Corte europea dei diritti dell’uomo
(Sezione II), 5 maggio 2009
(requête n. 12584/08)
AFFAIRE SELLEM c. ITALIE
DÉFINITIF
06/11/2009
Cet
arrêt peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Sellem c. Italie,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième
section), siégeant en une chambre composée de :
Ireneu Cabral Barreto,
président,
Vladimiro Zagrebelsky,
Danutė Jočienė,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Nona Tsotsoria,
Işıl Karakaş, juges,
et de Françoise Elens-Pasos, greffière adjointe de section,
Après
en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 avril 2009,
Rend
l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A
l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 12584/08) dirigée contre
la République italienne et dont un ressortissant tunisien, M. Ezzedine Ben
Edris Sellem
(« le requérant »), a saisi la Cour le 13 mars 2008 en vertu de
l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le
requérant est représenté par Me G. de Carlo, avocat à Milan. Le gouvernement italien (« le
Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Spatafora,
et par son co-agent adjoint, M. N. Lettieri.
3. Le
requérant allègue en particulier que la mise à exécution de la décision de
l’expulser vers la Tunisie violerait les articles 3 et 8 de la Convention.
4. Le
18 août 2008, le président de la deuxième section a décidé de communiquer la
requête au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention, il
a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la
recevabilité et sur le fond de l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1967 et
réside à Milan.
A. Les investigations à l’encontre du
requérant en Italie et la tentative de l’expulser
6. Le
requérant réside en Italie depuis 1990. Il est marié à une
ressortissante tunisienne et père de deux enfants en bas-âge nés en Italie.
7. Le
23 mars 2003, il déposa à la préfecture de police de Milan une demande
de carte de séjour permanent. Le 25 novembre 2004, il sollicita l’octroi d’un
permis de séjour temporaire, que la préfecture de police lui délivra le 3 mars
2005. Ledit permis avait une validité de deux ans.
8. Le
6 novembre 2007, le requérant apprit à l’occasion d’une perquisition de son
domicile que le parquet de Milan avait diligenté à son encontre une enquête
pénale pour terrorisme (article 270 bis du code pénal). La procédure
pénale dirigée contre lui est toujours pendante.
9. Le
26 février 2008, par l’intermédiaire de Me De Carlo, le requérant
invita la préfecture de police à lui délivrer la carte de séjour demandée en
mars 2003.
10. Le
3 mars 2008, le Service de l’immigration de la préfecture informa Me
De Carlo que la remise du permis de séjour à son client, le 3 mars 2005, avait
clos les procédures administratives entamées par l’intéressé le 23 mars 2003 et
le 25 novembre 2004.
11. Le
4 mars 2008, le Service de l’immigration informa par courriel Me De Carlo
que son client devait se présenter à la préfecture le 13 mars.
12. Le
13 mars 2008, la préfecture constata que le requérant n’avait pas demandé le
renouvellement de son permis de séjour, périmé depuis le 1er mars
2007, et qu’il séjournait donc irrégulièrement en Italie. Elle lui notifia un
décret d’expulsion adopté le même jour.
13. Le
jour même, Me De Carlo demanda à la Cour d’adopter, sur le
fondement de l’article 39 de son règlement, « toutes les mesures qu’elle
estimerait utiles dans l’intérêt du requérant » afin d’éviter que celui-ci
ne soit expulsé. Précisant que le 30 janvier 2002, le tribunal militaire de
Tunis avait condamné par contumace M. Sellem et neuf autres personnes à dix ans de réclusion « pour
avoir constitué en temps de paix une organisation terroriste œuvrant à
l’étranger », il soutint qu’expulser son client l’exposerait au risque
d’être torturé, violerait son droit au respect de sa vie familiale et
empêcherait sa fille de six ans de poursuivre sa scolarité.
14. Le
14 mars 2008, la présidente de la deuxième section décida d’indiquer au
gouvernement italien, en application de l’article 39 précité, qu’il était
souhaitable, dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure
devant la Cour, de ne pas expulser le requérant vers la Tunisie jusqu’à nouvel
ordre. Elle attira l’attention du Gouvernement sur le fait que, lorsqu’un Etat
contractant ne se conforme pas à une mesure indiquée au titre de l’article 39
du règlement, cela peut entraîner une violation de l’article 34 de la Convention
(voir Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99
et 46951/99, §§ 128-129 et point 5 du dispositif, CEDH 2005-I).
15. Le
4 avril 2008, le Gouvernement déposa au greffe une note du Service de
l’immigration attestant que l’expulsion du requérant avait été suspendue le 14
mars, conformément à la décision de la Cour d’appliquer l’article 39 de son
règlement.
16. Le
15 avril 2008, le requérant attaqua l’arrêté d’expulsion devant le juge de paix
de Milan. Par une décision du 28 avril 2008, le juge de paix fit droit à la
demande introduite par le requérant et suspendit l’expulsion en attendant
l’issue de la procédure à Strasbourg.
