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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Seconda sezione)

 

 

 

 

 

AFFAIRE FRANCESCO SESSA c. ITALIE

 

 

 

 

(RequĂȘte n. 28790/08)

 

 

ARRÊT

 

STRASBOURG

 

 

3 avril 2012

 

Cet arrĂȘt deviendra dĂ©finitif dans les conditions dĂ©finies Ă  l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 

En l’affaire Francesco Sessa c. Italie,

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme (deuxiĂšme section), siĂ©geant en une chambre composĂ©e de :

Françoise Tulkens, prĂ©sidente, 
 Dragoljub Popović, 
 Isabelle Berro-LefĂšvre, 
 AndrĂĄs SajĂł, 
 Guido Raimondi, 
 Paulo Pinto de Albuquerque, 
 Helen Keller, juges, 
et de Françoise Elens-Passos, greffiÚre adjointe de section,

AprÚs en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 mars 2012,

Rend l’arrĂȘt que voici, adoptĂ© Ă  cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requĂȘte (no 28790/08) dirigĂ©e contre la RĂ©publique italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Francesco Sessa (« le requĂ©rant Â»), a saisi la Cour le 3 juin 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales (« la Convention Â»).

2.  Le requĂ©rant est reprĂ©sentĂ© par Me M. Cozza, avocate Ă  Salerne. Le gouvernement italien (« le Gouvernement Â») est reprĂ©sentĂ© par son agent, Mme E. Spatafora.

3.  Le requĂ©rant allĂ©gue, notamment, une atteinte Ă  sa libertĂ© de manifester sa religion.

4.  Le 6 juillet 2009, la prĂ©sidente de la deuxiĂšme section a dĂ©cidĂ© de communiquer la requĂȘte au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 Â§ 1 de la Convention, il a en outre Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que la chambre se prononcerait en mĂȘme temps sur la recevabilitĂ© et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5.  Le requĂ©rant est nĂ© en 1955 et rĂ©side Ă  Naples.

6.  Le requĂ©rant, de confession juive, est un avocat. Le 7 juin 2005, en qualitĂ© de reprĂ©sentant de l’un des deux plaignants dans une procĂ©dure pĂ©nale Ă  l’encontre de certaines banques, il participa Ă  une audience devant le juge des investigations prĂ©liminaire (GIP) de ForlĂŹ relative Ă  la production immĂ©diate d’un moyen de preuve (« incidente probatorio Â»). A cette occasion, le GIP titulaire de l’affaire Ă©tant empĂȘchĂ©, son remplaçant invita les parties Ă  choisir la date de renvoi de l’audience parmi deux possibilitĂ©s, Ă  savoir les 13 et 18 octobre 2005, selon le calendrier dĂ©jĂ  Ă©tabli par le GIP titulaire.

7.  Le requĂ©rant fit valoir que les deux dates correspondaient Ă  deux festivitĂ©s juives, respectivement le Yom Kippour et le Souccot, et affirma son impossibilitĂ© Ă  ĂȘtre prĂ©sent Ă  l’audience de renvoi en raison de ses obligations religieuses. Le requĂ©rant dĂ©clara ĂȘtre membre de la CommunautĂ© juive de Naples et allĂ©gua une violation des articles 4 et 5 de la loi no 101 du 8 mars 1989, rĂ©glant les rapports entre l’État et l’Union des CommunautĂ©s Juives italiennes.

8.  Le GIP fixa la date de l’audience au 13 octobre 2005.

9.  Le mĂȘme jour, le requĂ©rant dĂ©posa une demande de renvoi de l’audience Ă  l’attention du GIP titulaire de l’affaire. Le 20 juin 2005, le GIP, aprĂšs avoir examinĂ© la demande du requĂ©rant, dĂ©cida de ne pas statuer et de la verser au dossier.

10.  Le 11 juillet 2005, le requĂ©rant dĂ©posa une plainte pĂ©nale Ă  l’encontre du GIP titulaire de l’affaire et de son remplaçant, allĂ©guant la violation de l’article 2 de la loi no 101 de 1989. A la mĂȘme date, il informa des faits le Conseil SupĂ©rieur de la Magistrature.

11.  A l’audience du 13 octobre 2005, le GIP releva que le requĂ©rant Ă©tait absent pour des « raisons personnelles Â» et demanda aux parties d’exprimer leur avis concernant la demande de renvoi du 7 juin. Le ministĂšre public et les avocats des prĂ©venus exprimĂšrent leur opposition Ă  ladite demande, faisant valoir notamment l’absence d’une raison de renvoi reconnue par la loi, tandis que l’avocat de l’autre plaignant appuya la demande du requĂ©rant.

