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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Prima Sezione)

 

2 marzo 2017

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE TALPIS c. ITALIA

 

(RequĂȘte n. 41237/14)

 

Cet arrĂȘt deviendra dĂ©finitif dans les conditions dĂ©finies Ă  l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 

 

 

En l’affaire Talpis c. Italie,

La Cour europĂ©enne des droits de l’homme (premiĂšre section), siĂ©geant en une chambre composĂ©e de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,

Guido Raimondi,

Kristina Pardalos,

Linos-Alexandre Sicilianos,

Robert Spano,

Armen Harutyunyan,

Tim Eicke, juges,

et de Abel Campos, greffier de section,

AprÚs en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 et 31 janvier 2017,

Rend l’arrĂȘt que voici, adoptĂ© Ă  cette derniĂšre date :

 

PROCÉDURE

 

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requĂȘte (no 41237/14) dirigĂ©e contre la RĂ©publique italienne et dont une ressortissante roumaine et moldave, Mme Elisaveta Talpis (« la requĂ©rante »), a saisi la Cour le 23 mai 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertĂ©s fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante a été représentée par Me S. Menichetti, avocat à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Spatafora.

3. La requĂ©rante se plaignait notamment d’un manquement des autoritĂ©s italiennes Ă  leur devoir de protection contre les violences domestiques qu’elle aurait subies et qui auraient conduit Ă  la tentative de meurtre sur sa personne et Ă  la mort de son fils.

4. Le 26 aoĂ»t 2015, la requĂȘte a Ă©tĂ© communiquĂ©e au Gouvernement. Les gouvernements roumain et moldave n’ont pas usĂ© de leur droit d’intervenir dans la procĂ©dure (article 36 § 1 de la Convention).

5. Le Gouvernement objecte que les observations soumises par la requĂ©rante sont arrivĂ©es Ă  la Cour le 15 mars 2016, soit, selon lui, aprĂšs l’échĂ©ance du dĂ©lai fixĂ© au 9 mars 2016. La Cour constate toutefois que les observations ont Ă©tĂ© envoyĂ©es le 9 mars 2016 conformĂ©ment Ă  l’article 38 § 2 du rĂšglement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. La requérante est née en 1965 et réside à Remanzacco.

7. La requérante se maria avec A.T., un ressortissant moldave, et eut deux enfants de cette union : une fille, née en 1992, et un fils, né en 1998.

8. AprĂšs leur mariage, le mari de la requĂ©rante commença, selon elle, Ă  la frapper. Cependant, en 2011, la requĂ©rante suivit son mari en Italie afin de donner Ă  ses enfants la chance d’un avenir plus serein.

1. La premiÚre agression commise par A.T. sur la requérante et sa fille

9. La requĂ©rante soutient que son mari, alcoolique, la maltraitait physiquement depuis longtemps lorsque, le 2 juin 2012, elle demanda l’intervention des gendarmes Ă  la suite des coups que A.T. leur aurait infligĂ©s, Ă  elle-mĂȘme et Ă  sa fille.

10. À l’arrivĂ©e des gendarmes, A.T. Ă©tait parti du domicile familial. Il fut retrouvĂ© dans la rue en Ă©tat d’ébriĂ©tĂ©, avec des griffures sur le cĂŽtĂ© gauche du visage. Les gendarmes rĂ©digĂšrent un rapport de l’incident. Il ressort de ce rapport que la requĂ©rante avait Ă©tĂ© frappĂ©e et mordue au visage et Ă  la jambe gauche et qu’elle avait plusieurs hĂ©matomes. Toujours selon le rapport, la fille de la requĂ©rante Ă©tait intervenue pour dĂ©fendre sa mĂšre et avait Ă©tĂ© frappĂ©e Ă  son tour. Elle aurait prĂ©sentĂ© une plaie causĂ©e par un ongle sur le cou et des blessures sur les deux bras. La requĂ©rante et sa fille furent informĂ©es de leurs droits et elles manifestĂšrent l’intention de se rendre aux urgences.

11. La requĂ©rante allĂšgue qu’elle n’a, en revanche, pas Ă©tĂ© informĂ©e de la possibilitĂ© de dĂ©poser une plainte ou de prendre contact avec un centre pour les femmes victimes de violences. Elle soutient Ă©galement qu’elle s’est rendue aux urgences afin de faire constater ses blessures, mais que, aprĂšs trois heures d’attente, elle avait dĂ©cidĂ© de rentrer Ă  la maison.

12. Le Gouvernement, se rĂ©fĂ©rant au procĂšs-verbal rĂ©digĂ© par les gendarmes, estime qu’il n’y a aucune preuve que la requĂ©rante se soit rendue aux urgences.

2. La deuxiÚme agression commise par A.T. sur la requérante

a) La version de la requérante

13. AprĂšs l’agression du 2 juin 2012, la requĂ©rante soutient qu’elle avait trouvĂ© refuge dans la cave de son appartement et qu’elle y dormait.

14. Elle relate ainsi les Ă©vĂ©nements suivants. Le 19 aoĂ»t 2012, aprĂšs un appel tĂ©lĂ©phonique menaçant de son mari, craignant une agression de sa part, elle dĂ©cida de sortir de la maison. Lorsqu’elle rentra chez elle, elle dĂ©couvrit que la porte de la cave avait Ă©tĂ© cassĂ©e. Elle essaya de joindre une amie pour ĂȘtre hĂ©bergĂ©e pour la nuit, mais personne ne rĂ©pondit Ă  son appel. Elle dĂ©cida alors de retourner dans la cave. A.T. l’y agressa avec un couteau et la contraignit Ă  le suivre afin d’avoir des relations sexuelles avec ses amis. EspĂ©rant pouvoir demander de l’aide une fois dehors, elle se rĂ©signa Ă  le suivre. Dans la rue, elle appela Ă  l’aide des policiers qui patrouillaient en voiture.

15. Les policiers se bornĂšrent Ă  contrĂŽler ses papiers d’identitĂ© et ceux de A.T. et, nonobstant ses affirmations selon lesquelles elle avait Ă©tĂ© menacĂ©e et frappĂ©e par son mari, ils l’invitĂšrent Ă  rentrer chez elle sans lui proposer d’aide et demandĂšrent Ă  A.T. de s’éloigner d’elle. Le requĂ©rant fut verbalisĂ© pour port d’arme prohibĂ©.

16. Peu de temps aprĂšs ĂȘtre rentrĂ©e chez elle, la requĂ©rante appela les urgences et fut transportĂ©e Ă  l’hĂŽpital. Les mĂ©decins constatĂšrent, entre autres, qu’elle souffrait d’un traumatisme crĂąnien, d’une blessure Ă  la tĂȘte, de multiples excoriations sur le corps et d’un hĂ©matome sur la poitrine. Ses blessures furent jugĂ©es soignables en sept jours.

b) La version du Gouvernement

17. Le Gouvernement indique que, selon le rapport d’intervention rĂ©digĂ© par les policiers, ceux-ci sont arrivĂ©s rue Leopardi peu aprĂšs minuit. La requĂ©rante les aurait informĂ©s qu’elle avait Ă©tĂ© frappĂ©e au visage. A.T. aurait donnĂ© un couteau aux policiers. La requĂ©rante aurait dit aux policiers qu’elle voulait aller Ă  l’hĂŽpital pour faire constater ses blessures. Elle s’y serait rendue et A.T. serait rentrĂ© chez lui. Le couteau aurait Ă©tĂ© saisi et le requĂ©rant verbalisĂ© pour port d’arme prohibĂ©.

3. La plainte de la requérante

18. À l’hĂŽpital, la requĂ©rante fut entendue par une assistante sociale. Lors de cet entretien, elle dĂ©clara qu’elle refusait de revenir chez elle et d’y retrouver son mari. Elle fut alors hĂ©bergĂ©e par une association de protection des femmes victimes de violences, IOTUNOIVOI (« l’association »).

19. Le prĂ©sident du centre d’hĂ©bergement et des policiers se rendirent dans la cave de l’appartement oĂč rĂ©sidait la requĂ©rante afin d’y rĂ©cupĂ©rer ses vĂȘtements et objets personnels.

20. À partir du 20 aoĂ»t, A.T. harcela la requĂ©rante en l’appelant et en lui envoyant plusieurs messages insultants.

21. Le 5 septembre 2012, la requĂ©rante dĂ©posa plainte Ă  l’encontre de son mari pour lĂ©sions corporelles, maltraitance et menaces. Elle demanda aux autoritĂ©s de prendre des mesures urgentes afin de les protĂ©ger, elle et ses enfants, et d’empĂȘcher A.T. de s’approcher d’eux. Elle indiqua qu’elle s’était rĂ©fugiĂ©e dans un centre d’hĂ©bergement et que A.T. la harcelait par tĂ©lĂ©phone.

22. Une information judiciaire fut ouverte Ă  l’encontre de A.T. pour dĂ©lits de maltraitance familiale, lĂ©sions corporelles aggravĂ©es et menaces. La police transmit la plainte au parquet le 9 octobre 2012.

23. Le 15 octobre 2012, le parquet, eu Ă©gard Ă  la demande de mesures de protection formulĂ©e par la requĂ©rante, ordonna que des mesures d’investigation fussent prises de maniĂšre urgente. Il demanda en particulier Ă  la police de rechercher d’éventuels tĂ©moins, y compris la fille de la requĂ©rante.

24. La requĂ©rante fut hĂ©bergĂ©e pendant trois mois par l’association.

25. Par une lettre du 27 aoĂ»t 2012, le responsable des services sociaux de Udine informa l’association qu’il n’y avait pas de fonds disponibles pour prendre en charge la requĂ©rante et pour lui fournir une autre solution d’hĂ©bergement.

26. Le Gouvernement donne une lecture diffĂ©rente de cette lettre : il indique que, Ă©tant donnĂ© que la requĂ©rante n’avait pas Ă©tĂ© d’abord prise en charge par les services sociaux de la mairie de Udine, qui s’occupait des victimes de violences dans le cadre d’un autre projet, appelĂ© « Zero tolerance », ces derniers ne pouvaient pas assumer les frais de l’association. Selon lui, les femmes victimes de violences pouvaient prendre contact avec les services sociaux pour demander de l’aide, ce que la requĂ©rante n’aurait pas fait.

27. Le 4 dĂ©cembre 2012, la requĂ©rante quitta le centre d’hĂ©bergement afin de chercher un travail.

28. Elle dit avoir dormi dans la rue dans un premier temps, avant d’ĂȘtre hĂ©bergĂ©e par une amie. Elle indique qu’elle a ensuite trouvĂ© un travail d’aide-soignante auprĂšs de personnes ĂągĂ©es et que, lorsque cela a Ă©tĂ© possible, elle a louĂ© un appartement. Selon la requĂ©rante, A.T. avait continuĂ© Ă  exercer des pressions psychologiques sur elle pour l’inciter Ă  retirer sa plainte.

29. Le 18 mars 2013, le procureur, constatant qu’aucun acte d’enquĂȘte n’avait Ă©tĂ© accompli, redemanda Ă  la police d’enquĂȘter Ă  bref dĂ©lai sur les allĂ©gations de la requĂ©rante.

30. Le 4 avril 2013, sept mois aprĂšs le dĂ©pĂŽt de sa plainte, la requĂ©rante fut entendue pour la premiĂšre fois par la police. Elle modifia ses dĂ©clarations en attĂ©nuant la gravitĂ© des faits dont elle s’était plainte. Concernant l’épisode de juin 2012, elle dĂ©clara que A.T. avait essayĂ© de la frapper mais qu’il n’y Ă©tait pas arrivĂ© et que sa fille n’avait pas non plus reçu de coups. Concernant l’incident du mois d’aoĂ»t 2012, elle dit que A.T. l’avait frappĂ©e mais qu’il ne l’avait pas menacĂ©e avec un couteau. En revanche, A.T. aurait fait semblant de retourner le couteau contre lui.

La requĂ©rante indiqua encore que, Ă  l’époque, elle ne parlait pas bien l’italien et qu’elle n’avait pas pu s’exprimer correctement. Elle dĂ©clara en outre que A.T. ne l’avait pas contrainte Ă  avoir des rapports sexuels avec d’autres personnes et qu’elle Ă©tait retournĂ©e vivre au domicile familial. Elle dit que, lorsqu’elle Ă©tait hĂ©bergĂ©e par l’association, elle ne parlait pas par tĂ©lĂ©phone avec son mari parce qu’on lui aurait dit d’agir ainsi. Elle assura que, exception faite de l’alcoolisme de son mari, la situation Ă  la maison Ă©tait calme. Elle conclut que son mari Ă©tait un bon pĂšre et un bon mari et qu’il n’y avait plus eu aucun Ă©pisode de violences.

31. La requĂ©rante soutient qu’elle a modifiĂ© ses dĂ©clarations initiales en raison des pressions psychologiques qu’elle aurait subies de la part de son mari.

32. Le 30 mai 2013, le parquet de Udine, aprĂšs avoir relevĂ©, d’une part, que la requĂ©rante, entendue en avril, avait attĂ©nuĂ© la gravitĂ© des accusations qu’elle avait portĂ©es contre son mari en indiquant qu’il ne l’avait pas menacĂ©e avec un couteau et qu’elle avait Ă©tĂ© mal comprise par l’employĂ©e du centre oĂč elle s’était rĂ©fugiĂ©e et, d’autre part, qu’aucun autre Ă©pisode de violences n’avait eu lieu, demanda au juge des investigations prĂ©liminaires (« le GIP ») de classer la plainte dĂ©posĂ©e Ă  l’encontre de A.T. pour maltraitance familiale. Quant au dĂ©lit de lĂ©sions corporelles aggravĂ©es, le parquet indiqua qu’il souhaitait continuer les investigations.

33. Par une dĂ©cision du 1er aoĂ»t 2013, le GIP classa la plainte pour la partie qui concernait les allĂ©gations de maltraitance familiale et de menaces. Il considĂ©ra que le dĂ©roulement des faits Ă©tait incertain et que, s’agissant de la maltraitance allĂ©guĂ©e, un tel dĂ©lit ne pouvait ĂȘtre qualifiĂ© au motif que, la requĂ©rante ayant dĂ©noncĂ© seulement l’incident du mois d’aoĂ»t 2012, le critĂšre de la rĂ©pĂ©tition des Ă©pisodes de violences n’était pas rempli.

34. Concernant le grief de menaces aggravĂ©es par l’utilisation d’une arme, le GIP releva que les dĂ©clarations de la requĂ©rante Ă©taient contradictoires et que, dans le rapport Ă©tabli par l’hĂŽpital, il n’y avait aucune rĂ©fĂ©rence Ă  des blessures causĂ©es par un couteau.

35. Quant au délit de lésions corporelles, la procédure se poursuivit devant le juge de paix. A.T. fut renvoyé en jugement le 28 octobre 2013. La premiÚre audience eut lieu le 13 février 2014 et A.T. fut condamné à payer une amende de 2 000 euros (EUR) le 1er octobre 2015.

4. La troisiÚme agression commise par A.T. sur la requérante et son fils et le meurtre commis par A.T. sur la personne de son fils

36. Il ressort du dossier que, le 18 novembre 2013, A.T. a reçu la notification de son renvoi en jugement devant le juge de paix le 19 mai 2014 pour le dĂ©lit de lĂ©sions corporelles concernant l’agression contre la requĂ©rante du mois d’aoĂ»t 2012.

37. Dans la nuit du 25 novembre 2013, la requĂ©rante demanda l’intervention des gendarmes en raison d’une dispute avec son mari.

38. Dans leur compte rendu, les gendarmes faisaient les constatations suivantes : Ă  leur arrivĂ©e, ils avaient trouvĂ© la porte de la chambre Ă  coucher cassĂ©e et le sol jonchĂ© de bouteilles d’alcool ; la requĂ©rante avait affirmĂ© que son mari Ă©tait sous l’emprise de l’alcool et qu’elle avait dĂ©cidĂ© d’appeler de l’aide parce qu’elle estimait qu’il avait besoin d’un mĂ©decin ; elle leur avait dit qu’elle avait dĂ©posĂ© une plainte contre son mari par le passĂ©, mais qu’elle avait ensuite modifiĂ© ses accusations ; le fils de la requĂ©rante avait dĂ©clarĂ© que son pĂšre n’était pas violent Ă  son Ă©gard ; ni la requĂ©rante ni son fils ne prĂ©sentaient de signes de violences.

39. A.T. fut transportĂ© Ă  l’hĂŽpital en Ă©tat d’ivresse. Dans la nuit, il sortit de l’hĂŽpital et se rendit dans une salle de jeux.

40. Alors qu’il marchait dans la rue, il fut arrĂȘtĂ© par la police pour un contrĂŽle d’identitĂ© Ă  2 h 25.

41. Il ressort du procĂšs-verbal du contrĂŽle de police que A.T. Ă©tait en Ă©tat d’ivresse, qu’il avait du mal Ă  se tenir en Ă©quilibre et que la police l’a laissĂ© partir aprĂšs l’avoir verbalisĂ©.

42. À 5 heures, A.T. entra dans l’appartement familial armĂ© d’un couteau de cuisine de 12 centimĂštres avec l’intention d’agresser la requĂ©rante. Le fils de la requĂ©rante tenta de l’arrĂȘter et fut poignardĂ© trois fois. Il dĂ©cĂ©da de ses blessures. La requĂ©rante essaya de s’échapper, mais A.T. rĂ©ussit Ă  la rejoindre dans la rue et lui porta plusieurs coups de couteau Ă  la poitrine.

5. La procĂ©dure pĂ©nale engagĂ©e Ă  l’encontre de A.T. pour lĂ©sions corporelles aggravĂ©es

43. Le 1er octobre 2015, A.T. fut dĂ©clarĂ© coupable par le juge de paix de lĂ©sions corporelles aggravĂ©es sur la personne de la requĂ©rante en raison des blessures qu’il lui avait infligĂ©es lors de l’incident du mois d’aoĂ»t 2012, et condamnĂ© Ă  payer une amende de 2 000 EUR.

6. La procĂ©dure pĂ©nale engagĂ©e Ă  l’encontre de A.T. pour le meurtre de son fils, pour la tentative de meurtre sur la requĂ©rante et pour le dĂ©lit de maltraitance envers la requĂ©rante

44. À une date non prĂ©cisĂ©e, en novembre 2013, l’enquĂȘte relative aux actes de maltraitance fut rouverte.

