Corte europea dei diritti dellâuomo
(Decima Sezione)
4 febbraio 2014
AFFAIRE MOTTOLA ET AUTRES c. ITALIE
(RequĂȘte
no 29932/07)
DĂFINITIF
04/05/2014
Cet
arrĂȘt est devenu dĂ©finitif en vertu de lâarticle 44 § 2 de la Convention. Il
peut subir des retouches de forme.
En lâaffaire Mottola et
autres c. Italie,
La Cour
europĂ©enne des droits de lâhomme (deuxiĂšme section), siĂ©geant en une chambre
composée de :
           Işıl Karakaş,
présidente,
           Guido Raimondi,
           Dragoljub Popović,
           Andrås Sajó,
           NebojĆĄa Vučinić,
           Paulo Pinto de Albuquerque,
           Helen Keller,
juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
AprĂšs en
avoir délibéré en chambre du conseil le 14 janvier 2014,
Rend lâarrĂȘt
que voici, adopté à cette date :
PROCĂDURE
1. A lâorigine de lâaffaire se trouve une
requĂȘte (no 29932/07) dirigĂ©e contre la RĂ©publique italienne et dont
six ressortissants de cet Ătat, MM. Michele Mottola, Pasquale Abete, Franco Fulciniti et
Antonio Fusco, et Mmes Amalia De Renzo et
Maria Angela Losi (« les requérants »), ont
saisi la Cour le 6 juillet 2007 en vertu de lâarticle 34 de la Convention de
sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentales (« la
Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Mes
R. Marone, R. Veniero
et G. Cataldi, avocats Ă Naples. Le gouvernement
italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E.
Spatafora, et par son co-agent,
Mme P. Accardo.
3. Les requĂ©rants allĂšguent que lâirrecevabilitĂ©
de leur recours devant la justice administrative les a privĂ©s de leurs droits Ă
pension et de tout accĂšs Ă un tribunal. Ils sâestiment en outre victimes dâune
discrimination par rapport Ă certains de leurs collĂšgues.
4. Le 4 avril 2013, la requĂȘte a Ă©tĂ© communiquĂ©e
au Gouvernement. Comme le permet lâarticle 29 § 1 de la Convention, il a
en outre été décidé que la
chambre se prononcerait en mĂȘme temps sur la recevabilitĂ© et sur le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE LâESPĂCE
5. La liste des requérants figure en annexe.
6. Les requérants sont des médecins. Entre 1983
et 1997, ils travaillĂšrent auprĂšs de la policlinique de lâuniversitĂ© « Federico
II » de Naples sur la base de
contrats Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e ayant pour objet lâexercice dâune activitĂ©
professionnelle rĂ©munĂ©rĂ©e « au jeton », câest-Ă -dire Ă la vacation (attivitĂ professionale remunerata « a gettone »).
Ils furent ensuite embauchĂ©s sur la base dâun contrat de travail Ă durĂ©e
indéterminée.
7. Plusieurs autres médecins qui se trouvaient
dans la mĂȘme situation que les requĂ©rants saisirent les juridictions
administratives afin dâobtenir la reconnaissance de lâexistence dâun rapport de
travail Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e entre eux et lâuniversitĂ© et â en consĂ©quence â de
leur droit au versement des contributions afférentes pour la sécurité sociale
et la retraite. Toutes ces actions furent couronnées de succÚs, tant devant le
tribunal administratif rĂ©gional (TAR) que devant le Conseil dâĂtat. LâuniversitĂ©
de Naples donna ensuite exécution à ces décisions de justice.
8. En 2004, les requérants saisirent le TAR de
la Campanie dâun recours similaire Ă ceux de leurs collĂšgues.
9. Par un jugement no 2526 du 10
mars 2005, le TAR accueillit la demande des requérants.
Il retint
en effet que, bien que formellement défini comme une collaboration libre et
sans lien de subordination, le rapport contractuel entre lâuniversitĂ© Federico
II de Naples et ses médecins vacataires (a gettone) avait tous les caractÚres qui
identifiaient la relation dâemploi dans le secteur public.
Le TAR nota
entre autres dans ses motifs que, en septembre 1996, le juge dâinstance de
Naples, statuant comme juge du travail, avait condamnĂ© lâuniversitĂ© Ă verser Ă
la caisse de sécurité sociale (INPS) une somme de prÚs de 56 milliards de lires
italiennes (ITL â environ 28 921 586 euros (EUR)) au titre des
contributions sociales non payĂ©es. Au vu de ce jugement, lâuniversitĂ© avait
arrĂȘtĂ©, Ă partir du 1er janvier 1997, toute collaboration professionnelle
avec les médecins vacataires.