B. Les assurances diplomatiques
obtenues par les autorités italiennes
17. Le
10 décembre 2008, l’Ambassade d’Italie à Tunis adressa au ministère tunisien
des Affaires étrangères la note verbale (no 4566) suivante :
« L’Ambassade
d’Italie présente ses compliments au ministère des Affaires Etrangères et se
réfère à ses propres notes verbales précédentes et à la visite en Tunisie de la
délégation des représentants des ministères italiens de l’Intérieur et de la
Justice, tenue le 24 juillet dernier, concernant un examen des procédures à
suivre au sujet des recours pendants auprès de la Cour européenne des droits de
l’homme, présentés par des citoyens tunisiens, ayant fait ou qui pourraient
faire l’objet de décrets d’expulsion.
L’Ambassade
d’Italie remercie le ministère des Affaires Etrangères et par son biais le
ministère de la Justice et des droits de l’homme pour l’utile collaboration
manifestée pour les cas déjà traités.
Conformément à ce
qui avait été convenu lors de la réunion du 24 juillet, les autorités
italiennes ont l’honneur de soumettre par voie diplomatique leur demande d’éléments
additionnels spécifiques, qui s’avèrent nécessaires dans le contentieux en
cours devant la Cour de Strasbourg entre l’Italie et les citoyens tunisiens
cités ci-après (...):
A cet effet, l’Ambassade d’Italie a l’honneur de
demander au ministère des Affaires Etrangères de bien vouloir saisir les
autorités tunisiennes compétentes pour qu’elles puissent fournir par voie
diplomatique les assurances spécifiques sur le citoyen tunisien M. SELLEM Ezzedine
Ben Idris se rapportant aux arguments suivants :
- en cas d’expulsion vers la Tunisie de l’appelant, il
ne sera pas soumis à des tortures ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants ;
- qu’il puisse être jugé par un tribunal indépendant
et impartial, selon des procédures qui, dans l’ensemble, seront conformes aux
principes d’un procès équitable et public ; [et], en cas de condamnation
[par] contumace, [obtenir] la réouverture de la procédure pénale à son
encontre, et à produire tout élément pertinent à ce sujet ;
- qu’il puisse, durant son éventuelle détention,
recevoir les visites de ses avocats, ainsi que des membres de sa famille et
d’un médecin.
Puisque l’échéance pour la présentation des
observations du gouvernement italien à Strasbourg pour lesdits cas est fixée au
16 décembre prochain, l’Ambassade d’Italie saurait gré au ministère des
Affaires Etrangères de bien vouloir lui faire parvenir dans les plus brefs
délais les éléments requis et fondamentaux pour la stratégie de défense du
gouvernement italien et suggère que Mme Costantini, premier secrétaire
de [l’]ambassade, puisse se rendre au ministère de la Justice et des droits de
l’homme pour fournir tout éclaircissement opportun.
L’Ambassade d’Italie remercie d’avance le ministère
des Affaires Etrangères pour l’attention qui sera réservée à la présente note
et saisit l’occasion pour lui renouveler les assurances de sa haute
considération. »
18. Le 3 janvier 2009, les autorités
tunisiennes firent parvenir leur réponse, signée par l’avocat général à la
direction générale des services judiciaires. En ses parties pertinentes, cette
réponse se lit comme suit :
« Dans sa note verbale en date du 10 décembre
2008, l’ambassade d’Italie à Tunis a sollicité, des autorités tunisiennes, les
assurances, ci-après énumérées, concernant le citoyen tunisien Ezzedine SELLEM s’il venait
à être expulsé vers la Tunisie.
(...)
II. Il convient, au
préalable, de préciser que l’intéressé fait l’objet d’un jugement par défaut
pour adhésion à une organisation terroriste opérant à l’étranger ainsi que pour
ses activités en vue de recruter des membres pour cette organisation.
Si l’intéressé
[est] expulsé vers la Tunisie, il sera, dès son arrivée en Tunisie, présenté à
un juge. Il pourra alors exercer son droit à opposition, étant entendu que la
recevabilité de l’opposition en la forme a pour conséquence, en application de
l’article 182 du code de procédure pénale, d’anéantir les jugements attaqués et
de lui permettre d’être jugé à nouveau et de présenter les moyens de défense
qu’il jugerait utiles.
Lors de sa
comparution devant le juge, l’intéressé bénéficiera obligatoirement de
l’assistance d’avocats de son choix. S’il s’avère qu’il n’en a pas les moyens,
des avocats lui seront commis d’office aux frais de l’Etat. Le juge ordonnera
par la suite soit la libération du prévenu soit son arrestation. Il jouira,
tout au long de son procès, de l’ensemble des garanties suivantes :
1. La garantie du
respect de la dignité de l’intéressé :
Le respect de la
dignité de l’intéressé est garanti, son origine réside dans le principe du
respect de la dignité de toute personne quelque soit l’état dans lequel elle se
trouve, principe fondamental reconnu par le droit tunisien et garanti pour
toute personne et plus particulièrement pour les détenus dont le statut est
minutieusement réglementé.