45. A.T. demanda Ă  ĂȘtre jugĂ© selon la procĂ©dure abrĂ©gĂ©e (giudizio abbreviato).

46. Le 8 janvier 2015, A.T. fut condamnĂ© par le juge de l’audience prĂ©liminaire (« le GUP ») de Udine Ă  la rĂ©clusion Ă  perpĂ©tuitĂ© pour le meurtre de son fils et la tentative de meurtre sur sa femme, et pour les dĂ©lits de maltraitance envers la requĂ©rante et sa fille et de port d’arme prohibĂ©. Il fut Ă©galement condamnĂ© Ă  dĂ©dommager la requĂ©rante Ă  hauteur de 400 000 EUR. La requĂ©rante s’était constituĂ©e partie civile.

47. S’agissant du grief de maltraitance, le GUP, aprĂšs avoir entendu des tĂ©moins ainsi que la fille de la requĂ©rante, estima que la requĂ©rante et ses enfants vivaient dans un climat de violences. Il considĂ©ra que la conduite violente de A.T. Ă©tait habituelle et jugea que, les vexations journaliĂšres que la requĂ©rante subissait mises Ă  part, il y avait eu quatre Ă©pisodes violents. Il ajouta que A.T., lors du procĂšs, avait avouĂ© Ă©prouver un sentiment de haine pour sa femme. Selon le GUP, les faits du 25 novembre 2013 Ă©taient la consĂ©quence de la tentative de la requĂ©rante de s’éloigner de A.T.

48. Le 22 mai 2015, A.T. interjeta appel du jugement.

Il ressort du dossier que, par un arrĂȘt du 26 fĂ©vrier 2016, le jugement du GUP a Ă©tĂ© confirmĂ© par la cour d’appel. Aucune des parties n’a cependant joint l’arrĂȘt Ă  ses observations.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS

49. Selon l’article 572 du code pĂ©nal (maltraitance familiale ou maltraitance sur mineur), toute personne qui maltraite une personne de sa famille, une personne avec laquelle elle vit ou qui est placĂ©e sous son autoritĂ© ou qui lui a Ă©tĂ© confiĂ©e pour des raisons d’éducation, de soins, de surveillance ou pour l’exercice d’une profession ou d’un art est punie de deux Ă  six ans d’emprisonnement.

50. L’article 582 du code pĂ©nal Ă©tablit que toute personne qui cause Ă  autrui une lĂ©sion entraĂźnant une infirmitĂ© physique ou mentale est punie de trois mois Ă  dix ans d’emprisonnement. Aux termes de l’article 583 du code pĂ©nal, la lĂ©sion est considĂ©rĂ©e comme « grave » et est punie d’une peine d’emprisonnement de trois Ă  sept ans lorsqu’elle entraĂźne, notamment, une infirmitĂ© ou une incapacitĂ© temporaire supĂ©rieure Ă  quarante jours.

51. La loi no 38 du 23 avril 2009 de conversion du dĂ©cret-loi 11 du 23 fĂ©vrier 2009 portant « mesures urgentes, en matiĂšre de sĂ»retĂ© publique, contre la violence sexuelle et tout ce qui concerne les actes de persĂ©cution », approuvant la « nĂ©cessitĂ© extraordinaire et urgente d’introduire des mesures pour assurer la plus grande protection Ă  la sĂ»retĂ© et Ă  la collectivitĂ©, en raison de l’augmentation alarmante du nombre d’épisodes de violences sexuelles », a introduit, entre autres, un nouveau crime en matiĂšre d’actes de persĂ©cution, appelĂ© dans le langage courant « harcĂšlement », avec l’introduction dans le code pĂ©nal de l’article 612 bis.

Il s’agit d’une disposition apte Ă  sanctionner la rĂ©pĂ©tition de comportements malveillants, qu’ils se manifestent par des coups de tĂ©lĂ©phone Ă  toute heure, des attentions rĂ©pĂ©tĂ©es, une surveillance, des cadeaux non souhaitĂ©s, des lettres ou des SMS, autrement dit par une variĂ©tĂ© d’actes inoffensifs en apparence mais qui dĂ©gĂ©nĂšrent souvent en menaces, pistages, prĂ©sence inopportune prĂšs de l’école ou au restaurant, qui engendrent chez la victime un Ă©tat d’anxiĂ©tĂ© et de peur pour sa propre intĂ©gritĂ©, et qui, surtout, la forcent Ă  modifier ses propres habitudes et ses choix de vie.

La loi prĂ©voit que, avant de porter plainte, la victime de harcĂšlement peut s’adresser aux autoritĂ©s de police et demander qu’un avertissement soit adressĂ© Ă  l’auteur des vexations. AprĂšs avoir recueilli les renseignements nĂ©cessaires, la police – si elle estime la demande fondĂ©e – avertit oralement l’auteur des actes en question et rĂ©dige un procĂšs-verbal.

La loi Ă©tablit, en outre, que les forces de l’ordre, les opĂ©rateurs sanitaires et les institutions publiques qui apprennent l’existence d’actes de persĂ©cution doivent fournir Ă  la victime tous les renseignements relatifs aux centres antiviolence prĂ©sents sur le territoire et, en particulier, dans sa zone de rĂ©sidence, et, si elle le demande, la mettre en contact avec les centres antiviolence (article 11).

La nouvelle loi prĂ©voit Ă©galement un numĂ©ro vert national pour les victimes de harcĂšlement, qui permet Ă  celles-ci de bĂ©nĂ©ficier d’une assistance psychologique et juridique et, si elles le souhaitent, de voir signaler aux forces de l’ordre des violences faites aux femmes (article 12).

Dans l’attente du procĂšs, le juge peut ordonner les mesures conservatoires « spĂ©cifiques » introduites dans le code de procĂ©dure pĂ©nale (CPP) par la loi no 154/2001, Ă  savoir l’éloignement immĂ©diat du domicile familial et l’interdiction de se rendre sur les lieux habituellement frĂ©quentĂ©s par la victime ou par ses proches (article 282 bis, ter, quater du CPP).

L’article 9 de la loi susmentionnĂ©e prescrit l’obligation de communiquer aux autoritĂ©s de police les mesures d’éloignement de maniĂšre Ă  ce que celles‑ci prennent des mesures Ă©ventuelles concernant la dĂ©tention d’armes et de munitions (article 282 quater du CPP).

La loi no 38 prĂ©voit, pour les actes de harcĂšlement, une condamnation qui va de six mois Ă  quatre ans de rĂ©clusion, et une peine plus forte si le fait a Ă©tĂ© commis par un conjoint, lĂ©galement sĂ©parĂ© ou divorcĂ©, ou par une personne ayant dĂ©jĂ  fait l’objet d’un avertissement par le prĂ©fet de police. La peine est aggravĂ©e de 50 % lorsque l’acte de harcĂšlement est commis sur un mineur, une femme enceinte ou une personne handicapĂ©e, ou lorsqu’il est commis avec des armes.

52. Le dispositif spécial et urgent des « ordres de protection » (article 736 bis du code de procédure civile et article 342 bis et ter du code civil) prévoit que :

Le juge civil peut dĂ©cider de mesures d’urgence pour empĂȘcher la multiplication des comportements qui mettent Ă  mal la sĂ©rĂ©nitĂ© familiale, qu’il s’agisse d’un couple mariĂ© ou non. Le critĂšre essentiel est la communautĂ© de vie. La demande peut ĂȘtre formulĂ©e sans obligation d’ĂȘtre assistĂ© par un avocat. Le recours introductif devra spĂ©cifier le contenu de la mesure protectrice demandĂ©e. Il est possible de solliciter l’intervention des services sociaux et l’accomplissement d’expertises psychologiques ou mĂ©dicales et d’enquĂȘtes patrimoniales.

Le juge peut adopter une ou plusieurs mesures dĂ©nommĂ©es « ordres de protection », visant Ă  obtenir la cessation du comportement en cause, l’éloignement du domicile familial, l’interdiction d’approcher les endroits frĂ©quentĂ©s par la personne concernĂ©e et/ou le paiement d’une pension aux personnes qui, dĂ©pourvues de moyens de subsistance, vivent sous le mĂȘme toit. Dans sa dĂ©cision, le juge dĂ©termine les modalitĂ©s d’exĂ©cution. En cas de survenance de difficultĂ©s lors de l’exĂ©cution, il peut adopter des mesures complĂ©mentaires pour les rĂ©soudre. L’intervention de la force publique peut ĂȘtre prĂ©vue, ainsi que celle de l’officier sanitaire.

53. La loi no 119 du 15 octobre 2013, (plan d’action extraordinaire destinĂ© Ă  combattre la violence envers les femmes) prĂ©voit de mesures importantes axĂ©es sur les droits procĂ©duraux des victimes de la violence domestique, d’abus sexuel, d’exploitation sexuelle et de harcĂšlement. ConformĂ©ment aux nouvelles dispositions, le procureur et les forces de police ont l’obligation lĂ©gale d’informer les victimes qu’elles peuvent se faire reprĂ©senter par un avocat lors de la procĂ©dure pĂ©nale et qu’elles, ou leurs avocats, peuvent demander une audience protĂ©gĂ©e. Ils doivent Ă©galement informer les victimes de la possibilitĂ© qui leur est offerte de bĂ©nĂ©ficier d’une assistance juridique et des modalitĂ©s d’octroi de ce type d’assistance.

En outre, la loi prĂ©voit que les enquĂȘtes relatives aux crimes prĂ©sumĂ©s soient menĂ©es dans un dĂ©lai d’un an Ă  compter de la date du signalement Ă  la police et que les permis de sĂ©jour des Ă©trangers victimes de violence, y compris des migrants sans documents d’identification, soient prolongĂ©s.

La loi prévoit également la collecte structurée de données sur le phénomÚne, mises à jour réguliÚrement (au moins chaque année), y compris au moyen de la coordination des bases de données déjà établies.

54. Le projet de loi no 724 portant « dispositions relatives Ă  la promotion de la subjectivitĂ© fĂ©minine et Ă  la lutte contre le fĂ©micide » et la proposition de loi du sĂ©nat no 764, dite « Introduction du dĂ©lit de fĂ©micide », sont Ă  l’examen. Il y a lieu de mentionner Ă  cet Ă©gard le projet de loi visant Ă  contribuer Ă  la rĂ©ponse globale Ă  la lutte contre la violence sexiste. Ce projet tend notamment Ă  faire de la discrimination et de la violence sexistes des dĂ©lits caractĂ©risĂ©s.

55. Dans son Rapport “La violence Ă  l’égard des femmes” (2014) l’Institut National de statistique (ISTAT) a fourni des donnĂ©es statistiques concernant la violence Ă  l’égard des femmes.

« Istat carried out the survey in 2014, on a sample of 24,000 women aged 16‑70.The results are to be widely disseminated also among migrant women. Istat carried out the survey in 2014, on a sample of 24,000 women aged 16-70. Estimates indicate the most affected foreign women for citizenship: Romania, Ukraine, Albania, Morocco, Moldavia, China.

More specifically, according to the second Istat survey, 6,788,000 women have been victims of some forms of violence, either physical or sexual, during their life, that is 31.5% of women aged 16-70. 20.2% has been victim of physical violence; 21% of sexual violence and 5.4% of the most serious forms of sexual violence such as rape and attempted rape: 652,000 women have been victims of rape; and 746,000 have been victims of attempted rape.

Further, foreign women are victims of sexual or physical violence on a scale similar to Italian women’s: 31.3% and 31.5%, respectively. However, physical violence is more frequent among the foreign women (25.7% vs. 19.6%), while sexual violence is more common among Italian women (21.5% vs. 16.2%). Specifically, foreign women are more exposed to rape and attempted rape (7.7% vs. 5.1%) with Moldavians (37,3%), Romanians (33,9%) and Ukrainians (33,2%) who are the most affected ones. As for the author, current and former partners are those who commit the most serious crimes. 62.7% of rapes is committed by the current or the former partner while the authors of sexual assault in the majority of cases are unknown (76.8%).

As for the age of the victim, 10.6% of women have been victims of sexual violence prior to the age of 16. Considering VAW-cases against women with children who have been witnessed violence, the rate of children witnessing VAW cases rises to 65.2% compared to the 2006 figure (= 60.3%).

As for women’s status, women separated or divorced are those far more exposes to physical or sexual violence (51.4% vs. 31.5% relating to all other cases).

It remains of great concern the situation of women with disabilities or diseases. 36% of the women with bad health conditions and 36.6% of those with serious limitations have been victims of physical or sexual violence. The risk to be exposed to rape or attempted rape doubles compared to women without any health problems (10% vs. 4.7%).

On a positive note, compared to the previous edition-2006, sexual and physical violence cases result to be reduced from 13.3% to 11.3%. This is the result of an increased awareness of existing protection tools by women in the first place and the public opinion at large, in addition to an overall social climate of condemnation and no mercy for such crimes.

More specifically, physical or sexual violence cases committed by a partner or a former partner is reduced (as for the former, from 5.1% to 4%; as for the latter, from 2.8% to 2%) as well as for cases of VAW perpetrated by non-partners (from 9% to 7.7%).

The decline is meaningful when considering cases among female students: it reduced from 17.1% to 11.9% in the event of former partners; from 5.3% to 2.4% in the event of current partner; and from 26.5% to 22%, in the event of a non-partner.

Significantly reduced are those cases of psychological violence committed by the current partner (from 42.3% to 26.4%), especially when they are not coupled with physical and sexual violence.

Women are far more aware that they have survived a crime (from 14.3% to 29.6% in case of violence by the partner) and it is reported far more often to the police (from 6.7% to 11.8%). More often, they talk about that with someone (from 67.8% to 75.9%) and look for professional help (from 2.4% to 4.9%). The same applies in the event of violence by a non-partner.

Compared to the 2006 edition, survivors are far more satisfied with the relevant work carried out by the police. In the event of violence from the current or the former partner, data show an increase from 9.9% to 28.5%.

Conversely, negative results emerge when considering cases of rape or attempted rape (1.2% in both editions).

The forms of violence are far more serious with an increase of those also victims of injuries (from 26.3% to 40.2% when the partner is the author); and an increased number of women that were fearing that their life was in danger (from 18.8% in 2006 to 34.5% in 2014). Also the forms of violence by a non-partner are more serious.

3, 466,000 women (=16.1%) have been victims of stalking during lifetime, of whom 1, 524,000 have been victims of their former partner; and 2,229,000 from other person that the former partner. »

III. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT

56. Le droit international pertinent est dĂ©crit en partie dans l’affaire Opuz c. Turquie (no 33401/02, §§ 72-82, CEDH 2009) et en partie dans l’affaire Rumor c. Italie (no 72964/10, § 31-35, 27 mai 2014).

57. Lors de sa 49e session, qui s’est tenue du 11 au 29 juillet 2010, le ComitĂ© pour l’élimination de la discrimination Ă  l’égard des femmes (« le ComitĂ© de la CEDAW ») a adoptĂ© ses observations finales concernant l’Italie, lesquelles peuvent se lire comme suit en leurs passages pertinents en l’espĂšce :

«26. Le ComitĂ© salue l’adoption de la loi no 11/2009, qui institue l’infraction de harcĂšlement criminel et prĂ©voit la mise en dĂ©tention obligatoire des auteurs d’actes de violence sexuelle, l’adoption du Plan national de lutte contre la violence Ă  l’encontre des femmes et le harcĂšlement criminel, et la rĂ©alisation par l’Institut national des statistiques (ISTAT) d’une premiĂšre vaste enquĂȘte sur les violences physiques, sexuelles et psychologiques subies par les femmes. En revanche, il reste prĂ©occupĂ© par la prĂ©valence Ă©levĂ©e des violences faites aux femmes et aux filles et par la persistance d’attitudes socioculturelles de tolĂ©rance Ă  l’égard de la violence familiale. De plus, il dĂ©plore le manque de donnĂ©es sur les violences faites aux immigrĂ©es et aux femmes des communautĂ©s rom et sinti. En outre, il constate avec prĂ©occupation qu’un nombre Ă©levĂ© de femmes meurent assassinĂ©es par leur compagnon ou leur ancien compagnon (fĂ©micides), ce qui peut laisser penser que les autoritĂ©s de l’État partie n’en ont pas suffisamment fait pour protĂ©ger ces femmes. ConformĂ©ment Ă  sa recommandation gĂ©nĂ©rale no 19 (1992) sur la violence Ă  l’égard des femmes et aux positions qu’il a adoptĂ©es dans le cadre des procĂ©dures prĂ©vues par le Protocole facultatif, le ComitĂ© invite instamment l’État partie :

a) Ă  privilĂ©gier des dispositifs exhaustifs de lutte contre les violences faites aux femmes dans le cercle familial et dans la sociĂ©tĂ©, en s’intĂ©ressant notamment aux besoins des femmes fragilisĂ©es par une situation particuliĂšre telles que les membres des communautĂ©s rom et sinti, les migrantes, les femmes ĂągĂ©es et les handicapĂ©es ;

b) Ă  assurer aux femmes victimes de violences une protection immĂ©diate avec, notamment, l’exclusion de l’agresseur du domicile familial et une garantie d’accĂšs, pour les femmes, Ă  des foyers d’hĂ©bergement sĂ»rs et correctement financĂ©s situĂ©s dans l’ensemble du territoire ainsi qu’à une aide juridique gratuite, Ă  un accompagnement psychosocial et Ă  des recours suffisants, y compris sous forme de demandes d’indemnisation ;

c) Ă  veiller Ă  ce que les fonctionnaires, et notamment les membres des forces de l’ordre, le personnel judiciaire et les professionnels des services sanitaires, sociaux et Ă©ducatifs, soient systĂ©matiquement et pleinement sensibilisĂ©s Ă  toutes les formes de violence Ă  l’encontre des femmes et des filles;

d) Ă  mieux recueillir les donnĂ©es relatives Ă  toutes les formes de violence Ă  l’encontre des femmes, y compris la violence familiale, Ă  amĂ©liorer la protection des victimes, Ă  mieux poursuivre et sanctionner les auteurs de violences et Ă  mener des enquĂȘtes permettant d’évaluer prĂ©cisĂ©ment la prĂ©valence des violences subies par les femmes appartenant Ă  des groupes dĂ©favorisĂ©s telles que les femmes des communautĂ©s rom et sinti, les migrantes, les femmes ĂągĂ©es et les handicapĂ©es ;

e) Ă  continuer de mener dans les mĂ©dias et dans les Ă©coles, en collaboration avec un large Ă©ventail d’acteurs, parmi lesquels les associations fĂ©minines et d’autres organisations de la sociĂ©tĂ© civile, des campagnes de sensibilisation visant Ă  rendre socialement inacceptable la violence Ă  l’encontre des femmes, et Ă  informer le grand public des mesures de prĂ©vention existant face Ă  cette violence ;

f) Ă  ratifier dans les meilleurs dĂ©lais la Convention du Conseil de l’Europe sur la prĂ©vention et la lutte contre la violence Ă  l’égard des femmes et la violence domestique. »

58. Le 27 septembre 2012, la Convention sur la prĂ©vention et la lutte contre la violence Ă  l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) a Ă©tĂ© signĂ©e. Elle a Ă©tĂ© ratifiĂ©e par l’Italie le 10 septembre 2013 et est entrĂ©e en vigueur dans ce pays le 1er aoĂ»t 2014. Les passages pertinents en l’espĂšce de cette convention sont en partie exposĂ©s dans l’affaire Y. c. SlovĂ©nie (no 41107/10, § 72, CEDH 2015 (extraits)). En outre, l’article 3 de ladite convention Ă©nonce ce qui suit :

Article 3 – DĂ©finitions

«Aux fins de la présente Convention :

a. le terme « violence Ă  l’égard des femmes » doit ĂȘtre compris comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination Ă  l’égard des femmes, et dĂ©signe tous les actes de violence fondĂ©s sur le genre qui entraĂźnent, ou sont susceptibles d’entraĂźner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou Ă©conomique, y compris la menace de se livrer Ă  de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de libertĂ©, que ce soit dans la vie publique ou privĂ©e ;

b. le terme « violence domestique » dĂ©signe tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou Ă©conomique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indĂ©pendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagĂ© le mĂȘme domicile que la victime ;

(...) »

59. Les conclusions du rapporteur spécial des Nations Unies chargé de la question des violences contre les femmes, de leurs causes et conséquences, rédigées à la suite de sa mission en Italie (du 15 au 26 janvier 2012), peuvent se lire ainsi :

«VII. Conclusions and recommendations

91. Efforts have been made by the Government to address the issue of violence against women, including through the adoption of laws and policies and the establishment and merger of governmental bodies responsible for the promotion and protection of women’s rights. Yet these achievements have not led to a decrease in the femicide rate or translated into real improvements in the lives of many women and girls, particularly Roma and Sinti women, migrant women and women with disabilities.