10. Dans sa dĂ©fense, lâuniversitĂ© avait excipĂ©
de lâirrecevabilitĂ© du recours des requĂ©rants en vertu de lâarticle 69 § 7
du décret législatif no 165 du 30 mars 2001 (dit
« texte unifiĂ© » (testo unico) sur lâemploi public, qui codifiait un certain
nombre de dispositions adoptées entre 1993 et 1998). Aux termes dudit article,
« Le
juge ordinaire, statuant comme juge du travail, est compétent dans les litiges
dĂ©crits Ă lâarticle 63 du prĂ©sent dĂ©cret [litiges relatifs au rapport dâemploi
dans le secteur public] en ce qui concerne les questions se rapportant Ă une
période de travail postérieure au 30 juin 1998. Les litiges concernant des
questions relatives à une période de travail antérieure à cette date sont
attribués à la juridiction exclusive du juge administratif à condition, sous
peine dâirrecevabilitĂ©, dâavoir Ă©tĂ© introduits avant le 15 septembre 2000. »
11. Le TAR estima que cette exception ne pouvait
ĂȘtre accueillie, car lâarticle 63 § 4 du mĂȘme dĂ©cret lĂ©gislatif
disposait :
« Restent
de la compétence du juge administratif les litiges en matiÚre de procédure de
recrutement pour lâembauche des employĂ©s des administrations publiques, ainsi
que, à titre de compétence exclusive, les litiges relatifs aux rapports de
travail dĂ©crits Ă lâarticle 3, y compris ceux qui concernent des droits
patrimoniaux connexes. »
12. Le TAR nota que parmi les rapports de
travail dĂ©crits Ă lâarticle 3 prĂ©citĂ© figuraient ceux des professeurs et
des chercheurs universitaires. Or, les tùches assignées aux requérants étaient
comparables Ă celles des chercheurs universitaires.
13. Se référant, entre autres, à la
jurisprudence du Conseil dâĂtat en la matiĂšre, le TAR estima que le rapport qui
avait liĂ© les requĂ©rants Ă lâuniversitĂ© Ă©tait un rapport dâemploi public.
14. LâuniversitĂ© interjeta appel de ce jugement.
Elle objecta, entre autres, que les mĂ©decins vacataires ne pouvaient pas ĂȘtre
assimilĂ©s aux chercheurs universitaires, car ils nâavaient Ă aucun moment
accompli un travail de recherche ou dâenseignement.
15. Compte tenu du fait que lâaffaire posait des
questions dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral en matiĂšre de compĂ©tence des juridictions
administratives, la sixiĂšme section du Conseil dâĂtat se dessaisit en faveur des
chambres réunies (adunanza plenaria).
16. Par un arrĂȘt du 13 novembre 2006, dont le
texte fut dĂ©posĂ© au greffe le 21 fĂ©vrier 2007, le Conseil dâĂtat, siĂ©geant en chambres
rĂ©unies, accueillit lâappel de lâuniversitĂ©. Il annula le jugement du TAR et
déclara le recours des requérants irrecevable.
17. Dans ses motifs, le Conseil dâĂtat observa
tout dâabord que la deuxiĂšme partie de lâarticle 69 § 7 du texte unifiĂ©
sur lâemploi public â aux termes de laquelle la compĂ©tence exclusive du juge
administratif subsistait seulement si le recours avait été introduit avant le
15 septembre 2000 â avait, dans un premier temps, Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e dans le sens
que les recours postĂ©rieurs Ă cette date pouvaient ĂȘtre rĂ©introduits devant les
juridictions judiciaires (Ă savoir, devant le juge du travail). Cette
interprétation avait cependant évolué par la suite, tant du cÎté des juges
administratifs que du cĂŽtĂ© de la Cour de cassation, qui sâaccordaient Ă
affirmer que le dépassement de la date limite du 15 septembre 2000 impliquait
la perte du droit de faire valoir les prétentions contenues dans le recours. Il
fut considĂ©rĂ© en effet que le but de ces rĂšgles Ă©tait dâĂ©viter aux juridictions
ordinaires dâavoir Ă statuer sur des litiges relatifs Ă des rapports dâemploi
ayant pris naissance Ă une Ă©poque oĂč elles nâĂ©taient pas encore compĂ©tentes
pour en connaßtre. La Cour constitutionnelle avait estimé que cette
interprétation ne violait pas la Constitution (voir les ordonnances nos 214
de 2004, 213 de 2005, 382 de 2005, et 197 de 2006).
18. Par ailleurs, la compétence du juge
administratif subsistait mĂȘme si le rapport de travail Ă©tait nĂ© sous la forme
de prestations rĂ©munĂ©rĂ©es Ă la vacation et mĂȘme sâil Ă©tait entachĂ© de nullitĂ©. En
lâespĂšce, le recours des requĂ©rants avait Ă©tĂ© introduit en 2004, et donc bien
aprĂšs la date butoir du 15 septembre 2000. Il Ă©tait donc irrecevable.
19. Dans le mĂȘme arrĂȘt du 13 novembre 2006, le
Conseil dâĂtat statua Ă©galement sur le cas dâun mĂ©decin vacataire qui avait,
lui, introduit son action avant le 15 septembre 2000. Il confirma lâapprĂ©ciation
portĂ©e par le TAR, selon laquelle le rapport qui avait liĂ© ce mĂ©decin Ă lâuniversitĂ©
Ă©tait un rapport dâemploi public.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLĂGUĂE DE LâARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
20. Les requérants se plaignent de ne pas avoir
eu accĂšs Ă un tribunal pour obtenir la reconnaissance de lâexistence dâune
relation dâemploi public entre eux et lâuniversitĂ© de Naples, et, par voie de
conséquence, le versement des cotisations afférentes pour leur retraite.
Ils invoquent
lâarticle 6 § 1 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, est
ainsi libellé :
« Toute
personne a droit Ă ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...)
qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractÚre
civil (...). »
21. Le Gouvernement combat la thĂšse des
requérants.