Il est utile à cet
égard de rappeler que l’article 13 de la Constitution tunisienne dispose dans
son alinéa 2 que « tout individu ayant perdu sa liberté est traité
humainement, dans le respect de sa dignité ».
La Tunisie a par ailleurs ratifié sans réserve aucune la
Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. Elle a ainsi reconnu la compétence du comité
contre la torture pour recevoir et examiner les communications présentées par
ou pour le compte des particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent
être victimes de violation des dispositions de la Convention (ratification par
la loi no 88-79 du 11 juillet 1988. Journal Officiel de la
République tunisienne no 48 du 12-15 juillet 1988, page 1035).
Les dispositions de ladite Convention ont été
transposées en droit interne, l’article 101 bis du code pénal
définit la torture comme étant « tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à
une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des
renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce
personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire
pression sur une tierce personne, ou lorsque la douleur ou les souffrances
aiguës sont infligées pour tout autre motif fondé sur une forme de
discrimination [quelle] qu’elle soit ».
Le législateur a prévu des peines sévères pour ce
genre d’infractions, ainsi l’article 101 bis suscité dispose
qu’« est puni d’un emprisonnement de huit ans le fonctionnaire ou assimilé
qui soumet une personne à la torture et ce, dans l’exercice ou à l’occasion de
l’exercice de ses fonctions ».
Il est à signaler
que la garde à vue est, selon l’article 12 de la Constitution, soumise au
contrôle judiciaire et qu’il ne peut être procédé à la détention préventive que
sur ordre juridictionnel. Il est interdit de soumettre quiconque à une
détention arbitraire. Plusieurs garanties accompagnent la procédure de la garde
à vue et tendent à assurer le respect de l’intégrité physique et morale du
détenu dont notamment :
- Le droit de la
personne gardée à vue d’informer, dès son arrestation, les membres de sa
famille.
- Le droit de
demander au cours du délai de la garde à vue ou à son expiration d’être soumis
à un examen médical. Ce droit peut être exercé le cas échéant par les membres
de la famille.
- La durée de la
détention préventive est réglementée, son prolongement est exceptionnel et doit
être motivé par le juge.
Il y a lieu
également de noter que [la] loi du 14 mai 2001 relative à l’organisation des
prisons dispose dans son article premier qu’elle a pour objectif de régir
« les conditions de détention dans les prisons en vue d’assurer
l’intégrité physique et morale du détenu, de le préparer à la vie libre et
d’aider à sa réinsertion ».
Ce dispositif
législatif est renforcé par la mise en place d’un système de contrôle destiné à
assurer le respect effectif de la dignité des détenus. Il s’agit de plusieurs types de contrôles effectués par divers organes
et institutions :
- Il y a d’abord un contrôle judiciaire assuré par le
juge d’exécution des peines tenu, selon les termes de l’article 342-3 du code
de procédure pénale tunisien, [de] visiter l’établissement pénitentiaire
relevant de son ressort pour prendre connaissance des conditions des détenus,
ces visites sont dans la pratique effectuées en moyenne à raison de deux fois
par semaine.
- Il y a ensuite le contrôle effectué par le comité supérieur
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le président de cette
institution nationale indépendante peut effectuer des visites inopinées aux
établissements pénitentiaires pour s’enquérir de l’état et des conditions des
détenus.
- Il y a également le contrôle administratif interne
effectué par les services de l’inspection générale du ministère de la Justice
et des droits de l’homme et l’inspection générale relevant de la direction
générale des prisons et de la rééducation. Il est à noter dans ce cadre que
l’administration pénitentiaire relève du ministère de la Justice et que les
inspecteurs dudit ministère sont des magistrats de formation ce qui constitue
une garantie supplémentaire d’un contrôle rigoureux des conditions de
détention.
- Il faut enfin signaler que le comité international
de la Croix-Rouge est habilité depuis 2005 à effectuer des visites dans les
lieux de détention, prisons et locaux de la police habilités à accueillir des
détenus gardés à vue. A l’issue de ces visites des rapports détaillés sont
établis et des rencontres sont organisées avec les services concernés pour
mettre en œuvre les recommandations formulées par le comité sur l’état des
détenus.
Les autorités tunisiennes rappellent qu’elles
n’hésitent point à enquêter sur toutes les allégations de torture chaque fois
qu’il y a des motifs raisonnables laissant croire qu’un acte de mauvais
traitements a été commis. On citera en illustration deux exemples :
- Le premier exemple concerne trois agents de
l’administration pénitentiaire poursuivis pour voie de fait sur un
détenu ; l’enquête diligentée à cet effet a abouti à la condamnation de
trois agents des prisons à une peine d’emprisonnement de quatre ans chacun
(arrêt de la cour d’appel de Tunis rendu le 25 janvier 2002).