92. Despite the challenges of the current political and economic situation, targeted and coordinated efforts in addressing violence against women, through practical and innovative use of limited resources, need to remain a priority. The high levels of domestic violence, which are contributing to rising levels of femicide, demand serious attention.

93. The Special Rapporteur would like to offer the Government the following recommendations.

A. Law and policy reforms

94. The Government should:

(a) Put in place a single dedicated governmental structure to deal exclusively with the issue of substantive gender equality broadly and violence against women in particular, to overcome duplication and lack of coordination;

(b) Expedite the creation of an independent national human rights institution with a section dedicated to women’s rights;

(c) Adopt a specific law on violence against women to address the current fragmentation which is occurring in practice due to the interpretation and implementation of the civil, criminal and procedures codes;

(d) Address the legal gap in the areas of child custody and include relevant provisions relating to protection of women who are the victims of domestic violence;

(e) Provide education and training to strengthen the skills of judges to effectively address cases of violence against women;

(f) Ensure the provision of quality, State-sponsored legal aid to women victims of violence as envisaged in the constitution and Law No. 154/200 on measures against violence in family relations;

(g) Promote existing alternative forms of detention, including house arrest and low-security establishments for women with children, having due regard to the largely non-violent nature of the crimes for which they are incarcerated and the best interest of children;

(h) Adopt a long-term, gender-sensitive and sustainable policy for social inclusion and empowerment of marginalized communities, with a particular focus on women’s health, education, labour and security;

(i) Ensure the involvement of representatives of these communities, particularly women, in the design, development and implementation of policies which impact them;

(j) Ensure continued provision of quality education for all, including through a flexible application of the 30 per cent ceiling of non-Italian pupils per classroom, to allow for inclusive schools particularly in places where the population of non-Italians is high.

(k) Amend the “Security Package” laws generally, and the crime of irregular migration in particular, to ensure access of migrant women in irregular situations to the judiciary and law enforcement agencies, without fear of detention and deportation;

(l) Address the existing gender disparities in the public and private sectors by effectively implementing the measures provided by the Constitution and other legislation and policies to increase the number of women, including from marginalized groups, in the political, economic, social, cultural and judicial spheres;

(m) Continue to remove legal hurdles affecting the employment of women, which is exacerbated through the practice of signing blank resignations, and the lower positions and salary scale for women. Strengthen the social welfare system by removing impediments to the integration of women into the labour market;

(n) Ratify and implement the Convention on jurisdiction, applicable law, recognition, enforcement and cooperation in respect of parental responsibility and measures for the protection of children; the International Convention on the Protection of the Rights of All Migrant Workers and Members of Their Families, International Labour Organization Convention No. 189 (2011) concerning decent work for domestic workers; the European Convention on the Compensation of Victims of Violent Crimes and the Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence.

B. Societal changes and awareness-raising initiatives

95. The Government should also:

 

(a) Continue to conduct awareness-raising campaigns aimed at eliminating stereotypical attitudes about the roles and responsibilities of women and men in the family, society and workplace;

(b) Strengthen the capacity of the National Racial Discrimination Office to put in place programmes to bring about change in society’s perception of women who belong to marginalized communities and groups;

(c) Continue to conduct targeted sensitization campaigns, including with CSOs, to increase awareness on violence against women generally, and women from marginalized groups in particular;

(d) Train and sensitize the media on women’s rights including on violence against women, in order to achieve a non-stereotyped representation of women and men in the national media.

C. Support services

96. The Government should further:

(a) Continue to take the necessary measures, including financial, to maintain existing and/or set-up new anti-violence shelters for the assistance and protection of women victims of violence;

(b) Ensure that shelters operate according to international and national human rights standards and that accountability mechanisms are put in place to monitor the support provided to women victims of violence;

(c) Enhance coordination and exchange of information among the judiciary, police and psychosocial and health operators who deal with violence against women;

(d) Recognize, encourage and support public-private partnerships with CSOs and higher learning institutions, to provide research and responses to addressing violence against women. »

60. Un rapport de l’organisation non gouvernementale WAVE (Woment against violence Europe) concernant l’Italie a Ă©tĂ© publiĂ© en 2015. Sa partie pertinente en l’espĂšce se lit comme suit :

«In 2014, 681 women and 721 children were accommodated at 45 women’s shelters that are part of the national network Associazione Nazionale Donne in Rete contro la violenza - D.i.R.e.

In addition, there are three shelters for Black and Minority Ethnic (BME) women, migrant and asylum seeking women in the cities of Reggio Emilia, Imola and Modena, one shelter for girls and young women victims of forced marriage, and 12 shelters for victims of trafficking.

Women’s Centres

There are 140 women’s centres providing non-residential support to women survivors of any kind of violence in Italy; 113 of these centres are run by NGOs, 19 are run by the state, and 8 are run by faith-based organisations. While the exact number of such services is not known, there are several women’s centres for Black and Minority Ethnic (BME) women, as well as centres for women victims of trafficking. All the women’s centres provide information and advice, counselling, advocacy and practical support with access to social rights (i.e. housing, income, health care) and legal advice. Some only provide specialist support for children and family support, and cooperate with programmes for perpetrators of violence against women.

Women’s Networks

There is one national women’s network in Italy, called Associazione Nazionale Donne in Rete contro la violenza - D.i.R.e. The network includes 73 members, all women’s organisations running women’s shelters and anti-violence centres in Italy. Formed in 2008 and based in Rome, the network conduct activities in the areas of public awareness, lobbying and advocacy, training, research and networking. In 2014, the network received EUR 66,747 in funding from various private donors and foundations for specific projects, and EUR 20,000 in membership fees.

Policy & Funding

The Extraordinary Action Plan against gender and sexual violence in accordance with art.5 par. 1 Law Decree 14 August 2013 n.93 converted with amendments into Law 15 October 2013 n.119 (Piano di Azione Straordinario contro la violenza sessuale e di genere ai sensi dell’art 5 comma 1 D.L. 14 Agosto 2013 n. 93 convertito con modifiche nella legge del 15 Ottobre 2013 n 119) was launched in 2015 and covers a three-year period [voir paragraphe 53 ci-dessus]. The Plan addresses rape and sexual assault only marginally, and it does not provide for adequate financing of existing services or to create new services in the many regions where these are inexistent. While forced and early marriage is mentioned in the Plan, no particular measures are included. Conceived as an extraordinary measure provided for in a law decree addressing other subjects, the Plan generally fails to address the structural characteristics of violence against women and gender-based violence. Measures and interventions included in the Plan do not consider women’s shelters and anti-violence centres as key actors in providing specialist support to survivors of violence, with a gender perspective.

The Department for Equal Opportunities – Presidency of the Council of Ministers – acts as coordinating body for the implementation of policies on VAW. This body has in practice little effectiveness, largely due to the failure of the President of the Council of Ministers to appoint a Minister with decision-making.

There is currently no national monitoring body entrusted with the evaluation of national strategies on VAW in Italy, and women’s organisations are rarely invited to conduct such evaluation. Nonetheless, in 2014, a coalition of Italian women’s NGOs (among which D.i.R.e.) submitted a Shadow Report on the implementation of the Beijing Declaration and Platform for Action covering 2009-2014, and including review of national strategies on VAW.

In 2014, funding for governmental activities to combat VAW equalled EUR 7 million, while very little funding was provided for NGOs activities through local regional governments; detailed information on funding for NGOs activities is not available, due to the budget being decentralized. State funding for women’s organisations providing support is exclusively project-based.

Prevention, Awareness-raising, Campaigning

The national women’s network, along with most of the women’s shelters and centres, and the national women’s helpline conduct activities in the field of prevention, awareness-raising and campaigning; besides the national women’s helpline (1522), none of them received funding to carry out these activities in 2014.

Training

Most of the women’s shelters and centres conduct trainings with a number of target groups: police, judiciary, civil servants, health professionals, psychologists, social workers, education professionals, media, and others. »

EN DROIT

I. SUR LA RECEVABILITÉ

61. Le Gouvernement soulĂšve deux exceptions d’irrecevabilitĂ©.

A. Sur le non-respect allĂ©guĂ© du dĂ©lai de six mois prĂ©vu Ă  l’article 35 § 1 de la Convention

62. Le Gouvernement argue que la requĂȘte est tardive, au motif que la requĂ©rante l’a introduite aprĂšs le classement de la plainte, Ă  savoir le 1er aoĂ»t 2013. Par ailleurs, la requĂ©rante n’aurait pas exprimĂ© la volontĂ© d’ĂȘtre informĂ©e d’un classement de la plainte.

63. Se rĂ©fĂ©rant Ă  la jurisprudence de la Cour (Varnava et autres c. Turquie [GC], nos 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/90, 16072/90 et 16073/90, §156-158, CEDH 2009, et Edwards c. Royaume-Uni (dĂ©c.), no 46477/99, 7 juin 2001), la requĂ©rante indique qu’elle a pris conscience seulement le 26 novembre 2013 que le seul remĂšde Ă  sa disposition Ă©tait ineffectif. Elle estime que c’est cette date qui doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme Ă©tant le point de dĂ©part du dĂ©lai de six mois.

64. Elle ajoute que l’enquĂȘte pour maltraitance familiale a Ă©tĂ© rouverte tout de suite aprĂšs le meurtre, et que A.T. a Ă©tĂ© condamnĂ© par le GUP en 2015 et par la cour d’appel en 2016. Elle soutient que, par consĂ©quent, le dĂ©lai de six mois a Ă©tĂ© respectĂ©.

65. La Cour observe que la requĂ©rante a introduit sa requĂȘte dans un dĂ©lai de six mois Ă  compter de la date Ă  laquelle son fils a Ă©tĂ© tuĂ© et Ă  laquelle elle-mĂȘme a subi une tentative de meurtre de la part de A.T. Elle considĂšre que c’est lorsque la requĂ©rante s’est rendu compte de l’incapacitĂ© des autoritĂ©s Ă  empĂȘcher A.T. de commettre de nouvelles violences qu’elle a pris conscience du caractĂšre ineffectif des recours disponibles dans l’ordre juridique interne (Opuz, prĂ©citĂ©, § 112). De plus, elle note que la plainte de la requĂ©rante a Ă©tĂ© seulement partiellement classĂ©e et que A.T. a Ă©tĂ© renvoyĂ© en jugement pour les lĂ©sions corporelles aggravĂ©es qu’il avait infligĂ©es Ă  la requĂ©rante lors de l’agression du mois d’aoĂ»t 2012. En outre, elle constate que l’enquĂȘte pour maltraitance familiale a Ă©tĂ© rouverte en novembre 2013 et que A.T. a Ă©tĂ© condamnĂ© pour lĂ©sions corporelles aggravĂ©es.

66. À la lumiĂšre de ce qui prĂ©cĂšde, la Cour estime que le dĂ©lai de six mois a commencĂ© Ă  courir au plus tĂŽt le 26 novembre 2013.

67. Compte tenu des particularitĂ©s de l’espĂšce, il convient de considĂ©rer que la requĂ©rante a introduit sa requĂȘte dans le dĂ©lai de six mois prĂ©vu Ă  l’article 35 § 1 de la Convention. En consĂ©quence, la Cour rejette l’exception prĂ©liminaire du Gouvernement tirĂ©e du non-respect de la rĂšgle des six mois.

B. Sur le non-épuisement allégué des voies de recours internes

68. Le Gouvernement excipe du non-Ă©puisement des voies de recours internes pour deux raisons. En premier lieu, il indique que la requĂ©rante a introduit sa requĂȘte alors que la procĂ©dure pour meurtre et tentative de meurtre aurait encore Ă©tĂ© pendante. En deuxiĂšme lieu, il indique qu’elle n’a pas fait opposition Ă  la demande de classement du procureur au GIP concernant le dĂ©lit de maltraitance familiale et qu’elle ne s’est pas non plus pourvue en cassation contre la dĂ©cision de classement.

69. Le Gouvernement argue que, au demeurant, la requĂ©rante aurait Ă©galement pu demander au juge civil d’appliquer les mesures de protection prĂ©vues Ă  l’article 342 bis et ter du code civil, mĂȘme si, selon lui, le juge civil aurait pu ne pas les appliquer au motif que, au moment du dĂ©pĂŽt de la plainte, la requĂ©rante avait quittĂ© le domicile familial et ne vivait plus avec A.T.

70. La requĂ©rante conteste les arguments du Gouvernement. Tout d’abord, elle soutient avoir Ă©puisĂ© les voies de recours internes, estimant que la plainte pĂ©nale qu’elle a dĂ©posĂ©e le 5 septembre 2012 n’était pas un remĂšde effectif. À cet Ă©gard, elle dĂ©clare que, nonobstant la demande de mesures de protection et l’urgence signalĂ©e par le procureur Ă  la police, chargĂ©e de l’enquĂȘte (paragraphe 21 ci-dessus), elle n’a Ă©tĂ© entendue que sept mois plus tard. Elle expose que la premiĂšre audience a eu lieu seulement en 2014, aprĂšs le meurtre de son fils. Elle ajoute que, de plus, les autoritĂ©s italiennes ont omis de la protĂ©ger et de la faire bĂ©nĂ©ficier d’une aide aprĂšs les violences qu’elle aurait subies.

71. La requĂ©rante dĂ©clare enfin que sa plainte n’a Ă©tĂ© que partiellement classĂ©e, que la premiĂšre audience dans le cadre de l’affaire concernant le dĂ©lit de lĂ©sions corporelles Ă  la suite de l’agression commise par A.T. au mois d’aoĂ»t 2012 a eu lieu en 2014 et que l’enquĂȘte pour maltraitance a Ă©tĂ© rouverte aprĂšs les faits du 26 novembre 2013. Elle rĂ©pĂšte que sa plainte n’a pas Ă©tĂ© un remĂšde effectif et qu’elle a Ă©puisĂ© les voies de recours internes.

72. Quant au fait que la procĂ©dure pĂ©nale contre A.T. pour le meurtre de son fils et la tentative de meurtre sur sa personne est encore pendante, la requĂ©rante indique que sa requĂȘte a pour objet l’inaction des autoritĂ©s du 2 juin 2012 jusqu’à la date du meurtre de son fils et qu’elle ne concerne pas la procĂ©dure relative Ă  la responsabilitĂ© pĂ©nale de A.T.

73. Eu Ă©gard Ă  son absence d’opposition contre la proposition du parquet de classer partiellement la plainte, la requĂ©rante assure ne pas avoir Ă©tĂ© informĂ©e de la dĂ©cision de classement.

74. La Cour relĂšve que la question centrale qui se pose en l’espĂšce au sujet de l’épuisement des voies de recours internes est celle de savoir si la requĂ©rante a fait usage des voies de droit disponibles dans l’ordre juridique interne. Elle note en outre que l’objet principal de la requĂȘte est avant tout de savoir si les autoritĂ©s ont fait preuve de la diligence requise pour prĂ©venir les actes de violence dirigĂ©s contre la requĂ©rante et son fils, notamment en prenant Ă  l’égard de A.T. des mesures appropriĂ©es Ă  caractĂšre rĂ©pressif ou prĂ©ventif. Ces deux questions Ă©tant indissolublement liĂ©es, la Cour dĂ©cide de les joindre au fond et de les examiner sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention (Opuz, prĂ©citĂ©, §116).

75. Eu Ă©gard Ă  ce qui prĂ©cĂšde, la Cour estime que la requĂȘte n’est pas manifestement mal fondĂ©e au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu’elle ne se heurte Ă  aucun autre motif d’irrecevabilitĂ©, elle la dĂ©clare recevable.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 2 ET 3 DE LA CONVENTION

76. Invoquant les articles 2, 3 et 8 de la Convention, la requĂ©rante, se plaint que, par leur inertie et leur indiffĂ©rence, les autoritĂ©s italiennes, bien qu’averties Ă  plusieurs reprises de la violence de son mari, n’ont pas pris les mesures nĂ©cessaires et appropriĂ©es pour protĂ©ger sa vie et celle de son fils contre le danger, Ă  ses yeux rĂ©el et connu que reprĂ©sentait son mari, et n’ont pas empĂȘchĂ© la commission d’autres violences domestiques. Les autoritĂ©s ont ainsi failli Ă  leur obligation positive consacrĂ©e la Convention.