A. Sur
la recevabilité
22. La Cour constate que ce grief nâest pas
manifestement mal fondĂ© au sens de lâarticle 35 § 3 a) de la Convention. Elle
relĂšve par ailleurs quâil ne se heurte Ă aucun autre motif dâirrecevabilitĂ©. Il
convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur
le fond
1. Arguments des
parties
a) Le Gouvernement
23. Le Gouvernement observe que les requérants
ont disposĂ© de plus de trois ans â et donc dâun laps de temps suffisant â pour
introduire leur action en justice sans se heurter Ă la sanction de lâirrecevabilitĂ©,
quâils encouraient seulement Ă partir du 16 septembre 2000. En effet, Ă partir
de la publication du décret législatif no 80 du 31 mars 1998
(ensuite transposé de façon substantiellement inchangée dans le texte unifié
sur lâemploi public), ils savaient ou auraient dĂ» savoir que la date en
question avait vocation à constituer le délai ultime et contraignant pour
introduire toute action judiciaire se rapportant à des périodes de travail
antérieures au 30 juin 1998.
24. Dans ces circonstances, le Gouvernement
estime quâon ne saurait dĂ©celer aucune entrave excessive au droit des
requĂ©rants dâobtenir un examen sur le fond de leurs prĂ©tentions. Par ailleurs,
les intĂ©ressĂ©s nâauraient pas pu obtenir la reconnaissance de lâexistence dâune
relation dâemploi public, mais seulement lâinclusion de la pĂ©riode travaillĂ©e Ă
la vacation dans le calcul de leur retraite. Enfin, le Conseil dâĂtat nâa pas
posé de question de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle car cette
derniÚre avait déjà , à plusieurs reprises, jugé infondées des questions
analogues (voir notamment les ordonnances nos 214 de 2004, 213 et
382 de 2205 et 197 de 2006).
b) Les requérants
25. Les requĂ©rants affirment quâen matiĂšre de
reconnaissance de lâexistence dâun rapport de travail avec lâadministration
publique, le juge compétent est le juge administratif, et non le juge civil.
Ils observent que lâinterprĂ©tation donnĂ©e par le Conseil dâĂtat de lâarticle 69
§ 7 du texte unifiĂ© sur lâemploi public les a privĂ©s de toute possibilitĂ© de
soumettre leurs dolĂ©ances Ă un tribunal interne et dâobtenir une pension au
titre de leurs pĂ©riodes de travail en qualitĂ© de vacataires, ce qui sâanalyserait
en une entrave excessive Ă leur droit dâaccĂšs Ă la justice.
26. La dĂ©cision du Conseil dâĂtat a empĂȘchĂ© les
requérants de porter le débat devant la Cour constitutionnelle, alors que la
question de constitutionnalitĂ© quâils soulevaient Ă titre incident Ă©tait
nouvelle et dĂ©licate. Ils avaient bien excipĂ© de lâinconstitutionnalitĂ© de lâarticle 69
§ 7 prĂ©citĂ©, mais le Conseil dâĂtat ne sâest pas prononcĂ© sur leur exception.
2. Appréciation
de la Cour
27. La Cour rappelle que le « droit à un
tribunal », dont le droit dâaccĂšs â Ă savoir le droit de saisir un
tribunal en matiĂšre civile â constitue un aspect, nâest pas absolu, mais quâil
peut donner lieu Ă des limitations implicitement admises. NĂ©anmoins, ces
limitations ne sauraient restreindre lâaccĂšs ouvert Ă lâindividu dâune maniĂšre
ou Ă un point tels que le droit sâen trouve atteint dans sa substance mĂȘme. En
outre, elles ne se concilient avec lâarticle 6 § 1 que si elles
poursuivent un but lĂ©gitime et sâil existe un rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, parmi beaucoup
dâautres, Khalfaoui c. France, no 34791/97,
§§ 35-36, CEDH 1999-IX ; Papon
c. France, no 54210/00, § 90, CEDH 2002-VII ;
et Pennino c. Italie, no 43892/04,
§ 73, 24 septembre 2013 ; voir également le rappel des principes
pertinents dans Fayed c. Royaume-Uni, 21 septembre
1994, § 65, série A no 294-B).
28. La Cour observe que lâirrecevabilitĂ© du
recours administratif des requĂ©rants Ă©tait la consĂ©quence de lâapplication des
rĂšgles sur la rĂ©partition des compĂ©tences et les dĂ©lais de procĂ©dure prĂ©vues Ă
lâarticle 69 § 7 du texte unifiĂ© sur lâemploi public. Cette disposition
poursuivait un but dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, en lâoccurrence celui dâune rĂ©partition
cohĂ©rente et rationnelle de la compĂ©tence en matiĂšre de « rapport dâemploi
public » entre les juridictions administratives et les juridictions
judiciaires. Par ailleurs, la fixation de délais de procédure poursuivait le
but lĂ©gitime dâassurer une bonne administration de la justice.
29. La Cour rappelle Ă©galement que câest dâabord
aux autoritĂ©s nationales, et tout spĂ©cialement, aux cours et tribunaux, quâil
incombe dâinterprĂ©ter le droit interne, et quâil ne lui appartient pas de
substituer sa propre interprĂ©tation du droit Ă la leur en lâabsence dâarbitraire.