- Le deuxième exemple concerne un agent de police
condamné à 15 ans d’emprisonnement pour coups et blessures volontaires ayant
causé la mort sans intention de la donner (arrêt rendu par la cour d’appel de
Tunis le 2 avril 2002).
Ces deux exemples démontrent que les autorités
tunisiennes ne tolèrent aucun mauvais traitement et n’hésitent pas à engager
les poursuites nécessaires contre les agents de l’application de la loi chaque
fois qu’il y a des motifs raisonnables laissant croire que des actes de telle nature
[ont] été commis.
Les quelques cas de condamnation pour mauvais
traitements ont été signalés dans le rapport présenté par la Tunisie devant le
Conseil des droits de l’homme et devant le Comité des droits de l’homme
dénotant ainsi de la politique volontariste de l’Etat à poursuivre et réprimer
tout acte de torture ou de mauvais traitements, ce qui est de nature à réfuter
toute allégation de violation systématique des droits de l’homme.
En conclusion, il
est évident que :
- Si Ezzedine SELLEM [est] expulsé
vers la Tunisie, il sera présenté à un juge et bénéficiera de l’assistance d’un
avocat.
- L’intéressé
pourra exercer son droit à opposition contre le jugement rendu à son encontre.
La recevabilité de l’opposition a pour effet d’anéantir tous les effets du
jugement et l’affaire sera jugée de nouveau.
- L’autorité
judiciaire compétente décidera soit de la libération soit de l’arrestation de
l’intéressé.
- En tout état de
cause, l’intéressé bénéficiera de toutes les garanties que lui offre la
législation tunisienne.
2. La garantie
d’un procès équitable aux intéressés :
S’il [est] expulsé en Tunisie, l’intéressé bénéficiera
de procédures de poursuite, d’instruction et de jugement offrant toutes les
garanties nécessaires à un procès équitable, notamment :
- Le respect du principe de la séparation entre les
autorités de poursuite, d’instruction et de jugement.
- L’instruction en matière de crimes est obligatoire.
Elle obéit au principe du double degré de juridiction (juge d’instruction et
chambre d’accusation).
- Les audiences de jugement sont publiques et
respectent le principe du contradictoire.
- Toute personne soupçonnée de crime a obligatoirement
droit à l’assistance d’un ou plusieurs avocats. Il lui en est, au besoin,
commis un d’office et les frais sont supportés par l’Etat. L’assistance de
l’avocat se poursuit pendant toutes les étapes de la procédure :
instruction préparatoire et phase de jugement.
- L’examen des crimes est de la compétence des cours
criminelles qui sont formées de cinq magistrats, cette formation élargie
renforce les garanties du prévenu.
- Le principe du double degré de juridiction en
matière criminelle est consacré par le droit tunisien. Le droit de faire appel
des jugements de condamnation est donc un droit fondamental pour le prévenu.
- Aucune condamnation ne peut être rendue que sur la
base de preuves solides ayant fait l’objet de débats contradictoires devant la
juridiction compétente. Même l’aveu du prévenu n’est pas considéré comme une
preuve déterminante. Cette position a été confirmée par l’arrêt de la Cour de
cassation tunisienne no 12150 du 26 janvier 2005 par lequel la Cour
a affirmé que l’aveu extorqué par violence est nul et non avenu et ce, en
application de l’article 152 du code de procédure pénale qui dispose que :
« l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation
des juges ». Le juge doit donc apprécier toutes les preuves qui lui sont
présentées afin de décider de la force probante à conférer auxdites preuves
d’après son intime conviction.
3. La garantie du droit de recevoir des
visites :
Si l’arrestation de l’intéressé est décidée par
l’autorité judiciaire compétente, il bénéficiera des droits garantis aux
détenus par la loi du 14 mai 2001 relative à l’organisation des prisons. Cette loi consacre
le droit de tout prévenu à recevoir la visite de l’avocat chargé de sa défense,
sans la présence d’un agent de la prison, ainsi que la visite des membres de
leurs familles. Si son arrestation [est] décidée, l’intéressé jouira de ce
droit conformément à la réglementation, en vigueur et sans restriction aucune.
4. La
garantie du droit de bénéficier des soins médicaux :
La loi précitée
relative à l’organisation des prisons dispose que tout détenu a droit à la
gratuité des soins et des médicaments à l’intérieur des prisons et, à défaut,
dans les établissement hospitaliers. En outre, l’article 336 du code de
procédure pénale autorise le juge d’exécution des peines à soumettre le
condamné à examen médical.