77. La Cour rappelle que, maĂźtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considĂšre pas comme liĂ©e par celle que leur attribuent les requĂ©rants ou les gouvernements. En vertu du principe jura novit curia, elle a, par exemple, examinĂ© d’office des griefs sous l’angle d’un article ou paragraphe que n’avaient pas invoquĂ© les parties. Un grief se caractĂ©rise en effet par les faits qu’il dĂ©nonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoquĂ©s (Aksu c. Turquie [GC], nos 4149/04 et 41029/04, § 43, CEDH 2012). Eu Ă©gard aux circonstances dĂ©noncĂ©es par la requĂ©rante et Ă  la formulation de ses griefs, la Cour examinera ces derniers sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention (pour une approche similaire, voir E.M. c. Roumanie, no 43994/05, § 51, 30 octobre 2012, Valiulienė c. Lituanie, no 33234/07, § 87, 26 mars 2013, et M.G. c. Turquie, no 646/10, § 62, 22 mars 2016).

Aux termes de ces articles :

Article 2

«1. Le droit de toute personne Ă  la vie est protĂ©gĂ© par la loi. La mort ne peut ĂȘtre infligĂ©e Ă  quiconque intentionnellement, sauf en exĂ©cution d’une sentence capitale prononcĂ©e par un tribunal au cas oĂč le dĂ©lit est puni de cette peine par la loi. »

Article3

«Nul ne peut ĂȘtre soumis Ă  la torture ni Ă  des peines ou traitements inhumains ou dĂ©gradants. »

78. Le Gouvernement combat cette thĂšse.

A. Arguments de la requérante

79. La requĂ©rante allĂšgue que le manquement des autoritĂ©s Ă  leur obligation de protĂ©ger sa vie et celle de son fils, tuĂ© par son mari, a emportĂ© violation de l’article 2 de la Convention. Elle soutient Ă  cet Ă©gard que les autoritĂ©s italiennes n’ont pas protĂ©gĂ© le droit Ă  la vie de son fils et qu’elles ont fait preuve de nĂ©gligence devant les actes de violence, les menaces et les blessures rĂ©pĂ©tĂ©s dont elle-mĂȘme aurait Ă©tĂ© l’objet.

80. Elle argue que les autoritĂ©s italiennes ont tolĂ©rĂ© de facto la violence de son mari. Elle estime que les agents de police savaient depuis juin 2012 qu’elle Ă©tait victime de violences et qu’ils auraient dĂ» savoir qu’il y avait un risque rĂ©el et sĂ©rieux que A.T. perpĂ©trĂąt des actions violentes contre elle. Selon la requĂ©rante, il y a eu des signes Ă©vidents de la persistance du danger la menaçant, mais les autoritĂ©s n’ont pas pris les mesures nĂ©cessaires immĂ©diatement aprĂšs le dĂ©pĂŽt de sa plainte et l’ont ainsi laissĂ©e seule et sans dĂ©fense.

81. La requĂ©rante allĂšgue encore que, en dĂ©pit du certificat de l’hĂŽpital du 19 aoĂ»t 2012 Ă©tablissant qu’elle avait Ă©tĂ© battue et menacĂ©e avec un couteau, cette circonstance n’a pas Ă©tĂ© prise au sĂ©rieux.

82. Aux yeux de la requĂ©rante, le seul remĂšde disponible Ă©tait la plainte pĂ©nale et il n’a pas Ă©tĂ© effectif. La requĂ©rante indique avoir portĂ© plainte le 5 septembre 2012 et avoir Ă©tĂ© entendue en avril 2013. Elle ajoute que, pendant les sept mois qui ont sĂ©parĂ© le dĂ©pĂŽt de la plainte de son audition, aucun acte d’enquĂȘte n’a Ă©tĂ© menĂ© et aucun tĂ©moin n’a Ă©tĂ© entendu. En mars 2013, le procureur a dĂ» Ă  nouveau solliciter la police afin que l’enquĂȘte fĂ»t menĂ©e (paragraphe 29 ci-dessus).

83. La requĂ©rante dĂ©nonce l’inertie des autoritĂ©s et indique avoir changĂ© sa version des faits une fois interrogĂ©e par la police sept mois aprĂšs le dĂ©pĂŽt de sa plainte. Selon la requĂ©rante, il est Ă©vident que l’État ne l’a pas protĂ©gĂ©e et qu’elle a Ă©tĂ© abandonnĂ©e par les autoritĂ©s, qui n’auraient pas pris de mesures de protection Ă  son Ă©gard malgrĂ© sa demande en ce sens. La requĂ©rante indique en outre que la municipalitĂ© de Udine, tout en connaissant la situation difficile dans laquelle elle se trouvait, lui avait refusĂ© son aide en mettant un terme au financement de son sĂ©jour au sein du centre gĂ©rĂ© par l’association de protection des femmes victimes de violences. Elle est d’avis que les autoritĂ©s auraient dĂ» intervenir d’office compte tenu des circonstances de l’espĂšce et de sa vulnĂ©rabilitĂ©.

84. La requĂ©rante argue que, selon la jurisprudence de la Cour, les obligations positives dĂ©coulant de l’article 2 de la Convention impliquent pour l’État le devoir primordial d’assurer le droit Ă  la vie par la mise en place d’une lĂ©gislation pĂ©nale concrĂšte dissuadant de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mĂ©canisme d’application conçu pour en prĂ©venir, rĂ©primer et sanctionner les violations. Elle estime que cela peut aussi vouloir dire, dans certaines circonstances, mettre Ă  la charge des autoritĂ©s l’obligation positive de prendre prĂ©ventivement des mesures d’ordre pratique pour protĂ©ger l’individu dont la vie est menacĂ©e par les agissements criminels d’autrui (Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, § 115, Recueil des arrĂȘts et dĂ©cisions 1998-VIII, citĂ© dans KontrovĂĄ c. Slovaquie, no 7510/04, § 49, 31 mai 2007). Elle conclut que, en l’espĂšce, l’État italien n’a pas pris les mesures nĂ©cessaires pour protĂ©ger sa vie ainsi que celle de son fils.

85. Se rĂ©fĂ©rant Ă  la jurisprudence de la Cour (Opuz, prĂ©citĂ©, § 159), la requĂ©rante se plaint d’avoir Ă©tĂ© victime Ă©galement d’un traitement inhumain et dĂ©gradant. Elle rĂ©pĂšte qu’elle a dĂ©posĂ© une plainte, avec dossier mĂ©dical Ă  l’appui, en septembre 2012 et que, pendant sept mois, les autoritĂ©s n’ont rien fait pour la protĂ©ger. Elle ajoute que, pendant ce temps, son mari avait rĂ©ussi Ă  la convaincre de retourner vivre avec lui.

86. En conclusion, la requĂ©rante considĂšre que l’État a manquĂ© Ă  ses obligations positives dĂ©coulant des articles 2 et 3 de la Convention.

B. Arguments du Gouvernement

87. AprĂšs avoir Ă©noncĂ© les principes qui se dĂ©gageraient de la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement indique que toute menace prĂ©sumĂ©e contre la vie n’oblige pas les autoritĂ©s, au regard de la Convention, Ă  prendre des mesures concrĂštes pour en prĂ©venir la rĂ©alisation (Opuz, prĂ©citĂ©, § 129). Il considĂšre que, de plus, il doit ĂȘtre Ă©tabli que les autoritĂ©s savaient ou auraient dĂ» savoir sur le moment que la vie d’un individu donnĂ© Ă©tait menacĂ©e de maniĂšre rĂ©elle et immĂ©diate en raison d’actes criminels de la part d’un tiers et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d’un point de vue raisonnable, auraient sans doute palliĂ© ce risque.

88. De plus, le Gouvernement estime qu’il faut distinguer la prĂ©sente affaire de l’affaire Opuz (arrĂȘt prĂ©citĂ©). Il est d’avis que, en l’espĂšce, les autoritĂ©s ne savaient pas et n’auraient pas pu savoir que la requĂ©rante et son fils Ă©taient en danger de mort, au motif qu’il n’existait aucune preuve tangible d’un danger imminent pour la vie de l’intĂ©ressĂ©e et de son fils. Il indique que, aprĂšs les deux Ă©pisodes de violences des mois de juin et d’aoĂ»t 2012, la requĂ©rante avait trouvĂ© refuge dans un centre d’aide aux victimes et qu’elle avait ensuite trouvĂ© un travail lui assurant une indĂ©pendance financiĂšre. Selon le Gouvernement, les deux Ă©pisodes signalĂ©s en juin et en aoĂ»t 2012 faisaient vraisemblablement penser Ă  de simples conflits familiaux. Le Gouvernement considĂšre que les autoritĂ©s ont fait tout ce qu’il Ă©tait en leur pouvoir en verbalisant A.T. pour port d’arme prohibĂ©, et que l’ouverture d’une enquĂȘte pour maltraitance et lĂ©sions corporelles nĂ©cessitait le dĂ©pĂŽt d’une plainte pĂ©nale.

89. Le Gouvernement expose Ă©galement que la requĂ©rante a quittĂ© le centre oĂč elle s’était rĂ©fugiĂ©e et que, lorsqu’elle a Ă©tĂ© interrogĂ©e par la police en avril 2013, elle a modifiĂ© ses dĂ©clarations antĂ©rieures. Il indique que les autoritĂ©s, avant de procĂ©der au classement de la plainte pour maltraitance familiale, ont vĂ©rifiĂ© si sa version des faits Ă©tait exacte, s’il y avait eu d’autres Ă©vĂ©nements de ce type et si l’intĂ©ressĂ©e se trouvait dans une situation de vulnĂ©rabilitĂ© susceptible de l’amener Ă  modifier ses dĂ©clarations. Selon le Gouvernement, la requĂ©rante avait alors dĂ©clarĂ© qu’il n’y avait plus eu d’incident et que A.T. Ă©tait calme.

90. Dans cette situation, le Gouvernement juge qu’une intervention des autoritĂ©s aurait pu contrevenir Ă  l’article 8 de la Convention.

91. Selon lui, le laps de temps Ă©coulĂ© entre le dĂ©pĂŽt de la plainte et l’audition de la requĂ©rante n’a pas eu pour consĂ©quence de laisser la requĂ©rante exposĂ©e aux violences de A.T. Le Gouvernement indique de plus que, aucune autre demande d’intervention n’ayant Ă©tĂ© signalĂ©e, il n’y avait aucun signe concret de violences rĂ©elles et immĂ©diates. Il ajoute que les autoritĂ©s ont dĂ©cidĂ© de ne pas poursuivre A.T. pour maltraitance familiale sur la base des Ă©lĂ©ments prĂ©citĂ©s.

92. Le Gouvernement soutient que la requĂ©rante n’a jamais dĂ©montrĂ© avoir subi de maniĂšre continue des abus ou des violences ni avoir vĂ©cu dans la peur d’ĂȘtre agressĂ©e. Il indique que, en revanche, lors de son audition devant la police en avril 2013, elle a affirmĂ© qu’elle ne subissait plus de violences.

93. Par consĂ©quent, le Gouvernement estime que les actes de violence prĂ©tendument subis par la requĂ©rante ne peuvent pas ĂȘtre qualifiĂ©s de traitements inhumains et dĂ©gradants.

94. Du point de vue procĂ©dural, le Gouvernement estime avoir rempli ses obligations positives dĂ©coulant de la Convention. Il indique que, Ă  la suite de l’enquĂȘte, la requĂ©rante ayant modifiĂ© ses dĂ©clarations, le parquet a dĂ» demander le classement de la plainte. Il ajoute que, par ailleurs, la procĂ©dure a continuĂ© pour le dĂ©lit de lĂ©sions corporelles et que A.T. a Ă©tĂ© condamnĂ© le 1er octobre 2015 Ă  payer une amende de 2 000 EUR.

C. Appréciation de la Cour

1. Principes applicables

95. La Cour examinera les griefs sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention Ă  la lumiĂšre des principes convergents dĂ©coulant de l’une et de l’autre de ces dispositions, principes bien Ă©tablis en la matiĂšre et rĂ©sumĂ©s, entre autres, dans les arrĂȘts Natchova et autres c. Bulgarie ([GC], nos 43577/98 et 43579/98, §§ 110 et 112-113, CEDH 2005-VII), Ramsahai et autres c. Pays-Bas ([GC], no 52391/99, §§ 324-325, CEDH 2007‑II).

96. La Cour a dĂ©jĂ  prĂ©cisĂ© qu’elle doit interprĂ©ter les articles 2 et 3 en gardant Ă  l’esprit que l’objet et le but de la Convention, en tant qu’instrument de protection des ĂȘtres humains, appellent à comprendre et appliquer ses dispositions d’une maniĂšre qui en rende les exigences concrĂštes et effectives.

97. Elle rappelle que tout comme l’article 2, l’article 3 doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme l’une des clauses primordiales de la Convention consacrant l’une des valeurs fondamentales des sociĂ©tĂ©s dĂ©mocratiques qui forment le Conseil de l’Europe (Soering c. Royaume-Uni, arrĂȘt du 7 juillet 1989, sĂ©rie A no 161, p. 34, § 88). Contrastant avec les autres dispositions de la Convention, il est libellĂ© en termes absolus, ne prĂ©voyant ni exceptions ni limitations, et conformĂ©ment Ă  l’article 15 de la Convention il ne souffre nulle dĂ©rogation (Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, § 49, CEDH 2002‑III).

98. La Cour rappelle Ă©galement les principes gĂ©nĂ©raux qui se dĂ©gagent de sa jurisprudence en matiĂšre de violences domestiques tels qu’énoncĂ©s dans l’affaire Opuz (arrĂȘt prĂ©citĂ©, § 159, avec les rĂ©fĂ©rences jurisprudentielles y mentionnĂ©es).

99. À cet Ă©gard, elle rĂ©itĂšre que les enfants et autres personnes vulnĂ©rables – dont font partie les victimes de violences domestiques – en particulier ont droit Ă  la protection de l’État, sous la forme d’une prĂ©vention efficace, les mettant Ă  l’abri de formes aussi graves d’atteinte Ă  l’intĂ©gritĂ© de la personne (Opuz, prĂ©citĂ©, § 159). Elle rappelle aussi que les obligations positives Ă©noncĂ©es Ă  la premiĂšre phrase de l’article 2 de la Convention impliquent Ă©galement l’obligation pour l’État de mettre en place un systĂšme judiciaire efficace et indĂ©pendant permettant d’établir la cause du meurtre d’un individu et de punir les coupables. Le but essentiel de pareille enquĂȘte est d’assurer la mise en Ɠuvre effective des dispositions de droit interne qui protĂšgent le droit Ă  la vie et, lorsque le comportement d’agents ou autoritĂ©s de l’État pourrait ĂȘtre mis en cause, de veiller Ă  ce que ceux-ci rĂ©pondent des dĂ©cĂšs survenus sous leur responsabilitĂ©. Une exigence de promptitude et de diligence raisonnable est implicite dans ce contexte (idem, §§ 150-151).

100. La Cour a en outre dĂ©jĂ  dit que les obligations positives qui pĂšsent sur les autoritĂ©s – dans certains cas en vertu de l’article 2 ou de l’article 3 de la Convention, et dans d’autres cas en vertu de l’article 8, considĂ©rĂ© seul ou combinĂ© avec l’article 3 – peuvent comporter un devoir de mettre en place et d’appliquer un cadre juridique adaptĂ© offrant une protection contre les actes de violence pouvant ĂȘtre commis par des particuliers (voir, parmi d’autres, Bevacqua et S. c. Bulgarie, no 71127/01, § 65, 12 juin 2008, Sandra Janković c. Croatie, no 38478/05, § 45, 5 mars 2009, A. c. Croatie, no 55164/08, § 60, 14 octobre 2010, et Đorđević c. Croatie, no 41526/10, §§ 141-143, CEDH 2012 M. et M. c. Croatie, no 10161/13, § 136, CEDH 2015 (extraits).

101. Aussi, dans certaines circonstances bien dĂ©finies, l’article 2 peut mettre Ă  la charge des autoritĂ©s l’obligation positive d’adopter prĂ©alablement des mesures d’ordre pratique pour protĂ©ger l’individu dont la vie est menacĂ©e par les agissements criminels d’autrui (Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, § 115, Recueil 1998‑VIII ; Branko TomaĆĄić et autres c. Croatie, no 46598/06, § 50, 15 janvier 2009, et Opuz, prĂ©citĂ© § 128; Mahmut Kaya c. Turquie, no 22535/93, § 85, CEDH 2000‑III, Kılıç c. Turquie, no 22492/93, § 62, CEDH 2000‑III).

Il faut interprĂ©ter l’étendue de l’obligation positive de maniĂšre Ă  ne pas imposer aux autoritĂ©s un fardeau insupportable ou excessif, eu Ă©gard aux difficultĂ©s pour la police d’exercer ses fonctions dans les sociĂ©tĂ©s contemporaines, Ă  l’imprĂ©visibilitĂ© du comportement humain et aux choix opĂ©rationnels Ă  faire en termes de prioritĂ©s et de ressources. DĂšs lors, toute menace allĂ©guĂ©e contre la vie n’oblige pas les autoritĂ©s, au regard de la Convention, Ă  prendre des mesures concrĂštes pour en prĂ©venir la rĂ©alisation. Pour qu’il y ait obligation positive, il doit ĂȘtre Ă©tabli que les autoritĂ©s savaient ou auraient dĂ» savoir sur le moment qu’un individu donnĂ© Ă©tait menacĂ© de maniĂšre rĂ©elle et immĂ©diate dans sa vie du fait des actes criminels d’un tiers et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d’un point de vue raisonnable, auraient sans doute palliĂ© ce risque (Keenan c. Royaume-Uni, no 27229/95, §§ 89-90, CEDH 2001‑III, GongadzĂ© c. Ukraine, no 34056/02, § 165, CEDH 2005‑XI, et Opuz prĂ©citĂ©, § 129-130). Une autre considĂ©ration pertinente est la nĂ©cessitĂ© de s’assurer que la police exerce son pouvoir de juguler et de prĂ©venir la criminalitĂ© en respectant pleinement les voies lĂ©gales et autres garanties qui limitent lĂ©gitimement l’étendue de ses actes d’investigations criminelles et de traduction des dĂ©linquants en justice, y compris les garanties figurant aux articles 5 et 8 de la Convention (Osman, prĂ©citĂ©, § 116 et Opuz, prĂ©citĂ©, § 129).

