’autorégulation, comme des lignes
directrices éditoriales et des lois régissant l’indépendance de la presse.
En ce qui
concerne les dispositions de la loi Gasparri destinées à protéger le pluralisme
des médias,
C’est pourquoi
En ce qui
concerne le deuxième seuil fixé par la loi Gasparri, qui est de 20% des
recettes avec les systèmes de communications intégrées (SCI),
D’ailleurs,
C’est pourquoi
(...)
En ce qui
concerne les dispositions sur la migration des diffuseurs de radio et de
télévision des fréquences analogiques vers les fréquences numériques,
(...)
En ce qui concerne la privatisation de
(...) »
6. Papier
de discussion sur le « Pluralisme des médias et droits de l’Homme »
du Commissaire aux droits de l’homme
75. Dans
ses parties pertinentes pour la présente affaire, le document de réflexion du
Commissaire aux droits de l’homme, du 6 décembre 2011, se lit ainsi :
L’histoire de ce qu’on appelle « l’anomalie italienne » illustre bien le risque majeur
que peut représenter un phénomène de monopolisation en matière de
radiodiffusion (à travers des opérations de consolidation excessives et de
fusions de grande envergure), même dans les vieilles démocraties.
La liberté d’expression et la liberté de
la presse se portent bien en Italie. Toutefois, on évoque régulièrement
cette « anomalie italienne » lorsqu’on parle du marché de la
radiodiffusion télévisuelle.
Dans les deux dernières décennies,
aucune troisième force n’a été capable d’entamer ce
duopole, c’est-à-dire la domination du marché des chaînes de télévision
nationales par un opérateur privé, Mediaset, et l’opérateur public,
L’Italie se caractérise aussi par une
tradition de contrôle des chaînes de télévision publiques par les partis
politiques et les gouvernements. Le fait que son Premier ministre, Silvio
Berlusconi, est le copropriétaire de Mediaset ajoute aux préoccupations
habituelles tenant à un contrôle gouvernemental de
Les lois Gasparri et Frattini de 2004
étaient censées garantir à l’avenir le pluralisme des médias pour la première
et proscrire des situations de « pouvoir à deux têtes ». Toutefois,
ni le tout-numérique ni des règles de concurrence égalitaires ne peuvent assurer à eux seuls la diversité culturelle et le
pluralisme politique dans les médias, particulièrement si la concentration déjà
existante dans le secteur médiatique est en pratique maintenue, voire
renforcée, par la loi. Les dispositions de la loi Gasparri régissant le passage
de l’analogique vers le numérique, malgré sa force novatrice, a permis au
duopole d’utiliser sa solide assise économique pour s’étendre sur les nouveaux
marchés du numérique.
Les
normes européennes interdisent que des radiodiffuseurs privés ne soient
indûment possédés ou contrôlés par des forces politiques ou partisanes, afin
d’éviter toute ingérence gouvernementale ou politique. L’Allemagne
et le Royaume-Uni imposent des restrictions à la propriété ou au contrôle
direct des médias de radiodiffusion par les acteurs du monde politique
; les Etats membres de l’Union européenne exigent également des
radiodiffuseurs qu’ils gardent leur indépendance vis-à-vis des partis et des
hommes politiques. L’Italie, malgré la loi Frattini, ne prévoit rien de tel. »
B. Le
Parlement européen
76. Dans ses parties
pertinentes pour la présente affaire, la résolution du Parlement Européen sur
les risques de violation, dans l’Union européenne et particulièrement en Italie, de la liberté d’expression et
d’information (article 11 § 2 de
(...) observe que le taux de concentration du marché
télévisuel en Italie est actuellement le plus élevé d’Europe et que, bien que la
télévision italienne présente douze chaînes nationales et de dix à quinze
chaînes régionales ou locales, le marché est caractérisé par le duopole
qu’exercent
observe que le
groupe Mediaset est le plus important groupe privé italien dans le secteur de
la télévision et des communications et l’un des plus grands au niveau mondial
et qu’il contrôle, notamment, des chaînes de télévision (RTI) et des régies
publicitaires (Publitalia ’80), les unes et les autres formellement
reconnues comme occupant une position dominante, en violation de la législation
nationale (loi no 249/97), par l’Autorité régulatrice des
médias (decision 226/03) ;
observe que l’un
des secteurs dans lequel le conflit d’intérêts est le plus évident est celui de
la publicité, à tel point que le groupe Mediaset a obtenu, en 2001, les deux
tiers des ressources publicitaires télévisuelles, soit un montant de 2 500
millions d’euros, et que les principales sociétés italiennes ont transféré une
grande partie de leur investissement publicitaire de la presse écrite aux
réseaux Mediaset et de
observe que le
président du Conseil des Ministres italien n’a pas résolu son conflit
d’intérêts, comme il s’y était explicitement engagé, et qu’il a même accru sa
participation de contrôle dans la société Mediaset (passée de 48,639 % à
51,023 %), ce qui a permis à celle-ci de réduire fortement son endettement
net, grâce à un accroissement sensible des recettes publicitaires au détriment
de celles (et des indices d’écoute) de ses concurrents et, surtout, du
financement publicitaire de la presse écrite ;
déplore les
ingérences, pressions et actes de censure gouvernementaux répétés et prouvés
sur l’organigramme et la programmation du service télévisuel public de
observe, par
conséquent, que le système italien présente une anomalie qui réside dans la
réunion d’un pouvoir économique, politique et médiatique entre les mains d’un
seul homme, l’actuel président du Conseil des ministres, et dans le fait que le
gouvernement italien contrôle directement ou indirectement toutes les chaînes
de télévision nationales ;
prend acte du
fait que, depuis des décennies, le système radiotélévisuel fonctionne en Italie dans une
situation d’illégalité, qui a été établie à de nombreuses reprises par
relève que
(...)
souhaite que la
définition législative, qui figure dans le projet de loi en vue de la réforme
du secteur audiovisuel (loi Gasparri, article 2, point G), du
« système intégré des communications », en tant que seul marché
pertinent, ne soit pas contraire aux règles communautaires en matière de
concurrence, au sens de l’article 82 du traité CE et de nombreux arrêts de
souhaite
également que le « système d’attribution des fréquences » prévu par
le projet de loi Gasparri ne constitue pas une simple légitimation de la
situation de fait et, en particulier, ne soit pas contraire à la directive
2002/21/CE, à l’article 7 de la directive 2002/20/CE ou la directive
2002/77/CE, qui prévoient entre autres que l’attribution des fréquences radio
pour les services de communication électronique doit être fondée sur des
critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés ;
exprime la profonde inquiétude que lui
inspirent la non-application de la loi et la non-exécution des arrêts de
craint que la situation italienne se
produise dans d’autres Etats membres et dans les pays en voie d’adhésion si un magnat du secteur des médias décidait d’entrer en
politique ;
regrette que
le parlement italien n’ait pas encore adopté une réglementation visant à
résoudre le conflit d’intérêts du président du Conseil, alors qu’il avait
promis que cela aurait lieu au cours des cent premiers jours de son
gouvernement ;
considère que
l’adoption d’une réforme générale du secteur audiovisuel pourrait être
facilitée si celle-ci comportait des garanties appropriées bien définies visant
à éviter les conflits d’intérêts présents ou futurs dans les activités des
responsables locaux, régionaux ou nationaux ayant des participations
substantielles dans le secteur audiovisuel privé ;
souhaite, en outre, que le projet de loi
Frattini sur le conflit d’intérêts ne se limite pas à une reconnaissance de
fait du conflit d’intérêts du président du Conseil, mais qu’il prévoie des
dispositifs appropriés pour éviter la perpétuation de cette situation ;
estime que la situation observée
aujourd’hui en Italie aurait pu, éventuellement, être évitée si les obligations des États
membres en matière de pluralisme dans les médias avaient été définies comme
suite à la publication, en 1992, du Livre vert sur le pluralisme ;
(....)
