Corte europea dei diritti dell’uomo
(Prima Sezione)
5 giugno 2012
req. n.
63238/00
AFFAIRE LA ROSA ET ALBA c. ITALIE
ARRÊT
STRASBOURG
Cet arrêt deviendra définitif dans les
conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut
subir des retouches de forme.
En
l’affaire La Rosa et Alba c. Italie (no 4),
La Cour européenne
des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée
de :
Nina Vajić, présidente,
Peer Lorenzen,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Guido Raimondi,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,
Après en avoir
délibéré en chambre du conseil le 15 mai 2012,
Rend l’arrêt que
voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A
l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 63238/00) dirigée contre la
République italienne et dont quatre ressortissants de cet Etat,
M. Mario La Rosa, M. Vincenzo Alba, Mme Maria La Rosa et M. Vincenzo La
Rosa (« les requérants »), ont saisi la Cour le 30 mars 2000 en vertu
de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des
Libertés fondamentales (« la Convention »). Le quatrième requérant
est décédé le 2 janvier 2005. Par une lettre du 11 mars 2005, M. Nicola La Rosa a informé le Greffe de ce qu’il avait hérité
du quatrième requérant et qu’il souhaitait se constituer dans la procédure
devant la Cour. Le troisième requérant est décédé le 24 avril 2007.
Par une lettre du 10 août 2007, Giacoma Mammino, Domenica Alba, Luciano
Alba et Daniela Anna Maria Palma Alba, ont informé le greffe de ce qu’ils
avaient hérité du troisième requérant et qu’ils souhaitaient se constituer dans
la procédure devant la Cour.
2. Par
un arrêt du 13 octobre 2005 (« l’arrêt au principal »), la
Cour a jugé que la perte de toute disponibilité du terrain, combinée avec
l’impossibilité de remédier à la situation incriminée avait engendré des
conséquences assez graves pour que les requérants aient subi une expropriation
de fait incompatible avec leur droit au respect de leurs biens et non conforme
au principe de prééminence du droit (CEDH La
Rosa et Alba c. Italie (no 4),
no 63238/00, § 73, 13 octobre 2005).
3. En
s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requérants réclamaient une
satisfaction équitable de 3 103 110,14 EUR au titre de préjudice
matériel pour la perte du terrain En outre, les requérants demandaient le
versement d’une indemnité de 600 000 EUR au titre de préjudice moral
ainsi que la somme de 121 474,81 EUR, au titre de remboursement des frais
encourus devant la Cour.
4. La
question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas
en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et les requérants à
lui soumettre par écrit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite
question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils
pourraient aboutir (ibidem, § 83, et point 3 du dispositif).
5. Le
délai fixé pour permettre aux parties de parvenir à un accord amiable était
venu à échéance sans que les parties n’aboutissent à un tel accord.
6. Le 13
mars 2007, le président de la chambre a décidé de demander aux parties de
nommer chacune un expert chargé d’évaluer le préjudice matériel et de déposer
un rapport d’expertise avant le 14 juin 2007.
7. Lesdits
rapports d’expertise ont été déposés dans le délai imparti.
EN FAIT
8. Les
faits survenus après l’arrêt au principal peuvent se résumer comme suit.
9. Par
un jugement du 30 août 2005, le tribunal de Caltagirone
condamna la ville de Caltagirone à verser aux
requérants la somme de 394 437,69 EUR (soit 20 765,63 ITL le mètre
carré), au titre de dédommagement calculé aux termes de la loi no 662
de 1996.
10. Il
ressort du dossier qu’en 2006 l’administration paya aux requérants la somme
reconnue par le tribunal.
EN DROIT
11. Aux
termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour
déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le
droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer
qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la
partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
matériel
12. Les
requérants réclament une satisfaction équitable de
2 343 479,62 EUR au titre de préjudice matériel pour la perte du
terrain.
13. Le
Gouvernement s’y oppose.
14. La
Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation de mettre un terme à la
violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que
faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis
c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, §
32, CEDH 2000-XI).