102. La Cour rappelle que, combinĂ©e avec l’article 3 de la Convention, l’obligation que l’article 1 de la Convention impose aux Hautes Parties contractantes de garantir Ă  toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertĂ©s consacrĂ©s par la Convention leur commande de prendre des mesures propres Ă  empĂȘcher que lesdites personnes ne soient soumises Ă  des tortures, Ă  des traitements ou Ă  des chĂątiments inhumains ou dĂ©gradants, mĂȘme administrĂ©s par des particuliers.

103. Cela Ă©tant, il n’entre pas dans les attributions de la Cour de se substituer aux autoritĂ©s nationales et d’opĂ©rer Ă  leur place un choix parmi le large Ă©ventail de mesures propres Ă  garantir le respect des obligations positives que l’article 3 de la Convention leur impose (Đorđević, prĂ©citĂ©, § 165). Par ailleurs, en vertu de l’article 19 de la Convention et du principe voulant que le but de celle-ci consiste Ă  garantir des droits non pas thĂ©oriques ou illusoires, mais concrets et effectifs, la Cour doit veiller Ă  ce que les États s’acquittent correctement de leur obligation de protĂ©ger les droits des personnes placĂ©es sous leur juridiction (Sandra Janković, prĂ©citĂ©, § 46, et HajduovĂĄ c. Slovaquie, no 2660/03, § 47, 30 novembre 2010). La question de l’adĂ©quation de la rĂ©ponse des autoritĂ©s peut soulever un problĂšme au regard de la Convention (Bevacqua et S., prĂ©citĂ©, § 79).

104. L’obligation positive de protĂ©ger l’intĂ©gritĂ© physique de l’individu s’étend aux questions concernant l’effectivitĂ© d’une enquĂȘte pĂ©nale, ce qui ne saurait ĂȘtre limitĂ© aux seuls cas de mauvais traitements infligĂ©s par des agents de l’État (M.C. c. Bulgarie, no 39272/98, § 151, CEDH 2003‑XII).

105. Cet aspect de l’obligation positive ne requiert pas nĂ©cessairement une condamnation mais l’application effective des lois, notamment pĂ©nales, pour assurer la protection des droits garantis par l’article 3 de la Convention (M.G. c. Turquie, prĂ©citĂ©, § 80).

106. Une exigence de cĂ©lĂ©ritĂ© et de diligence raisonnable est implicite dans l’obligation d’enquĂȘter. Les mĂ©canismes de protection prĂ©vus en droit interne doivent fonctionner en pratique dans des dĂ©lais raisonnables permettant de conclure l’examen au fond des affaires concrĂštes qui leur sont soumises (Opuz, prĂ©citĂ©, §§ 150-151). En effet, l’obligation de l’État au regard de l’article 3 de la Convention ne peut ĂȘtre rĂ©putĂ©e satisfaite si les mĂ©canismes de protection prĂ©vus en droit interne n’existent qu’en thĂ©orie : il faut surtout qu’ils fonctionnent effectivement en pratique, ce qui suppose un examen de l’affaire prompt et sans retard inutile.

2. Application en l’espĂšce des principes susmentionnĂ©s

a) En ce qui concerne l’article 2

107. La Cour observe tout d’abord qu’il ne fait aucun doute que l’article 2 de la Convention s’applique Ă  la situation rĂ©sultant du dĂ©cĂšs du fils de la requĂ©rante.

108. Elle note ensuite qu’en l’espĂšce, la force utilisĂ©e Ă  l’encontre de la requĂ©rante ne fut en dĂ©finitive pas meurtriĂšre. Toutefois, cet Ă©lĂ©ment n’exclut pas en principe un examen des griefs sous l’angle de l’article 2, dont le texte, pris dans son ensemble, dĂ©montre qu’il ne vise pas uniquement l’homicide intentionnel mais il concerne Ă©galement les situations dans lesquelles il est possible d’avoir recours Ă  la force, ce qui peut conduire Ă  donner la mort de façon involontaire (Makaratzis c. GrĂšce [GC], n 50385/99, §§ 49-55, CEDH 2004‑XI). En effet, la premiĂšre phrase de l’article 2 § 1 de la Convention astreint l’État non seulement Ă  s’abstenir de provoquer la mort de maniĂšre volontaire et irrĂ©guliĂšre, mais aussi Ă  prendre les mesures nĂ©cessaires Ă  la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (L.C.B. c. Royaume-Uni, 9 juin 1998, § 36, Recueil des arrĂȘts et dĂ©cisions 1998‑III).

109. Il est aussi nĂ©cessaire de garder Ă  l’esprit que, lorsqu’il s’agit des obligations positives de l’État quant Ă  la protection du droit Ă  la vie, il peut s’agir tant du recours Ă  la force meurtriĂšre par les forces de l’ordre, et tant d’un manquement des autoritĂ©s Ă  prendre des mesures de protection pour parer un danger Ă©ventuel provenant des tierces personnes (voir, par exemple, Osman c Royaume‑Uni, 28 octobre 1998, §§ 115-122, Recueil 1998‑VIII).

110. La Cour considĂšre que la requĂ©rante a Ă©tĂ© victime d’un agissement qui, par sa nature, a mis sa vie en danger, mĂȘme s’elle a finalement survĂ©cu Ă  ses blessures (voir Camekan c. Turquie, n 54241/08, § 38, 28 janvier 2014). L’article 2 de la Convention s’applique donc en l’espĂšce dans le chef de la requĂ©rante elle-mĂȘme Ă©galement.

111. Se tournant vers les circonstances de l’espĂšce, la Cour relĂšve que, Ă  la suite des violences dont elle avait fait l’objet lors des mois de juin et aoĂ»t 2012, la requĂ©rante a dĂ©posĂ©, le 5 septembre 2012, une plainte pĂ©nale dĂ©nonçant les violences infligĂ©es par A.T. (paragraphe 21 ci-dessus). Elle observe que la requĂ©rante a joint Ă  sa plainte un rapport mĂ©dical Ă©tabli aprĂšs l’agression et dĂ©crivant les blessures physiques visibles sur son corps (paragraphe 16 ci-dessus). À cette occasion, l’intĂ©ressĂ©e a fait part des craintes qu’elle Ă©prouvait pour sa vie et celle de sa fille et elle a demandĂ© Ă  bĂ©nĂ©ficier de mesures de protection. Il convient dĂšs lors d’apprĂ©cier le comportement des autoritĂ©s internes Ă  compter de cette date.

112. La Cour relĂšve qu’une information judiciaire a Ă©tĂ© ouverte Ă  l’encontre de A.T. pour des dĂ©lits de maltraitance familiale, lĂ©sions corporelles et menaces. La police a transmis la plainte de la requĂ©rante au parquet le 9 octobre 2012. Le 15 octobre 2012, le parquet, eu Ă©gard Ă  la demande de mesures de protection formulĂ©e par la requĂ©rante, a ordonnĂ© de maniĂšre urgente des mesures d’investigation. Il a en particulier demandĂ© Ă  la police de vĂ©rifier s’il y avait eu des tĂ©moins, y compris la fille de la requĂ©rante. Elle note que, entre-temps, la requĂ©rante avait trouvĂ© refuge, par le biais d’une association, dans un centre pour les victimes de violences, oĂč elle est restĂ©e pendant trois mois

113. La Cour note qu’aucune ordonnance de protection n’a Ă©tĂ© Ă©mise, que le parquet a rĂ©itĂ©rĂ© sa demande auprĂšs de la police en mars 2013 en soulignant l’urgence de la situation et que la requĂ©rante n’a Ă©tĂ© entendue qu’en avril 2013.

114. En effet, alors mĂȘme que, dans le contexte des violences domestiques, des mesures de protection sont en principe destinĂ©es Ă  parer au plus vite Ă  une situation de danger, la Cour relĂšve qu’il aura fallu attendre sept mois avant que la requĂ©rante fĂ»t entendue. Un tel dĂ©lai ne pouvait que priver la requĂ©rante du bĂ©nĂ©fice de la protection immĂ©diate que la situation requĂ©rait. Certes, comme le soutient le Gouvernement, durant la pĂ©riode en cause, la requĂ©rante n’a pas Ă©tĂ© victime de nouvelles violences physiques de la part de A.T. Cela Ă©tant, la Cour estime qu’on ne saurait ignorer le sentiment de peur dans lequel la requĂ©rante, harcelĂ©e par tĂ©lĂ©phone par A.T., a vĂ©cu lors de son hĂ©bergement dans le centre.

115. Pour la Cour, il incombait aux instances nationales de tenir compte de la situation de prĂ©caritĂ© et de vulnĂ©rabilitĂ© particuliĂšre, morale, physique et matĂ©rielle, dans laquelle se trouvait la requĂ©rante et d’apprĂ©cier la situation en consĂ©quence, en lui offrant un accompagnement appropriĂ©. Cela n’a pas Ă©tĂ© le cas en l’espĂšce.

116. S’il est vrai que, sept mois aprĂšs, en avril 2013, la requĂ©rante a en partie modifiĂ© ses dĂ©clarations, ce qui a amenĂ© les autoritĂ©s Ă  classer partiellement la plainte, la Cour note toutefois qu’une procĂ©dure pour lĂ©sions corporelles aggravĂ©es sur la personne de la requĂ©rante Ă©tait encore pendante Ă  cette date. Ce faisant, les autoritĂ©s n’ont procĂ©dĂ© Ă  aucune apprĂ©ciation des risques encourus par la requĂ©rante, y compris le risque de nouvelles agressions dont elle Ă©tait susceptible de faire l’objet.

117. Au vu de tout ce qui prĂ©cĂšde, la Cour estime que, en n’agissant pas rapidement aprĂšs le dĂ©pĂŽt de la plainte de la requĂ©rante, les instances nationales ont privĂ© ladite plainte de toute efficacitĂ©, crĂ©ant un contexte d’impunitĂ© favorable Ă  la rĂ©pĂ©tition par A.T. de ses actes de violence Ă  l’encontre de sa femme et de sa famille (Halime Kılıç c. Turquie, no 63034/11, § 99, 28 juin 2016).

118. Bien que le Gouvernement avance qu’il n’existait aucune preuve tangible d’un danger imminent pour la vie de la requĂ©rante et pour celle de son fils, la Cour estime qu’il ne semble pas que les autoritĂ©s aient procĂ©dĂ© Ă  l’évaluation des risques que A.T. faisait courir Ă  cette derniĂšre.

119. Elle note en effet que le contexte d’impunitĂ© mentionnĂ© ci-dessus (paragraphe 117) a culminĂ© finalement sur les Ă©vĂšnements tragiques de la nuit du 25 novembre 2013. La Cour observe Ă  cet Ă©gard que les forces de l’ordre sont intervenues Ă  deux reprises pendant la nuit en cause. AlertĂ©s par l’intĂ©ressĂ©e, les policiers ont d’abord trouvĂ© la porte de la chambre Ă  coucher cassĂ©e et le sol jonchĂ© de bouteilles d’alcool. La requĂ©rante les avait informĂ©s que son mari avait bu et qu’elle avait dĂ©cidĂ© de les appeler parce qu’elle estimait qu’il avait besoin d’un mĂ©decin ; elle leur avait dit qu’elle avait dĂ©posĂ© une plainte contre son mari par le passĂ©, mais qu’elle avait ensuite modifiĂ© ses accusations. Le fils du couple avait dĂ©clarĂ© que son pĂšre n’était pas violent Ă  son Ă©gard. Enfin, ni la requĂ©rante ni son fils ne prĂ©sentaient de signes de violences. A.T. avait Ă©tĂ© transportĂ© Ă  l’hĂŽpital en Ă©tat d’ivresse mais il en Ă©tait sorti par la suite pour se rendre dans une salle de jeux.

La police est intervenue une seconde fois la mĂȘme nuit lorsque A.T. a Ă©tĂ© verbalisĂ© lors d’un contrĂŽle d’identitĂ© dans la rue. Il ressort du procĂšs-verbal que A.T. Ă©tait en Ă©tat d’ivresse, qu’il avait du mal Ă  se tenir en Ă©quilibre et que la police l’avait laissĂ© partir aprĂšs l’avoir verbalisĂ©.

120. La Cour note qu’à aucun de ces deux moments, les autoritĂ©s n’ont pris de dispositions particuliĂšres en vue de fournir Ă  la requĂ©rante une protection adĂ©quate en rapport avec la gravitĂ© de la situation, alors mĂȘme que les violences exercĂ©es par A.T. sur son Ă©pouse Ă©taient connues des forces de l’ordre, une procĂ©dure pour lĂ©sions corporelles aggravĂ©es sur la personne de la requĂ©rante Ă©tant encore pendante Ă  cette date (voir paragraphe 35 ci-dessus).

121. La Cour ne saurait spĂ©culer sur la tournure des Ă©vĂšnements si les autoritĂ©s avaient adoptĂ© un comportement diffĂ©rent. Elle rappelle toutefois que l’absence de mise en Ɠuvre de mesures raisonnables qui auraient eu une chance rĂ©elle de changer le cours des Ă©vĂ©nements ou d’attĂ©nuer le prĂ©judice causĂ© suffit Ă  engager la responsabilitĂ© de l’Etat (E. et autres c. Royaume‑Uni, no 33218/96, § 99 26 novembre 2002 ; Opuz, prĂ©citĂ© § 136; Bljakaj et autres c. Croatie, no 74448/12, § 124, 18 septembre 2014).

122. Aux yeux de la Cour, le risque d’une menace rĂ©elle et immĂ©diate (voir le paragraphe 99 ci-dessus) doit ĂȘtre Ă©valuĂ© en prenant dĂ»ment en compte le contexte particulier des violences domestiques. Il s’agit dans de telles situations non seulement d’une obligation d’assurer une protection gĂ©nĂ©rale de la sociĂ©tĂ© (Mastromatteo c. Italie [GC], no 37703/97, § 69, CEDH 2002‑VIII ; Maiorano et autres c. Italie, no 28634/06, § 111 15 dĂ©cembre 2009 ; and Choreftakis et Choreftaki c. GrĂšce, no 46846/08, § 50, 17 janvier 2012 ; Bljakaj, prĂ©citĂ© § 121) mais surtout de tenir compte du fait que des Ă©pisodes successifs de violence se rĂ©itĂšrent dans le temps au sein de la cellule familiale. Dans ce contexte, la Cour rĂ©itĂšre que les forces de l’ordre ont eu Ă  intervenir Ă  deux reprises la nuit du 25 novembre 2013 : elles ont d’abord constatĂ© comment l’appartement Ă©tait ravagĂ© et ont ultĂ©rieurement interpellĂ© et verbalisĂ© A.T., qui se trouvait en Ă©tat d’ébriĂ©tĂ©. Prenant Ă©galement en considĂ©ration la possibilitĂ© dont disposaient les forces de l’ordre de vĂ©rifier en temps rĂ©el les antĂ©cĂ©dents de A.T., la Cour considĂšre que celles-ci auraient dĂ» savoir que le mari de la requĂ©rante reprĂ©sentait pour cette derniĂšre une menace rĂ©elle pour laquelle on ne pouvait pas exclure une mise en exĂ©cution imminente. Elle conclut donc que les autoritĂ©s compĂ©tentes n’ont pas pris dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d’un point de vue raisonnable, auraient sans doute palliĂ©, voire empĂȘchĂ©, la matĂ©rialisation d’un risque rĂ©el pour la vie de la requĂ©rante et de son fils.

123. La Cour rappelle que, dans les affaires de violences domestiques, les droits de l’agresseur ne peuvent l’emporter sur les droits des victimes Ă  la vie et Ă  l’intĂ©gritĂ© physique et mentale (Opuz, prĂ©citĂ©, § 147). Qui plus est, l’État a l’obligation positive de mettre en Ɠuvre prĂ©ventivement des mesures d’ordre pratique pour protĂ©ger l’individu dont la vie est menacĂ©e.

124. Dans ces circonstances, la Cour conclut que les autoritĂ©s ne sauraient passer pour avoir fait preuve de la diligence requise. DĂšs lors, elle estime qu’elles ont manquĂ© Ă  leur obligation positive de protĂ©ger la vie de la requĂ©rante et de son fils au titre de l’article 2 de la Convention.

125. Au vu de ce qui prĂ©cĂšde, la Cour estime que les manquements constatĂ©s ci-dessus ont rendu la plainte pĂ©nale de la requĂ©rante inopĂ©rante dans les circonstances de l’espĂšce. DĂšs lors, elle rejette l’exception prĂ©liminaire du Gouvernement tirĂ©e du non-Ă©puisement des voies de recours internes (paragraphe 68 ci-dessus) et conclut Ă  la violation de l’article 2 de la Convention.

b) En ce qui concerne l’article 3

126. La Cour estime que la requĂ©rante peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme relevant de la catĂ©gorie des « personnes vulnĂ©rables » qui ont droit Ă  la protection de l’État (A. c. Royaume-Uni, 23 septembre 1998, § 22, Recueil 1998‑VI). À cet Ă©gard, elle prend acte des violences que la requĂ©rante a subies par le passĂ©. Elle relĂšve en outre que les violences infligĂ©es Ă  l’intĂ©ressĂ©e, qui se sont traduites par des blessures corporelles et des pressions psychologiques, sont suffisamment graves pour ĂȘtre qualifiĂ©es de mauvais traitements au sens de l’article 3 de la Convention. Il convient dĂšs lors de dĂ©terminer si les autoritĂ©s internes ont agi de maniĂšre Ă  satisfaire aux exigences de cet article.

127. La Cour vient de constater sous l’angle de l’article 2 de la Convention (paragraphe 117 ci-dessus) que, en n’agissant pas rapidement aprĂšs le dĂ©pĂŽt de la plainte de la requĂ©rante, les instances nationales ont privĂ© ladite plainte de toute efficacitĂ©, crĂ©ant un contexte d’impunitĂ© favorable Ă  la rĂ©pĂ©tition par A.T. de ses actes de violence Ă  l’encontre de sa femme et de sa famille. Elle note Ă©galement que A.T. a Ă©tĂ© condamnĂ© le 1er octobre 2015 pour lĂ©sions corporelles aggravĂ©es Ă  la suite de l’incident du mois d’aoĂ»t 2012, alors que, entre-temps, il avait tuĂ© son fils et commis une tentative de meurtre sur la requĂ©rante et qu’il a Ă©tĂ© Ă©galement condamnĂ© le 8 janvier 2015, par le juge de l’audience prĂ©liminaire (« le GUP ») de Udine Ă  la rĂ©clusion Ă  perpĂ©tuitĂ© pour le meurtre de son fils et la tentative de meurtre sur sa femme, et pour les dĂ©lits de maltraitance envers la requĂ©rante et sa fille. Il fut Ă©tabli que la requĂ©rante et ses enfants vivaient dans un climat de violences (paragraphe 47 ci-dessus).