invite le Parlement italien: à
- à
hâter ses travaux sur la réforme du secteur audiovisuel selon les
recommandations de
- à
résoudre réellement et de manière appropriée le problème que pose le conflit
d’intérêts du président du Conseil, qui contrôle directement le principal
exploitant de télévision privée et indirectement le principal exploitant de
télévision publique, la principale régie publicitaire, ainsi que de nombreuses
autres activités liées au secteur audiovisuel et médiatique ;
- et à adopter des mesures garantissant l’indépendance de
l’organisme public de radiodiffusion et de télévision. »
EN DROIT
I. REMARQUE PRÉLIMINAIRE
77. Lors
de l’audience du 12 octobre 2011, la partie requérante a apporté des précisions
quant à la portée temporelle de l’affaire soumise à
II. SUR
LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DU GOUVERNEMENT
A. Qualité de victime de la
requérante
78. Le
Gouvernement observe que la requérante a obtenu les radiofréquences en
application d’un décret ministériel du 11 décembre 2008 (paragraphe 16
ci-dessus) et soutient que tout litige à ce sujet a été réglé par l’accord du 9
février 2010 (paragraphe 19 ci-dessus). De plus, il souligne que le 20 janvier
2009 le Conseil d’Etat a octroyé à la requérante un dédommagement de
1 041 418 EUR (paragraphe 45 ci-dessus). De l’avis du Gouvernement,
au vu de ces mesures, considérées globalement, Centro Europa 7 S.r.l. ne saurait se prétendre victime des faits qu’elle dénonce
(voir, mutatis mutandis, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97,
§ 179, CEDH 2006-V).
79. La
requérante considère que, même s’il y a eu attribution des radiofréquences
presque dix ans après l’obtention de la concession, elle peut encore se
prétendre victime des violations alléguées car l’indemnisation allouée par le
Conseil d’Etat est insuffisante par rapport au préjudice subi et ne reflète pas
la portée réelle de celui-ci. Quant à l’accord du 9 février 2010, il porte sur l’assignation de fréquences complémentaires à
celles octroyées par le décret de décembre 2008 et ne fait donc pas l’objet de
la présente requête.
80.
81.
82. La
question de savoir si une personne peut encore se prétendre victime d’une
violation alléguée de
83. En
l’espèce, la requérante a obtenu les radiofréquences d’émission en décembre
2008 et elle a été en mesure de diffuser à partir du 30 juin 2009 (paragraphe
16 ci-dessus). La délivrance des radiofréquences a mis fin à la situation dont
la requérante se plaignait dans sa requête. Cependant, aux yeux de
84. Par
ailleurs,
85. Dans
ses décisions du 31 mai 2008 et du 20 janvier 2009, le Conseil d’Etat a conclu
que le défaut d’attribution de radiofréquences à la requérante résultait de
facteurs essentiellement législatifs et a relevé qu’il y avait eu un
comportement fautif de l’administration. Par conséquent il a alloué un
dédommagement à l’intéressée en vertu de l’article 2043 du code civil
(paragraphes 37-38 et 45-48 ci-dessus).
86. De
l’avis de
87. Enfin,
devant
88. A
supposer même que le dédommagement alloué par le Conseil d’Etat ait été
suffisant et approprié,
89. Par
conséquent,
B. Qualité
de victime du requérant
90. Selon
le Gouvernement, le requérant, M. Francescantonio Di Stefano, ne saurait être
considéré comme ayant qualité pour agir devant
91. Les
requérants soutiennent que, conformément à la jurisprudence de
92.
93.
94. A
la lumière de ce qui précède,
95.
C. Abus
du droit de recours individuel
96. Le
Gouvernement soutient que la requérante a abusé de son
droit de recours individuel. Il souligne qu’elle n’a
pas informé
97.
98. En
l’espèce
99. Dans
ces conditions, on ne saurait conclure que la requérante ait dès le début de la
procédure omis d’informer
100. L’exception
du Gouvernement ne peut donc être retenue.
D. Tardiveté de la requête
101. A
l’audience du 12 octobre 2011, le Gouvernement a excipé du non-respect du délai
de six mois prévu à l’article 35 § 1 de
102.
103. En
l’espèce, par sa décision du 31 mai 2008, le Conseil d’Etat a rejeté la demande
d’attribution de radiofréquences présentée par la requérante au motif que le
juge n’avait pas le pouvoir de se substituer à l’administration pour prendre la
mesure demandée. Le Conseil d’Etat a jugé que le ministère devait se prononcer
sur la demande d’attribution de radiofréquences présentée par la requérante en
faisant application de l’arrêt de
104. Il
s’ensuit que, même après la décision du Conseil d’Etat no 2622
du 31 mai 2008, la requérante restait dans l’attente de recevoir une réponse de
l’administration quant à sa demande d’attribution de radiofréquences. En effet, n’étant pas définitive, cette décision n’a pas tranché toutes
les demandes de la requérante. En particulier, les questions de savoir si elle avait subi
un préjudice, si celui-ci était imputable à l’administration et si l’intéressée avait droit à un dédommagement restaient
ouvertes. Le Conseil d’Etat ne les a tranchées que
dans son arrêt du 20 janvier 2009, par lequel il a condamné le ministère à
verser à la requérante, à titre de dédommagement, la somme de
1 041 418 EUR. Ce n’est que dans cette dernière décision que
le Conseil d’Etat a reconnu que l’action du ministère avait été
fautive en ce que, d’une part, celui-ci avait octroyé à Centro Europa 7 S.r.l.
une concession sans lui attribuer les radiofréquences d’émission et que,
d’autre part, il existait un lien de causalité entre
le comportement de l’administration et le préjudice invoqué (paragraphes
45-48).
En outre,
105. Dans
ces conditions, l’exception de tardiveté du Gouvernement ne saurait être
retenue.
E. Non-épuisement
des voies de recours internes
106. Selon
le Gouvernement, la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes car
elle n’aurait pas soulevé « au moins en substance » son grief tiré de
l’article 10 de
107. La
requérante conteste la thèse du Gouvernement et affirme que ce recours devant
le TAR concerne une période qui ne fait pas l’objet de sa requête devant
108. Les
principes généraux en matière d’épuisement des voies
de recours internes sont exposés dans l’arrêt Sejdovic c. Italie ([GC],
no 56581/00, §§ 43-46, CEDH 2006-II).
109. Par
conséquent, il y a lieu de rejeter l’exception de
non-épuisement soulevée par le Gouvernement.
