Corte europea dei diritti dell’uomo
(Prima Sezione)
5 giugno 2012
AFFAIRE
Immobiliare Cerro S.A.S. c. Italie
(Requête n. 35683/03)
ARRÊT
(Satisfaction équitable)
STRASBOURG
Cet arrêt deviendra définitif
dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir
des retouches de forme.
En
l’affaire Immobiliare Cerro
S.A.S. c. Italie,
La Cour européenne
des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée
de :
Nina Vajić, présidente,
Peer Lorenzen,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Guido Raimondi,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,
Après en avoir
délibéré en chambre du conseil le 15 mai 2012,
Rend l’arrêt que
voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A
l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 35638/03)
dirigée contre la République italienne et dont une société de droit italien, la
société Immobiliare Cerro
s. a. s. (« la requérante »), a saisi la Cour le 31 octobre 2003
en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme
et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Par un
arrêt du 23 février 2006 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé
que l’ingérence dans le droit au respect des biens de la requérante n’était pas
compatible avec le principe de légalité et que, partant, il y avait eu
violation de l’article 1 du Protocole no 1 (Immobiliare
Cerro s.a.s. c.Italie,
no 35638/03, §§ 85-89, 23 février 2006).
3. En
s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, la requérante réclamait une
satisfaction équitable de 12 535 093,44 EUR, somme correspondant à la
valeur vénale du terrain plus une indemnisation pour non-jouissance du terrain
et la plus-value apportée au terrain par l’existence de l’ouvrage public. Elle
demandait également une somme à titre de dommage moral et le remboursement des
frais encourus devant les juridictions nationales et devant la Cour.
4. La
question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas
en état pour le dommage moral, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement
et la requérante à lui soumettre par écrit, dans les trois mois, leurs
observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout
accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 98, et point 3 du
dispositif).
5. Le
délai fixé pour permettre aux parties de parvenir à un accord amiable est échu
sans que les parties n’aboutissent à un tel accord. Tant la requérante que le
Gouvernement ont déposé des observations.
6. Le 3
octobre 2006, le président de la chambre a décidé de demander aux parties de
nommer chacune un expert chargé d’évaluer le préjudice matériel et de déposer
un rapport d’expertise avant le 22 décembre 2006.
7. Lesdits
rapports d’expertise ont été déposés dans le délai imparti.
EN FAIT
8. Les
faits survenus après l’arrêt au principal peuvent se résumer comme suit.
9. Par
un arrêt du 7 juin 2006, la cour d’appel de Milan condamna la municipalité de Cerro Maggiore à payer à la
requérante une indemnité d’occupation légitime de 31 592,70 EUR pour la
période entre 1974 et 1979.
10. Il
ressort du dossier que cette somme a été payée à la requérante.
EN DROIT
11. Aux
termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour
déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le
droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer
qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la
partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
matériel
12. Au
titre de préjudice matériel, la requérante sollicite le versement de
12 535 093,44 EUR, somme résultant de l’addition de la valeur vénale
du terrain avec l’indemnisation pour non-jouissance du terrain à compter de
1974 et la plus-value apportée au terrain par l’existence de l’ouvrage public.
13. Le
Gouvernement s’y oppose.
14. La
Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation de mettre un terme à la
violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que
faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis
c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, §
32, CEDH 2000-XI).
15. Elle
rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], nº 58858/00, 22
décembre 2009), la Grande Chambre a modifié la jurisprudence de la Cour
concernant les critères d’indemnisation dans les affaires d’expropriation
indirecte. En particulier, la Grande Chambre a décidé d’écarter les prétentions
des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur des terrains
à la date de l’arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour évaluer le
dommage matériel, du coût de construction des immeubles bâtis par l’Etat sur les terrains.
16. Selon
les critères fixés par la Grande Chambre, l’indemnisation devrait correspondant
à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriété,
telle qu’établie par l’expertise ordonnée par la juridiction compétente au
cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que l’on aura déduit la somme
éventuellement octroyée au niveau national, ce montant devrait être actualisé
pour compenser les effets de l’inflation et être assorti d’intérêts.
17. En
l’espèce, la requérante a perdu la propriété de son terrain le 4 février
1979. Il ressort de l’expertise ordonnée par le tribunal au
cours de la procédure nationale que la valeur du bien à cette date était de
506 553 000 ITL, soit 261 600 EUR (paragraphe 10 de l’arrêt au
principal). En outre, la requérante n’a reçu aucune indemnité d’expropriation
au niveau national.
18. Compte
tenu de ces éléments, la Cour estime raisonnable d’accorder à la requérante la
somme de 2 450 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû à titre
d’impôt sur cette somme.
19. Reste
à évaluer la perte de chances subie par la requérante à la suite de
l’expropriation litigieuse. La Cour juge qu’il y a lieu de prendre en
considération le préjudice découlant de l’indisponibilité du terrain pendant la
période allant du début de l’occupation légitime (1974) jusqu’au moment de la
perte de propriété (1979). Du montant ainsi calculé sera déduit la somme
déjà obtenue par la requérante au niveau interne à titre
d’indemnité d’occupation (paragraphe 9 ci-dessus). Statuant en équité, la Cour
alloue à la requérante 2 000 EUR pour la perte de chances.
B. Dommage
moral
20. La
requérante sollicite le versement de 450 000 EUR au titre de préjudice
moral.
21. Le
Gouvernement estime que la somme demandée par la requérante est excessive et
s’en remet à la sagesse de la Cour.
22. La
Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face à la
dépossession illégale de son bien a causé à la requérante un préjudice moral
important, qu’il y a lieu de réparer de manière adéquate. Statuant en équité,
comme le veut l’article 41 de la Convention, elle décide d’allouer à
l’intéressée 15 000 EUR de ce chef.
C. Frais
et dépens
23. Justificatifs
à l’appui, la requérante demande 39 600,36 EUR pour frais de procédure
devant les juridictions internes et 28 000 EUR pour frais de procédure
devant la Cour.
24. Le
Gouvernement fait valoir que les frais des procédures internes ne sont pas dus
et que les frais concernant la procédure devant à la Cour sont excessifs.
25. La
Cour rappelle que l’allocation des frais et dépens au titre de l’article 41
présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le
caractère raisonnable de leur taux (Iatridis
c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, §
54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne
sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation
constatée (voir, par exemple, Beyeler
c. Italie (satisfaction
équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96,
§ 105, CEDH 2003-VIII).
26. La
Cour ne doute pas de la nécessité d’engager des frais, mais elle trouve
excessifs les honoraires totaux revendiqués à ce titre. Elle considère dès lors
qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des
circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer un montant de
20 000 EUR pour l’ensemble des frais exposés.
D. Intérêts
moratoires
27. La
Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux
d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne
majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Dit
a) que
l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans
les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément
à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes :
i) 2 452 000
EUR (deux millions quatre cent cinquante deux mille euros), plus tout montant
pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;
ii) 15 000
EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt,
pour dommage moral ;
iii) 20 000
EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par
la requérante, pour frais et dépens ;
b) qu’à
compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront
à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt
marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période,
augmenté de trois points de pourcentage ;
2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour
le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 juin 2012, en application
de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren
Nielsen Nina Vajić
Greffier Présidente