Si l’arrestation
de l’intéressé était décidée, il serait soumis à examen médical dès son
admission dans l’unité pénitentiaire. Il pourra, d’autre part, bénéficier
ultérieurement d’un suivi médical dans le cadre d’examens périodiques. En
conclusion, l’intéressé bénéficiera d’un suivi médical régulier à l’instar de tout
détenu et il n’y a pas lieu de ce fait d’autoriser son examen par un autre
médecin.
Les autorités
tunisiennes réitèrent leur volonté de coopérer pleinement avec la partie
italienne en lui fournissant toutes les informations et les données utiles à sa
défense dans la procédure en cours devant la Cour européenne des droits de
l’homme ».
II. LE
DROIT INTERNE PERTINENT
19. Les
recours qu’il est possible de former contre un arrêté d’expulsion en Italie et les
règles régissant la réouverture d’un procès par défaut en Tunisie sont décrits
dans Saadi c. Italie ([GC], no 37201/06, §§ 58-60,
28 février 2008).
III. TEXTES ET DOCUMENTS INTERNATIONAUX
20. On trouve dans l’arrêt Saadi précité
une description des textes, documents internationaux et sources d’informations
suivants : l’accord de coopération en matière de lutte contre la
criminalité signé par l’Italie et la Tunisie et l’accord d’association entre la
Tunisie, l’Union européenne et ses Etats membres (§§ 61-62) ; les
articles 1, 32 et 33 de la Convention des Nations unies de 1951 relative au
statut des réfugiés (§ 63) ; les lignes directrices du Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe (§ 64) ; les rapports relatifs à la
Tunisie d’Amnesty International (§§ 65-72) et de Human Rights Watch
(§§ 73-79) ; les activités du Comité international de la Croix-Rouge
(§§ 80-81) ; le rapport du Département d’Etat américain relatif aux droits
de l’homme en Tunisie (§§ 82-93) ; les autres sources d’informations
relatives au respect des droits de l’homme en Tunisie (§ 94).
21. Après l’adoption de l’arrêt Saadi,
Amnesty International a publié son rapport annuel 2008. Les parties pertinentes
de la section de ce rapport consacrée à la Tunisie sont relatées dans Ben
Khemais c. Italie, no 246/07, § 34, ... 2009).
22. Dans sa résolution 1433(2005),
relative à la légalité de la détention de personnes par les Etats-Unis à
Guantánamo Bay, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a
demandé au gouvernement américain, entre autres, « de ne pas renvoyer ou
transférer les détenus en se fondant sur des « assurances
diplomatiques » de pays connus pour recourir systématiquement à la torture
et dans tous les cas si l’absence de risque de mauvais traitement n’est pas
fermement établie ».
EN DROIT
I. SUR
LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
23. Le
requérant considère que l’exécution de son expulsion l’exposerait à un risque
de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Cette disposition se lit comme suit :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des
peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
24. Le
Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur
la recevabilité
25. La
Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article
35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif
d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur
le fond
1. Arguments
des parties
26. Le
requérant renvoie aux enquêtes menées par Amnesty International et par le Département
d’Etat des Etats-Unis d’Amérique, qui démontreraient qu’en cas d’expulsion vers
la Tunisie, il serait exposé à un risque concret et sérieux de violation des
droits garantis par l’article 3 de la Convention.
27. Le Gouvernement souligne que la Tunisie
a ratifié les principaux instruments internationaux en matière de protection
des droits de l’homme, y compris le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels et la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il rappelle également qu’en 1995,
la Tunisie a signé avec l’Union Européenne un accord d’association en vertu
duquel la question du respect des libertés fondamentales et des principes
démocratiques est un élément du dialogue politique entre les signataires. Il
souligne par ailleurs que les autorités tunisiennes permettent à la Croix-Rouge
internationale de visiter les prisons.
28. De
l’avis du Gouvernement, on peut présumer que la Tunisie ne s’écartera pas des
obligations qui lui incombent en vertu des traités internationaux.
29. De
plus, le système juridique italien prévoirait des garanties pour l’individu – y
compris la possibilité d’obtenir le statut de réfugié – qui rendraient un
refoulement contraire aux exigences de la Convention « pratiquement
impossible ».
30. Le
Gouvernement argue encore que les allégations relatives à un danger de mort ou
au risque d’être exposé à la torture ou à des traitements inhumains et
dégradants doivent être étayées par des éléments de preuve adéquats ; et
qu’en l’espèce, le requérant n’a ni produit d’éléments précis à cet égard ni
fourni d’explications détaillées, mais qu’il s’est borné à décrire une
situation prétendument généralisée en Tunisie. Les « sources internationales » citées par le requérant
seraient vagues et non pertinentes, de même que les articles de presse produits
par l’intéressé.
31. Le Gouvernement renvoie aux
assurances diplomatiques fournies par les autorités tunisiennes, en lesquelles
il voit le résultat d’un dialogue intergouvernemental très fructueux. Ces
assurances garantiraient une protection adéquate du requérant contre le risque
de subir, en Tunisie, des traitements interdits par la Convention.