III. SUR
110. La
requérante dénonce une violation de son droit à la liberté d’expression, et en
particulier de sa liberté de communiquer des informations ou des idées. Elle se
plaint notamment de ce que le Gouvernement, pendant presque dix ans, ne lui ait pas attribué de radiofréquences d’émission pour
la radiodiffusion télévisuelle par voie hertzienne en mode analogique. Elle
soutient que la non-application de la loi no 249
de 1997 (paragraphe 56 ci-dessus), l’inexécution des arrêts de
« 1. Toute personne a droit à la liberté
d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations
ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans
considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de
soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice
de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis
à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la
loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à
la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la
défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou
de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour
empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir
l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
111. Le
Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
112.
B. Sur le fond
1. Thèses
des parties et du tiers intervenant
a) La
requérante
113. La
requérante soutient qu’elle n’a pas pu diffuser des
programmes télévisés en dépit du fait qu’elle s’était vu octroyer une
concession à cette fin à l’issue d’un appel d’offres. Cette violation de ses droits tient à diverses mesures législatives,
administratives et judiciaires de l’Etat italien, qui a agi par l’intermédiaire
de divers organes et instruments. Les ingérences dans son droit à la liberté
d’expression n’étaient ni justifiées ni nécessaires
dans une société démocratique.
114. Selon
la requérante, les lois transitoires adoptées par le
législateur ont entériné la pratique provisoire favorisant les opérateurs
existants, ce qui l’a empêchée de faire effectivement valoir ses droits. Elle
rappelle la jurisprudence Meltex Ltd et
Movsessian précitée et note qu’à la différence de cette affaire, la
violation dans son cas ne tient pas à un déni de droit résultant uniquement
d’une décision adoptée à un moment donné, mais au refus de donner effet pendant
plus de dix ans à une concession accordée à la suite d’un appel d’offres.
115. La
requérante estime que le refus de lui octroyer des radiofréquences constitue
une ingérence dans l’exercice de ses droits garantis
par l’article 10 § 1 de
b) Le
Gouvernement
116. Le
Gouvernement rappelle qu’en 1999 la requérante a obtenu une concession qui ne
comprenait pas ipso facto le droit de se voir attribuer des
radiofréquences. Conformément au décret-loi no 5 du 23 janvier
2001, tel que modifié par la loi no 66 du 20 mars 2001
(paragraphes 63-64 ci-dessus), la requérante aurait pu acheter les
radiofréquences nécessaires à la diffusion d’émissions. Cependant, elle ne se serait pas prévalue de cette faculté et n’aurait pas
participé au nouvel appel d’offres lancé en 2007.
117. La
non-obtention des radiofréquences par la requérante s’expliquerait par une
réorganisation générale des radiofréquences analogiques nationales et locales
dans un contexte de pénurie de ces dernières, et par le fait que plusieurs
sociétés, qui avaient participé à l’appel d’offres de 1999 sans obtenir de
concession, avaient présenté des recours devant les juridictions nationales et
obtenu l’autorisation de poursuivre leurs émissions en l’absence de concession,
sur la base des anciennes règles.
118. Le
Gouvernement indique que l’appel d’offres de 1999 visait à sélectionner les
opérateurs à inclure dans le plan de l’AGCOM. Par conséquent, il ne s’agissait pas, selon lui, d’attribuer directement des
radiofréquences puisqu’il manquait le programme d’ajustement des installations.
A cet égard, il souligne qu’en 1999 le ministère n’a
pas octroyé d’autres concessions dans les mêmes conditions.
119. Le
Gouvernement explique qu’après l’échec de la télévision par câble en Italie, la loi no 66 de 2001
avait envisagé la transition vers la télévision numérique terrestre au plus
tard en 2006. Il ajoute que le décret-loi no 352
de 2003 et la loi no 112 de 2004 (paragraphes 65-67 ci-dessus)
avaient par la suite établi que les dispositions transitoires prendraient fin
lorsque la diffusion du numérique aurait atteint plus de 50% des utilisateurs,
ce qui fut le cas le 27 mai 2004.
120. Le
Gouvernement relève également que
121. Le
Gouvernement rappelle que l’Italie a
dû harmoniser progressivement les chaînes nationales et
locales, et qu’il était indispensable de concilier les droits acquis des
anciens opérateurs avec les intérêts des nouveaux opérateurs et surtout
d’éviter tout risque de glisser vers un monopole ou, à l’opposé, dans le chaos.
La transition aurait notamment permis aux anciens opérateurs de continuer à
émettre et aux nouveaux titulaires de concessions de
mettre en place un réseau grâce à l’achat des fréquences.
122. Or,
le Gouvernement soutient que, selon la jurisprudence de
123. Le
Gouvernement précise que la concession octroyée à la requérante permettait à
celle-ci d’être dans une position juridiquement protégée, de pouvoir acheter
des fréquences, d’utiliser la capacité de transmission numérique d’autres
opérateurs et d’utiliser « la co-localisation des
deux opérateurs RAI et [Mediaset] ».
124. Le
Gouvernement observe qu’à ce jour, la requérante offre
à sa clientèle un bouquet de chaînes diffusant des programmes variés, y compris
des films d’horreur et des films pour adultes. En pratique, elle utiliserait un système limité, étant donné que ses émissions pourraient
être visionnées uniquement au moyen d’un décodeur qu’elle offre à sa clientèle.
Cela serait révélateur de la mesure et de la manière
dont l’intéressée tire parti de la liberté de communiquer des informations et
des idées dans une société démocratique.
125. Enfin,
le Gouvernement estime que les circonstances de l’espèce ne sont en rien
comparables à celles de l’affaire précitée Meltex Ltd et Movsessian.
c) Le
tiers intervenant
126. L’organisation
Open Society Justice Initiative commence par donner un
aperçu des «
127. Elle
se penche également sur le contrôle des sociétés de radiodiffusion par des
acteurs du monde politique, et rappelle que de nombreux pays européens ont
adopté des systèmes juridiques qui interdisent spécifiquement et/ou
restreignent la possibilité pour des hommes ou femmes politiques et des partis
politiques importants de contrôler les organes de radiodiffusion et leur
programmation.
128. Selon
l’association intervenante, les circonstances de la présente affaire
s’inscrivent dans le contexte du très grand et très
ancien malaise qui règne dans le secteur de la radiodiffusion et de
l’information en Italie. Open
Society Justice Initiative estime que, dans l’hypothèse où elle constaterait
une violation de l’article 10,
2. Appréciation
de
a)
129.
130. A
cet égard,
131. La
liberté d’expression, consacrée par le paragraphe 1 de l’article 10,
constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des
conditions primordiales de son progrès (Lingens c. Autriche, 8
juillet 1986, § 41, série A no 103). La liberté de la
presse et des autres médias d’information fournit à
l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et
attitudes des dirigeants. Il incombe à la presse de
communiquer des informations et des idées sur les questions débattues dans
l’arène politique, tout comme sur celles qui concernent d’autres secteurs
d’intérêt public. A sa fonction qui consiste à en
diffuser s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir (voir, par exemple, Handyside
c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A no 24,
et Lingens, précité, §§ 41-42).