12.  Par une ordonnance du mĂȘme jour, le GIP rejeta la demande de renvoi du requĂ©rant. Il fit valoir tout d’abord que, selon l’article 401 du code de procĂ©dure pĂ©nale, seule la prĂ©sence du ministĂšre public et de l’avocat du prĂ©venu est nĂ©cessaire lors des audiences consacrĂ©es Ă  la production immĂ©diate des preuves, celle de l’avocat du plaignant Ă©tant prĂ©vue comme une simple facultĂ©. En outre, le code de procĂ©dure pĂ©nale ne prĂ©voit pas l’obligation pour le juge d’ajourner l’audience en raison d’un empĂȘchement lĂ©gitime Ă  comparaĂźtre du dĂ©fenseur du plaignant. Enfin, le GIP souligna que, s’agissant d’une procĂ©dure avec un nombre Ă©levĂ© d’intervenants (accusĂ©s, plaignants, experts d’office, experts dĂ©signĂ©s par les parties) « et compte tenu de la surcharge de travail de ce bureau – ce qui obligerait Ă  repousser l’audience Ă  2006 –, le principe du dĂ©lai raisonnable de la procĂ©dure impose le rejet de la demande, introduite par une personne non lĂ©gitimĂ©e Ă  demander le renvoi Â».

13.  Le 23 janvier 2006, le Conseil SupĂ©rieur de la Magistrature informa le requĂ©rant de son incompĂ©tence Ă  connaĂźtre des faits litigieux, les allĂ©gations relevant de l’exercice de l’activitĂ© juridictionnelle.

14.  Entre-temps, le 9 janvier 2006, le parquet d’AncĂŽne demanda le classement sans suite de la plainte dĂ©posĂ©e par le requĂ©rant. Ce dernier s’y opposa par un acte du 28 janvier 2006.

15.  Par un dĂ©cret du 21 septembre 2006, le GIP d’AncĂŽne ordonna le classement de l’affaire. Dans sa dĂ©cision, le juge soutint que le plaignant n’avait pas formĂ© opposition Ă  l’encontre de la demande de classement du parquet.

16.  Le 19 janvier 2007, le requĂ©rant se pourvut en cassation allĂ©guant que le GIP avait erronĂ©ment ignorĂ© son opposition du 28 janvier 2006. La Cour de cassation, affirmant que l’opposition du requĂ©rant n’avait pas Ă©tĂ© prise en compte Ă  cause d’une probable erreur du greffe, annula le dĂ©cret du 21 septembre 2006 et renvoya le dossier au tribunal d’AncĂŽne.

17.  Le 12 fĂ©vrier 2008, le requĂ©rant et le parquet participĂšrent Ă  une audience devant le GIP d’AncĂŽne. Ce dernier, par une ordonnance du 15 fĂ©vrier 2008, ordonna le classement sans suite de l’affaire. Il affirma qu’aucun Ă©lĂ©ment dans le dossier ne dĂ©montrait que le GIP titulaire de l’affaire ainsi que son substitut Ă  l’audience du 7 juin 2006 avaient eu l’intention de violer le droit du requĂ©rant Ă  exercer librement le culte juif. Par ailleurs, la volontĂ© d’offenser la dignitĂ© du requĂ©rant en raison de sa confession religieuse ne ressortait pas du dossier.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

18.  La loi no 101 du 8 mars 1989 contient des dispositions rĂ©glant les rapports entre l’État et l’Union des CommunautĂ©s Juives italiennes. L’article 2 de ladite loi affirme le droit de manifester et d’exercer librement la religion juive. Aux termes de l’article 4, l’Italie reconnaĂźt aux juifs qui le demandent le droit d’observer le Sabbat, dans le cadre de la flexibilitĂ© de l’organisation du travail et sans prĂ©judice des exigences des services essentiels prĂ©vus par le systĂšme juridique Ă©tatique.

L’article 5 de la loi no 101 assimile le Yom Kippour et le Souccot, ainsi que d’autres festivitĂ©s juives, au Sabbat.

19.  Selon l’alinĂ©a 5 de l’article 2 de ladite loi, les manifestations d’intolĂ©rance et de prĂ©jugĂ© religieux sont sanctionnĂ©es aux termes de l’article 3 de la loi no 654 de 1975, Ă  savoir la loi de ratification de la « Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale Â». Selon cette derniĂšre disposition, quiconque diffuse des idĂ©es fondĂ©es sur la supĂ©rioritĂ© ou sur la haine raciale ou ethnique, ou incite Ă  commettre des actes de discrimination pour des raisons raciales, ethniques, nationales ou religieuses, est puni avec une peine jusqu’à un an et six mois de rĂ©clusion.