128. La Cour rappelle sur ce point que le simple passage du temps est de nature Ă  nuire Ă  l’enquĂȘte mais aussi Ă  compromettre dĂ©finitivement ses chances d’aboutissement (M.B. c. Roumanie, no 43982/06, § 64, 3 novembre 2011). Elle rappelle aussi que l’écoulement du temps Ă©rode inĂ©vitablement la quantitĂ© et la qualitĂ© des preuves disponibles et que, en outre, l’apparence d’un manque de diligence jette le doute sur la bonne foi avec lesquelles les investigations sont menĂ©es et fait perdurer l’épreuve que traversent les plaignants (Paul et Audrey Edwards c. Royaume-Uni, no 46477/99, § 86, CEDH 2002‑II).

129. La Cour insiste Ă  nouveau sur la diligence particuliĂšre que requiert le traitement des plaintes pour violences domestiques et estime que les spĂ©cificitĂ©s des faits de violences domestiques telles que reconnues dans le prĂ©ambule de la Convention d’Istanbul (paragraphe 58 ci-dessus) doivent ĂȘtre prises en compte dans le cadre des procĂ©dures internes.

Elle souligne en ce sens que la Convention d’Istanbul impose aux États parties de prendre « les mesures lĂ©gislatives et autres nĂ©cessaires pour que les enquĂȘtes et les procĂ©dures judiciaires relatives Ă  toutes les formes de violences couvertes par le champ d’application de la (...) Convention soient traitĂ©es sans retard injustifiĂ© tout en prenant en considĂ©ration les droits de la victime Ă  toutes les Ă©tapes des procĂ©dures pĂ©nales ».

130. À cet Ă©gard, la Cour estime Ă©galement que, dans le traitement judiciaire du contentieux des violences contre les femmes, il incombe aux instances nationales de tenir compte de la situation de prĂ©caritĂ© et de vulnĂ©rabilitĂ© particuliĂšre, morale, physique et/ou matĂ©rielle de la victime, et d’apprĂ©cier la situation en consĂ©quence, dans les plus brefs dĂ©lais. En l’espĂšce, rien ne saurait expliquer la passivitĂ© des autoritĂ©s pendant une pĂ©riode aussi longue – sept mois – avant le dĂ©clenchement des poursuites pĂ©nales. De mĂȘme, rien ne saurait expliquer pourquoi la procĂ©dure pĂ©nale pour lĂ©sions corporelles aggravĂ©es engagĂ©e aprĂšs la plainte dĂ©posĂ©e par la requĂ©rante a durĂ© trois ans, pour s’achever le 1er octobre 2015.

131.  Au regard des constats opĂ©rĂ©s en l’espĂšce, la Cour estime que la maniĂšre dont les autoritĂ©s internes ont menĂ© les poursuites pĂ©nales dans la prĂ©sente affaire participe Ă©galement de cette passivitĂ© judiciaire et ne saurait passer pour satisfaire aux exigences de l’article 3 de la Convention.

132. Estimant que le recours propre Ă  remĂ©dier, d’aprĂšs le Gouvernement, au grief fondĂ© sur l’article 3 de la Convention ne s’est pas rĂ©vĂ©lĂ© efficace en l’espĂšce, la Cour rejette l’exception de non-Ă©puisement formulĂ©e par lui (paragraphe 68 ci-dessus) et conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC LES ARTICLES 2 ET 3

133. Invoquant l’article 14 de la Convention combinĂ© avec les articles 2 et 3, la requĂ©rante soutient, d’une part, que les omissions des autoritĂ©s italiennes prouvent la discrimination dont elle ferait l’objet en tant que femme et, d’autre part, que l’appareil lĂ©gislatif interne en matiĂšre de lutte contre les violences domestiques n’est pas appropriĂ©.

L’article 14 de la Convention est ainsi libellĂ© :

« La jouissance des droits et libertĂ©s reconnus dans la (...) Convention doit ĂȘtre assurĂ©e, sans distinction aucune, fondĂ©e notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance Ă  une minoritĂ© nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

A. ThĂšses des parties

134. La requĂ©rante se rĂ©fĂšre Ă  toute la lĂ©gislation interne et internationale pertinente selon elle en l’espĂšce, et invoque les conclusions du rapporteur spĂ©cial de Nations unies, qui a demandĂ© Ă  l’Italie d’éliminer les attitudes stĂ©rĂ©otypĂ©es concernant la rĂ©partition des rĂŽles et des responsabilitĂ©s entre homme et femme dans la famille, au travail et dans la sociĂ©tĂ©.

135. La requĂ©rante allĂšgue qu’elle n’a pas bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une protection lĂ©gislative appropriĂ©e et que les autoritĂ©s n’ont pas apportĂ© de rĂ©ponse adĂ©quate Ă  ses allĂ©gations selon lesquelles elle Ă©tait victime de violences domestiques. Elle estime que cela s’analyse en un traitement discriminatoire fondĂ© sur le sexe.

136. Se rĂ©fĂ©rant Ă  la conclusion de la Cour sous l’angle de l’article 14 de la Convention combinĂ© avec l’article 3 dans l’affaire T.M. et C.M. c. RĂ©publique de Moldova (no 26608/11, § 49 et § 62, 28 janvier 2014), la requĂ©rante demande Ă  la Cour de conclure Ă  la violation de l’article 14.

137. Le Gouvernement considĂšre qu’il n’y a pas eu de discrimination fondĂ©e sur le sexe en l’espĂšce. En outre, selon lui, la thĂšse selon laquelle il existe une discrimination institutionnalisĂ©e par la lĂ©gislation pĂ©nale ou encore par la pratique administrative ou judiciaire ne rĂ©sisterait pas Ă  un examen sĂ©rieux.

138. Il indique par ailleurs que le Conseil supĂ©rieur de la magistrature a adoptĂ© deux rĂ©solutions, le 11 fĂ©vrier 2009 et le 18 mars 2014, demandant aux chefs des bureaux judiciaires de s’organiser et de se spĂ©cialiser dans cette matiĂšre afin de pouvoir rĂ©pondre efficacement aux cas de violences domestiques.

139. Il ajoute que, de plus, la lĂ©gislation interne prĂ©voit une rĂ©ponse ferme contre ces actes de violence : Ă  cet Ă©gard, la loi relative au dĂ©lit de harcĂšlement (stalking) (paragraphe 54 ci‑dessus) contient des dispositions pour combattre les violences contre les femmes.

B. Appréciation de la Cour

1. Sur la recevabilité

140. La Cour, tout en soulignant que ce grief n’a jamais Ă©tĂ© examinĂ© en tant que tel par les juridictions internes, estime, au vu des circonstances de l’espĂšce, qu’il est tellement liĂ© Ă  ceux examinĂ©s ci-dessus qu’il doit en suivre le sort et ĂȘtre par consĂ©quent dĂ©clarĂ© recevable.

2. Sur le fond

141. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, le manquement – mĂȘme involontaire – d’un État Ă  son obligation de protĂ©ger les femmes contre les violences domestiques s’analyse en une violation du droit de celles‑ci Ă  une Ă©gale protection de la loi (Opuz, prĂ©citĂ©, § 191). La Cour a en effet dĂ©jĂ  conclu que la « passivitĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e et discriminatoire de la police » crĂ©ant « un climat propice Ă  cette violence » entraĂźnait une violation de l’article 14 de la Convention (ibidem, §§ 191 et suiv.). Elle a par ailleurs constatĂ© qu’un tel traitement discriminatoire avait lieu lorsqu’il Ă©tait possible d’établir que les actes des autoritĂ©s s’analysaient non pas en un simple manquement ou retard Ă  traiter les faits de violence en question mais en une tolĂ©rance rĂ©pĂ©tĂ©e Ă  l’égard de ces faits et qu’ils reflĂ©taient une attitude discriminatoire envers l’intĂ©ressĂ©e en tant que femme (Eremia c. RĂ©publique de Moldova, no 3564/11, § 89, 28 mai 2013).

142. Dans la présente affaire, la Cour note que la requérante a été victime de violences de la part de A.T. à plusieurs reprises (paragraphes 10, 16, 21 et 47 ci-dessus) et que les autorités ont eu connaissance de ces faits.

143. Elle rappelle que les autoritĂ©s n’ont menĂ© aucune enquĂȘte dans les sept mois ayant suivi le dĂ©pĂŽt de la plainte de la requĂ©rante et qu’aucune mesure de protection n’a Ă©tĂ© prise. S’il est vrai que la plainte de la requĂ©rante a Ă©tĂ© classĂ©e environ un an plus tard, en raison de la modification des dĂ©clarations de celle-ci, la Cour note Ă©galement que A.T. a Ă©tĂ© condamnĂ© pour lĂ©sions corporelles aggravĂ©es trois ans plus tard, le 1eroctobre 2015, soit aprĂšs avoir tuĂ© son fils et tentĂ© d’assassiner la requĂ©rante.

144. L’inertie des autoritĂ©s dans la prĂ©sente espĂšce est d’autant plus Ă©vidente que le parquet avait demandĂ© Ă  la police, restĂ©e inactive pendant six mois, d’agir immĂ©diatement eu Ă©gard Ă  la demande de mesures de protection formulĂ©e par la requĂ©rante. La Cour rappelle Ă  cet Ă©gard les constats auxquels elle est parvenue quant au manquement des autoritĂ©s internes Ă  assurer Ă  la requĂ©rante une protection effective et au contexte d’impunitĂ© dans lequel se trouvait A.T. (paragraphe 117 ci-dessus).

145. Selon la Cour, la combinaison des Ă©lĂ©ments susmentionnĂ©s, montre que, en sous-estimant, par leur inertie, la gravitĂ© des violences litigieuses, les autoritĂ©s italiennes les ont en substance cautionnĂ©es. La requĂ©rante a par consĂ©quence Ă©tĂ© victime, en tant que femme, d’une discrimination contraire Ă  l’article 14 de la Convention. (T.M. et C.M. c. RĂ©publique de Moldova, no 26608/11, § 62, 28 janvier 2014 ; Eremia, prĂ©citĂ©, § 98, et Mudric c. RĂ©publique de Moldova, no 74839/10, § 63, 16 juillet 2013). En outre, les conclusions du rapporteur spĂ©cial chargĂ© de la question des violences contre les femmes, de leurs causes et consĂ©quences Ă  la suite de sa mission en Italie (paragraphe 59 ci-dessus), celles du ComitĂ© de la CEDAW (paragraphe 57 ci-dessus) ainsi que celles du Bureau national des statistiques (paragraphe 55 ci-dessus) montrent l’ampleur du problĂšme des violences domestiques en Italie et la discrimination que subissent les femmes Ă  ce sujet. La Cour estime que la requĂ©rante a apportĂ© un commencement de preuve, Ă©tayĂ© par des donnĂ©es statistiques non contestĂ©es qui dĂ©montrent d’une part que les violences domestiques touchent principalement les femmes et que, nonobstant les rĂ©formes entreprises, un nombre important de femmes meurent assassinĂ©es par leur compagnon ou par leur ancien compagnon (fĂ©micides) et d’autre part que les attitudes socioculturelles de tolĂ©rance Ă  l’égard des violences domestiques persistent (paragraphes 57 et 59 ci‑dessus).

146. Le commencement de preuve en cause, non contestĂ© par le Gouvernement, distingue la prĂ©sente espĂšce de l’affaire Rumor (prĂ©citĂ© § 76), dans laquelle la Cour avait estimĂ© – dans des circonstances de fait nettement diffĂ©rentes de celles ici en question – que le cadre lĂ©gal en Italie en matiĂšre de lutte contre les violences domestiques s’ Ă©tait rĂ©vĂ©lĂ© efficace dans le cas d’espĂšce en punissant l’auteur du crime dont la requĂ©rante avait Ă©tĂ© victime et en empĂȘchant la rĂ©pĂ©tition d’ agressions violentes contre son intĂ©gritĂ© physique et par consĂ©quent elle avait conclu Ă  la non-violation de l’ article 3, pris isolĂ©ment et en combinaison avec l’ article 14.

147. La Cour rappelle que, ayant constatĂ© que l’application du droit pĂ©nal dans la prĂ©sente affaire n’a pas eu l’effet dissuasif requis pour prĂ©venir efficacement les atteintes illĂ©gales Ă  l’intĂ©gritĂ© personnelle de la requĂ©rante et de son fils commises par A.T., elle a jugĂ© que les droits de la requĂ©rante sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention avaient Ă©tĂ© violĂ©s.

148. Compte tenu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus (paragraphe 145), la Cour estime que les violences infligĂ©es Ă  l’intĂ©ressĂ©e doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme fondĂ©es sur le sexe et qu’elles constituent par consĂ©quent une forme de discrimination Ă  l’égard des femmes.

149. Par consĂ©quent, dans les circonstances de la prĂ©sente affaire, la Cour conclut Ă  la violation de l’article 14 de la Convention combinĂ© avec les articles 2 et 3 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 8 ET 13 DE LA CONVENTION

150. La requĂ©rante invoque Ă©galement, Ă  l’appui de ses allĂ©gations, les articles 8 et 13 de la Convention.

151. Ayant dĂ©jĂ  conclu Ă  la violation des articles 2, 3 et 14 de la Convention (paragraphes 125, 132 et 149 ci-dessus), la Cour juge qu’il n’est pas nĂ©cessaire d’examiner les mĂȘmes faits sur le terrain de ces dispositions (Opuz, prĂ©citĂ© § 205).

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

152. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

«Si la Cour dĂ©clare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les consĂ©quences de cette violation, la Cour accorde Ă  la partie lĂ©sĂ©e, s’il y a lieu, une satisfaction Ă©quitable. »

A. Dommage

153. La requĂ©rante se rĂ©fĂšre Ă  la dĂ©cision du GUP de Udine et rĂ©clame 300 000 EUR au titre du prĂ©judice matĂ©riel qu’elle aurait subi en raison de la mort de son fils. Elle demande Ă©galement 30 000 EUR pour dommage moral Ă  la suite de la mort de son fils et 80 000 EUR pour dommage moral en raison de la tentative de meurtre dont elle a Ă©tĂ© l’objet. Elle considĂšre enfin que le dommage moral dĂ©coulant des violences domestiques qu’elle aurait subies pendant une longue pĂ©riode s’élĂšve Ă  20 000 EUR.

154. Le Gouvernement conteste les prĂ©tentions de la requĂ©rante. Il dĂ©clare que, dans des affaires similaires examinĂ©es par la Cour (KontrovĂĄ, prĂ©citĂ©, Branko TomaĆĄić et autres c. Croatie, no 46598/06, 15 janvier 2009, et Civek c. Turquie, no 55354/11, 23 fĂ©vrier 2016), la Cour a octroyĂ© des sommes moins Ă©levĂ©es que celles demandĂ©es par la requĂ©rante. Il considĂšre que, par consĂ©quent, les sommes rĂ©clamĂ©es sont excessives.

155. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalitĂ© entre la violation constatĂ©e et le dommage matĂ©riel allĂ©guĂ© et rejette cette demande. En revanche, elle considĂšre qu’il y a lieu d’octroyer Ă  la requĂ©rante 30 000 EUR au titre du prĂ©judice moral.

B. Frais et dépens

156. Justificatifs Ă  l’appui, la requĂ©rante demande Ă©galement 18 208,68 EUR pour les frais et dĂ©pens qu’elle aurait engagĂ©s devant la Cour.

157. Le Gouvernement conteste la prĂ©tention formulĂ©e par la requĂ©rante, arguant que celle-ci n’a pas dĂ©montrĂ© avoir exposĂ© les frais et dĂ©pens rĂ©clamĂ©s.

158. Selon la jurisprudence de la Cour, un requĂ©rant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dĂ©pens que dans la mesure oĂč se trouvent Ă©tablis leur rĂ©alitĂ©, leur nĂ©cessitĂ© et le caractĂšre raisonnable de leur taux. En l’espĂšce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 10 000 EUR pour la procĂ©dure devant elle et l’accorde Ă  la requĂ©rante.

C. IntĂ©rĂȘts moratoires

159. La Cour juge appropriĂ© de calquer le taux des intĂ©rĂȘts moratoires sur le taux d’intĂ©rĂȘt de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale europĂ©enne majorĂ© de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Joint au fond des griefs formulĂ©s sur le terrain des articles 2 et 3 de la Convention les exceptions prĂ©liminaires du Gouvernement tirĂ©es du non-Ă©puisement des voies de recours internes et les rejette Ă  l’unanimitĂ© ;

2. DĂ©clare, Ă  l’unanimitĂ©, la requĂȘte recevable ;

3. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention Ă  raison du meurtre du fils de la requĂ©rante et de la tentative de meurtre sur cette derniĂšre ;

4. Dit, Ă  l’unanimitĂ©, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention Ă  raison du manquement des autoritĂ©s Ă  leur obligation de protĂ©ger la requĂ©rante contre les actes de violences domestiques commis par A.T. ;

5. Dit, Ă  l’unanimitĂ©, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs formulĂ©s sur le terrain des articles 8 et 13 de la Convention ;

6. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combinĂ© avec les articles 2 et 3 ;

7. Dit, par cinq voix contre deux,

a) que l’État dĂ©fendeur doit verser Ă  la requĂ©rante, dans les trois mois Ă  compter du jour oĂč l’arrĂȘt sera devenu dĂ©finitif conformĂ©ment Ă  l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 30 000 EUR (trente mille euros), plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» Ă  titre d’impĂŽt, pour dommage moral,

ii. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant ĂȘtre dĂ» par la requĂ©rante Ă  titre d’impĂŽt, pour frais et dĂ©pens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit dĂ©lai et jusqu’au versement, ces montants seront Ă  majorer d’un intĂ©rĂȘt simple Ă  un taux Ă©gal Ă  celui de la facilitĂ© de prĂȘt marginal de la Banque centrale europĂ©enne applicable pendant cette pĂ©riode, augmentĂ© de trois points de pourcentage ;

8. Rejette, Ă  l’unanimitĂ©, la demande de satisfaction Ă©quitable pour le surplus.

 

Fait en français, puis communiquĂ© par Ă©crit le 2 mars 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du rĂšglement de la Cour.