132. Les
médias audiovisuels, tels que la radio et la
télévision, ont un rôle particulièrement important à jouer à cet égard. En
raison de leur pouvoir de faire passer des messages par le son et par l’image, ils ont des effets plus immédiats et plus
puissants que la presse écrite (Jersild c. Danemark, 23
septembre 1994, § 31, série A no 298, et Pedersen et
Baadsgaard c. Danemark [GC], no 49017/99, § 79, CEDH
2004-XI). La fonction de la télévision et de la radio,
sources familières de divertissement au cœur de l’intimité du téléspectateur ou
de l’auditeur, renforce encore leur impact (Murphy c. Irlande, no 44179/98,
§ 74, CEDH 2003-IX).
133. Une
situation dans laquelle une fraction économique ou politique de la société peut
obtenir une position dominante à l’égard des médias audiovisuels et exercer
ainsi une pression sur les diffuseurs pour finalement restreindre leur liberté
éditoriale, porte atteinte au rôle fondamental de la liberté d’expression dans
une société démocratique telle que garantie par l’article 10 de
134.
Dans cette optique, il convient de
rappeler que, dans sa Recommandation CM/Rec(2007)2 sur
le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias (paragraphe 72
ci-dessus), le Comité des Ministres a réaffirmé qu’« afin de protéger et
de promouvoir activement le pluralisme des courants de pensée et d’opinion
ainsi que la diversité culturelle, les Etats membres devraient adapter les
cadres de régulation existants, en particulier en ce qui concerne la propriété
des médias, et adopter les mesures réglementaires et financières qui s’imposent
en vue de garantir la transparence et le pluralisme structurel des médias ainsi
que la diversité des contenus diffusés par ceux-ci ».
135. En
l’espèce, la question se pose de savoir s’il y a eu ingérence des autorités
publiques dans le droit de la requérante de « communiquer des informations
ou des idées » et, dans l’affirmative, si cette ingérence était
« prévue par la loi », poursuivait un ou plusieurs buts légitimes et
était « nécessaire dans une société démocratique » pour les atteindre
(RTBF c. Belgique, no 50084/06, § 117, CEDH
2011 (extraits)).
b) Sur l’existence d’une ingérence
136.
137.
138.
c) Sur
la question de savoir si l’ingérence était « prévue par la loi »
i) Principes
généraux
139. Au
titre de la troisième phrase de l’article 10 § 1, les Etats peuvent
réglementer, par un régime d’autorisations, l’organisation de la radiodiffusion
sur leur territoire, en particulier ses aspects techniques. Peuvent
aussi conditionner l’octroi d’une licence des considérations relatives à la
nature et aux objectifs d’une future chaîne, à ses possibilités d’insertion au
niveau national, régional ou local, aux droits et besoins d’un public donné,
ainsi qu’aux obligations issues d’instruments juridiques internationaux (United
Christian Broadcasters Ltd, décision précitée, et Demuth, précité,
§§ 33-35). Pareille règlementation doit être basée sur une
« loi ».
140. Or,
les mots « prévue par la loi » contenus au deuxième paragraphe de
l’article 10 non seulement imposent que la mesure incriminée ait une base
légale en droit interne, mais visent aussi la qualité de la loi en cause :
ainsi, celle-ci doit être accessible aux justiciables et prévisible dans ses
effets (voir, parmi plusieurs autres,VgT Verein gegen Tierfabriken,
précité, § 52, Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95,
§ 52, CEDH 2000-V, Gawęda c. Pologne, no 26229/95,
§ 39, CEDH 2002-II, et Maestri c. Italie [GC], no 39748/98, § 30, CEDH
2004-I). Toutefois, il appartient aux autorités
nationales, notamment aux tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit
interne (Kruslin c. France, 24 avril 1990, § 29, série A no 176-A et
Kopp c. Suisse, 25 mars 1998, § 59, Recueil 1998-II).
141. L’une
des exigences découlant de l’expression « prévue par la loi » est la prévisibilité. On ne peut donc considérer comme
« une loi » qu’une norme énoncée avec assez de précision pour
permettre au citoyen de régler sa conduite ; en s’entourant au besoin de
conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans
les circonstances de la cause, les conséquences qui peuvent découler d’un acte
déterminé. Ces conséquences n’ont pas besoin d’être prévisibles
avec une certitude absolue : l’expérience révèle
qu’une telle certitude est hors d’atteinte. En outre la certitude, bien que
hautement souhaitable, s’accompagne parfois d’une rigidité excessive ;
or le droit doit savoir s’adapter aux changements de situation. Aussi, beaucoup
de lois se servent-elles, par la force des choses, de formules plus ou moins
vagues, dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (Sunday
Times c. Royaume-Uni (no 1), 26 avril 1979, § 49,
série A no 30, Kokkinakis c. Grèce, 25 mai
1993, § 40, série A no 260-A, et Rekvényi c. Hongrie [GC],
no 25390/94, § 34, CEDH 1999-III).
142. Le
niveau de précision de la législation interne – qui ne peut en aucun cas
prévoir toutes les hypothèses – dépend dans une large mesure du contenu de la
loi en question, du domaine qu’elle est censée couvrir et du nombre et du
statut de ceux à qui elle est adressée (RTBF c. Belgique, précité, §
104, Rekvényi précité, § 34, et Vogt c. Allemagne,
26 septembre 1995, § 48, série A no 323).
143. En
particulier, une norme est « prévisible » lorsqu’elle offre une
certaine garantie contre des atteintes arbitraires de la puissance publique (Tourancheau
et July c. France, no 53886/00, § 54, 24 novembre 2005) et
contre une application extensive d’une restriction faite au détriment des
justiciables (voir, mutatis mutandis, Başkaya et
Okçuoğlu c. Turquie [GC], nos 23536/94 et
24408/94, § 36, CEDH 1999-IV).
ii) Application de ces principes en l’espèce
144. Dans
la présente affaire,
145.
146. Cependant,
le plan d’attribution des radiofréquences n’a été mis en œuvre qu’en décembre
2008 et la requérante n’a obtenu un canal pour ses
émissions qu’à partir du 30 juin 2009 (paragraphe 16 ci-dessus). Dans l’intervalle, plusieurs chaînes avaient provisoirement
continué à utiliser diverses radiofréquences qui devaient être attribuées dans
le cadre du plan. Selon le Conseil d’Etat (paragraphe 28
ci-dessus), cette situation était due à des facteurs essentiellement
législatifs.
147. Elle
observe tout d’abord que l’article 3 § 1 de la loi no 249
de 1997 prévoyait la possibilité, pour les chaînes dites
« excédentaires » (paragraphe 60 ci-dessus), de continuer à
diffuser leurs programmes au niveau tant national que local jusqu’à l’octroi de
nouvelles concessions ou jusqu’au rejet de demandes de nouvelles concessions
mais, en toute hypothèse, pas au-delà du 30 avril 1998 (paragraphe 57
ci-dessus). Cependant, l’article 3 § 6 de la même loi fixait pour les chaînes
excédentaires un régime transitoire qui leur permettait de continuer à émettre
à titre temporaire après le 30 avril 1998 sur les radiofréquences hertziennes,
dans le respect des obligations incombant aux chaînes concessionnaires et sous
réserve que les émissions fussent diffusées en même temps sur le satellite ou
sur le câble (paragraphe 60 ci-dessus).