20.  L’article 401 du code de procĂ©dure pĂ©nale, premier alinĂ©a, concernant la procĂ©dure visant la production immĂ©diate d’un moyen de preuve (« incidente probatorio Â»), se lit ainsi :

« L’audience se dĂ©roule en chambre du conseil avec la participation nĂ©cessaire du ministĂšre public et du dĂ©fenseur de la personne mise en cause par les investigations. Le dĂ©fenseur de la partie lĂ©sĂ©e a Ă©galement la facultĂ© d’y participer Â».

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

21.  Le requĂ©rant allĂšgue que le refus de l’autoritĂ© judiciaire de reporter l’audience litigieuse, fixĂ©e Ă  une date correspondant Ă  une festivitĂ© juive, l’a empĂȘchĂ© d’y participer en sa qualitĂ© de reprĂ©sentant d’un des plaignants et a constituĂ© une entrave Ă  son droit Ă  manifester librement sa religion. Il invoque l’article 9 §§ 1 et 2 de la Convention, ainsi libellĂ© :

« 1.  Toute personne a droit Ă  la libertĂ© de pensĂ©e, de conscience et de religion ; ce droit implique la libertĂ© de changer de religion ou de conviction, ainsi que la libertĂ© de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privĂ©, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2.  La libertĂ© de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prĂ©vues par la loi, constituent des mesures nĂ©cessaires, dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, Ă  la sĂ©curitĂ© publique, Ă  la protection de l’ordre, de la santĂ© ou de la morale publiques, ou Ă  la protection des droits et libertĂ©s d’autrui. Â»

22.  Le Gouvernement s’oppose Ă  cette thĂšse.

A.  Sur la recevabilitĂ©

23.  Le Gouvernement excipe tout d’abord de la tardivitĂ© de la requĂȘte. Il considĂšre que le requĂ©rant aurait dĂ» introduire sa requĂȘte dans un dĂ©lai de six mois Ă  compter du 13 octobre 2005, Ă  savoir la date de la dĂ©cision du GIP de ne pas reporter l’audience litigieuse.

24.  Le requĂ©rant s’y oppose et demande Ă  la Cour de considĂ©rer l’ordonnance du 15 fĂ©vrier 2008, soit le classement sans suite de sa plainte contre les magistrats responsables du choix de la date d’audience, comme dĂ©cision interne dĂ©finitive pour le calcul du dĂ©lai de six mois.

25.  La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut ĂȘtre saisie d’une affaire que « dans un dĂ©lai de six mois Ă  partir de la date de la dĂ©cision interne dĂ©finitive Â» c’est-Ă -dire de l’acte clĂŽturant le processus d’« Ă©puisement des voies de recours internes Â», au sens de la mĂȘme disposition (entre autres, KadiĂżis c. Lettonie (no 2) (dĂ©c.), no 62393/00, 25 septembre 2003). Elle rappelle Ă©galement que selon la rĂšgle de l’épuisement des voies de recours internes, un requĂ©rant doit se prĂ©valoir des recours normalement disponibles et suffisants dans l’ordre juridique interne pour permettre d’obtenir la rĂ©paration des violations allĂ©guĂ©es (entre autres, AssanidzĂ© c. GĂ©orgie [GC], no 71503/01, § 127, CEDH 2004-II).

26.  En l’espĂšce, le requĂ©rant allĂšgue la violation de son droit de manifester et d’exercer librement la religion juive, tel que protĂ©gĂ© en droit italien par la loi no 101 de 1989, de la part de deux juges du tribunal de ForlĂŹ, lesquels auraient exercĂ© leurs fonctions animĂ©s d’un sentiment d’intolĂ©rance religieuse. Or, ladite loi prĂ©voit que les personnes responsables de manifestations d’intolĂ©rance et de prĂ©jugĂ© religieux soient punies avec des sanctions pĂ©nales.

27.  De l’avis de la Cour, le Gouvernement ne saurait reprocher au requĂ©rant d’avoir saisi le juge pĂ©nal pour essayer d’obtenir la rĂ©paration de la violation allĂ©guĂ©e, se prĂ©valant ainsi de la voie de recours indiquĂ©e par la loi nationale, et d’avoir attendu l’issue de la plainte avant de saisir la Cour. Il s’ensuit que la « dĂ©cision interne dĂ©finitive Â» au sens de l’article 35 § 1 de la Convention, est l’ordonnance du 15 fĂ©vrier 2008 par laquelle le GIP dĂ©cida de classer la plainte du requĂ©rant. Par consĂ©quent, il y a lieu d’écarter l’exception de tardivitĂ© du Gouvernement.

28.  La Cour constate que la requĂȘte n’est pas manifestement mal fondĂ©e au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relĂšve par ailleurs qu’elle ne se heurte Ă  aucun autre motif d’irrecevabilitĂ©. Il convient donc de la dĂ©clarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Arguments des parties

29.  Le requĂ©rant affirme que les magistrats impliquĂ©s dans son affaire ont agi avec l’intention d’atteindre son droit Ă  manifester librement sa confession juive.