 

Abel CamposMirjana Lazarova Trajkovska              Greffier              Présidente

 

Au prĂ©sent arrĂȘt se trouve joint, conformĂ©ment aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du rĂšglement, l’exposĂ© des opinions sĂ©parĂ©es suivantes :

 

– opinion en partie concordante, en partie dissidente du juge Eicke ;

 

– opinion en partie dissidente du juge Spano.

 

M.L.T.

A.C.

 

 

 

PARTLY CONCURRING, PARTLY DISSENTING OPINION OF JUDGE EICKE

 

I. Article 2 and/or 3 of the Convention

 

1. Having had the opportunity to read, in draft, the Partly Dissenting Opinion of Judge Spano in this Case, I agree with his expression of the applicable principles (as derived from Opuz v. Turkey, no. 33401/02, ECHR 2009, and Osman v. the United Kingdom, 28 October 1998, Reports 1998-VIII), as well as the identification of the two questions to be answered concerning the “immediacy of the risk” and “reality of the risk”: see Sections I and II of that Partly Dissenting Opinion. However, unlike him and not without considerable hesitation, I have reached a different conclusion on the application of those principles to the facts in the present case and have voted for a finding of a violation of Articles 2 and 3.

2. In relation to the question of immediacy of the risk Judge Spano focusses on the “lapses of time” between the initial incidents culminating in the lodging of her complaint on 5 September 2012 and the time of the tragic events of 25 November 2013. He concludes that these lapses “challenge the possibilities of imminence of risk in this case” (§ 5). However, from the point of view of the relevant “agents of the State” to whom an imminent real risk must have been reasonably foreseeable, the evidence suggests that there were a number of relevant events during that period of time running right up to the end of 2013. These include:

a. 19 August 2012 to 4 December 2012, following the second alleged attack on the Applicant by her husband (potentially involving the use of a switch blade) and with the support and knowledge of the police and local social services, the Applicant resided at a shelter run by an association for the protection of women who have been victims of domestic violence (§§ 18-19 and 27);

b. The Applicant’s criminal complaint of 5 September 2012 was transmitted to the competent judicial authorities together with a request for the adoption of preventive measures aimed at protecting the Applicant;

c. 18 March 2013, the prosecutor, noting that, despite his orders of 15 October 2012 that investigative measures be taken urgently, none of the investigations had been concluded, again ordered the police to investigate the Applicant’s complaints as soon as possible (§ 29);

d. 4 April 2013, the Applicant was interviewed for the first time by the police (§ 30). While the Applicant, at this interview, modified her initial allegations, it is said as a result of psychological pressure by her husband (not an uncommon phenomenon in the context of domestic violence), she nevertheless confirmed that her husband’s alcoholism was at the heart of any problems there might have been at home;

e. 30 May 2013, the public prosecutor invited the preliminary investigations judge to close the investigation into the offence of domestic abuse but to maintain the investigation against the Applicant’s husband for grievous bodily harm against the Applicant (§ 32);

f. 1 August 2013, the preliminary investigations judge closed the investigations into the offence of domestic abuse but referred the charge of causing bodily harm to the Justice of the Peace (§§ 33-34);

g. 28 October 2013, the Applicant’s husband was committed for trial by the Justice of the Peace for causing bodily harm (with the first hearing fixed for 13 February 2014) (§ 35);

h. 18 November 2013, the Applicant’s husband was notified of his trial date (19 May 2014) in relation to the attack on the Applicant of August 2012 (§ 36); and, finally

i. At an unspecified date in November 2013, the public prosecutor reopened the investigation against the Applicant’s husband for the physical abuse of his wife (§ 44).

3. Taken together with the facts of the initial attacks on the Applicant by her husband (in June and August 2012), as recorded by the police, and the fact that both were apparently connected to (if not caused by) the husband’s alcohol abuse, it appears to me not unreasonable to work on the basis that the police was or should have been aware that (a) the Applicant’s husband had been and was again under investigation for repeated incidents of domestic abuse against the Applicant, (b) had been charged with causing physical harm to the Applicant in two separate instances, with trial dates notified on 28 October 2013 and 18 November 2013 (a week before the tragic events of 25 November 2013), and (c) the attacks in relation which the husband was subject to investigation and/or charge had occurred when the husband was severely drunk (if not as a result of his alcohol abuse).

4. It is with this in mind that one then has to look at the events of 24 and 25 November 2013.

5. The judgment, at § 38, explains that, on the evidence, the police recorded that when they arrived at the Applicant’s home (one assumes on 24 November), having been called by her as a result of an argument between her and her husband:

a. They find the doors of the bedroom broken and the floor covered with empty alcohol bottles;

b. The Applicant confirmed to them that her husband was drunk and indicated that she had called help because she considered that he might need the help of a doctor; and

c. Reminded them of her criminal complaint (and the fact that she had since changed her complaint).

6. Thereafter, the Applicant’s husband was taken to hospital in a state of intoxication (§ 39) but checked himself out again that same night.

7. It seems to me that the crucial question, therefore, is whether it can be said that the police officers who, at 2:25 am on 25 November 2013, stopped the Applicant’s husband for an identity check and noted that he was (again) in a state of intoxication and had difficulties maintaining his balance, were or should have been aware (having checked his identity) of the above facts and circumstances. Should they at that stage, rather than merely give him a verbal warning, have come to the conclusion that, in his current state, he posed an imminent and real risk to the Applicant’s physical integrity and/or life if he were allowed to return home (to the Applicant) in that state.

8. As indicated above and not without considerable hesitation, I have come to the conclusion that they should have known, when they stopped him and checked his identity at 2:25 am on 25 November 2013, of the existence of a real and immediate risk to the physical integrity and/or life of the Applicant (and her children) from the criminal acts of her husband and that they failed to take measures within the scope of their powers which, judged reasonably, might have been expected to avoid that risk.

9. In saying that, I am, of course, conscious of (and agree with) the limitations identified in § 116 of Osman that:

“... bearing in mind the difficulties involved in policing modern societies, the unpredictability of human conduct and the operational choices which must be made in terms of priorities and resources, such an obligation must be interpreted in a way which does not impose an impossible or disproportionate burden on the authorities. Accordingly, not every claimed risk to life can entail for the authorities a Convention requirement to take operational measures to prevent that risk from materialising. Another relevant consideration is the need to ensure that the police exercise their powers to control and prevent crime in a manner which fully respects the due process and other guarantees which legitimately place restraints on the scope of their action to investigate crime and bring offenders to justice, including the guarantees contained in Articles 5 and 8 of the Convention.”

10. However, for me, there is a crucial distinction between the present case and that of Osman. After all, unlike in Osman, the police in this case had the Applicant within their control little more than 2.5 hours before the deadly attack on his wife and son and at a time when the common (and possibly causative) factor in all his previous attacks (namely his alcohol abuse) was present and apparent to everyone, when they checked his identity (and, therefore, had or should have had access to the information relevant to the risk posed by him, especially when drunk) and proceeded to give him a verbal warning. After all, the evidence is that, when he was stopped by the police, he was so intoxicated that he was having difficulties to maintain his balance. This case is not, therefore, about additional (pro-active) steps the police might or should have taken (which might impose an impossible or disproportionate burden on the police) but about the decision(s) taken when he was already within their control.

11. In this different context, there also seems to be no obvious reason why any short-term preventative intervention by the police authorities, whether in the form of an enforced return to hospital or otherwise, until (and only until) he was sober would have been inconsistent with his rights either under Article 5 or Article 8. In light of the particular circumstances of this case and my conclusions in relation to Article 2 (above) any such short-term (and effectively preventative) intervention may well have been capable of justification under Article 5 § 1; whether on the basis of securing fulfilment of “his obligation to keep the peace by not committing a specific and concrete offence” (see Ostendorf v. Germany, no. 15598/08, § 94, 7 March 2013) under Article 5 § 1(b), on the basis that it was “reasonably considered necessary to prevent his committing an offence” under Article 5 § 1(c) and/or on the basis of Article 5 § 1(e) (lawful arrest or detention of alcoholics “whose conduct and behaviour under the influence of alcohol pose a threat to public order or themselves, ... for the protection of the public or their own interests, such as their health or personal safety”; Kharin v. Russia, no. 37345/03, § 34, 3 February 2011, see also Witold Litwa v. Poland, no. 26629/95, § 62, ECHR 2000‑III). This is, of course, particularly so where the obvious less restrictive alternative to such intervention was to allow him to return home (to the place where his previous attacks took place and where the victim of those attacks, the Applicant, was also resident and was known to be resident as a result of the earlier police intervention).

II. Article 14 read with Articles 2 and/or 3 of the Convention

12. Beyond the complaint under Articles 2 and/or 3 of the Convention, the Applicant further complained that “the unreasonable passivity of [the] authorities demonstrates that the regulatory and protection system provided is not sufficiently suitable in order to ensure the protection of a woman victim of domestic violence” (§124 of the Applicant’s Observations of 9 March 2016) and that, consequently, the ineffectiveness or lack of suitability of the domestic regulatory and protection system amounted to a violation of Article 14 read together with Articles 2 and/or 3. This complaint, therefore, was one of a systemic failure to protect women based on unlawful discrimination.

13. There is no doubt that gender based violence, including in particular domestic violence, continues to “reflect[..] and reinforce[...] inequalities between women and men and remains a major problem in the European Union. It is prevalent in all societies and is based on unequal power relations between women and men, which reinforce men’s dominance over women” (European Institute for Gender Equality – EIGE in brief (2016) at p. 8). The fact that gender based violence remains a major problem not only in the EU but also beyond not only lies at the heart of the on-going work of the EU Fundamental Rights Agency and the EIGE on combatting the underlying causes, both societal as well as legal, but, of course also led the Council of Europe, in 2011, to adopt the Council of Europe Convention on preventing and combating violence (the “Istanbul Convention”). As § 5 of the Explanatory Report to the Istanbul Convention explains further:

“Violence against women is a worldwide phenomenon. The Committee on the Elimination of Discrimination against Women (CEDAW Committee) of the United Nations Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women (hereafter CEDAW) in its general recommendation on violence against women No. 19 (1992) helped to ensure the recognition of gender-based violence against women as a form of discrimination against women. The United Nations General Assembly, in 1993, adopted a Declaration on the Elimination of Violence against Women that laid the foundation for international action on violence against women. In 1995, the Beijing Declaration and Platform for Action identified the eradication of violence against women as a strategic objective among other gender equality requirements. In 2006, the UN Secretary-General published his In-depth study on all forms of violence against women, in which he identified the manifestations and international legal frameworks relating to violence against women, and also compiled details of "promising practices" which have shown some success in addressing this issue.”

14. That said, I agree with the sentiment expressed in the opening sentence of Judge Spano’s Partly Dissenting Opinion: “the law has its limits, even human rights law”. This Court is, of course, a court of law and is therefore constrained to act within the limits of the law, the observance of which it is charged to ensure (Article 19), and on the basis of the evidence available to it. As a consequence, the role the Convention and this Court can play in addressing the issue of gender based violence is clearly delimited by the terms of the Convention and by this Court’s case law; a fact which is, of course, also reflected in the fact that inter alia the Council of Europe, the United Nations and the EU have concluded Conventions and policies, adopted legislation and created specialist agencies for the specific purpose of addressing this issue.

15. Turning to the applicable law, it was in its landmark judgment in Opuz v. Turkey (no. 33401/02, § 191, ECHR 2009), that this Court, drawing inspiration from the terms of CEDAW and the work of the CEDAW Committee, first recognised that a State’s failure to protect women against domestic violence is capable of breaching their right to equal protection of the law irrespective of whether this failure is intentional or not. On the facts of that case, the Court concluded that Turkey had breached the applicant’s rights under Article 14 read together with Articles 2 and 3 of the Convention as there was:

a. A “suggestion” that “domestic violence is tolerated by the authorities and that the remedies indicated by the Government do not function effectively” (§ 197);

b. A “prima facie indication” that “the general and discriminatory judicial passivity in Turkey created a climate that was conducive to domestic violence” (§ 198); and

c. “general and discriminatory judicial passivity in Turkey [which], albeit unintentional, mainly affected women, the Court considers that the violence suffered by the applicant and her mother may be regarded as gender-based violence which is a form of discrimination against women” (§ 200).

16. Applying the approach identified in Opuz, the Court has since had occasion to consider whether other High Contracting Parties had acted in breach of Article 14 read with Articles 2 and/or 3 in the context of domestic violence.

17. In relation to the Republic of Moldova, the Court found a breach of Article 14 read together with Articles 2 and/or 3 on the express basis that:

“... the authorities’ actions were not a simple failure or delay in dealing with violence against the first applicant, but amounted to repeatedly condoning such violence and reflected a discriminatory attitude towards the first applicant as a woman. The findings of the United Nations Special rapporteur on violence against women, its causes and consequences (see paragraph 37 above) only support the impression that the authorities do not fully appreciate the seriousness and extent of the problem of domestic violence in Moldova and its discriminatory effect on women. (see Eremia v. the Republic of Moldova (no. 3564/11, § 89, 28 May 2013), Mudric v. the Republic of Moldova, no. 74839/10, § 63, 16 July 2013 and T.M. and C.M. v. the Republic of Moldova, no. 26608/11, § 62, 7 January 2014; my emphasis)”

18. By contrast, when confronted with a similar complaint against Croatia, the Court, in its judgment in A v. Croatia, no. 55164/08, §§94-104, 14 October 2010, concluded that the complaint under Article 14 of the Convention was manifestly ill-founded; “the applicant has not produced sufficient prima facie evidence that the measures or practices adopted in Croatia in the context of domestic violence, or the effects of such measures or practices, are discriminatory” (§ 104). In reaching this conclusion, the Court identified the necessary evidential threshold for a finding of a violation of Article 14 in this context (by reference to and distinguishing the Court’s conclusion in Opuz):

“96. In support of these findings the Court relied on the Turkish Government’s recognition of the general attitude of the local authorities, such as the manner in which the women were treated at police stations when they reported domestic violence, and judicial passivity in providing effective protection to victims (see Opuz, cited above, § 192). Furthermore, the reports submitted indicated that when victims reported domestic violence to police stations, police officers did not investigate their complaints but sought to assume the role of mediator by trying to convince the victims to return home and drop their complaint. In this connection, police officers considered the problem as a family matter with which they could not interfere (see Opuz, cited above, §§ 92, 96, 102 and 195). The reports also showed that there were unreasonable delays in issuing injunctions and in serving injunctions on the aggressors, given the negative attitude of the police officers. Moreover, the perpetrators of domestic violence did not seem to receive dissuasive punishments, because the courts mitigated sentences on the grounds of custom, tradition or honour (see Opuz, cited above, §§ 91-93, 95, 101, 103, 106 and 196).

97. The Court notes at the outset that in the present case the applicant has not submitted any reports in respect of Croatia of the kind concerning Turkey in the Opuz case. There is not sufficient statistical or other information disclosing an appearance of discriminatory treatment of women who are victims of domestic violence on the part of the Croatian authorities such as the police, law-enforcement or health-care personnel, social services, prosecutors or judges of the courts of law. The applicant did not allege that any of the officials involved in the cases concerning the acts of violence against her had tried to dissuade her from pursuing the prosecution of B or giving evidence in the proceedings instituted against him, or that they had tried in any other manner to hamper her efforts to seek protection against B’s violence.

...

101. The Court has already established that not all the sanctions and measures ordered or recommended in the context of these proceedings were complied with. While this failure appears problematic from the standpoint of Article 8 of the Convention, it does not in itself disclose an appearance of discrimination or discriminatory intent on the basis of gender in respect of the applicant.”

19. This jurisprudence makes clear that:

a. The assessment under Article 14 read with Articles 2 and/or 3 was distinct from any analysis in relation to any alleged breach of the positive obligations under those Articles 2 and/or 3 in relation to the circumstances of the particular applicant;

b. Absent any evidence that the officers involved in the individual case were acting in a discriminatory manner or with discriminatory intent towards the particular applicant, of which there was no evidence in those cases and is no evidence in the present case, a breach of Article 14 would arise only where there were systemic failings which arose out of a clear and systemic (even if not intentional) failure of the national authorities to appreciate and address the seriousness and extent of the problem of domestic violence within their jurisdiction and its discriminatory effect on women; and

c. The failure to apply the “sanctions and measures” existing in national law in the circumstances of the particular case before the Court, while potentially problematic under Articles 2, 3 or 8 of the Convention, is not, in itself, sufficient to engage Article 14 of the Convention so as to shift the burden of proof to the respondent government to show that any difference in treatment is not discriminatory.

20. This is the context and background for the decision of this Court, as recently as 27 May 2014, in Rumor v. Italy, no. 72964/10. In that case, this Court was invited to consider the situation in Italy on the basis of a complaint by the applicant in that case that the “omissions and the inadequacy of the domestic legislative framework in combating domestic violence proved that she had been discriminated against on the basis of her gender” (§ 36). Having considered the applicant’s complaint, the Court, however, concluded in unqualified terms that:

“... the authorities had put in place a legislative framework allowing them to take measures against persons accused of domestic violence and that that framework was effective in punishing the perpetrator of the crime of which the applicant was victim and preventing the recurrence of violent attacks against her physical integrity. (§ 76)”

21. As a consequence, the question for the Court in the present case was not only (to us the language in A v Croatia) whether the Applicant had produced “sufficient statistical or other information disclosing an appearance of discriminatory treatment of women who are victims of domestic violence on the part of the ... authorities such as the police, law-enforcement or health-care personnel, social services, prosecutors or judges of the courts of law” but whether she had produced sufficient such evidence to justify a conclusion by this Court either that, in light of such further evidence, its decision in Rumor had been wrong (or, at the very least, premature) or that changes in the legislative and policy environment in Italy had changed sufficiently since 2014 to enable the Court to conclude that, whereas the Italian system was compliant with Article 14 then, it no longer was so compliant in 2017.