Câest particuliĂšrement vrai sâagissant de lâinterprĂ©tation par les tribunaux
des rĂšgles de nature procĂ©durale telles que les dĂ©lais rĂ©gissant lâintroduction
de recours. Câest en principe aux juridictions internes de veiller Ă lâobservation
des rĂšgles de dĂ©lai dans le dĂ©roulement de leurs propres procĂ©dures (Tejedor GarcĂa c. Espagne, 16 dĂ©cembre 1997, §
31, Recueil 1997-VIII).
30. Il nâen demeure pas moins que les
requérants, qui avaient saisi les juridictions administratives de bonne foi et
dans un cadre lĂ©gal pouvant donner lieu Ă une pluralitĂ© dâinterprĂ©tations, ont
été privés de la possibilité de réintroduire leurs recours devant la
juridiction finalement considérée comme compétente, à savoir le juge du travail
(voir Ă©galement, dans le cadre de lâexamen du grief tirĂ© de lâarticle 1 du
Protocole no 1, les paragraphes 54-56 ci-aprĂšs).
31. Leur droit dâaccĂšs Ă un tribunal sâen est
trouvĂ© atteint dans sa substance. Il y a donc eu violation de lâarticle 6
§ 1 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLĂGUĂE DE LâARTICLE 1 DU PROTOCOLE
No 1
32. Les requĂ©rants se plaignent dâavoir Ă©tĂ©
privés de leur droit à pension pour la période travaillée en qualité de
vacataires, leur recours administratif ayant échoué sur les conditions de
recevabilité imposées.
Ils invoquent
lâarticle 1 du Protocole no 1, ainsi libellĂ© :
« Toute
personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut ĂȘtre
privĂ© de sa propriĂ©tĂ© que pour cause dâutilitĂ© publique et dans les conditions
prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les
dispositions prĂ©cĂ©dentes ne portent pas atteinte au droit que possĂšdent les Ătats
de mettre en vigueur les lois quâils jugent nĂ©cessaires pour rĂ©glementer lâusage
des biens conformĂ©ment Ă lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou pour assurer le paiement des
impĂŽts ou dâautres contributions ou des amendes. »
33. Le Gouvernement conteste la thĂšse des
requérants.
34. La Cour relÚve que ce grief est lié à celui
examinĂ© ci-dessus et doit donc aussi ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable.
A. Arguments
des parties
1. Le
Gouvernement
35. Le Gouvernement fait observer que la
situation des médecins vacataires avait été marquée par des problÚmes
juridiques. En effet, certaines universités publiques utilisaient lesdits
mĂ©decins en dehors du cadre dâune relation dâ« emploi », pour faire
face Ă des nĂ©cessitĂ©s dans des situations oĂč il Ă©tait impossible dâattendre lâissue
dâun concours de recrutement. En novembre 1997, lâuniversitĂ© de Naples avait
offert aux médecins vacataires un contrat de travail pour une durée de trois
ans. Cette offre fut refusée par une partie de ses destinataires, qui ne
voulaient pas renoncer Ă la possibilitĂ© de collaborer avec dâautres entitĂ©s.
36. A la lumiÚre de ce qui précÚde, le
Gouvernement estime quâen ce qui concerne la prise en compte, pour le calcul de
la retraite, de la pĂ©riode travaillĂ©e Ă la vacation, les requĂ©rants nâĂ©taient
pas titulaires dâun « bien » au sens de lâarticle 1 du Protocole
no 1, mais dâune simple « espĂ©rance protĂ©gĂ©e par la
possibilitĂ© dâobtenir la vĂ©rification judiciaire de leur droit » supposĂ©,
possibilitĂ© Ă exercer jusquâau 15 septembre 2000. Aucune charge excessive et
exorbitante ne leur a donc selon lui Ă©tĂ© imposĂ©e, et la limitation quâils ont
soufferte correspondait Ă un intĂ©rĂȘt collectif.
2. Les
requérants
37. Les requĂ©rants contestent lâinterprĂ©tation
donnĂ©e par le Conseil dâĂtat de lâarticle 69 § 7 du texte unifiĂ© sur lâemploi
public et allĂšguent que, selon la Cour constitutionnelle, le droit Ă pension nâest
sujet Ă aucune prescription. Il serait donc contraire Ă la Constitution dâimposer
un délai de forclusion de trois ans (inférieur au délai normal de cinq ans)
pour en rĂ©clamer la juste mise en Ćuvre. Ce dĂ©lai de forclusion aurait en lâespĂšce
fonctionné comme un délai de prescription : les juridictions civiles ne
peuvent plus se prononcer sur la demande des requérants pour des raisons de
tardivité, tandis que les juridictions administratives ne sont plus compétentes
pour en connaĂźtre.
38. Les requĂ©rants rappellent quâune crĂ©ance
relative à un droit à pension peut constituer un « bien » au sens de
lâarticle 1 du Protocole no 1 si elle est suffisamment
Ă©tablie pour ĂȘtre exigible (Pravednaya c. Russie,
no 69529/01, § 38, 18 novembre 2004). En lâespĂšce, lâobligation
de versement par leur employeur des cotisations pour leur retraite avait une
base suffisante en droit interne et était confirmée par une jurisprudence bien
Ă©tablie. La dĂ©cision du Conseil dâĂtat aurait donc portĂ© atteinte Ă leurs biens
en réduisant leur droit de créance à néant.