30.  Il rappelle que la loi no 101 de 1989 reconnaĂźt son droit de s’absenter du travail Ă  l’occasion des festivitĂ©s officielles juives, afin d’exercer librement le culte religieux. Par ailleurs, la limitation de ce droit ne saurait ĂȘtre justifiĂ©e par des exigences de service inĂ©luctables, l’audience du 13 octobre 2005 pouvant ĂȘtre reportĂ©e Ă  une autre date sans porter prĂ©judice ni au bon dĂ©roulement de la procĂ©dure ni aux droits des autres personnes impliquĂ©es dans le procĂšs. A cet Ă©gard, il fait valoir que l’audience litigieuse n’avait aucun caractĂšre d’urgence, car elle ne concernait ni une mesure de privation de libertĂ© ni les droits d’une personne dĂ©tenue. De plus, ayant demandĂ© le report de l’audience avec un prĂ©avis de quatre mois, le requĂ©rant affirme que les autoritĂ©s eurent tout le loisir d’organiser le calendrier des audiences afin de garantir le respect des diffĂ©rents droits en jeu.

31.  Le Gouvernement soutient qu’il n’y a eu aucune ingĂ©rence dans le droit du requĂ©rant Ă  manifester librement sa religion, du moment que celui-ci n’a jamais Ă©tĂ© empĂȘchĂ© de participer aux festivitĂ©s juives et d’exercer librement son culte. Il affirme que les autoritĂ©s se sont bornĂ©es Ă  veiller Ă  ce que l’exercice du droit du requĂ©rant d’obtenir le report de l’audience n’entrave pas l’exercice des services publics et essentiels de l’État.

32.  Le Gouvernement fait valoir que le droit invoquĂ© par le requĂ©rant n’est pas un droit absolu. Tout d’abord, mĂȘme Ă  supposer que la loi no 101 de 1989 concerne les relations de travail entre un avocat et un tribunal, l’alinĂ©a 2 de son article 4 prĂ©voit expressĂ©ment que les exigences liĂ©es aux services essentiels l’emportent sur le droit de l’individu Ă  cĂ©lĂ©brer librement le culte. Or, l’administration de la justice constitue en soi un service essentiel de l’Etat, lequel doit pouvoir primer en toute circonstance.

En outre, la participation de l’avocat de la partie lĂ©sĂ©e Ă  l’audience visant la production immĂ©diate d’un moyen de preuve n’est pas obligatoire. En tout Ă©tat de cause, un avocat empĂȘchĂ© de participer Ă  une audience pour des raisons personnelles a la possibilitĂ© de nommer un remplaçant conformĂ©ment Ă  l’article 102 du code de procĂ©dure pĂ©nale. En choisissant de ne pas se prĂ©valoir de cette possibilitĂ©, le requĂ©rant a renoncĂ© Ă  concilier les obligations religieuses liĂ©es Ă  son culte avec les exigences liĂ©es au bon dĂ©roulement de la justice.

33.  Enfin, le Gouvernement fait observer que le renvoi de l’audience litigieuse Ă©tait susceptible de porter atteinte au bon dĂ©roulement de la procĂ©dure et au droit des vingt-et-un prĂ©venus Ă  avoir un procĂšs d’une durĂ©e raisonnable. Ledit renvoi aurait en effet engendrĂ© la nĂ©cessitĂ© de renouveler la notification de la date de l’audience aux nombreuses parties impliquĂ©es, Ă  diffĂ©rents titres, dans le procĂšs.

2.  ApprĂ©ciation de la Cour

34.  La Cour rappelle que si la libertĂ© religieuse relĂšve d’abord du for intĂ©rieur, elle implique Ă©galement celle de manifester sa religion, non seulement de maniĂšre collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi : on peut aussi s’en prĂ©valoir individuellement et en privé (Kokkinakis c. Grèce du 25 mai 1993, § 31, sĂ©rie A no 260-A). L’article 9 Ă©numĂšre diverses formes que peut prendre la manifestation d’une religion ou d’une conviction, à savoir le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. NĂ©anmoins, il ne protĂšge pas n’importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction (Kalaç c. Turquie, 1er juillet 1997, § 27, Recueil des arrĂȘts et dĂ©cisions 1997-IV ; Kosteski c. Â« l’ex-RĂ©publique yougoslave de MacĂ©doine Â», no 55170/00, § 37, 13 avril 2006).