22. If one considers the material relied upon in the judgment (§§ 55-60) it becomes clear that, in fact, with one exception, none of the material relied upon post-dates the judgment in Rumor and is of such a nature as not to have been available either to the parties or to the Court in that case. The one document referred to that (just) post-dates the Rumor judgment is the Report “Violence against Women” (2014) of the National Statistics Bureau of Italy (ISTAT), quoted in § 55 of the judgment. While providing a (still) depressing picture as to the number of women who are victims of sexual or physical violence in Italy, most frequently at the hands of current or former partners, that Report provides little to no evidence to support the conclusion that there is “an appearance of discriminatory treatment of women who are victims of domestic violence on the part of the ... authorities such as the police, law-enforcement or health-care personnel, social services, prosecutors or judges of the courts of law”. For what it is worth, the Report, in fact, appears to record a reduction in the number of cases of physical or sexual violence committed by a partner or former partner and notes that, compared to the 2006 ISTAT report, there is an increased awareness that domestic violence is a crime and it is reported far more often to the police. The Report also notes that “survivors are far more satisfied with the relevant work carried out by the police. In the event of violence from the current or the former partner, data shows an increase from 9.9% to 28.5%”.

23. In any event, it seems to me that where the Court considers (as the majority in this case must be assumed to have considered) that there is sufficient evidence for it to reach the conclusion either that a prior decision was wrong or premature or that the legislative situation in a respondent State had changed sufficiently to now warrant a finding of a violation, it would be prudent for the Court to identify (both for the benefit of the Respondent Government as well as for the Committee of Ministers who is charged with supervising the enforcement of this judgment).

a. Which of these conclusions it had reached; and

b. If the latter, which were the developments since the last judgment which meant that a system which had been compliant had now become deficient.

A mere assertion, as in § 147 of the judgment, that the factual circumstances in Rumor were “clearly” different to those of the present case seems to me neither capable of justifying the finding of a violation under Article 14 nor capable of explaining either why the conclusion in § 76 of Rumor had been mistaken or premature or what had changed since 2014 to justify the conclusion now that the Italian “legislative framework” had become deficient.

PARTLY DISSENTING OPINION OF JUDGE SPANO

I. Preliminary remarks

1. The law has its limits, even human rights law. When a claim is made that the State did not take reasonable steps to prevent the taking of life by another individual, tensions arise between the demands of justice for the relatives of victims and the imposition of unrealistic burdens on law enforcement agents governed by the rule of law. The judicial resolution of such disputes, arising as they do from tragic events, thus requires that a delicate balance be struck between these two conflicting interests based on the objective and dispassionate appli­cation of clear and foreseeable legal standards. As the Court’s application of the settled principles under Article 2 of the Convention to the facts of the present case unduly strikes the balance in favour of the former, without adequately taking account of the latter, I respectfully dissent from the majority’s finding of a violation of Article 2, as I will explain in more detail in Part II of this opinion. Also, and for the reasons elaborated in Part III below, I disagree with the Court’s finding of a violation of Article 14 taken in conjunction with Articles 2 and 3 of the Convention.

II. The State’s preventive obligation to protect life under Article 2 of the Convention – the Osman test and domestic violence

2. In the Court’s case-law on domestic violence, notably the landmark Opuz v. Turkey judgment, the Court established that the positive obligation to protect the right to life under Article 2 of the Convention requires domestic authorities to display due diligence, for instance by taking preventive operational measures, in protecting an individual whose life is at risk. In Osman v. the United Kingdom and subsequently in Opuz v. Turkey the Court held that “where there is an allegation that the authorities have violated their positive obligation to protect the right to life in the context of their above-mentioned duty to prevent and suppress offences against the person, it must be established to its satisfaction that the authorities knew or ought to have known at the time of the existence of a real and immediate risk to the life of an identified individual or individuals from the criminal acts of a third party and that they failed to take measures within the scope of their powers which, judged reasonably, might have been expected to avoid that risk” (see Osman, § 116, and Opuz, § 130; my emphasis).

3. It follows that in order for a finding of a violation of Article 2 to be properly substantiated in the present case, the Osman test must therefore be met. This begs the following question: did the national authorities know, or ought they to have known, that the lives of the applicant and her son were at real and imme­diate risk on 25 November 2013? The answer to this question requires a fact-sensitive analysis of the two prongs of the Osman test, i.e. the imminence and reality of the risk as reasonably foreseen by agents of the State, as I will now explain.

4. On 2 June 2012, the police intervened on the applicant’s request after she complained that her husband, A.T. had hit her and her daughter. On 19 August 2012, the applicant again sought police assistance after being physically assaulted by her husband. The applicant lodged a complaint against A.T. on 5 September 2012 for bodily harm, domestic abuse and threats. The final event, the fatal attack, then took place on 25 November 2013. On the evening in question, the police were called to the house by the applicant. Upon arrival, they noted a broken door and bottles on the floor. There were no signs of violence on either the applicant or her son, nor were such allegations made. Although the applicant mentioned that she had previously filed a complaint against her husband, she explained that she had subsequently modified her accusations and that she had sought help that evening believing that her husband’s drunken state necessitated medical attention. The police duly took A.T. to a hospital, which he left the same evening. When he was stopped in the street by the police later that night, he made no threats of violence. Returning to the family home in the early hours of the morning, he carried out his fatal attack.

5. In determining the immediacy of the risk, it is crucial to note the lapses of time between the initial police intervention in June 2012, the August 2012 incident and the lodging of the complaint in September 2012, and between that time and the tragic events of 25 November 2013, a time lapse of over fourteen months. When contrasted with the close nexus in time and regularity of the violent acts in Opuz v. Turkey, which gave rise to the Court’s finding of constructive knowledge, namely that the authorities ought to have known of a real and imme­diate risk under the Osman test, it is plain that the requisite timeframe allowing for a conclusion of immediacy is lacking in the present case. Bljakaj and Others v. Croatia presents a similar stark contrast and demonstrates the required extent of imme­diacy, with the perpetrator in that case making threats on the day before, morning of, and hour prior to, the fatal incident. It is worth noting that the Court’s case-law in this regard falls in line with the requirements of the Istanbul Con­vention,[1] the Explanatory Report to which establishes that the term “imme­diate danger” refers to any situations of domestic violence in which harm is imminent or has already materialised and is likely to happen again.[2] The highlighted time lapses clearly challenge the possibilities of imminence of risk in this case.

6. Turning to the reality of the risk, besides their close nexus in time, the scale and regularity of the violent acts and the authorities’ direct knowledge of them also formed the basis for the Opuz Court’s finding of the existence of constructive knowledge under Osman. It goes without saying that the attacks of June and August 2012 and their impact on the applicant should in no way be under­estimated, the Italian courts eventually convicting A.T. of the violence carried out on those occasions. Nonetheless, when contrasted with the gravity of the eight prior attacks identified in Opuz, involving repeated death threats and resulting in life-threatening injuries on several occasions, the constructive knowledge inevi­tably arising from such a course of events cannot be imputed to the authorities in the present case, who did not possess information on attacks and death threats on this scale. Similarly, in finding an Article 2 violation in Kontrová v. Slovakia, the Court highlighted the lack of action taken in respect of allegations that the applicant’s husband had a shotgun and had made violent threats with it.

7. The majority argues that the authorities failed to carry out an adequate risk assessment both on the night in question and during the preceding months, whereby the context of impunity eventually culminated in the fatal attack (see paragraphs 118-119). Having dealt with the former issue, the question in respect of the latter then arises: can investigative passivity give rise to constructive knowledge?

8. In Opuz v. Turkey, the Government had argued that there was no tangible evidence that the applicant’s mother’s life was in imminent danger. However, the Court found that it was not apparent that the authorities had assessed the threat posed by the perpetrator and only then concluded that his detention was a disproportionate step in the circumstances; rather, the authorities failed to address the issues at all (see Opuz, § 147). Despite the victim’s complaint that the perpe­trator had been harassing her, wandering around her property and carrying knives and guns, the police and prosecuting authorities failed either to place him in detention or to take other appropriate action in respect of the allegation that he had a shotgun and had made violent threats with it. Thus inactivity of the sort demon­strated in the present case, and the results thereof, do not of themselves create constructive knowledge such as to trigger an obligation under Article 2 (although it will usually, and in the present case does, give rise to an Article 3 violation in the domestic violence context). What is ultimately required is a set of facts rendering untenable the claim that the authorities did not know, or could not have known, of a real and immediate risk to life.

9. Consequently, although the majority finds that the nature of the act in August 2012 and the pending status of its inquiry in November 2013, along with the facts during the tragic evening, are sufficient to establish constructive knowledge of a real and immediate risk to the lives of the applicant and her son, the Osman test, as applied on the facts, the crux of the Article 2 substantive claim, is not made out. Regardless of how the judgment frames it, the Osman test continues to apply in the same way here as in other contexts triggering the State’s Article 2 preventive obligation; the Court’s domestic violence case-law has continued to apply a strict Osman test without any alterations. Diluting the Osman standard, to take account of the nature of different types of fatal criminal offences between individuals, will simply impose an unrealistic burden on law enforcement authorities. Again, the law, even human rights law, has its limits.

10. Furthermore, and importantly, the applicable principles, as summarised at §§ 129-130 of Opuz v. Turkey, are not fully reflected in the majority’s judgment which, in parti­cular, fails to take account of the difficulties in policing modern societies, the unpredictability of human conduct and the operational choices which must be made in terms of priorities and resources, the Court being required to interpret the scope of the Article 2 positive obligation in a way which does not impose an impossible or disproportionate burden on the authorities. Indeed, “the need to ensure that the police exercise their powers to control and prevent crime in a manner which fully respects due process and other guarantees which legitimately place restraints on the scope of their action to investigate crime and bring offenders to justice, including the guarantees contained in Articles 5 and 8 of the Convention”, is a particularly relevant consideration in cases such as these (see Opuz, § 129).

11. It is unclear what Convention-compliant measures the police could have taken on the night in question to avoid the ultimate tragic outcome. Despite finding, in paragraph 122 of the judgment, that possible measures were in existence at the relevant time, the majority fails both to specify the minutiae as well as to explain the feasibility of maintaining adherence to due process and Convention guarantees in the deployment of such measures. In the absence of any evidence or alle­gations of violence, the police lacked sufficient grounds to detain A.T. His lethal attack that evening, predicated as it was on volatile and unpredic­table human behaviour rather than ongoing and repeated direct or indirect threats to life, could not in my view have been reasonably foreseen by the police.

12. Judge Eicke argues in his partly concurring, partly dissenting opinion, that there seems to be no obvious reason why any short-term preventative intervention by the police authorities, whether in the form of an enforced return to hospital or otherwise, until (and only until) the applicant’s husband was sober would have been inconsistent with his rights either under Article 5 or Article 8 of the Con­vention. However, in my view the Court should be very careful in making findings on the possible legality of hypothetical police measures under Article 5 when such arguments have neither been raised before it nor the domestic courts.

13. Importantly, it has in no way been demonstrated before this Court that the arrest or detention of A.T. on 25 November 2013 could have been lawful under Article 5 § 1 (c), since, in the terms of that provision, there was no reasonable suspicion of him having committed an offence. Nor could his arrest or detention have been reasonably considered necessary to prevent his committing an offence, since, as was apparent both from the situation as seen by the police and from the exchanges with the applicant and her son, no threats had been made and no actual violence had occurred. On what basis, then, could he have been detained, arrested or held at a hospital against his will, bearing in mind that having a “reasonable suspicion” presupposes the existence of facts or infor­mation which would satisfy an objective observer that he may have committed an offence and that there can clearly not be a “reasonable suspicion” if the acts or facts held against him, such as being drunk at home, did not constitute a crime at the time when they occurred?

14. The fact remains that, tragically, on 25 November 2013 the police did all they could by physically removing him from the premises in taking him to hospital, but they could not have kept him there by force. Furthermore, unlike Judge Eicke, I am unable to accept that the facts surrounding the police inter­vention on the street at 2.25 am on the night in question provided the police with any actionable information, even when reasonably viewed in context with other available information, about a real and immediate risk to the lives of the applicant and her children. In fact, with the exception of the drunken state of the applicant’s husband, which alone does not suffice for these purposes, there were no comments, threats or other behavioural signs that could have justified the deployment by the police of operational measures of arrest or detention at that point.

15. In short, the doctrine of positive obligations cannot remedy all human rights violations occurring in the private sphere if due process considerations, also worthy of Convention protection, are not to be rendered obsolete. In other words, it is true that the States are under a Convention-based positive obligation effec­tively to combat domestic violence. But that fight, like any other campaign by Government to safeguard the lives and protect the physical integrity of its citizens, must be fought within the boundaries of the law, not outside them.

16. Finally, it is all too easy to review tragic circumstances with the benefit of hindsight and impute responsibility where, on an objective and dispassionate analysis, there can be none. There is a limit on how far positive obligations under Article 2 can extend to shield victims from unforeseen attacks without imposing unrealistic obligations on the police accurately to forecast human behaviour and to act on those prognostications by unduly restricting other Convention rights. Although it may be tempting to dilute legal concepts such as the Osman test when faced with heart-rending facts and give solace to individuals in situations such as that of the applicant, there are reasons why the threshold under the Convention is set high, and, in my view, why it must continue to remain so. Even in the field of domestic violence the ends cannot justify the means in a democratic society governed by the rule of law.

III. Systemic gender discrimination under Article 14 of the Convention

17. Judge Eicke and I are in agreement that a case for a violation of Article 14 of the Convention, taken in conjunction with Article 2 and 3, has not been made out on the facts and the materials before the Court and I largely agree with his reasoning in his separate opinion. I would only like to highlight the following elements.

18. The Court has previously concluded, in the landmark Opuz judgment, that general discriminatory judicial passivity creating a climate conducive to domestic violence entails a violation of Article 14 of the Convention, read in conjunction with Articles 2 and 3 (see Opuz, §§ 198 and 202). It has further stated that this conclusion will be reached where the actions of the authorities are not a simple failure or delay in dealing with violence, but amount to repeatedly condoning such violence and reflect a discriminatory attitude towards an applicant as a woman (see Eremia v. the Republic of Moldova, § 89). Having regard to this high threshold and the previous findings made under this provision with respect to Italy in the case of Rumor v. Italy, I cannot subscribe to the majority’s findings that the inaction of the authorities, as manifested in the present case, reflects systemic gender-based discrimination, since there is insufficient evidence to show general and discrimin­atory passivity of the kind previously established in the Court’s case-law.

19. The Court in Opuz made clear the elements tending to show an Article 14 violation in this sphere. It made reference to the overall unresponsiveness of the judicial system and the impunity enjoyed by aggressors. In particular, it noted the manner in which female victims were treated at police stations, with reports indicating that when they reported domestic violence, police officers tried to persuade them to return home and drop their complaint, seeing the problem as a family matter with which they could not interfere. The perpetrators of domestic violence did not seem to receive dissuasive punishments, with the courts mitigating sentences on the grounds of custom, tradition or “honour”. These findings were confirmed in Halime Kılıç v. Turkey, the Court highlighting the wilful refusal of the authorities to accept the seriousness of the incidents of domestic violence. In regularly turning a blind eye to the repeated acts of violence and death threats, the authorities had created a climate that was conducive to domestic violence. In both cases, the Court found that the inactivity, delays and, in particular, attempts to dissuade women from lodging complaints that characterised the treatment of domestic violence claims in Turkey stemmed directly from the discriminatory attitudes of the authorities.

20. In contrast, and more in line with the facts of the present case, in A. v. Croatia, no. 55164/08, § 97, 14 October 2010, the Court concluded that there was insufficient statistical or other information disclosing an appearance of discriminatory treatment of female victims of domestic violence on the part of authorities such as the police, law enforcement or healthcare personnel, social services, prosecutors or judges. The applicant did not allege that any officials had tried to dissuade her from pursuing the prosecution of the aggressor or giving evidence against him, or that they had tried in any other manner to hamper her efforts to seek protection against his violence. The Court thus declared the applicant’s complaint under Article 14 inadmissible, since she had failed to provide sufficient evidence that the practices adopted in Croatia as regards domestic violence were discriminatory.

21. Importantly, the Court has previously found that where the legislative framework cannot be said to be discriminatory, even if not all the sanctions and measures ordered or recommended are in fact complied with, this failure “does not in itself disclose an appearance of discrimination or discriminatory intent on the basis of gender” (see A. v. Croatia, § 101). Thus societal discrimination and high levels of domestic violence, as referenced by the judgment at paragraph 146, are not, in and of themselves, enough to ground a finding of an Article 14 violation; it is the legislative framework and its application by the national authorities that falls to be considered. In this regard, both in its substantive consideration of Articles 2 and 3 as well as in the Article 14 context, the judgment fails to take proper account of the Court’s finding in Rumor v. Italy, in the context of Article 3, that “the authorities had put in place a legislative framework allowing them to take measures against persons accused of domestic violence and that that framework was effective in punishing the perpetrator of the crime of which the applicant was victim and preventing the recurrence of violent attacks against her physical integrity” (see Rumor v. Italy, § 76). Although, as the judgment notes, that case may have concerned a different set of facts, the system at issue is the same. Since the impugned failings were not rooted in the discriminatory intent of the authorities but rather in pure passivity, they do not provide grounds for departure from the Article 14 conclusions previously drawn in respect of Italy.

22. The international materials on which the majority relies in its finding of an Article 14 violation also fail to point to a discriminatory failing in the system. Although the 2010 CEDAW Concluding Observations (see paragraph 57 of the judgment) noted that the increasing rate of femicides may lead one to think that the Italian authorities are not sufficiently protecting women, the UN Special Rapporteur concluded in 2012 that the legal framework in Italy “largely provides for sufficient protection for violence against women” (see paragraph 68 of the report cited by the majority at paragraph 59 of the judgment). Where the Court has previously relied on international reports in this sphere, the criticisms therein have undoubtedly been more unequivocal. For instance, in Mudric v. the Republic of Moldova, the Court was of the view that the findings of the Special Rapporteur supported “the impression that the authorities do not fully appreciate the seriousness and extent of the problem of domestic violence and its discriminatory effect on women” (see Mudric, § 63).

23. Ultimately, the finding in Rumor combined with the Opuz threshold makes it clear that there is insufficient evidence of institutional discrimination in Italy to ground a finding of an Article 14 violation. The relevant framework is still one that is effective, regardless of whether all the measures it provides for were, in the instant case, deployed (see A. v. Croatia, § 101).

 

[1] Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence.

[2] Explanatory Report to the Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence, para. 265.