39. De plus, lâĂtat nâaurait pas respectĂ© le
juste Ă©quilibre devant rĂ©gner entre les exigences de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et la
protection des droits fondamentaux des requĂ©rants car lâinterprĂ©tation du
Conseil dâĂtat a privĂ© une catĂ©gorie entiĂšre dâindividus de leur droit Ă
pension pour la pĂ©riode de travail rĂ©munĂ©rĂ©e Ă la vacation, les obligeant par-lĂ
Ă supporter une charge excessive et exorbitante.
B. Appréciation
de la Cour
1. Sur la
question de savoir si les requĂ©rants Ă©taient titulaires dâun « bien »
a) Principes généraux
40. La Cour rappelle que, selon sa
jurisprudence, un requĂ©rant ne peut allĂ©guer une violation de lâarticle 1
du Protocole no 1 que dans la mesure oĂč les dĂ©cisions quâil
incrimine se rapportent à ses « biens » au sens de cette disposition.
La notion de « biens » peut recouvrir tant des « biens actuels »
que des valeurs patrimoniales, y compris, dans certaines situations bien
dĂ©finies, des crĂ©ances. Pour quâune crĂ©ance puisse ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une « valeur
patrimoniale » tombant sous le coup de lâarticle 1 du Protocole no 1,
il faut que le titulaire de la créance démontre que celle-ci a une base
suffisante en droit interne, par exemple quâelle est confirmĂ©e par une
jurisprudence bien Ă©tablie des tribunaux. DĂšs lors que cela est acquis, peut
entrer en jeu la notion dâ« espĂ©rance lĂ©gitime » (Maurice c. France [GC], no 11810/03,
§ 63, CEDH 2005‑IX).
41. Lâarticle 1 du Protocole no 1
ne garantit pas un droit à acquérir des biens (Van der Mussele c. Belgique, 23 novembre
1983, § 48, série A no 70 ; Slivenko c. Lettonie (déc.) [GC], no 48321/99,
§ 121, CEDH 2002‑II ; et KopeckĂœ c. Slovaquie [GC], no 44912/98,
§ 35 b), CEDH 2004-IX). De plus, il ne saurait sâinterprĂ©ter comme ouvrant aux
personnes qui ont cotisé à un régime de sécurité sociale le droit à une pension
dâun montant dĂ©terminĂ© (voir, par exemple, Domalewski c. Pologne (dĂ©c.), no 34610/97, CEDH 1999-V ;
Janković c. Croatie (dĂ©c.), no 43440/98,
CEDH 2000-X ; et Kjartan Ăsmundsson c.
Islande, no 60669/00, § 39, CEDH 2004-IX). Cependant, une
créance concernant une pension peut constituer un « bien » au sens de
lâarticle 1 du Protocole no 1 lorsquâelle a une base
suffisante en droit national, par exemple lorsquâelle est confirmĂ©e par un
jugement définitif (Pravednaya,
précité, §§ 37-39 ; Maggio et autres c. Italie, nos 46286/09,
52851/08, 53727/08, 54486/08 et 56001/08, § 55, 31 mai 2011 ; et Varesi et autres c. Italie (déc.), no 49407/08,
§ 35, 12 mars 2013).
b) Application de ces principes au cas dâespĂšce
42. La Cour relĂšve que, ayant travaillĂ© pour lâuniversitĂ©
de Naples sur la base de contrats Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e ayant pour objet lâexercice
dâune activitĂ© professionnelle rĂ©munĂ©rĂ©e Ă la vacation (paragraphe 6
ci-dessus), les requĂ©rants nâavaient normalement pas droit au versement des
contributions pour la sécurité sociale et la retraite. Cependant, plusieurs
autres médecins se trouvant dans une situation analogue à la leur avaient
obtenu des juridictions administratives la reconnaissance de lâexistence entre
eux et lâuniversitĂ© dâun rapport de travail Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e, avec pour
conséquence le droit pour eux au versement des cotisations pour leur retraite.
LâuniversitĂ© de Naples sâĂ©tait pliĂ©e Ă ces dĂ©cisions de justice (paragraphe 7
ci-dessus).
43. Dans lâaffaire des requĂ©rants, cette
jurisprudence a dans un premier temps été confirmée par le TAR, qui a réaffirmé
que le rapport qui liait lâuniversitĂ© aux mĂ©decins travaillant en tant que
vacataires Ă©tait un rapport dâemploi public donnant droit au versement des
contributions sociales de la part de lâemployeur (paragraphes 9 et 13
ci-dessus). Les sections rĂ©unies du Conseil dâĂtat lui-mĂȘme ont aussi souscrit
Ă cette thĂšse au sujet dâun mĂ©decin vacataire qui avait introduit son recours
avant le 15 septembre 2000 (paragraphe 19 ci-dessus)
44. Dans ces circonstances, la Cour estime que
la créance des requérants concernant leurs droits à pension avait une base
suffisante en droit interne, en ce quâelle Ă©tait confirmĂ©e par une
jurisprudence bien établie des tribunaux. DÚs lors, ils avaient une espérance
lĂ©gitime de se voir reconnaĂźtre, Ă lâinstar de leurs collĂšgues, le droit au
versement, par lâuniversitĂ© de Naples, des cotisations de retraite. Ils
pouvaient donc passer pour titulaires dâun « bien » au sens de lâarticle 1
du Protocole no 1. Partant, cette disposition trouve Ă sâappliquer
en lâespĂšce.