32. Il souligne que les autorités tunisiennes
ont accompagné lesdites assurances d’une « longue et rassurante
explication, en fait et en droit, des raisons pour lesquelles il faut y
croire », et estime que leur bonne foi ne devrait pas être mise en doute.
Il ajoute que le respect effectif de ces assurances pourra être vérifié lors
des contrôles du Comité supérieur des droits de l’homme et de la Croix-Rouge,
ainsi que des visites des avocats et des proches du requérant.
33. Selon le Gouvernement,
l’impossibilité pour le représentant du requérant devant la Cour de visiter son
client s’il était incarcéré en Tunisie s’explique par le fait que cet Etat n’a
pas adhéré à la Convention. Il serait donc raisonnable de ne pas permettre les
visites d’avocats étrangers opérant hors du cadre national et international
dans lequel s’inscrit la Tunisie. A cet égard, le Gouvernement observe que
l’intéressé pourra, s’il le souhaite, donner mandat à des avocats tunisiens de
son choix afin qu’ils procèdent, en collaboration avec leur homologues
italiens, à la préparation de sa défense devant la Cour.
34. De l’avis du Gouvernement, les
assurances données par la Tunisie sont tranquillisantes en ce qui concerne la
sécurité et le bien-être du requérant ainsi que le respect de son droit à un
procès équitable. Soulignant que dans l’affaire Saadi précitée, la Cour
elle-même a demandé si de telles assurances avaient été sollicitées et
obtenues, le Gouvernement estime que, sans qu’il soit question de les remettre
en cause, les principes affirmés par la Grande Chambre doivent être adaptés aux
circonstances factuelles particulières du cas d’espèce.
2. Appréciation de la Cour
35. Les principes généraux relatifs à
la responsabilité des Etats contractants en cas d’expulsion, aux éléments à
retenir pour évaluer le risque d’exposition à des traitements contraires à
l’article 3 de la Convention et à la notion de « torture » et de
« traitements inhumains et dégradants » sont résumés dans l’arrêt Saadi
(précité, §§ 124-136), dans lequel la Cour a également réaffirmé
l’impossibilité de mettre en balance le risque de mauvais traitements et les
motifs invoqués pour l’expulsion afin de déterminer si la responsabilité d’un
Etat est engagée sur le terrain de l’article 3 (§§ 137-141).
36. La Cour rappelle les conclusions
auxquelles elle est parvenue dans l’affaire Saadi précité (§§ 143-146),
qui étaient les suivantes :
- les textes internationaux pertinents font état
de cas nombreux et réguliers de torture et de mauvais traitements infligés en
Tunisie à des personnes soupçonnées ou reconnues coupables de terrorisme ;
- ces textes décrivent une situation
préoccupante ;
- les visites du Comité international de la
Croix-Rouge dans les lieux de détention tunisiens ne peuvent dissiper le risque
de soumission à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.
37. La Cour ne voit en l’espèce aucune
raison de revenir sur ces conclusions, qui se trouvent d’ailleurs confirmées
par le rapport 2008 d’Amnesty International relatif à la Tunisie (voir
le paragraphe 20 ci-dessus). Elle note de surcroît qu’en Italie, le requérant a été
accusé d’appartenir à une organisation terroriste intégriste (voir le
paragraphe 8 ci-dessus). En outre, le requérant a été condamné en Tunisie pour
appartenance, en temps de paix, à une organisation terroriste (voir le
paragraphe 13 ci-dessus).
38. Dans
ces conditions, la Cour estime qu’en l’espèce, des faits sérieux et avérés
justifient de conclure à un risque réel de voir le requérant subir des
traitements contraires à l’article 3 de la Convention s’il était expulsé vers
la Tunisie (voir, mutatis mutandis, Saadi, précité, §
146). Il reste à vérifier si les
assurances diplomatiques fournies par les autorités tunisiennes suffisent à
écarter ce risque.
39. A cet égard, la Cour rappelle,
premièrement, que l’existence de textes internes et l’acceptation de traités
internationaux garantissant, en principe, le respect des droits fondamentaux ne
suffisent pas, à elles seules, à assurer une protection adéquate contre le
risque de mauvais traitements lorsque, comme en l’espèce, des sources fiables
font état de pratiques des autorités – ou tolérées par celles-ci –
manifestement contraires aux principes de la Convention (Saadi, précité,
§ 147 in fine). Deuxièmement, il appartient à la Cour d’examiner si les
assurances données par l’Etat de destination fournissent, dans leur application
effective, une garantie suffisante quant à la protection du requérant contre le
risque de traitements interdits par la Convention (Chahal c. Royaume-Uni,
Recueil des arrêts et décisions 1996-V, § 105, 15 novembre 1996).