148. La
requérante pouvait déduire de ce cadre législatif en
vigueur au moment de l’octroi de la concession qu’à partir du 30 avril 1998, la
possibilité pour les chaînes excédentaires de continuer à émettre n’affecterait
pas les droits des nouveaux concessionnaires. Cependant, ce cadre a été modifié
par la loi nº 66 du 20 mars 2001, qui réglementait le passage de la télévision
analogique à la télévision numérique et qui a de nouveau, autorisé les chaînes
excédentaires à continuer d’émettre sur des fréquences hertziennes jusqu’à la
mise en œuvre d’un plan national de répartition des fréquences de diffusion
numérique (paragraphe 63 ci-dessus).
149. Le
20 novembre 2002, alors que ce plan n’avait pas encore été mis en œuvre,
150. En
effet, l’article 1 du décret-loi no 352 de
151.
« (...) la
loi no 112/2004 ne se limite pas à attribuer aux opérateurs
existants un droit prioritaire à obtenir les radiofréquences, mais elle leur
réserve ce droit en exclusivité, et ce sans limite temporelle à la situation de
privilège attribuée à ces opérateurs et sans prévoir d’obligation de
restitution des radiofréquences excédentaires après le passage à la
radiodiffusion télévisuelle en mode numérique. »
152.
153. Par
ailleurs,
154. A
la lumière de ce qui précède,
155.
d) Conclusion
156. En
conclusion,
157. Ces
constats suffisent pour conclure qu’il y a eu en l’espèce violation de
l’article 10 de
158. Cette
conclusion dispense
IV. SUR
159. La
requérante estime avoir subi une discrimination par rapport à la société Mediaset dans
la jouissance de son droit à la liberté d’expression.
Elle invoque l’article 14 de
« La
jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être
assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la
couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions,
l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation. »
160. Selon
la requérante, le système italien a réservé un
traitement préférentiel à la société Mediaset, qui a bénéficié de mesures
législatives et administratives discriminatoires adoptées dans une situation de
conflit d’intérêts. De plus, elle estime qu’il y a eu discrimination vis-à-vis
d’autres opérateurs, ce qui l’aurait empêchée d’entrer
sur le marché.
161. Le
Gouvernement considère qu’on devrait éviter une approche politique de
l’affaire. Il rappelle les raisons, telles qu’exposées dans ses observations
concernant l’article 10 de
162.
V. SUR
163. La
requérante se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens, tel
que garanti par l’article 1 du Protocole no 1.
Cette
disposition se lit comme suit :
« Toute
personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être
privé de sa propriété que pour cause d’utilité
publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du
droit international.
Les dispositions
précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre
en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour
réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer
le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
164. La requérante souligne que, pendant presque dix ans,
elle n’a pas pu exercer les droits qu’elle tient de la concession pour la
radiodiffusion télévisuelle au niveau national qui lui a été attribuée et
soutient que le dédommagement qui lui a été alloué par les juridictions
internes ne correspond pas à la valeur pleine du « bien » dont elle
était titulaire.
165. Le
Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
166.
1. Thèses
des parties
a) Le
Gouvernement
167. Le
Gouvernement conteste, à titre principal, l’existence d’un « bien »
et rappelle que la concession octroyée en 1999 à la requérante n’attribuait pas ipso
facto un droit à l’octroi de radiofréquences par le ministère ;
dès lors, l’intéressée n’avait pas une espérance légitime d’en obtenir. Par ailleurs, les juridictions internes ont déclaré irrecevable la
demande de la requérante en vue de l’attribution des radiofréquences.
168. Le
Gouvernement rappelle ensuite que
169. En
outre, la requérante aurait pu acheter les radiofréquences sur le marché
conformément à l’article 1 de la loi no 66 du 20 mars 2001
(paragraphe 63 ci-dessus). Selon le
Gouvernement, l’objet de la requête n’est pas l’attribution des
radiofréquences, mais le montant, que l’intéressée juge insuffisant, de
l’indemnité obtenue au niveau national. Enfin, le Gouvernement rappelle que la
concession n’a jamais été retirée ou annulée.
b) La
requérante
170. La requérante conteste les
arguments du Gouvernement et estime que le droit
d’accès et d’utilisation des radiofréquences, qui permet l’exercice de la
liberté d’expression et la poursuite d’une activité économique, constitue un
actif et rentre donc dans la notion de « bien » au sens de l’article
1 du Protocole no 1.
2. Appréciation
de
a) Principes
généraux
171.
172. L’article
1 du Protocole no 1 ne vaut que pour les biens actuels. Un
revenu futur ne peut ainsi être considéré comme un
« bien » que s’il a déjà été gagné ou s’il fait l’objet d’une créance
certaine. En outre, l’espoir de voir reconnaître un droit de propriété que l’on
est dans l’impossibilité d’exercer effectivement ne
peut non plus être considéré comme un « bien », et il en va de même
d’une créance conditionnelle s’éteignant du fait de la non-réalisation de la
condition (Gratzinger et Gratzingerova c. République tchèque (déc.)
[GC], no 39794/98, § 69, CEDH 2002-VII).
173. Cependant,
dans certaines circonstances, l’« espérance légitime » d’obtenir une
valeur patrimoniale peut également bénéficier de la protection de l’article 1
du Protocole no 1. Ainsi, lorsque l’intérêt patrimonial est de
l’ordre de la créance, on peut considérer que l’intéressé dispose d’une
espérance légitime si un tel intérêt présente une base
suffisante en droit interne, par exemple lorsqu’il est confirmé par une
jurisprudence bien établie des tribunaux. Toutefois, on ne
saurait conclure à l’existence d’une « espérance légitime » lorsqu’il
y a controverse sur la façon dont le droit interne doit être interprété et
appliqué et que les arguments développés par le requérant à cet égard sont en
définitive rejetés par les juridictions nationales (Kopecký, précité,
§ 50).
b) Application
de ces principes au cas d’espèce
174.
175. Comme
176. En
outre, dans son arrêt du 31 janvier 2008,
« (...) Sur
ce point, il importe de préciser que, dans le domaine des émissions
radiotélévisées, la libre prestation de services, telle que consacrée à
l’article 49 CE et mise en œuvre dans ce domaine par le NCRC, requiert non
seulement la concession d’autorisations d’émission, mais également l’octroi de
radiofréquences d’émission. En effet, un opérateur ne
saurait exercer de manière effective les droits qu’il tire du droit
communautaire en termes d’accès au marché de la radiodiffusion télévisuelle à
défaut de radiofréquences d’émission. »
177.
178.
179. Elle
estime donc que l’espérance légitime de la requérante, qui se rattachait à des
intérêts patrimoniaux tels que l’exploitation d’un réseau de télévision
analogique en vertu de la concession, était suffisamment fondée pour constituer
un intérêt substantiel, et donc un « bien » au sens de la norme
exprimée dans la première phrase de l’article 1 du Protocole no 1,
laquelle est par conséquent applicable en l’espèce (voir, mutatis
mutandis, Stretch c. Royaume-Uni, no44277/98, §§
32-35, 24 juin 2003, et Bozcaada Kimisis Teodoku Rum
Ortodoks Kilisesi Vakfı c. Turquie (no 2), nos 7646/03,
37665/03, 37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03, § 50, 6
octobre 2009).