35.  Ainsi, ne relĂšvent pas de la protection de l’article 9 la rĂ©vocation d’un agent du service public pour n’avoir pas respectĂ© les horaires de travail au motif que l’Église adventiste du septiĂšme jour, Ă  laquelle il appartenait, interdisait Ă  ses membres de travailler le vendredi aprĂšs le coucher du soleil (Konttinen c. Finlande, no 24949/94, dĂ©c. 3 dĂ©cembre 1996, DĂ©cisions et rapports (DR) 87, p. 69) ou la mise en retraite d’office pour raisons disciplinaires d’un militaire ayant des opinions intĂ©gristes (Kalaç, prĂ©citĂ© ; voir Ă©galement Stedman c. Royaume Uni (dĂ©c.), no 29107/95, dĂ©cision de la Commission du 9 avril 1997, DR 89, p. 104, concernant le licenciement d’une salariĂ©e par un employeur du secteur privĂ© Ă  la suite du refus de l’intĂ©ressĂ©e de travailler le dimanche). Dans lesdites affaires, la Commission et la Cour ont considĂ©rĂ© que les mesures prises Ă  l’encontre des requĂ©rants par les autoritĂ©s n’étaient pas motivĂ©es par leurs convictions religieuses mais Ă©taient justifiĂ©es par les obligations contractuelles spĂ©cifiques liant les intĂ©ressĂ©s Ă  leurs employeurs respectifs.

36.  En l’espĂšce, la Cour observe que le juge des investigations prĂ©liminaires dĂ©cida de ne pas faire droit Ă  la demande de report du requĂ©rant sur la base des dispositions du code de procĂ©dure pĂ©nale au sens desquelles seule l’absence du ministĂšre public et du conseil du prĂ©venu justifie le renvoi de l’audience qui vise la production immĂ©diate d’un moyen de preuve, la prĂ©sence du conseil du plaignant n’étant en revanche pas nĂ©cessaire.

37.  Compte tenu des circonstances de l’espĂšce, la Cour n’est pas persuadĂ©e que la fixation de l’audience litigieuse Ă  une date correspondante Ă  une festivitĂ© juive, ainsi que le refus de la reporter Ă  une autre date, puissent s’analyser en une restriction au droit du requĂ©rant Ă  exercer librement son culte. Tout d’abord, il n’est pas contestĂ© que l’intĂ©ressĂ© a pu s’acquitter de ses devoirs religieux. En outre, le requĂ©rant, qui devait s’attendre Ă  ce que sa demande de report soit refusĂ©e conformĂ©ment aux dispositions de la loi en vigueur, aurait pu se faire remplacer Ă  l’audience litigieuse afin de s’acquitter de ses obligations professionnelles.

La Cour note enfin que l’intĂ©ressĂ© n’a pas dĂ©montrĂ© avoir subi des pressions visant Ă  le faire changer de conviction religieuse ou Ă  l’empĂȘcher de manifester sa religion ou sa conviction (Knudsen c. NorvĂšge, no 11045/84, dĂ©cision de la Commission du 8 mars 1985, DR 42, p. 258 ; Kottninen, prĂ©citĂ©).

38.  Quoi qu’il en soit, mĂȘme Ă  supposer l’existence d’une ingĂ©rence dans le droit du requĂ©rant protĂ©gĂ© par l’article 9 § 1, la Cour estime que celle-ci, prĂ©vue par la loi, se justifiait par la protection des droits et libertĂ©s d’autrui, et en particulier le droit des justiciables de bĂ©nĂ©ficier d’un bon fonctionnement de l’administration de la justice et le respect du principe du dĂ©lai raisonnable de la procĂ©dure (paragraphe 12 ci-dessus), et qu’elle a observĂ© un rapport raisonnable de proportionnalitĂ© entre les moyens employĂ©s et le but visĂ© (voir, mutatis mutandis, Casimiro et Ferreira c. Luxembourg (dec.), no 44888/98, 27 avril 1999).

39.  La Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention.

II.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

40.  Invoquant l’article 13, le requĂ©rant allĂšgue que le classement sans suite de sa plainte l’a privĂ© d’une dĂ©cision de justice effective. En outre, il se plaint d’avoir fait l’objet d’une discrimination contraire Ă  l’article 14 de la Convention.

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertĂ©s reconnus dans la (...) Convention ont Ă©tĂ© violĂ©s, a droit Ă  l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors mĂȘme que la violation aurait Ă©tĂ© commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Â»

Article 14

« La jouissance des droits et libertĂ©s reconnus dans la (...) Convention doit ĂȘtre assurĂ©e, sans distinction aucune, fondĂ©e notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance Ă  une minoritĂ© nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Â»

41.  La Cour rappelle tout d’abord que l’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un recours permettant de s’y prĂ©valoir des droits et libertĂ©s de la Convention tels qu’ils peuvent s’y trouver consacrĂ©s. Cette disposition a donc pour consĂ©quence d’exiger un recours interne habilitant Ă  examiner le contenu d’un « grief dĂ©fendable Â» fondĂ© sur la Convention et Ă  offrir le redressement appropriĂ© (KudƂa c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000-XI). Cela Ă©tant, le droit Ă  un recours effectif au sens de la Convention ne saurait ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme donnant droit Ă  ce qu’une demande soit accueillie dans le sens souhaitĂ© par l’intĂ©ressĂ© (Surmeli c. Allemagne, prĂ©citĂ©, § 98). En l’espĂšce, la Cour ne saurait relever aucun Ă©lĂ©ment permettant de mettre en cause l’effectivitĂ© de la voie pĂ©nale diligentĂ©e devant les juridictions internes.