Le poids à accorder aux assurances émanant de l’Etat de destination dépend en
effet, dans chaque cas, des circonstances prévalant à l’époque considérée (Saadi,
précité, § 148 in fine).
40. En la présente espèce, l’avocat
général à la direction générale des services judiciaires a assuré que la
dignité humaine du requérant serait respectée en Tunisie, qu’il ne serait pas
soumis à la torture, à des traitements inhumains ou dégradants ou à une
détention arbitraire, qu’il bénéficierait de soins médicaux appropriés et qu’il
pourrait recevoir des visites de son avocat et des membres de sa famille. Outre
les lois tunisiennes pertinentes et les traités internationaux signés par la
Tunisie, ces assurances reposent sur les éléments suivants :
- les contrôles pratiqués par le juge d’exécution
des peines, par le comité supérieur des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (institution nationale indépendante) et par les services de
l’inspection générale du ministère de la Justice et des Droits de
l’homme ;
- deux cas de condamnation d’agents de
l’administration pénitentiaire et d’un agent de police pour mauvais
traitements ;
- la
jurisprudence interne, aux termes de laquelle un aveu extorqué sous la
contrainte est nul et non avenu.
41. La
Cour note, cependant, qu’il n’est pas établi que l’avocat général à la
direction générale des services judiciaires était compétent pour donner ces
assurances au nom de l’Etat (voir, mutatis mutandis, Soldatenko c.
Ukraine, no 2440/07, § 73, 23 octobre 2008). De plus, compte tenu du fait que des sources
internationales sérieuses et fiables ont indiqué que les allégations de mauvais
traitements n’étaient pas examinées par les autorités tunisiennes compétentes (Saadi,
précité, § 143), le simple rappel de deux cas de condamnation d’agents de
l’Etat pour coups et blessures sur des détenus ne saurait suffire à écarter le
risque de tels traitements ou à convaincre la Cour de l’existence d’un système
effectif de protection contre la torture, en l’absence duquel il est difficile
de vérifier que les assurances données seront respectées. A cet égard, la Cour
rappelle que dans son rapport 2008 relatif à la Tunisie, Amnesty International
a précisé notamment que bien que de nombreux détenus se soient plaints
d’avoir été torturés pendant leur garde à vue, « les autorités n’ont
pratiquement jamais mené d’enquête ni pris une quelconque mesure pour traduire
en justice les tortionnaires présumés ».
42. De plus, dans l’arrêt Saadi précité
(§ 146), la Cour a constaté une réticence des autorités tunisiennes à
coopérer avec les organisations indépendantes de défense des droits de l’homme,
telles que Human Rights Watch. Dans son rapport 2008 précité, Amnesty
International a par ailleurs noté que bien que le nombre de membres du comité
supérieur des droits de l’homme ait été accru, celui-ci « n’incluait pas
d’organisations indépendantes de défense des droits fondamentaux ».
L’impossibilité pour le représentant du requérant devant la Cour de rendre
visite à son client s’il était emprisonné en Tunisie confirme la difficulté
d’accès des prisonniers tunisiens à des conseils étrangers indépendants même
lorsqu’ils sont parties à des procédures judiciaires devant des juridictions
internationales. Ces dernières risquent donc, une fois un requérant expulsé en
Tunisie, de se trouver dans l’impossibilité de vérifier sa situation et de
connaître d’éventuels griefs qu’il pourrait soulever quant aux traitements auxquels
il est soumis (Ben Khemais, précité, § 63).
43. Dans ces circonstances, la Cour ne
saurait souscrire à la thèse du Gouvernement selon laquelle les assurances
données en la présente espèce offrent une protection efficace contre le risque
sérieux que court le requérant d’être soumis à des traitements contraires à
l’article 3 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Soldatenko précité,
§§ 73-74). Elle rappelle au contraire le principe affirmé par l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa résolution 1433(2005), selon
lequel les assurances diplomatiques ne peuvent suffire lorsque l’absence de
danger de mauvais traitement n’est pas fermement établie (voir le paragraphe 22
ci-dessus).
44. Partant,
la décision d’expulser l’intéressé vers la Tunisie violerait l’article 3 de la
Convention si elle était mise à exécution.
II. SUR
LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
45. Le
requérant se plaint d’un manque d’équité de la procédure pénale dirigée contre
lui en Tunisie. Il invoque l’article 6 de la Convention.
46. Le
Gouvernement considère que ce grief ne saurait être retenu.
47. La
Cour considère que ce grief est recevable (Saadi, précité, § 152).
Cependant, ayant constaté que l’expulsion du requérant vers la Tunisie
constituerait une violation de l’article 3 de la Convention (voir le paragraphe
44 ci-dessus) et n’ayant aucun motif de douter que le gouvernement défendeur se
conformera au présent arrêt, elle n’estime pas nécessaire de trancher la
question hypothétique de savoir si, en cas d’expulsion vers la Tunisie, il y
aurait aussi violation de l’article 6 de la Convention (Saadi, précité,
§ 160).