180.
B. Sur le fond
1 Thèses des parties
a) La
requérante
181. La
requérante estime que le comportement du Gouvernement s’analyse en une
expropriation de biens au sens de l’article 1 du Protocole no 1,
étant donné que non seulement il s’est abstenu, sans justification, d’attribuer
les radiofréquences, mais il a également refusé de donner effet à la concession
octroyée à la suite d’un appel d’offres légal.
182. La
requérante considère que cette expropriation n’avait aucun lien avec l’intérêt
général, mais a servi les intérêts privés de Mediaset en
utilisant des radiofréquences qui auraient dû être libérées à son profit en
tant que concessionnaire légitime. En outre, cette
expropriation ne s’est pas faite « selon les voies légales ». En
effet, selon la loi no 249 de 1997, les radiofréquences en question
auraient dû être libérées en faveur de la société qui, dans le cadre de l’appel
d’offres, avait formulé la meilleure proposition, soit en l’occurrence Centro
Europa 7 S.r.l. Cependant, plusieurs mesures législatives transitoires ont
empêché cette dernière d’avoir accès à ces fréquences.
183. Par
ailleurs, la requérante est d’avis que le
dédommagement obtenu au niveau national ne correspond pas à la valeur du bien
exproprié. Pour déterminer le manque à gagner pour perte de chances,
b) Le
Gouvernement
184. Le
Gouvernement s’oppose aux arguments de la requérante et dénonce la nature
« financière » de la requête.
2 Appréciation
de
185. L’article
1 du Protocole no 1, qui garantit le droit à la protection de
la propriété, contient trois normes distinctes : « la première, qui
s’exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère
général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième,
figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété
et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans
le second alinéa, elle reconnaît aux Etats le pouvoir, entre autres, de
réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général (...) Il ne
s’agit pas pour autant de règles dépourvues de rapport entre elles. La deuxième
et la troisième ont trait à des exemples particuliers d’atteintes au droit de
propriété ; dès lors, elles doivent s’interpréter
à la lumière du principe consacré par la première » (voir, entre autres, James
et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, § 37, série A no 98,
et Beyeler, précité, § 98).
186. La
requérante estime qu’il y a eu en l’espèce « privation des biens ».
Cependant,
187. Cette
disposition exige, avant tout et surtout, qu’une ingérence de l’autorité publique
dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale (Iatridis,précité,
§ 58 et Beyeler, précité, § 108). En particulier, son second
alinéa reconnaît aux Etats le droit de réglementer l’usage des biens à
condition qu’ils l’exercent par la mise en vigueur de « lois ». Le principe de légalité présuppose également que les
dispositions pertinentes du droit interne soient suffisamment accessibles,
précises et prévisibles dans leur application (voir, mutatis mutandis, Broniowski précité,
§ 147).
188. Or,
189. Cette
conclusion dispense
VI. SUR
190. La
requérante se plaint d’une atteinte à son droit au procès équitable. Elle
invoque l’article 6 § 1 de
« Toute personne a droit à ce que
sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et
impartial (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil (...) »
A. Thèses
des parties
1. Le
Gouvernement
191. Le
Gouvernement soutient que ce grief est manifestement mal fondé, car
192. En
particulier, les lois nos 43 et 112 de 2004 n’auraient pas été
prises en compte par le TAR, mais le Conseil d’Etat se serait fondé sur ces
lois pour conclure que la requérante avait droit au dédommagement. L’arrêt du
Conseil d’Etat accordant une réparation pécuniaire à l’intéressée démontrerait
de surcroît l’indépendance de l’Etat et la prise en compte de l’arrêt de
193. Enfin,
le Gouvernement rappelle que le Conseil d’Etat a refusé la demande d’expertise
présentée par la requérante en arguant que la charge de la preuve pesait sur
cette dernière et qu’une expertise d’office ne pouvait pas remplacer un manque
de preuve.
2. La
requérante
194. La
requérante soutient que les modifications législatives en cours de procédure
ont porté atteinte à son droit à un procès équitable ; elle ajoute que la
loi n’a pas été appliquée correctement et que les arrêts de
195. La
requérante est d’avis que l’Etat italien a failli à mettre en place un système
normatif clair et complet, portant ainsi atteinte aux principes de légalité, de
transparence, de non-discrimination, de libre concurrence et d’impartialité ainsi
qu’à l’état de droit. Enfin, le Conseil d’Etat aurait omis de la dédommager
pour le préjudice effectivement subi et d’ordonner une expertise pour
quantifier le montant qui lui était dû.
B. Appréciation de
196.
197. Quant
aux doléances spécifiques à la procédure devant le Conseil d’Etat,
198. En
l’occurrence,
199. Il
s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour défaut
manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§
VII. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41
DE
200. Aux
termes de l’article 41 de
« Si
A. Thèses
des parties
1. Dommage
matériel
a) La
requérante
201. La
requérante estime que les dommages-intérêts qui lui ont été octroyés sont
insuffisants. Elle souligne que le Conseil d’Etat a considéré comme
indemnisable une partie très limitée de l’énorme préjudice subi, a ignoré l’expertise présentée par elle et a omis de nommer des
experts indépendants. Ainsi, la haute juridiction
italienne a presque totalement rejeté la demande d’indemnisation, déclarant que
ni les frais de procédure ni les frais de démarrage de l’activité commerciale
ne pouvaient être remboursés.
202. Quant
à ces derniers frais, l’intéressée observe qu’à la suite de l’octroi de la
concession de radiodiffusion, elle a rapidement instauré une structure efficace
et effective en vue de devenir un acteur sérieux sur le marché de la
radiodiffusion commerciale. En particulier,
elle aurait loué des studios de télévision de plus de
203. Pour
ce qui est du manque à gagner, l’insuffisance des dommages et intérêts octroyés
par le Conseil d’Etat ressortirait de manière évidente de la comparaison de ce
montant avec les profits réalisés par Retequattro, c’est-à-dire la
chaîne excédentaire qui aurait dû libérer les radiofréquences assignées à la
requérante. Celle-ci estime
que, dans l’évaluation du manque à gagner,
204. A
la lumière de ce qui précède, justificatifs à l’appui, la requérante demande
2 174 130 492,55 EUR (129 957 485,60 EUR pour les
pertes subies et 2 045 214 475,00 EUR pour le manque à gagner),
somme qu’elle avait sollicitée dans le cadre de la procédure nationale, et de
laquelle on devrait soustraire le montant octroyé par le Conseil d’Etat, ou un
autre montant déterminé en équité. Le dédommagement devrait
être assorti d’intérêts légaux.
b) Le
Gouvernement
205. Le
Gouvernement s’oppose aux prétentions de la requérante, qu’il considère
excessives. Il rappelle que le Conseil d’Etat a octroyé un dédommagement à
l’intéressée. De surcroît, les prétentions litigieuses relèvent de la
spéculation et n’ont pas de lien de causalité avec les violations alléguées de
206. En
outre, le Gouvernement souligne que la requérante n’a mis en place aucun
équipement de télétransmission en mode numérique dans la période entre décembre
2008 et janvier 2009. De tels
équipements auraient été achetés seulement après 2009.