2. Sur lâexistence
dâune ingĂ©rence dans le droit des requĂ©rants au respect de leurs biens
45. La Cour relĂšve quâen annulant pour cause dâirrecevabilitĂ©
de leur action le jugement du TAR favorable aux intéressés tout en sachant que
le dĂ©lai pour rĂ©introduire une action aux mĂȘmes fins devant les juridictions
civiles avait dĂ©sormais expirĂ©, le Conseil dâĂtat les a de facto privĂ©s de toute possibilitĂ© de faire valoir leur droit au
versement des cotisations de retraite relatives à la période travaillée sous le
statut de vacataire.
46. Il y a donc eu une ingérence dans le droit
des requérants au respect de leurs biens.
3. Sur la
justification de lâingĂ©rence
a) Principes généraux
47. Lâarticle 1 du Protocole no 1
exige, avant tout et surtout, quâune ingĂ©rence de lâautoritĂ© publique dans la
jouissance du droit au respect de biens soit légale. De plus, une telle
ingĂ©rence nâest justifiĂ©e que si elle poursuit un intĂ©rĂȘt public (ou gĂ©nĂ©ral)
légitime. Grùce à une connaissance directe de leur société et de ses besoins,
les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge
international pour dĂ©terminer ce qui est « dâutilitĂ© publique ». Dans
le mécanisme de protection créé par la Convention, il leur appartient par
consĂ©quent de se prononcer les premiĂšres sur lâexistence dâun problĂšme dâintĂ©rĂȘt
gĂ©nĂ©ral. DĂšs lors, elles jouissent ici dâune certaine marge dâapprĂ©ciation,
comme en dâautres domaines auxquels sâĂ©tendent les garanties de la Convention (Wieczorek c. Pologne, no 18176/05,
§ 59, 8 décembre 2009).
48. Lâarticle 1 du Protocole no 1
exige également, pour toute ingérence, un rapport raisonnable de
proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Jahn et autres c. Allemagne [GC], nos 46720/99, 72203/01 et 72552/01,
§§ 81-94, CEDH 2005-VI). Ce juste équilibre est rompu si la personne concernée
doit supporter une charge excessive et exorbitante (Sporrong et Lönnroth c. SuÚde, 23 septembre 1982,
§§ 69-74, sĂ©rie A no 52, et Maggio et autres, prĂ©citĂ©, § 57). A cet Ă©gard, il faut souligner que lâincertitude
â lĂ©gislative, administrative, ou tenante aux pratiques des autoritĂ©s â est un
facteur quâil faut prendre en compte pour apprĂ©cier la conduite de lâEtat. En
effet, lorsquâune question dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral est en jeu, les pouvoirs publics
sont tenus de réagir en temps utile, de façon correcte et avec la plus grande
cohĂ©rence (Vasilescu c. Roumanie, 22 mai 1998, § 51, Recueil des arrĂȘts et dĂ©cisions 1998‑III,
et ArchidiocĂšse catholique dâAlba Iulia
c. Roumanie, no 33003/03, § 90, 25 septembre 2012).
49. Lorsque le montant dâune prestation sociale
est réduit ou annulé, il peut y avoir une ingérence dans le droit au respect
des biens qui nĂ©cessite dâĂȘtre justifiĂ©e (Kjartan Ăsmundsson, prĂ©citĂ©, § 40 ; Rasmussen c. Pologne, no 38886/05,
§ 71, 28 avril 2009 ; Maggio et autres,
précité, § 58 ; et Varesi et autres, décision précitée, § 38).
b) Application de ces principes au cas dâespĂšce
50. En lâespĂšce, lâingĂ©rence litigieuse avait
une base lĂ©gale en droit interne, lâarticle 69 § 7 du texte unifiĂ© sur lâemploi
public (paragraphe 10 ci‑dessus). Cette disposition poursuivait un
but dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, en lâoccurrence celui dâune rĂ©partition cohĂ©rente et
rationnelle de la compĂ©tence en matiĂšre de « rapport dâemploi
public » entre les juridictions administratives et les juridictions
judiciaires. En particulier, ces derniÚres étaient compétentes pour tout litige
concernant les périodes de travail postérieures au 30 juin 1998. Lorsque, comme
en lâespĂšce, un litige concernait une pĂ©riode de travail antĂ©rieure Ă cette
date, lâaffaire Ă©tait dĂ©volue au juge administratif, mais seulement Ă la
condition que le recours y relatif ait été introduit avant le 15 septembre
2000. Le non-respect de ce dĂ©lai Ă©tait sanctionnĂ© par lâirrecevabilitĂ© du
recours.
51. La Cour estime que la fixation de délais de
procédure a pour objet une bonne administration de la justice et est donc
conforme Ă lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Par ailleurs, les requĂ©rants avaient cessĂ© leur
collaboration comme vacataires avec lâuniversitĂ© de Naples au plus tard en
1997, et les dispositions codifiĂ©es par le texte unifiĂ© sur lâemploi public
étaient entrées en vigueur entre 1993 et 1998 (paragraphe 10 ci-dessus).
Le délai pour saisir les juridictions administratives, fixé au 15 septembre
2000, nâĂ©tait donc pas excessivement court. Or, il nâest pas contestĂ© par les
parties que les intĂ©ressĂ©s nâont pas respectĂ© le dĂ©lai en question, et les
requĂ©rants nâont pas invoquĂ© lâexistence dâobstacles qui les auraient empĂȘchĂ©s
dâintroduire leur recours devant le TAR en temps utile.