42.  Quant au grief du requĂ©rant tirĂ© de l’article 14 de la Convention, la Cour rappelle que cette disposition interdit de traiter de maniĂšre diffĂ©rente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placĂ©es dans des situations comparables (Andrejeva c. Lettonie [GC], no 55707/00, §§ 81 et 82, 18 fĂ©vrier 2009). Elle observe que le requĂ©rant n’a nullement dĂ©montrĂ© avoir Ă©tĂ© discriminĂ© par rapport Ă  des personnes Ă©tant dans une situation analogue Ă  la sienne.

43.  Il s’ensuit que ces griefs doivent ĂȘtre rejetĂ©s comme Ă©tant manifestement mal fondĂ©s, en application de l’article 35 Â§Â§ 3 et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1.  DĂ©clare, Ă  l’unanimitĂ©, la requĂȘte recevable quant au grief tirĂ© de l’article 9 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit, par quatre voix contre trois, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention.

Fait en français, puis communiquĂ© par Ă©crit le 3 avril 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du rĂšglement.

Françoise Elens-Passos Françoise Tulkens 
 GreffiĂšre adjointe PrĂ©sidente 

Au prĂ©sent arrĂȘt se trouve joint, conformĂ©ment aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du rĂšglement, l’exposĂ© de l’opinion sĂ©parĂ©e commune aux juges Tulkens, Popocić et Keller.

F.T. 
F.E.P.

 

OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES TULKENS, POPOVIĆ ET KELLER

Nous ne partageons pas la position de la majoritĂ© selon laquelle il n’y a pas eu, en l’espĂšce, violation de l’article 9 de la Convention et nous en expliquons ici les raisons.

1.  Les faits de la cause sont relativement simples. En sa qualitĂ© d’avocat, le requĂ©rant reprĂ©sentait une des deux parties civiles dans une procĂ©dure pĂ©nale Ă  l’encontre de certaines banques. Le 7 juin 2005, il participa Ă  une audience devant le juge des investigations prĂ©liminaires relative Ă  la production d’un moyen de preuve. Le juge titulaire Ă©tant empĂȘchĂ©, son remplaçant invita les parties Ă  choisir la date de renvoi de l’audience parmi deux possibilitĂ©s, Ă  savoir les 13 et 18 octobre 2005, selon le calendrier dĂ©jĂ  Ă©tabli par le juge titulaire. Le requĂ©rant fit valoir que les deux dates proposĂ©es correspondaient Ă  deux fĂȘtes juives (le Yom Kippour et le Souccot). Le juge fixa nĂ©anmoins la date de l’audience au 13 octobre 2005.

2.  Le mĂȘme jour, Ă  savoir le 7 juin 2005, le requĂ©rant dĂ©posa auprĂšs du juge titulaire une demande de renvoi de l’audience. Le 20 juin 2005, ce dernier, sans statuer sur la demande, versa celle-ci au dossier.

3.  A l’audience du 13 octobre 2005, le juge releva que le requĂ©rant Ă©tait absent « pour des raisons personnelles Â». AprĂšs avoir demandĂ© l’avis du ministĂšre public et des avocats des prĂ©venus, le juge rejeta la demande de renvoi de l’affaire introduite par le requĂ©rant le 7 juin 2005, demande qui Ă©tait pourtant appuyĂ©e par l’avocat de l’autre partie civile.

4.  L’apprĂ©ciation de la Cour repose sur un raisonnement assez bref qui, sous son double aspect (l’existence d’une ingĂ©rence et la proportionnalitĂ©), nous paraĂźt problĂ©matique au regard de la libertĂ© de religion qui « figure (...) parmi les Ă©lĂ©ments les plus essentiels de l’identitĂ© des croyants et de leur conception de la vie, mais (...) est aussi un bien prĂ©cieux pour les athĂ©es, les agnostiques, les sceptiques ou les indiffĂ©rents (...) [et] suppose, entre autres, [la libertĂ©] d’adhĂ©rer ou non Ă  une religion et celle de la pratiquer ou non Â»1.