2. Dommage
moral
a) La
requérante
207. La
requérante demande 10 000 000 EUR pour préjudice moral.
208. Selon
elle,
b) Le
Gouvernement
209. Le
Gouvernement s’oppose aux prétentions de la requérante, qu’il estime
exorbitantes.
3. Frais
et dépens
a) La
requérante
210. Justificatifs
à l’appui, la requérante demande le remboursement des frais de procédure
engagés tant au niveau national qu’au niveau européen pour obtenir la mise en
œuvre de la concession et pour exercer effectivement l’activité économique sur
le marché de la radiodiffusion télévisuelle.
211. Elle
souligne qu’elle a dû faire face non seulement à l’opérateur commercial
dominant en Italie, mais également au gouvernement italien lui-même pendant plus de dix ans
puisque, au cours de cette période, le propriétaire de Mediaset –
le groupe de diffusion incluant la chaîne excédentaire Retequattro –
a également effectué plusieurs mandats de président du Conseil des ministres.
212. Partant,
la requérante demande 1 023 706,35 EUR pour
les frais encourus au niveau national et 200 000 EUR pour ceux exposés
devant
b) Le
Gouvernement
213. Le Gouvernement s’oppose aux prétentions de la
requérante.
B. Appréciation
de
1. Dommage
matériel et moral
214.
215. Dans
la présente affaire,
216.
217.
218. En
ce qui concerne les pertes subies,
219. Sans
se livrer à des spéculations au sujet des bénéfices que la requérante aurait
réalisés si les violations de
220. Dans
ces conditions,
221. De
plus,
222. Compte
tenu de l’ensemble de ces éléments, et statuant en
équité,
2. Frais
et dépens
223.
224. Pour
ce qui est des frais de la procédure interne,
225. Quant
aux dépenses afférentes à la procédure devant elle,
226. Compte
tenu des éléments en sa possession et de sa pratique en la matière,
3. Intérêts
moratoires
227.
PAR CES MOTIFS,
1. Accueille, à l’unanimité, l’exception
préliminaire du Gouvernement tirée de l’incompatibilité ratione
personae de la requête en tant qu’elle a été introduite par M. Di
Stefano et, par conséquent, déclare cette partie de la requête
irrecevable ;
2. Rejette, à
la majorité, l’exception préliminaire du Gouvernement tirée de la tardiveté de
la requête ;
3. Rejette, à la majorité, les autres exceptions préliminaires du Gouvernement ;
4. Déclare,
à la majorité, la requête introduite par la requérante recevable quant aux
griefs tirés des articles 10 et 14 de
5. Déclare,
à la majorité, la requête introduite par la requérante recevable quant au grief
tiré de l’article 1 du Protocole no1 ;
6. Déclare, à
l’unanimité, la requête introduite par la requérante irrecevable pour le
surplus ;
7. Dit,
par seize voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 10 de
8. Dit,
à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief tiré de
l’article 14 de
9. Dit, par
quatorze voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole
no 1 ;
10. Dit,
par neuf voix contre huit, que l’Etat
défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois,
10 000 000 EUR (dix millions d’euros), plus tout montant pouvant être
dû à titre d’impôt, pour dommage matériel et moral ;
11. Dit,
à l’unanimité, que l’Etat
défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, 100 000 EUR
(cent mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la
requérante, pour frais et dépens ;
12. Dit,
à l’unanimité, qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement,
ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la
facilité de prêt marginal de
13. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction
équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé
en audience publique au Palais des droits de l’homme, à
Vincent
Berger Françoise Tulkens
Jurisconsulte Présidente
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de
(a) opinion concordante de la
juge Vajić ;
(b) opinion partiellement
dissidente commune aux juges Sajó, Karakaş et Tsotsoria, à laquelle se
rallie en partie la juge Steiner ;
(c) opinion en partie
dissidente commune aux juges Popović et Mijović ;
(d) opinion dissidente de la
juge Steiner.
F.T.
V.B.
OPINION CONCORDANTE DE
(Traduction)
J’ai voté avec la majorité en faveur
d’un constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1
à
« Cependant, dans certaines
circonstances, l’« espérance légitime »
d’obtenir une valeur patrimoniale peut également bénéficier de la protection de
l’article 1 du Protocole no 1. Ainsi, lorsque l’intérêt
patrimonial est de l’ordre de la créance, l’on peut considérer que l’intéressé
dispose d’une espérance légitime si un tel intérêt
présente une base suffisante en droit interne, par exemple lorsqu’il est
confirmé par une jurisprudence bien établie des tribunaux. »
Selon la jurisprudence établie de
Qui
plus est, l’arrêt énonce au paragraphe 178 :
«
Je ne vois donc pas la nécessité d’évoquer en plus une espérance
légitime.
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES SAJÓ, KARAKAŞ ET
TSOTSORIA, À LAQUELLE SE RALLIE EN PARTIE
(Traduction)
Nous
souscrivons pleinement au présent arrêt sauf en ce qui
concerne l’octroi d’une satisfaction équitable. Notre désaccord ne tient pas au
caractère excessif ou insuffisant du montant accordé, mais plutôt au fait qu’à
nos yeux la question de l’application de l’article 41 n’était pas en état.
Tout en estimant qu’il
existait un lien de causalité entre la conduite des autorités
administratives et le dommage allégué par la société requérante, le Consiglio
di Stato a jugé que l’indemnisation devait être calculée en fonction
de l’espérance légitime de la société requérante d’obtenir des autorités
compétentes l’allocation des fréquences de radiodiffusion. Pour cette raison,
il a considéré, dans le cadre de son appréciation des
pertes subies, que la société requérante aurait dû savoir qu’elle n’était pas
susceptible d’obtenir les fréquences en question, et n’a pas ordonné
d’expertise. Ce raisonnement a été rejeté
par
La
société requérante a indiqué qu’elle avait exposé des dépenses, notamment la
location de studios et de l’équipement nécessaire pour poursuivre l’activité
économique en question, et elle a soumis une expertise relative au manque à
gagner qu’elle alléguait avoir subi, expertise qui se fondait sur la base des
profits réalisés par Retequattro, la chaîne excédentaire qui aurait
dû libérer les radiofréquences assignées à la requérante.
En
l’absence de toute expertise qui aurait au moins apporté quelques précisions
quant à la nécessité et la pertinence des dépenses
alléguées et au manque à gagner prévisible de la société requérante, nous
jugeons impossible de déterminer le dommage subi par celle-ci. Pareille
expertise, que les parties auraient pu contester, nous
aurait au moins permis de calculer les montants approximatifs susceptibles de
redresser le dommage. De plus, cette procédure aurait jeté les bases d’un
règlement amiable qui aurait répondu aux exigences d’une réparation équitable.