52. Il nâen demeure pas moins que des
incertitudes persistaient quant Ă lâapplicabilitĂ© du dĂ©lai litigieux Ă lâaffaire
des requĂ©rants. En effet, le texte unifiĂ© sur lâemploi public contenait
Ă©galement une autre disposition, lâarticle 63 § 4, qui, lu en conjonction
avec lâarticle 3, attribuait Ă la compĂ©tence exclusive du juge
administratif les litiges relatifs aux rapports de travail des chercheurs
universitaires. Sâappuyant sur cette disposition, le TAR sâĂ©tait estimĂ©
compĂ©tent pour connaĂźtre de lâaffaire des requĂ©rants, et ce indĂ©pendamment du
respect du délai précité. Le TAR avait en effet considéré que les tùches
assignées aux requérants étaient comparables à celles des chercheurs
universitaires (paragraphes 11 et 12 ci-dessus).
53. A la suite de lâappel de lâuniversitĂ©
(paragraphe 14 ci-dessus), la sixiĂšme section du Conseil dâEtat sâest
dessaisie en faveur des chambres rĂ©unies, au motif que lâaffaire posait des
questions dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral en matiĂšre de compĂ©tence des juridictions
administratives (paragraphe 15 ci‑dessus). Par lĂ mĂȘme, la sixiĂšme
section a reconnu ĂȘtre en prĂ©sence dâun point de droit prĂ©sentant une certaine
complexité et nécessitant des clarifications.
54. Dans lâexercice de leur mission dâinterprĂ©ter
et dâappliquer le droit interne qui est la leur, les chambres rĂ©unies du
Conseil dâEtat ont estimĂ© que les requĂ©rants ne pouvaient pas ĂȘtre assimilĂ©s
aux chercheurs universitaires et que le délai expirant le 15 septembre 2000
trouvait Ă sâappliquer Ă leur recours (paragraphes 17 et 18 ci-dessus). La
Cour ne saurait critiquer une telle interprĂ©tation, qui nâapparaĂźt ni manifestement
illogique ni arbitraire.
55. Il nâen demeure pas moins que les requĂ©rants
avaient saisi les juridictions administratives en toute bonne foi et sur la
base dâune interprĂ©tation plausible des rĂšgles sur la rĂ©partition des compĂ©tences.
Par ailleurs, la jurisprudence interne leur garantissait une protection en cas
de dĂ©claration dâirrecevabilitĂ© de leur recours, car il Ă©tait admis quâun
recours tardif devant le juge administratif pouvait ĂȘtre rĂ©introduit devant les
juridictions judiciaires (paragraphe 17 ci-dessus). Il sâagissait dâune
garantie importante, visant Ă assurer une voie pour faire valoir ses droits
patrimoniaux au justiciable qui, dans un cadre légal pouvant donner lieu à des
interprĂ©tations divergentes, sâĂ©tait adressĂ© Ă une juridiction incompĂ©tente.
56. Toutefois, cette garantie a été effacée par
une jurisprudence postĂ©rieure, qui a Ă©tĂ© suivie par le Conseil dâEtat dans lâaffaire
des requérants. Selon cette nouvelle interprétation, le non-respect du délai
ouvert jusquâau 15 septembre 2000 pour saisir les juridictions administratives
entraßnait la perte définitive du droit de faire valoir les prétentions
contenues dans le recours, y compris devant les juridictions ordinaires
(paragraphe 17 ci-dessus).
57. En conséquence de ce revirement de
jurisprudence, les requĂ©rants ont Ă©tĂ© privĂ©s de toute possibilitĂ© dâobtenir une
décision de justice reconnaissant leur droit au versement des contributions
sociales â et donc leurs droits corrĂ©latifs en termes de pension de retraite â
pour la pĂ©riode travaillĂ©e par eux en tant que vacataires pour lâuniversitĂ© de
Naples.
4. Conclusion
58. Compte tenu des incertitudes pouvant
subsister quant Ă lâinterprĂ©tation des dispositions pertinentes du texte unifiĂ©
sur lâemploi public, la Cour considĂšre que lâEtat nâa pas mĂ©nagĂ© un juste
Ă©quilibre entre les intĂ©rĂȘts publics et privĂ©s en jeu, et que la dĂ©cision du
Conseil dâEtat a vidĂ© de toute substance lâespĂ©rance lĂ©gitime des requĂ©rants de
voir reconnaßtre leurs droits à pension. Les intéressés ont donc dû supporter
une charge excessive et exorbitante, ce qui a emportĂ© violation de lâarticle 1
du Protocole no 1.
III. SUR LA VIOLATION ALLĂGUĂE DE LâARTICLE 14 DE LA CONVENTION,
COMBINà AVEC LES ARTICLES 6 § 1 DE LA CONVENTION ET 1 DU PROTOCOLE No 1
59. Les requérants se plaignent de la différence de
traitement quâils ont subie par rapport Ă dâautres mĂ©decins vacataires de
lâuniversitĂ© de Naples qui, eux, ont obtenu la reconnaissance de leur droit au
versement des cotisations pour la retraite.
Ils invoquent
lâarticle 14 de la Convention, lu en conjonction avec les articles 6
§ 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1.
Lâarticle 14
se lit comme suit :
« La
jouissance des droits et libertĂ©s reconnus dans la (...) Convention doit ĂȘtre
assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la
couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres
opinions, lâorigine nationale ou sociale, lâappartenance Ă une minoritĂ©
nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
60. Le Gouvernement combat la thĂšse des
requérants.