15. Elle
rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay
c. Italie (satisfaction
équitable) [GC], nº 58858/00, 22 décembre 2009), la Grande Chambre a modifié la
jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les
affaires d’expropriation indirecte. En particulier, la Grande Chambre a décidé
d’écarter les prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées
sur la valeur des terrains à la date de l’arrêt de la Cour et de ne plus tenir
compte, pour évaluer le dommage matériel, du coût de construction des immeubles
bâtis par l’Etat sur les terrains.
16. Selon
les nouveaux critères fixés par la Grande Chambre, l’indemnisation doit
correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de
la propriété, telle qu’établie par l’expertise ordonnée par la juridiction
compétente au cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que l’on aura
déduit la somme éventuellement octroyée au niveau national, ce montant doit
être actualisé pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi de
l’assortir d’intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long
laps de temps qui s’est écoulé depuis la dépossession des terrains. Ces
intérêts doivent correspondre à l’intérêt légal simple appliqué au capital
progressivement réévalué.
17. En
l’espèce, les requérants ont perdu la propriété de leur terrain en 1980. Il
ressort de l’expertise ordonnée par les juridictions internes au cours de la
procédure nationale que la valeur du bien à cette date et réévaluée en 2001
était de 56,46 EUR le mètre carré (paragraphe 19 de l’arrêt au principal).
18. Compte
tenu de ces éléments, la Cour estime raisonnable d’accorder aux requérants
455 000 EUR pour le préjudice matériel, plus tout montant pouvant être dû
à titre d’impôt sur cette somme.
19. Reste
à évaluer la perte de chances subie à la suite de l’expropriation litigieuse (Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction
équitable) [GC], précité, § 107).Statuant en équité, la Cour alloue aux
requérants conjointement 15 000 EUR pour la perte de chance.
B. Dommage
moral
20. Justificatifs
à l’appui, les requérants demandent 50 000 EUR chacun au titre de
préjudice moral.
21. Le
Gouvernement fait valoir que celui-ci dépend de la durée excessive de la
procédure devant les juridictions nationales. Par conséquent, le Gouvernement
soutient que le versement d’une quelconque somme au titre d’indemnisation du
dommage moral est subordonné à l’épuisement du remède Pinto.
22. La
Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face à la
dépossession illégale de leurs biens a causé aux requérants un préjudice moral
important, qu’il y a lieu de réparer de manière adéquate.
23. Statuant
en équité, la Cour accorde 2 500 EUR au premier requérant, 2 500 EUR
à l’héritier du deuxième requérant, 2 500 EUR aux héritiers du troisième
requérant et 2 500 EUR à la quatrième requérante pour dommage moral.
C. Frais
et dépens
24. Les
requérants demandent la somme de 121 474,81 EUR, au titre de remboursement
des frais encourus devant la Cour et le remboursement des frais de l’expertise
demandée par la Cour.
25. Le
Gouvernement soutient que les requérants ont quantifié ceux-ci de manière vague
et imprécise.
26. La
Cour rappelle que l’allocation des frais et dépens au titre de l’article 41
présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le
caractère raisonnable de leur taux (Iatridis
c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, §
54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne
sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation
constatée (voir, par exemple, Beyeler
c. Italie (satisfaction
équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96,
§ 105, CEDH 2003-VIII).
27. La
Cour ne doute pas de la nécessité d’engager des frais, mais elle trouve
excessifs les honoraires totaux revendiqués à ce titre. Elle considère dès lors
qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des
circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer un montant de
15 000 EUR pour l’ensemble des frais exposés.
D. Intérêts
moratoires
28. La
Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux
d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne
majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Dit
a) que
l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les
trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à
l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i. 470 000
EUR (quatre cent soixante dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à
titre d’impôt, pour dommage matériel ;
ii. 2 500
EUR (deux mille cinq cents euros) au premier requérant, 2500 EUR
(deux mille cinq cents euros) à l’héritier du deuxième requérant, 2 500
EUR (deux mille cinq cents euros) aux héritiers du troisième requérant et
2 5000 EUR (deux mille cinq cents euros) à la quatrième requérante, plus
tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
iii. 15 000
EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par
les requérants, pour frais et dépens ;
b) qu’à
compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront
à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt
marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période,
augmenté de trois points de pourcentage ;
2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour
le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 juin 2012, en application
de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Nina Vajić
Greffier Présidente