L’existence d’une ingĂ©rence

5.  Dans un premier temps, la majoritĂ© estime qu’il n’y a pas ingĂ©rence dans le droit du requĂ©rant protĂ©gĂ© par l’article 9 de la Convention. Elle constate que la dĂ©cision du juge des investigations prĂ©liminaires de ne pas faire droit Ă  la demande de report du requĂ©rant se fonde sur les dispositions du code de procĂ©dure pĂ©nale aux termes duquel l’audience visant la production immĂ©diate d’un moyen de preuve se dĂ©roule en chambre du conseil avec la participation nĂ©cessaire du ministĂšre public et du dĂ©fendeur de la personne mise en cause par les investigations. La majoritĂ© en dĂ©duit que la prĂ©sence du conseil du plaignant n’était donc pas nĂ©cessaire (paragraphe 36 de l’arrĂȘt) et que, partant, la fixation de l’audience Ă  une date correspondant Ă  une festivitĂ© juive ainsi que le refus de la reporter Ă  une autre date ne peuvent s’analyser en une restriction du droit du requĂ©rant Ă  exercer librement son culte (paragraphe 37, al. 1, de l’arrĂȘt).

6.  Nous ne pouvons partager ce raisonnement. L’article 401 du code de procĂ©dure pĂ©nale prĂ©voit certes la participation obligatoire du ministĂšre public et de l’avocat du prĂ©venu mais cette disposition prĂ©cise aussi que « le dĂ©fendeur de la partie lĂ©sĂ©e a la facultĂ© d’y participer Â». C’est donc Ă  l’avocat et Ă  lui seul que revient, en fonction des intĂ©rĂȘts de son client, la dĂ©cision d’utiliser ou non cette facultĂ© qui lui est reconnue, sans que les autoritĂ©s judiciaires ne puissent s’immiscer dans l’exercice des droits de la dĂ©fense ni prĂ©sumer l’absence de nĂ©cessitĂ© de sa participation.

7.  A l’appui de son argumentation, la majoritĂ© note aussi, de maniĂšre singuliĂšre, que le requĂ©rant n’a pas dĂ©montrĂ© avoir subi des pressions visant Ă  le faire changer de conviction religieuse ou Ă  l’empĂȘcher de manifester sa religion ou sa conviction (paragraphe 37, al. 2, de l’arrĂȘt). Il nous semble contraire au droit Ă  la jouissance de la libertĂ© de religion garanti par l’article 9 de la Convention que l’exercice de cette libertĂ©, autant dans sa dimension intĂ©rieure qu’extĂ©rieure, soit subordonnĂ©, voire mĂȘme conditionnĂ© Ă  la preuve par le requĂ©rant de pressions qu’il aurait subies.

Un rapport de proportionnalité

8.  Dans un second temps, mĂȘme Ă  supposer l’existence d’une ingĂ©rence dans le droit du requĂ©rant protĂ©gĂ© par l’article 9 § 1 de la Convention, la majoritĂ© estime que celle-ci est justifiĂ©e par la protection des droits et libertĂ©s d’autrui, Ă  savoir le droit des justiciables de bĂ©nĂ©ficier d’un bon fonctionnement de l’administration de la justice, et qu’il y a un rapport raisonnable de proportionnalitĂ© entre les moyens employĂ©s et le but visĂ©. Nous ne le pensons pas.

9.  Sur l’exigence de proportionnalitĂ©, qui permet de dĂ©terminer la nĂ©cessitĂ© de l’ingĂ©rence dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, la jurisprudence de la Cour est trĂšs claire : le caractĂšre proportionnĂ© d’une mesure suppose que, parmi plusieurs moyens permettant d’atteindre le but lĂ©gitime poursuivi, les autoritĂ©s choisissent celui qui est le moins attentatoire aux droits et libertĂ©s2. Dans cette perspective, la recherche d’un amĂ©nagement raisonnable de la situation litigieuse peut, dans certaines circonstances, constituer un moyen moins restrictif d’atteindre l’objet poursuivi3.

10.  Or, en l’espĂšce, nous pensons que les conditions Ă©taient rĂ©unies pour tenter d’arriver Ă  un amĂ©nagement et un amĂ©nagement raisonnable – c’est-Ă -dire qui n’entraĂźne pas pour les autoritĂ©s judiciaires une charge disproportionnĂ©e – de la situation. Avec quelques concessions, celui-ci aurait permis d’éviter une ingĂ©rence dans la libertĂ© religieuse du requĂ©rant, sans pour autant compromettre la rĂ©alisation du but lĂ©gitime que constitue de toute Ă©vidence la bonne administration de la justice.

11.  Tout d’abord, le requĂ©rant a immĂ©diatement, dĂšs le moment de la fixation de la date de l’audience, soulevĂ© la difficultĂ© qui Ă©tait la sienne et demandĂ© le report de celle-ci. Il a donc prĂ©venu les autoritĂ©s judiciaires quatre mois Ă  l’avance, ce qui leur permettait raisonnablement d’organiser le calendrier des audiences afin de garantir le respect des diffĂ©rents droits en jeu.