II. SUR
LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
48. Le requérant allègue que son
expulsion vers la Tunisie le priverait des liens affectifs avec son épouse et
ses deux enfants résidant en Italie. Il invoque l’article 8 de la Convention,
qui est ainsi libellé :
« 1. Toute
personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et
de sa correspondance.
2. Il
ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit
que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue
une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense
de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés
d’autrui. »
49. Le
Gouvernement considère que ce grief ne saurait être retenu.
50. La
Cour considère que ce grief est recevable (Saadi, précité, § 163).
Cependant, ayant constaté que l’expulsion du requérant vers la Tunisie
constituerait une violation de l’article 3 de la Convention (voir le paragraphe
44 ci-dessus) et n’ayant aucun motif de douter que le gouvernement défendeur se
conformera au présent arrêt, elle n’estime pas nécessaire de trancher la
question hypothétique de savoir si, en cas d’expulsion vers la Tunisie, il y
aurait aussi violation de l’article 8 de la Convention (Saadi, précité,
§ 170).
IV. SUR
L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
51. Aux
termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour
déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le
droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer
qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la
partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
52. Le
requérant sollicite 25 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel
qu’il estime avoir subi. Il allègue que cette somme couvre le manque à gagner
découlant de sa situation irrégulière suite à l’arrêté d’expulsion à son
encontre. Il demande en outre 10 000 EUR pour préjudice moral.
53. Le
Gouvernement s’y oppose.
54. La
Cour rappelle qu’elle est en mesure d’octroyer des sommes au titre de la
satisfaction équitable prévue par l’article 41 lorsque la perte ou les dommages
réclamés ont été causés par la violation constatée, l’Etat n’étant en revanche
pas censé verser des sommes pour les dommages qui ne lui sont pas imputables (Perote
Pellon c. Espagne, no 45238/99, § 57,
25 juillet 2002).
55. En
l’espèce, la Cour a constaté que la mise à exécution de l’expulsion du
requérant vers la Tunisie violerait l’article 3 de la Convention. Par contre,
elle n’a pas relevé de violation de la Convention du fait de sa situation
irrégulière. Dès lors, elle n’aperçoit aucun lien de causalité entre la
violation constatée dans le présent arrêt et le préjudice matériel allégué par
le requérant (Saadi précité, § 187).
56. S’agissant
du préjudice moral subi par le requérant, la Cour estime que le constat que
l’expulsion, si elle était menée à exécution, constituerait une violation de
l’article 3 de la Convention, représente une satisfaction équitable suffisante
(Saadi précité, § 188).
B. Frais et dépens
57. Le requérant demande le
remboursement des frais encourus devant le juge de paix de Milan, qu’il chiffre
à 1 623 EUR. Il a également sollicité le remboursement des frais afférents
à la procédure devant la Cour, qui s’élèvent selon lui à 22 700 EUR.
58. Le Gouvernement considère excessifs
ces montants.
59. La Cour rappelle que, lorsqu’elle
constate une violation de la Convention, elle peut accorder aux requérants le
paiement des frais et dépens qu’ils ont engagés devant les juridictions
nationales pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation. Il
faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère
raisonnable de leur taux (voir, notamment, l’arrêt Zimmermann et Steiner c.
Suisse du 13 juillet 1983, série A no 66, § 36, et l’arrêt Hertel
c. Suisse, du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, § 63). La Cour
considère que les frais afférents au recours devant le juge de paix de Milan
ont été engagés pour prévenir les violations dérivant de l’éventuelle mise en
exécution de l’arrêté d’expulsion. La Cour alloue donc la somme demandée par
le requérant à ce titre.
60. Pour
ce qui est des frais et dépens se rapportant à la présente procédure, la Cour
juge excessive la demande du requérant et, statuant en équité, décide de lui
allouer 5 000 EUR à ce titre.
C. Intérêts
moratoires
61. La
Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux
d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne
majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA
COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit que, dans l’éventualité de la mise
à exécution de la décision d’expulser le requérant vers la Tunisie, il y aurait
violation de l’article 3 de la Convention ;
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner
également si la mise à exécution de la décision d’expulser le requérant vers la
Tunisie violerait aussi les articles 6 et 8 de la Convention ;
4. Dit que le constat de violation représente une
satisfaction équitable suffisante pour tout préjudice moral subi par le
requérant ;
5. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au
requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu
définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention,
6 623 EUR (six mille six cent vingt trois euros), pour frais et
dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et
jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux
égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne
applicable pendant cette période, augmenté de trois points de
pourcentage ;
6. Rejette
la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis
communiqué par écrit le 5 mai 2009, en application de l’article 77 §§ 2 et
3 du règlement.
Françoise Elens-Pasos Ireneu
Cabral Barreto
Greffière adjointe Président