61. La Cour relÚve que ce grief est lié à ceux
examinĂ©s ci-dessus et doit donc aussi ĂȘtre dĂ©clarĂ© recevable.
A. Arguments
des parties
1. Le
Gouvernement
62. Le Gouvernement considÚre que les requérants
nâont subi aucune discrimination vis-Ă -vis de ceux de leurs collĂšgues qui ont
introduit une action en justice en temps utile et obtenu gain de cause.
2. Les
requérants
63. Les requĂ©rants observent que dâautres
personnes se trouvant dans une situation similaire à la leur ont pu bénéficier
de leurs droits à pension pour la période travaillée à la vacation. Cette
diffĂ©rence de traitement est basĂ©e sur un dĂ©lai de forclusion dont lâinstitution
Ă©tait selon eux contraire Ă la Constitution et Ă la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle. A leurs yeux ce dĂ©lai nâĂ©tait ni raisonnable ni
objectivement justifié, car il portait atteinte à un droit imprescriptible.
B. Appréciation
de la Cour
64. Eu Ă©gard aux conclusions auxquelles elle est
parvenue sous lâangle des articles 1 du Protocole no 1 et
6 § 1 de la Convention (paragraphes 31 et 58 ci-dessus), la Cour estime quâil
nây a pas lieu dâexaminer sâil y a eu, en lâespĂšce, violation de lâarticle 14
de la Convention, combiné avec les deux dispositions précitées.
IV. SUR LâAPPLICATION DE LâARTICLE 41 DE LA CONVENTION
65. Aux termes de lâarticle 41 de la
Convention,
« Si
la Cour dĂ©clare quâil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles,
et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet dâeffacer quâimparfaitement
les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă la partie lĂ©sĂ©e, sâil y
a lieu, une satisfaction équitable. »
66. Les requérants réclament 253 500 EUR
chacun (soit une somme totale de 1 521 000 EUR pour lâensemble
des requĂȘtes) au titre du prĂ©judice matĂ©riel quâils auraient subi. Ce montant
est calculĂ© sur la base de la feuille de paie du personnel de lâadministration
publique de rang comparable à celui des requérants. Ils se réservent de
prĂ©ciser leurs prĂ©tentions sur la base dâun rapport dâexpertise comptable. A
titre subsidiaire, ils demandent Ă la Cour de nommer dâoffice un expert.
67. Les requérants considÚrent en outre avoir
subi un préjudice moral et demandent 10 000 EUR chacun (soit une
somme totale de 60 000 EUR pour lâensemble des requĂȘtes) Ă ce titre.
68. Les requérants sollicitent enfin le
remboursement des frais et dépens engagés tant devant les juridictions internes
que devant la Cour. Ils demandent Ă la Cour dâen fixer le montant en Ă©quitĂ©.
69. Le Gouvernement estime quâil serait erronĂ©
de se fonder, comme le font les requérants, sur la feuille de paie du personnel
de lâadministration publique, car le seul bĂ©nĂ©fice auquel pouvaient prĂ©tendre
les médecins vacataires se limitait à la prise en compte de la période
travaillée en cette qualité dans le calcul de leurs droits à pension pour la
retraite.
70. La Cour estime que la question de lâapplication
de lâarticle 41 ne se trouve pas en Ă©tat. En consĂ©quence, elle la rĂ©serve
et fixera la procédure ultérieure, compte tenu de la possibilité que le
Gouvernement et les requérants parviennent à un accord.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, Ă LâUNANIMITĂ,
1. DĂ©clare la requĂȘte recevable ;
2. Dit quâil y a eu violation de lâarticle 6
§ 1 de la Convention ;
3. Dit quâil y a eu violation de lâarticle 1
du Protocole no 1 ;
4. Dit quâil nây a pas lieu dâexaminer le
grief tirĂ© de lâarticle 14 de la Convention, combinĂ© avec les
articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 ;
5. Dit que la question de lâapplication de
lâarticle 41 de la Convention ne se trouve pas en Ă©tat ;
en
conséquence,
a) la réserve en entier ;
b) invite le Gouvernement et les requérants
Ă lui adresser par Ă©crit, dans le dĂ©lai de trois mois Ă compter du jour oĂč lâarrĂȘt
sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă lâarticle 44 § 2 de la Convention,
leurs observations sur cette question et notamment Ă lui donner connaissance de
tout accord auquel ils pourraient aboutir ;
c) réserve la procédure ultérieure et délÚgue
à la présidente de la chambre le soin de la fixer au besoin.
Fait en
français, puis communiqué par écrit le 4 février 2014, en
application de lâarticle 77 §§ 2 et 3 du rĂšglement.
 Stanley Naismith       Işıl
Karakaş
           Greffier          Présidente
ANNEXE
- Michele MOTTOLA est un
ressortissant italien né en 1959, résidant à Naples
- Pasquale ABETE est un
ressortissant italien né en 1957, résidant à Naples
- Amalia DE RENZO est une ressortissante italienne née en 1950, résidant
Ă Naples
- Franco FULCINITI est un ressortissant italien nĂ© en 1956, rĂ©sidant Ă
Naples
- Antonio FUSCO est un ressortissant italien nĂ© en 1956, rĂ©sidant Ă
Naples
- Maria Angela LOSI est une ressortissante italienne née en 1959,
résidant à Naples