OPINION EN PARTIE DISSIDENTE
COMMUNE AUX JUGES POPOVIĆ ET MIJOVIĆ
(Traduction)
Avec
tout le respect que nous devons à la majorité, nous sommes en désaccord avec
elle sur deux points. Premièrement,
nous estimons que la première requérante en l’espèce, la
société à responsabilité limitée Centro Europa S.r.l., n’avait pas la
qualité de victime. Deuxièmement, la société requérante n’avait à nos yeux
aucun droit de saisir
Il est précisé au paragraphe 45 de l’arrêt
que, par un arrêt du 20 janvier 2009, le Consiglio di Stato a
octroyé à la société requérante la somme de 1 041 418 EUR à
titre de dédommagement. Cela démontre clairement que la requérante a été
indemnisée pour la perte éprouvée. Par conséquent, l’intéressée n’avait aucune
raison de saisir
Dans sa jurisprudence ultérieure,
En l’espèce, l’intention de la société
requérante était de s’inscrire en faux contre le
principe général dégagé dans l’arrêt Lithgow et autres en se
référant à la règle énoncée dans les arrêts Scordino c. Italie (no 1) ([GC], noo36813/97, §
103, CEDH 2006-V), Cocchiarella c. Italie ([GC], noo64886/01,
CEDH 2006-V) etMusci c. Italie [GC], no 64699/01, CEDH 2006-V).
Cette dernière règle tombe cependant bien dans le champ de la règle principale
dégagée dans Lithgow et autres, puisque
L’appréciation
des faits dans l’affaire Scordino (no 1) différait
de
Par ailleurs, il n’y a aucune raison
d’estimer que l’indemnisation en l’espèce était insuffisante. A notre sens,
l’espèce, qui porte sur une licence permettant de diffuser des programmes
télévisés, doit être distinguée de l’affaire Scordino (no 1),
laquelle concernait l’expropriation de terrains. Les fluctuations
des prix du marché pour les deux biens mentionnés peuvent être comparables,
mais elles ne sont pas identiques, et les autorités
judiciaires nationales sont mieux placées que le juge international pour
apprécier le montant dû à titre d’indemnisation. Les requérants en l’affaire Scordino
(no 1) (précité, § 85) se fondaient sur le fait que
les appartements construits sur le terrain exproprié pouvaient ensuite être
vendus et donc générer un profit pour des
particuliers. Toutefois, en l’espèce, il n’y a pas de
raison suffisante pour dire que la somme octroyée à titre d’indemnisation à la
société requérante au niveau interne était insuffisante.
Nous
aimerions également souligner que le montant octroyé à titre de dédommagement à
la société requérante était de fait considérable et ne
peut en aucun cas être qualifié de « manifestement insuffisant ».
OPINION DISSIDENTE DE
Je ne puis
partager l’opinion de la majorité sur les deux aspects essentiels de cette
affaire, celui concernant la prétendue violation de l’article 10 et celui se
rapportant à la violation dénoncée de l’article 1 du Protocole no 1.
Les
situations factuelles qui sous-tendent les griefs de la requérante sont, à mon avis, clairement distinctes.
En ce qui
concerne la première de ces situations qui a trait à la prétendue impossibilité
d’émettre sur la base de la décision de principe de 1999, elle échappe à la
compétence de
En effet, selon le Gouvernement, le
Conseil d’Etat a tranché de façon définitive par sa décision du 31 mai 2008 la
question issue de la non-attribution des fréquences sur la base de la décision
de 1999.
La lecture attentive des attendus et surtout du dispositif de la décision du Conseil d’Etat
semble conforter cette thèse. D’ailleurs, la décision de janvier 2009 confirme
cette façon d’envisager la question, car elle ne
tranche que l’aspect résiduel de la demande formulée par la partie requérante
sur la base de l’article 1 du Protocole no 1.
Sur ce point, l’arrêt de
D’abord, à mon avis, nous ne sommes pas confrontés à une situation continue car, comme
je viens de l’indiquer, la situation litigieuse avait été clarifiée par la
décision du 31 mai
Il lui incombait, par conséquent, de
présenter sa requête sur ce point dans le délai de six
mois.
Je rappelle qu’il y
a, à ce sujet, une jurisprudence constante établie depuis très longtemps.
Ainsi, non seulement la règle de six
mois découle d’une clause spéciale et constitue un facteur de sécurité
juridique, mais de plus elle revêt un caractère d’ordre public, les Etats ne pouvant pas l’écarter de leur propre initiative.
La règle du délai de six mois est, selon
notre jurisprudence, une question qui tient au respect de l’ordre public
européen et qui peut être soulevée d’office à tout stade de la
procédure.
Le principe de subsidiarité, qui est
évoqué constamment comme étant le principe inspirateur du système de contrôle,
commande que l’on reconnaisse au juge interne une primauté dans
l’interprétation du droit interne.
Je souligne, à cet égard, que notre Cour
ne dispose que « d’une compétence limitée s’agissant de vérifier si le droit national a été correctement interprété et
appliqué » et qu’« il ne lui appartient pas de se substituer aux
tribunaux nationaux, son rôle consistant surtout à s’assurer que les décisions
de ces derniers ne sont pas entachées d’arbitraire ou d’irrationalité
manifeste » (Anheuser-Busch Inc. c. Portugal [GC],
no 73049/01, § 83, CEDH 2007-I).
Ce qui est vrai pour l’évaluation de la
légalité interne vaut également s’agissant de déterminer quelle est la décision
définitive interne rendue au regard d’un grief déterminé, à moins que l’on
considère qu’en l’espèce la décision du Conseil d’Etat était entachée
d’arbitraire ou d’irrationalité manifeste.
Ensuite, il me
semble que l’arrêt verse dans l’erreur lorsqu’il mélange deux aspects
distincts.
La détermination du montant de la somme à accorder au titre du préjudice subi par la
requérante concernait la quantification des dommages subis et non la question
concernant l’attribution des fréquences, question qui était res
judicata depuis le 31 mai 2008.
Quant à la
seconde situation factuelle, qui a trait au respect du droit de propriété, la
question me paraît claire. Les raisons données par la décision
du Conseil d’Etat du 20 janvier 2009 sont convaincantes et
raisonnables.
Le Conseil d’Etat a reconnu une
responsabilité de l’Etat à raison du long délai qui a présidé à l’attribution
des fréquences. Il a accordé à ce titre une somme pour
les « pertes éprouvées ». Il a tenu à souligner le comportement de la
requérante, qui aurait dû tenir compte du contexte et faire preuve de prudence
dans les investissements en attendant l’attribution des fréquences.
Quant au préjudice correspondant au
« manque à gagner », le Conseil d’Etat a relevé que les suppositions
et hypothèses échafaudées par la requérante étaient dépourvues du moindre
élément de preuve. Une somme, déterminée de façon équitable, lui a cependant
été accordée à ce titre.
Je pense que, plus que dans toute autre
circonstance, il faut reconnaître à l’Etat une large marge d’appréciation en
matière de détermination de dommages pour un « fait illicite » selon
les principes de la responsabilité extracontractuelle.
En ce qui concerne la question de
l’application de l’article 41, je me rallie à
l’opinion en partie dissidente des juges Sajó, Karakaş et Tsotsoria.