12.  A contrario, la dĂ©cision S.H. et H.V. c. Autriche de la Commission du 13 janvier 1993 nous semble reconnaĂźtre la force de cet argument. Les requĂ©rants, qui Ă©taient juifs pratiquants, critiquaient le refus d’un tribunal autrichien d’accĂ©der Ă  leur demande de report d’une audience en justice prĂ©vue dans une affaire les concernant, au motif que la date Ă  laquelle elle Ă©tait fixĂ©e correspondait Ă  une fĂȘte juive importante. La Commission laisse entendre que, si les requĂ©rants, une fois avertis de la date de l’audience, avaient dĂ»ment informĂ© le tribunal de son caractĂšre problĂ©matique au regard de leur religion, celui-ci aurait dĂ» Ă©tablir une nouvelle date. Mais en l’espĂšce, les requĂ©rants ont rĂ©agi trop tard : alors qu’il leur a Ă©tĂ© notifiĂ© le 30 mai que l’audience aurait lieu le 4 octobre, ils n’ont Ă©crit au tribunal que le 25 septembre pour en solliciter le report. Compte tenu de la complexitĂ© de l’affaire, qui impliquait un grand nombre de personnes, et de la tardivetĂ© de la demande, la Commission considĂšre que la dĂ©cision du tribunal n’était pas dĂ©raisonnable.

13.  Ensuite, il n’est pas dĂ©montrĂ© en l’espĂšce que la demande du requĂ©rant, si elle avait Ă©tĂ© acceptĂ©e, aurait provoquĂ© une telle perturbation dans le fonctionnement du service public de la justice. C’est ce que l’on pourrait appeler le public service disturbance test. L’exigence du dĂ©lai raisonnable invoquĂ©e par le juge italien pour rejeter la demande du requĂ©rant est certainement lĂ©gitime mais, sans autre explication complĂ©mentaire, elle paraĂźt ici plutĂŽt de l’ordre du prĂ©texte. Certes, le report demandĂ© de l’audience pouvait entraĂźner certains inconvĂ©nients administratifs, comme par exemple la nĂ©cessitĂ© de renouveler la notification de la date d’audience aux parties impliquĂ©es. Mais ceux-ci nous paraissent minimes et constituent peut-ĂȘtre le modique prix Ă  payer pour le respect de la libertĂ© de religion dans une sociĂ©tĂ© multiculturelle4.

14.  Enfin, il n’apparaĂźt pas davantage du dossier que l’audience en cause revĂȘtait un caractĂšre d’urgence car elle ne concernait pas des mesures privatives de libertĂ© ou des personnes dĂ©tenues. Si tel avait Ă©tĂ© le cas, le requĂ©rant Ă  son tour aurait Ă©tĂ© appelĂ© Ă  faire des concessions, comme par exemple se faire remplacer Ă  l’audience.

15.  Dans ces conditions, Ă  dĂ©faut pour les autoritĂ©s d’apporter la preuve qu’elles ont dĂ©veloppĂ© les efforts raisonnables nĂ©cessaires pour permettre le respect du droit du requĂ©rant Ă  la libertĂ© de religion garanti par l’article 9 de la Convention, nous estimons qu’il y a eu violation de cette disposition.

1  Cour eur. D.H. (GC), arrĂȘt Bayatyan c. ArmĂ©nie du 7 juillet 2011, § 118. Voy. Ă©galement, entre autres, Cour eur. D.H., arrĂȘt Kokkinakis c. GrĂšce du 25 mai 1993, § 31 ; Cour eur. D.H. (GC), arrĂȘt Buscarini et autres c. Saint-Marin du 19 fĂ©vrier 1999, § 34.

 

2  S. Van Drooghenbroeck, La proportionnalitĂ© dans le droit de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme. Prendre l’idĂ©e simple au sĂ©rieux, Bruxelles, Bruylant-Publications des FacultĂ©s universitaires Saint-Louis, 2001, pp. 190-219.

 

3  E. Bribosia, J. Ringelheim et I. Rorive, « AmĂ©nager la diversitĂ© : le droit de l’égalitĂ© face Ă  la pluralitĂ© religieuse Â», Rev. trim. dr. h., 2009, pp. 319 et s.

 

4  Ibid., p. 342.

 

ARRÊT FRANCESCO SESSA c. ITALIE

 

ARRÊT FRANCESCO SESSA c. ITALIE 

 

ARRÊT FRANCESCO SESSA c. ITALIE – OPINION SEPARÉE

 

ARRÊT FRANCESCO SESSA c. ITALIE – OPINION SEPARÉE